lundi 1 octobre 2012
Tord-boyaux.
"Des Hommes sans Loi" (Lawless) de John Hillcoat (USA); avec Shia LaBeouf, Tom Hardy, Jason Clarke, Jessica Chastain, Guy Pearce, Mia Wasikowska...
1931. Dans le comté de Franklin, au coeur de l'Amérique profonde et en pleine Prohibition, les trois frères Bondurant sont des trafiquants d'alcool notoires. Jack, le plus jeune, a des rêves d'indépendance et veut transformer la petite affaire familiale en trafic d'envergure. Howard, le bagarreur, reste loyal malgré l'alcool qui lui ronge la cervelle. Forrest, l'aîné, enfin, se croit indestructible et s'impose en chef voulant protéger sa famille. Face à des flics corrompus, à une justice à géométrie variable et à des gangsters rivaux sans scrupules, la fratrie trace sa route, confrontée aux nouvelles règles d'un monde en totale évolution.
Faisant ici la part belle au code d'honneur de bandits aux grands coeurs, l'australien John Hillcoat poursuit, après un western tourné dans l'Outback ("The Proposition") et une adaptation d'un roman post-apocalyptique de Cormac McCarthy ("La Route"), son exploration d'une Amérique à la fois réaliste et fantasmée.
Accompagné de son éternel complice Nick Cave (pas seulement à la musique mais surtout à l'écriture), il signe ici une oeuvre ultra-référencée dont le clacissisme bon teint est peut-être la limite (certains ce sont demandé ce qu'il faisait en compète à Cannes) mais aussi - et sans doute surtout - la force.
Une mise en scène sobre et minérale, brute de décoffrage et sans aucun lyrisme de mauvais aloi, un soin tout spécifique apporté à la bande-son (et aussi, on y revient, à la musique, avec entre autre une étonnante version bluegrass du "White Light/White Heat" du Velvet Underground), une violence distillée (Arf ! Jeu de mots !) mais tétanisante: le film bâtit sa flamboyance sur une mécanique efficace et bien huilée, redonnant ses lettres de noblesse au gangster movie de jadis.
Même si c'est évidemment dans la relation entre les frangins, toute en affection contenue et en virilité bourrue, que s'épanouit réellement l'histoire.
La reconstitution historique est impressionnante et - alors que d'habitude Hollywood fait rimer "prohibition" avec Al Capone et Chicago - on est cueilli par l'originalité de son approche, qui revient aux sources rurales et même rednecks de l'économie souterraine qui se mit en place à l'époque.
La distribution, quant à elle, est évidemment impressionnante et prend une place importante dans le plaisir que l'on éprouve à voir "Lawless": Jessica Chastain et Mia Wasikowska (même si son personnage est un peu accessoire) sont parfaites, comme l'est le peu connu Jason Clarke dans le rôle de Howard.
Il est juste dommage de voir comme le talent de Gary Oldman est galvaudé à travers un rôle qui frôle la figuration.
Et surtout douloureux de voir comment Guy Pearce surjoue son personnage d'agent spécial fielleux et gominé.
Mais si une seule vraie réserve doit être évoquée, ce sera au niveau de l'écriture.
Bien qu'inspiré d'un livre écrit par le fils ou le petit-fils de l'un des Bondurant - et donc d'une histoire vraie - le scénario du brave Nick Cave s'avère trop cruellement criblé de trous, traversé d'ellipses malheureuses pour réellement convaincre.
Et donne l'impression étrange que l'on ne nous donne pas toutes les infos nécéssaires à la bonne compréhension de l'affaire.
Du coup, on se demande parfois si l'on ne nous a pas posés devant un épisode d'une série quelconque sans que l'on n'aie eu la chance de voir le début.
Et sans que l'on n'aie vraiment non plus l'occasion d'en appréhender la fin.
C'est embêtant, on l'avouera.
Et empêche malgré toute ses qualités "Des Hommes sans Loi" de devenir le grand film - si pas le chef d'oeuvre - qu'il aurait pu être.
On n'est jamais si bien trahi que par les siens, tenez.
Cote: ***
lundi 24 septembre 2012
C'est la rentrée !
Et après quelques semaines de silence radio, Jean Gabin est de retour et commence, pour repartir sur de bonnes bases, par liquider les arriérés de l'été...
-"The Amazing Spider-man" de Mark Webb (USA); avec Andrew Garfield, Emma Stone, Rhys Ifans, Sally Field, Martin Sheen, Embeth Davidtz...
Je vais pas vous faire l'offence de vous résumer à nouveau l'histoire de Peter Parker, comment il vécu, comment il est mort (hein ?).
En gros, vous prenez le premier Raimi (ou n'importe quel vieux numéro de "Strange"), vous remplacez Mary-Jane par Gwen Stacy et le Bouffon Vert par le Lézard et Hey ho ! Let's go !
Donc, la mode est aux reboots (et toujours aux remakes de vieux brols eighties comme le prouvent "Total Recall" ou le prochain "Robocop", rassurez-vous, mais bon: aux reboots quand même).
Et même aux reboots de plus en plus rapides, genre de franchises qui ont à peine dix ans, comme le prouve celui-ci.
On peut, comme d'habitude, se poser des questions quant à la légitimité, l'opportunité et l'originalité de telles choses (et quant au manque subséquent d'imagination de la machine hollywoodienne qui semble de plus en plus devenir un grand brol à recycler) mais baste.
Car ici, donc et en l'espèce, l'upgrade est plutôt réussi grâce à une relecture qui enfonce le sempiternel clou de la crise adolescente et du passage à l'âge adulte de façon assez intelligente et convaincante, convoquant à tour de rôle émotion et humour.
Grâce aussi à un ancrage dans notre époque qui renforce l'empathie et - enfin - à des scènes d'action assez bluffantes, il faut bien le dire.
Le plus produit est quant à lui à chercher du côté de la prestation d'Andrew Garfield qui, malgré les premières réticences, atomise assez efficacement celle du pâle - en comparaison, bien sûr - Tobey Maguire.
Le "moins", malheureusement, c'est le Lézard: un méchant extrèmement peu convaincant car sous-écrit et mal servi par des effets spéciaux lourdements approximatifs.
L'un dans l'autre quand même un bon film de super-héros et une manière pas trop honteuse de relancer le bouzin.
Cote: ***
- "The Dark Knight Rises" de Christopher Nolan (USA); avec Christian Bale, Anne Hathaway, Tom Hardy, Marion Cotillard, Joseph Gordon Levitt, Michael Caine...
Ici, par contre, ça chie ! Huit ans que le Batman a disparu après avoir endossé la responsabilité de la mort du procureur Harvey Dent. Huit ans de clandestinité pour le bien de Gotham, pense-t-il. Mais l'arrivée conjointe d'une mystérieuse cambrioleuse aux obscurs desseins et de Bane, un dangereux bio-terroriste, le forcent bientôt à sortir de l'exil qu'il s'était imposé.
Mon Dieu que c'est long !
Presque trois, heures, milliards ! Mais qu'est-ce qu'ils ont tous avec ça !
D'autant qu'ici, en plus, ce sont les trois premiers quarts d'heure qui sont pénibles et poussifs, s'engluant malgré quelques scènes de bravoure (la scène d'ouverture, digne d'un "James Bond". La première rencontre entre Bruce Wayne et Catwoman) dans une espèce d'interminable exposition à la narration d'autant plus lourdingue que les enjeux sont flous.
Heureusement, une fois le pavé avalé, ça décolle et les deux "dernières" heures, d'une noirceur abyssale, sont tout simplement sidérantes.
Offrant des allers-retours permanents avec ses deux prédécésseurs, ce "Dark Knight Rises", baignant dans un climat apocalyptique aussi fascinant qu'étouffant, s'offre en plus le luxe d'une poignée de scènes proprement mémorables, concluant ainsi la trilogie d'une manière on ne peut plus cohérente.
Reste évidemment quelques scories, dont la désormais célèbre "mort" de Marion Cotillard ou la manière honteuse pour un Vilain de cette envergure dont le personnage de Bane est à proprement parler évacué.
Mais entre lyrisme et noirceur - et bien qu'il eût du être amputé d'une grosse demie-heure - le dernier "Batman" de Nolan met en tout état de cause dignement fin à la saga, tout en se terminant de manière ambigue sur une fin "ouverte" d'une finesse qui sauverait à elle seule l'ensemble du truc.
Et puis Thomas Hardy est soufflant et Anne Hathaway (best Catwoman EVER !!!!! ) renvoie Michelle Pfeiffer dans les limbes avec Tobey Maguire. C'est dire !
Oui, alors bon, allez... Ca reste malgré tout le plus faible des trois...
C'est juste dire à quel point les deux autres étaient bons...
Cote: ***
- "Quand je serai petit" de Jean-Paul Rouve (F); avec Jean-Paul Rouve, Benoît Poelvoorde, Miou-Miou, Claude Brasseur, Arly Jover, Gilles Lellouche...
Et terminons donc avec un "petit" film français, deuxième réalisation de l'ex-Robin Jean-Paul Rouve qui s'offre ici le rôle de Mathias, 40 ans, qui au cours d'un voyage croise un petit garçon qui ressemble étrangement à celui qu'il était au même âge.
Variation douce-amère autour du thème des non-dits, des secrets de famille et de la nostalgie, se posant la sempiternelle question de ce qu'il adviendrait si l'on pouvait revenir en arrière, le second film de Rouve est une oeuvrette mignonne et somme toute légère - malgré son sujet - qui passe cependant de peu à côté de la floche.
La faute au narcissisme de son réalisateur/acteur qui construit tout son film autour de son personnage alors qu'il n'a pas la carrure pour l'interpréter - son perpétuel sourire en coin désamorçant d'entrée toute situation potentiellement émouvante.
Et qui surtout, du coup, gomme tout personnage secondaire, ce qui plombe mortellement l'intérêt du film.
C'est carrément honteux quand on en vient à Claude Brasseur et Gilles Lellouche, réduits à faire de la figuration alors que leur double personnage est essentiel à l'intrigue.
Mais c'est surtout dommageable dans le chef d'un Benoît Poelvoorde, pourtant encore ici très juste et très touchant mais dont le personnage est lui aussi malheureusement sacrifié, laissant le film, gentil et plein de bonnes intentions, tourner à vide autour de son auteur et personnage principal.
Cote: ** (cote "spéciale rentrée")
lundi 27 août 2012
Holy Macaroni !
"Holy Motors" de Leos Carax (F); avec Denis Lavant, Edith Scob, Michel Piccoli, Kylie Minogue, Leos Carax, Eva Mendes...
A bord de sa limousine conduite par la fidèle et énigmatique Céline, Monsieur Oscar, de l'aube à la nuit, navigue de vie en vie, de rôle en rôle. Tour à tout PDG, mendiante, comédien de motion-capture, créature vivant dans les égouts, père de famille, tueur, vieillard mourant, il semble jouer la comédie sans jamais que l'on ne voie les caméras...
Voici donc cette fameuse Huitième Merveille du Monde sur laquelle les critiques (français essentiellement plus une petite frange de belges francophones) se sont extasiés, hurlant au scandale lorsque la Palme d'Or lui échappa.
Un film que j'allais voir la bave aux lèvres tant l'effet d'annonce était important, le pitch intrigant et la bande-annonce, il est vrai, alléchante.
Amateur de nouvelles cinématographies, de celles qui innovent et qui ouvrent des portes (cfr. "Tree of Life", certains Lynch ou le récent "Oncle Boonmee..." auquel ce "Motors" fait parfois bizarrement penser - par un je-ne-sais-quoi d'intangiblement onirique), je m'attendais à trouver ici un objet filmique intrigant mais passionnant.
Que me voilà donc dépourvu, lorsque la bise fut venue, de me retrouver devant ce gros soufflé prétentieux, poético-pouët-pouët et moité retombé avant même d'avoir gonflé.
Certes, certes, il y a ici de la beauté (formelle) et quelques fulgurances évidentes (la scène avec Kylie Minogue, l'apparition fantômatique de Piccoli, les accordéons dans l'église, le double-tueur et c'est à peu près tout).
Certes, l'on comprend bien la mise en abyme et la citation (voire l'auto-citation) en forme de "lettre d'amour" au cinéma (au sien, bien sûr, ce qui est déjà limite point de vue prétention, mais aussi à celui de Godard, de Franju, au cinéma de genre qu'il soit d'hier ou d'aujourd'hui - cfr. l'inutile et pénible séquence de motion-capture, etc.).
Bien sûr on comprend bien le sous-texte sur le travail d'artiste et particulièrement les entraves - réelles il est vrai - dont souffrit Carax lui-même.
Et que dire de la métaphore ultime - et ultimement lourdingue - du cinéma-miroir de la vie (et réciproquement et plus si affinités et merci bonsoir) ?
Alors aussi, bien sûr, évidemment et autres exclamations que ce monument semble appeler à tout prix, Denis Lavant est génial et donne tout, jonglant avec les genres comme avec les langages et avec les déguisements.
Et Edith Scob, impériale, fait plus que lui rendre la pareille.
Mais hélas. Trois fois hélas ! Il n'y a pas à tortiller: dans l'ensemble "Holy Motors" reste imbitablement chiant, abscon, abstrus, obscur et prétentieux.
A l'image d' "Adaptation." et d'autres films de petits branleurs intellos généralement new-yorkais (comme quoi tout arrive), malgré son apparente honnêteté et son enthousiasme fortuit, "Holy Motors" ressemble avant tout à l'un de ces films pour happy-fews, pour V.I.P. arpenteurs d'avant-premières et de visions de presses.
Un de ces films qui semble destiné uniquement à un public choisi par le cinéaste parmis ses pairs: critiques, scénaristes, acteurs et autres professionnels de la profession...
Un OVNI cinématographique, oui, pour utiliser une expression à la mode.
Mais tellement autocentré qu'il en devient parfois ridicule.
Et un OVNI qui ne manque finalement pas de commettre l'outrage ultime: celui de laisser le public sur le carreau.
Pire: de se moquer de lui !
C'est bien simple, par moment on a l'impression de voir Carax derrière l'écran, riant sous cape du bon tour qu'il vient de nous jouer.
Et ça, eh bien c'est juste désagréable.
Cote: *
lundi 20 août 2012
The Bop Decameron.
"To Rome With Love" de Woody Allen (USA); avec Ellen Page, Woody Allen, Penélope Cruz, Jesse Eisenberg, Roberto Benigni, Judy Davis...
Un citoyen romain lambda se retrouve du jour au lendemain célèbre sans raison et la proie des médias. Un jeune marié timide venu présenter sa femme à sa famille psycho-rigide se retrouve avec sur les bras une prostituée délurée tandis que son épouse se perd dans la ville. Un jeune étudiant en architecture tombe amoureux de la meilleure amie de sa compagne, une actrice névrosée et manipulatrice. Un agent artistique à la retraite découvre que le père de sa future bru est un chanteur d'opéra de génie qui s'ignore. Tous ces personnages et quelques autres se croisent sans vraiment se rencontrer dans le décor splendide de la Ville Eternelle.
Après Londres, Barcelone et Paris (et en continuant, après "Vicky Cristina Barcelona" et "Minuit à Paris" son exploration des titres de films les plus platement premiers degrés possibles), Woody Allen pose donc pour notre plus grand plaisir ses bagages et sa caméra à Rome (oui, c'est écrit dans le titre, suivez un peu).
Et si, à l'instar de la précédente étape parisienne, il n'évite pas les clichés inhérents au genre et un certain côté "carte postale" - à l'enthousiasme heureusement très communicatif (ça donne envie de visiter Rome, oui. Et pas qu'un peu), il le fait visiblement en s'amusant comme un petit fou.
Et ce plaisir est franchement communicatif.
Car cette comédie patchwork qui réunit un bel aréopage d'acteurs de tous horizons - des locaux aux américains, des habitués aux représentants de la jeune génération - multiplie les mini-intrigues cocasses, les histoires les plus folles, parfois parfumées d'un certain surréalisme voire d'une touche de fantastique, sur un thème commun - outre la romance, bien sûr, qui en est comme toujours le moteur: l'homme et sa soif de reconnaissance, de grandeur, de succès à tout prix, quelle qu'en soit la forme.
En celà, deux segments se détachent; celui mettant en scène Benigni (étonnament sobre dans un rôle qui semblait pourtant taillé pour tous les excès) complètement dépassé par un succès soudain et incompréhensible, se retrouvant interviewé au journal de 13h pour savoir ce qu'il a mis sur ses tartines le matin...
Et celui ou Allen lui-même découvre que le père de sa future belle-fille, croque-mort de profession, est un génie de l'opéra qui s'ignore.
Seul bémol: il n'arrive à chanter que sous sa douche !
Qu'à cela ne tienne, Woody-l'imprésario qui a lui même plus soif de célébrité que sa future star et qui vit sa retraite comme une petite mort (thème allenien s'il en est) à plus d'un tour dans son pot !
Et s'en va trouver un hilarant palliatif à l'affaire, renouant pour le coup avec le burlesque de ses premiers films tels que mis en abîme dans l'excellent "Stardust Memories" ("Bananas", "Woody et les Robots", "Guerre et Amour" et quelques autres).
Entre ces deux highlights, comme disent les américains, Woody lie la sauce avec deux autres "sketches" plus classiques mais toutefois eux aussi très personnels car ressassants des quiproquos amoureux mêlant nostalgie douce-amère, humour juif et - pour le coup - faconde italienne.
Et comme ceux-ci permettent à Ellen Page et Penélope Cruz de briller dans des rôles très différents et à Alec Baldwin d'introduire un intéressant personnage de mentor dont on se demande souvent si il n'est pas une pure production de l'imagination de Jesse Eisenberg eh bien, on y trouve également suffisamment de quoi se mettre sous l'oeil et sous la dent pour ne pas s'ennuyer et savourer l'ensemble comme un apéro sur une terrasse romaine.
Reste évidemment que "To Rome With Love" est un faux film choral dont les différentes parties s'entrecroisent sans jamais vraiment se rencontrer.
Et qu'au final, quand est venu le temps de cloturer la chose, ce n'est pas face à une mais bien quatre fins que l'on se retrouve confronté.
Et que donc ça tire en longueur et qu'on a l'impression que ça ne sait jamais très bien finir.
Fois quatre !
Mais outre ce bémol on est quand même très content d'avoir passé une heure quarante dans une ville magnifique, au milieu d'une troupe d'acteurs splendides, au sein d'un scénario qui bouillonne du génie d'un Woody Allen dont on se dit que, décidément, le climat européen lui va plutôt bien.
Très bien, même.
Et si ce n'est pas ça le plus important, hein...
Cote: ***
lundi 13 août 2012
Lochfuls of Lagavulin*
"La Part des Anges" (The Angels' Share) de Ken Loach (UK); avec Paul Brannigan, Jasmin Riggins, Joe Henshaw, Gary Meitland, William Ruane, Roger Allam...
A Glasgow, Robbie, délinquant en voie de rédemption et tout jeune père de famille, est en permanence rattrapé par le passé. Epongeant une ultime peine de travaux d'intérêts généraux, il se lie d'amitié avec ses compagnons d'infortune: Mo, Rhino et Albert. Henri, leur éducateur, devient peu à peu leur mentor en les initiant clandestinement au monde du whisky, sa passion. De visites de distilleries en dégustations huppées, Robbie se découvre un vrai don de dégustateur. De quoi tenter une ultime arnaque ?
Courroné de manière inattendue par le Prix Spécial du Jury (qui est normalement là pour récompenser... hum... un jeune cinéaste) lors du dernier festival de Cannes et précédé par une campagne d'affichage pour le moins décalée ("No Rules, Great Loach", rappelez-vous), le douzième film de la Dream Team du cinéma britannique - Ken Loach et son scénariste Paul Laverty - emprunte les chemins de la comédie pour nous livrer le plus insolite des feel-good movies de l'été.
Que l'on ne s'y trompe pas, l'aspect social est là et bien là et Loach n'a rien perdu de sa causticité et de sa lucidité face à un monde de laissés-pour-compte pour lequel il ne cache pas une véritable tendresse.
Et on le retrouve toujours aussi prompt à dénoncer de manière percutante le sort infligé à une certaine jeunesse se retrouvant le plus souvent sans aucune perspective d'avenir.
Seulement il le fait ici en prenant le parti d'en rire via le biais d'une sorte de conte naïf et touchant, qui démarre à fond dans le réalisme (bien que la scène d'ouverture soit l'une des plus hilarantes du film) pour mieux emprunter ensuite les routes moins balisées du burlesque avant de se terminer en dérapage contrôlé dans les brûmes alcoolisées d'une entourloupe surréaliste.
Sans oublier, en plus, un happy-end incongru mais revigorant.
A la fois comique et tragique, "La Part des Anges", qui se permet en plus le luxe d'une certaine badinerie à mi-parcours sous forme de promenade dans les magnifiques paysages écossais sur fond de vieille rengaine des Proclaimers ("I'm Gonna Be (500 Miles)"), n'en reste pas moins un film engagé qui ressasse de manière obstinée la fixette de Loach pour une certaine Grande-Bretagne en déliquescence sociale.
Sous laquelle perce de manière réjouissante le portrait d'une humanité complexe incarnée par une bande d'acteurs pas ou peu connus aux trognes inénarrables et aux accents du même tonneau.
Oscillant sans cesse entre rire et larmes (la rencontre entre Robbie et l'une de ses anciennes victimes est tout simplement bouleversante) "La Part des Anges" se déguste finalement facilement et revigore comme un bon Single Malt.
Distillé et servi par un duo d'esthètes.
Cote: ****
(* Oui, oh ! Je peux aussi me citer moi-même, hein !)
vendredi 10 août 2012
Dans la forêt lointaine...
"Blanche-Neige et le Chasseur" (Snow White and the Huntsman) de Rupert Sanders (USA); avec Kristen Stewart, Chris Hemsworth, Charlize Theron, Bob Hoskins, Lily Cole, Toby Jones...
Embastillée pas sa cruelle marâtre, la reine Ravenna, qui suite à la mort du roi tente de faire main basse sur le royaume de Tabor, la jeune princesse Blanche-Neige - dont la beauté seule peut tenir la dragée haute à celle de sa belle-mère - réussi à s'évader et à se réfugier dans la Forêt Noire. Là, formée au combat par le vaillant chasseur lancé à ses trousses et qui a opportunément tourné casaque, elle fomente une rébellion et lève une armée pour libérer le pays du joug de son impitoyable belle-doche.
Il est sûr et certain que le traitement dark fantasy réservé au conte des frères Grimm (mes lointains ancêtres, si !) par le néo-réal Rupert Sanders (dont le principal fait d'arme en dehors de celui-ci aura été de défrayer la chronique en enlevant son actrice principale des bras du fadasse Robert Pattinson) lui va plutôt bien au teint.
Et que ce relookage martial et gothique qui cite aussi bien Tim Burton que Peter Jackson, voire même l'inaugurale version Disney dans ce qu'elle avait de plus sombre (la première incursion de Blanche-Neige dans la forêt, très horrifique avec ses angoissants arbres vivants) constitue, combinée avec un assez évident sens du grand spectacle, particulièrement dans les scènes de combat, l'un des principaux atouts du film (pour l'autre: voir plus bas).
Hélas, trois fois hélas, le scénario ne suit pas et l'idée de départ, pourtant bonne, de confronter deux univers s'étiole progressivement jusqu'à s'éteindre.
Le principal problème étant que les deux univers se cotoient sans jamais se frotter l'un à l'autre, donnant à l'aspect "heroïc fantasy" de l'affaire un côté "pièce rapportée" qui ne colle jamais et ressemble plus à un artifice un peu vain.
D'autant plus dommage qu'outre le côté visuel il y a quand même l'une ou l'autre bonne idée (et l'un ou l'autre plantage magistral comme celui de l'évasion de Blanche-Neige qui trouve par miracle un cheval pour s'enfuir, couché à même la plage) et que les Sept Nains, présentés comme des Hobbits à la retraite et interprêtés par une ribambelle d'acteurs british top notch (Bob Hoskins, Ray Winstone, Toby Jones, Eddie Marsan, Ian McShane, Nick Frost...) sont drôles et savoureux.
Mais bon, malgré tout... Ca reste long et creux, principalement.
Reste qu'après "Sur la Route" et les "Twilight" Kristen Stewart, lookée comme Jeanne d'Arc, continue ici son grand écart cinématographique mais ne trouve malheureusement pas beaucoup de grain à moudre dans ce rôle fade et presque désincarné.
D'autant qu'elle doit répondre à un Chris Hemsworth décidément expressif comme une banquette en bois.
Et l'omniprésente et toujours formidable Charlize Theron fait malheureusement mentir l'adage hitchcockien selon lequel plus un méchant est réussi, meilleur est le film.
C'est elle et son talent vénéneux qui constituent la principale attraction du film, certes.
Mais ça n'empêche pas celui-ci d'être un laborieux semi-plantage.
Cote: *
lundi 30 juillet 2012
No future, et après ?
"Le Grand Soir" de Gustave Kervern et Benoît Delépine (F); avec Benoît Poelvoorde, Albert Dupontel, Brigitte Fontaine, Areski Belkacem, Bouli Lanners, Serge Larivière...
Monsieur et Madame Bonzini tiennent un restaurant, "La Pataterie"; dans un zoning commercial. Leur fils aîné, Ben, dit "Not", est prétendument le plus vieux punk à chien (et quel chien !) d'Europe. L'autre, Jean-Pierre, est un cadre commercial stressé par son boulot dans un magasin de literie, par ses traîtes et par son prochain divorce. Après avoir pété les plombs dans les grandes largeurs il se retrouve licencié, ce qui le rapproche de son déjanté frangin...
S'il y a bien quelque chose d'admirable dans le cinéma de Kervern et Delépine, c'est sa permanente évolution.
D' "Altraa" en "Louise-Michel", de "Mammuth" en "Grand Soir", tant sur le fond que sur la forme, leurs films évoluent sans cesse pour un mieux, comme si ils ne cessaient d'apprendre et de se nourrir de leurs erreurs passées, de leurs rencontres, de leur expérience et de la vie.
De plus en plus maîtrisés d'un point de vue technique et formel - même si leur manière de filmer, disons, frontale est encore là et bien là, comme une marque de fabrique - il s'affinent d'un opus à l'autre, y ajoutant une photo de plus en plus belle, même si toujours très âpre, et - cette fois plus encore que dans les précédents - de vraies idées de mise en scène (la scène d'ouverture, le gimmick des caméras de surveillance...).
Sur le fond, tout en jouant la carte de la comédie loufoque ou du conte social déjanté, ils signent ici un film sans doute plus noir et plus désabusé encore que les précédents, tout en se débarrassant enfin des oripeaux qui ornaient ceux-ci et pouvaient - du moins jusqu'à "Louise-Michel" - les voir se faire taxer de cynisme ou de "fausse humanité", regardant leurs personnages d'un oeil finalement plus méprisant que ce qu'ils voulaient admettre.
On sent au contraire ici une vraie tendresse pour ces losers magnifiques qu'ils mettent en scène de manière à la fois poétique et délirante, avec une énergie punk débordante et un sens du comique pleinement assumé.
Car avant tout "Le Grand Soir" est drôle.
Très drôle.
Extrèmement drôle.
A se pisser dessus, même.
Aussi bien au niveau des dialogues (celui entre Bouli et Poelvoorde à propos de la maison de Oui-oui est tout simplement anthologique) que des situations (le gâteau d'anniversaire, les "courses" de Poelvoorde avec la vieille dame, le suicide, la "danse" devant la pizzeria, le licenciement de Dupontel, la recherche d'emploi... On ne saurait pas les citer toutes) ou des apparitions des "habitués" (Depardieu en bonnet péruvien lisant l'avenir dans l'eau-de-vie pulvérisant tous les records de caméos passés, présents et à venir, quel que soit le film), "Le Grand Soir" casse toutes les baraques à frites humoristiques possibles et imaginables.
Mais avec son constat en demi-teinte et malheureusement lucide sur l'inutilité des appels à la révolte (qui renvoie plaisamment à la mode actuelle des Indignés), le film se veut également touchant, émouvant même.
Drôle et triste à la fois.
En composant un personnage magnifiquement fragile et borderline, tellement à fleur de tout qu'il en file le vertige, Poelvoorde trouve ici sans doute le plus beau rôle de sa carrière, so far.
D'autant plus impressionnant qu'il arrive à ne pas "faire du Poelvoorde" avec un personnage qu'on aurait pu croire écrit pour ça.
Il est même à ce point impressionnant qu'il arrive presque à éclipser un Dupontel pourtant lui aussi en toute grande forme (olympique, allez, c'est de saison).
Et, fort de tout ces atouts, "Le Grand Soir" se déroule.
Lucide, débonnaire, sombre, salutaire, jusqu'à un final sublime, d'une intensité folle qui prouve bien toute la démesure à la fois lyrique et anar du duo grolandais, sublimant un film globalement impeccable jusque dans ses dérapages.
Si il n'y avait pas les Wampas, allez, ce serait presque parfait.
Cote: ***
lundi 23 juillet 2012
Hit the Road, Jack !
"Sur la Route" (On the Road) de Walter Salles (USA); avec Sam Riley, Kristen Stewart, Garrett Hedlund, Kirsten Dunst, Viggo Mortensen, Amy Adams...
Au lendemain du décès de son père, l'apprenti-écrivain new-yorkais Sal Paradise rencontre le très charismatique Dean Moriarty. Entre eux, c'est une sorte de coup de foudre. Une entente immédiate et fusionnelle. Bien décidés à ne pas se laisser enfermer dans un quelconque train-train, un quelconque carcan, les deux amis décident de larguer les amarres et de prendre la route en compagnie de la très séduisante, très libérée et... très jeune épouse de Dean, Marylou.
Ce n'est pas un mystère (le début d'une histoire ? Euh... Pouf pouf !) je ne suis pas un inconditionnel de l'oeuvre de Jack Kerouac.
Comme tout le monde, j'ai essayé de lire "Sur la Route" à un âge qui me semblait idoine.
Trois fois, je crois.
Et trois fois, ce bouquin m'est tombé des mains.
Certains crieront au scandale, au blasphème, je sais.
Je n'y peux rien, c'est comme ça... Chacun son brol, hein ?
C'est donc plus par curiosité qu'autre chose que je suis allé voir cette adaptation cinématographique de l'oeuvre que certains (les mêmes que ci-dessus, oui), attendaient depuis des lustres avec une impatience parfois difficillement dissimulable.
Pas depuis cinquante ans comme on le lit ici et ailleurs, faut pas pousser... Mais depuis, allez... Vingt, peut-être ?
Depuis que Coppola (qui se contente finalement de produire) a initié ce projet auquel on ne croyait plus trop.
Par curiosité, pour voir si ce livre présumé, comme beaucoup, inadaptable allait passer le cap de l'écran.
Pour son joli casting, aussi (faut bien l'avouer).
Et pour son réalisateur qui, on le sait depuis "Carnets de Voyage", arrive comme peu d'autres à magnifier les grands espaces.
Et de ce côté-là, on peut dire que le défi est relevé.
Haut la main ! (donne-moi... Oh, eh ! Ca va aller ?)
Rarement les Etats-Unis, dans l'extraordinaire diversité de leurs paysages et de leurs saisons (on passe du désert aux forêts, de la côte aux montagnes, du cagnard au blizzard avec une régularité qui fait tourner la tête) auront été à ce point magnifiés.
C'est bien simple, toute la partie "route" (heureusement, me direz-vous) est à ce point enthousiasmante que ça ne donne qu'une envie: prendre son sac et partir à son tour.
D'autant que, dans cette partie-là du moins, la part romanesque portée par chacun des personnages est bien rendue, sans ostentation, sans fausse poésie et rend l'ensemble extrèmement touchant.
Et électrisant, aussi, par la grâce d'un découpage quelque part très "jazz".
Le problème évidemment se situe ailleurs.
Dans les trentes premières minutes (après un court prologue qui lance heureusement bien le truc).
Cet incipit malheureux est justement tout le contraire de ce qui est loué plus haut: ampoulé, péteux, mondain, faussement poète pouet-pouet, rebelle à deux balles et peu crédible (les dialogues, misère ! Mais QUI parle comme ça ? Personne. Jamais.)
A tel point qu'il m'a très sérieusement donné envie de quitter la salle en cours de route.
Ce qui ne m'arrive pour ainsi dire jamais.
Heureusement, je me suis accroché.
Et j'en fut récompensé car, encore une fois, quand ils se mettent à tailler la route: pardon ! Ca s'élève, ça s'envole, ça en met plein les yeux. Non seulement d'un point de vue esthétique (on ne louera jamais assez la photo, somptueuse, d'Eric Gautier) mais également narratif.
Et que dire du casting, glamourissime ?
Garrett Hedlund, parfait de séduction et de veulerie (et bien meilleur que dans cette sous-bouse de "Tron - L'Héritage") , Viggo Mortensen, très drôle en Old Bull Lee/William Burroughs... Kirsten Dunst, Steve Buscemi, Sam Riley...
Et puis, oui !
Voir Kristen Stewart, à poil, branler deux mecs en même temps à l'avant d'une voiture, on dira ce qu'on voudra mais ça change de "Twilight" et plutôt pour un bien...
Mais au bout du compte (on se rend compte... Ah, il suffit, maintenant !), le plus important est sans doute que ce brol traversé de vrais et très impressionnants morceau de pur cinoche, reste pendant longtemps - des jours, des semaines, des mois peut-être - imprimé solidement sur la rétine.
Et c'est peut-être ça, la marque des grands films.
Même de ceux que l'on n'attendais plus.
Cote: ***
lundi 16 juillet 2012
Folie privée.
"A perdre la raison" de Joachim Lafosse (B); avec Emilie Dequenne, Niels Arestrup, Tahar Rahim, Stéphane Bissot, Nathalie Boutefeu, Yannick Rénier...
Mounir vit depuis des années chez le docteur Pinget, lequel l'a fait venir du Maroc, le considère comme son fils adoptif et lui assure depuis toujours le confort matériel. Un jour, Mounir rencontre Murielle. Il s'aiment. Passionénment. Décident de se marier et d'avoir des enfants. Insensiblement, la dépendance matérielle et affective du couple envers le médecin devient de plus en plus excessive. Sa présence de plus en plus envahissante. Murielle se retrouve bientôt enfermée dans une situation quotidienne, un climat, de plus en plus irrespirable. Lequel la conduit de manière inéxorable vers une issue tragique...
Qui l'eût cru ?
Joachim Lafosse, gobalement imbitable en interview et auteur de fictions jusqu'ici à la limite du supportable - du moins en ce qui me concerne (l'hystérique "Nue Propriété" et surtout le très bobo et faussement scandaleux "Elève Libre") aux manettes d'une fiction adaptée "librement" (mais quand même) d'un fait divers local, récent et particulièrement cra-cra, c'était - semble-t-il - tendre le bâton (celui qui sert à remuer la merde, à en croire certains dont nous respecterons le point de vue même si nous ne partageons pas forcément ce genre d'états d'âme) pour se faire battre.
Du moins de prime abord.
Et c'est vrai d'ailleurs qu'il s'est pris un - très léger - retour dudit bâton, même si celui-ci se résuma à quelques borborygmes à peine articulés qui ne l'ont pas empêché de faire le film qu'il voulait, d'une part, et lui ont sans doute, comme c'est souvent le cas dans ce genre d'affaire, fait au final plus de pub que de tort.
Mais ce qui est étonnant dans l'affaire, au-delà de ce débat de fond bien légitime mais somme toute un peu stérile, c'est qu'au final, ce Joachim Lafosse-là a réussi en l'espèce à réaliser un film sobre et digne car gardant toujours une distance respectable avec son délicat sujet.
Une forme de détachement salutaire, même si on ne peut pas vraiment dire qu'il soit entièrement neutre, loin de là (les personnages du mari et du docteur sont quand même assez chargés, il faut bien le dire).
Le scénario bien tenu qui arrive à nous résumer une affaire aussi émotionnellement complexe en à peine 1 h 50 et la réalisation, à la fois digne et poignante (la longue scène en voiture ou Emilie Dequenne éclate progressivement en sanglots en écoutant "Femmes, je vous aime" de Julien Clerc) sont évidemment pour beaucoup dans cette réussite.
Mais au-delà de ce défi formel, c'est du côté de l'interprétation qu'il faut bien évidemment se tourner pour comprendre toute l'ampleur affective (et potentiellement lacrymale, il est vrai) d' "A perdre la raison".
Et de ce côté-là, il est bien entendu juste, voire évident, de saluer la performance impressionnante d'Emilie Dequenne, dont l'implication bouleversante pousse parfois le film dans ses derniers retranchements.
Ajoutons à celà une description on ne peut plus idoine de la dépression nerveuse et l'on se retrouve face à une oeuvre d'une rare intensité, à l'image de sa scène finale, presque tétanisante.
Ne serait-ce ce "je ne sais quoi" étrange qui l'estampille dès le début et sans qu'on ne sache trop pourquoi de l'intangible sceau "film belge", "A perdre la raison" serait presque un film parfait.
Du moins dans les limites de son auteur.
Que l'on attend pourtant au tournant.
Cote: ***
lundi 9 juillet 2012
La vie insulaire.
"Moonrise Kingdom" de Wes Anderson (USA); avec Jared Gilman; Kara Hayward, Bruce Willis, Frances McDormand, Edward Norton, Tilda Swinton...
1965. Sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre, Suzy et Sam, 12 ans, tombent amoureux, concluent un pacte secret et s'enfuient ensemble. Alors que tous, parents, services sociaux, police, amis et troupe de scouts locale, se mobilisent pour les retrouver, une tempête s'approche de la côte, menaçant de bouleverser encore plus la vie de la petite communauté.
De toute beauté !
Ce miniaturiste maniaque et fou de Wes Anderson a poussé ici encore plus loin la logique fofolle de ses précédentes réalisation, "La Vie Aquatique" en tête, pour réaliser une espèce de mètre-étalon de son oeuvre, une sorte de Graal, de Grand Ouvrage.
Car on a affaire ici a un véritable chef-d'oeuvre de mise en place et de mise en scène (plus que de "réalisation" à proprement parler, même si un sens inné du cadrage et de l'utilisation des couleurs est aussi pour beaucoup dans la réussite finale), vibrant de poésie et gorgé d'un humour confinant parfois au burlesque.
Dopé par une direction artistique hors norme (choix des décors, des costumes et des accessoires qui se rapproche parfois d'une zine de collectionneur monomaniaque), une approche scénaristique toujours aussi savoureusement décalée et un sens de la narration pour le moins savoureux, "Moonrise Kingdom" émeut aussi, avec cette histoire d'amour enfantine simple mais ô combien intense.
Une histoire d'amour dont le politiquement incorrect discret rajoute encore à la subtilité et à la diversité de la vibrante palette d'émotions qui colore le film.
C'est emballé avec une virtuosité quasiment affolante (le plan-séquence d'ouverture !).
C'est toujours drôle, c'est toujours poétique et, malgré le côté un peu intello-bobo-new-yorkais de l'ensemble qui pourrait passer pour de la froideur ou du calcul, d'une liberté de ton particulièrement étonnante.
Car, en forçant joyeusement le trait qui traverse en filigrane toute son oeuvre, en se libérant quasiment complètement du joug des adultes, en prenant tout à fait le parti pris de l'enfance et en se jouant de l'autorité avec une légèreté presque confondante, Anderson boucle ici magnifiquement un cycle.
Et en signant ce qui est sans doute son film le plus "andersonien" ouvre en quelque sorte une porte sur de nouveaux horizons, de nouveaux défis.
La troupe de comédiens - fidèles ou non - qui interprète cette jolie partition est évidemment pour beaucoup dans la réussite de l'ouvrage: Bruce Willis en shérif à mèche, Frances McDormand et son mégaphone, Edward Norton, sidérant en chef-scout psychorigide, Bill Murray (qui fait du Bill Murray mais il le fait tellement bien), Bob Balaban et son étonnant costume de poulpiquet ou encore l'immense Harvey Keitel dans un inattendu caméo à moustaches.
Mais ce sont les deux jeunes héros, les nouveaux venus Jared Gilman et Kara Hayward - très décalé pour le premier, confondante de naturel pour la seconde - qui emportent finalement le morceau et finissent d'emporter "Moonrise Kingdom" sur les rivages du conte initiatique et romantique touchant, du genre qui reste durablement imprimé sur la rétine.
Eux, oui... et Françoise Hardy !
Cote: ***
lundi 2 juillet 2012
In the limo.
"Cosmopolis" de David Cronenberg (C); avec Robert Pattinson, Sarah Gadon, Paul Giamatti, Samantha Morton, Mathieu Amalric, Juliette Binoche...Dans un New-York en pleine ébullition, paralysé par une visite présidentielle et les funérailles d'une star du rap, le Golden Boy Eric Paker s'engouffre dans sa limousine. Il n'a qu'une seule idée en tête: traverser la ville - à pas d'homme s'il le faut - afin d'aller se faire couper les cheveux. Alors que le chaos s'installe, il voit petit à petit son monde s'effondrer, miné qu'il est par le cours du yen, sa femme qui s'éloigne de plus en plus de lui... Et même un hypothétique et fantômatique tueur...
Deux Cronenberg pour le prix d'un, c'est ce à quoi on aura donc eu droit cette année (bientôt trois avec la possible sortie du premier long de son rejeton Brandon, "Antiviral", au pitch tellement cronenbergien qu'il fait craindre le pire).
Mais deux Cronenberg fort différents.
Si le premier, "A Dangerous Method", continuait à creuser le sillon "ligne claire" entâmé depuis "History of Violence" et proposait un twist bienvenu dans l'univers du Canadien en s'intéressant plus au mutations de l'esprit que de la chair, celui-ci, par contre, bien que basé sur les mêmes prémices (c'est certainement plus cérébral qu'autre chose, ici aussi, il faut bien le dire) constitue sans doute le film le plus... Cronenberg de Cronenberg depuis, à la louche, allez, disons... "Spider".
Certes - et c'est sans doute ce qui fait sa principale faiblesse - il s'agit à nouveau ici d'un opus bavard, voire verbeux, qu'il vaut mieux ne pas aller voir avec un léger mal de tête.
C'est parfois languide et surtout ça s'écoute parler... La plupart du temps, il faut bien l'avouer, pour ne rien dire.
Mais la bonne nouvelle, c'est que tout ici sent le Cronenberg old-school à plein nez.
La réalisation, d'abord, qui magnifie le décor quasi unique de cette limousine à grand coup de focales distendues et de couleurs froides et métalliques, comme éclairées au néon, tout en se permettant des digressions en milieu urbain crade, sombre, humide et rouillé.
Ca suit le cahier de charges du roman de DeLillo tout en s'en éloignant plaisamment, rendant compte de la déliquescence et de l'effondrement d'un monde (ou d'un système, le capitalisme) d'une manière à la fois métaphorique (la voiture-microcosme) et directe (le yuppie déglingué).
Le tout renvoie de manière (d)étonnante à son oeuvre ultime et séminale, "Vidéodrome", avec son arme quasi organique et son message sur les médias remplacés ici par le milieu de la haute finance.
Sans parler d'un Paul Giamatti génial en métaphore de la révolte des oubliés qui renvoie Eric Paker au rang d'acteur involontaire, ne comprenant pas vraiment ce qui lui arrive, à l'instar d'un James Woods/Max Renn dans le chef-d'oeuvre sus-cité.
Quasiment de tous les plans (non, allez... DE tous les plans), Robert Pattinson, sans convaincre tout à fait encore, prouve néanmoins qu'il a plus de potentiel que dans le pitoyable et récent "Bel Ami" mais demande sans doute encore à être un tantinet malaxé, taillé, plié, voire cabossé avant de rendre enfin tout son jus (si je puis me permettre, bien entendu).
Les autres - à l'exception de l'étonnant Kevin Durand, excellent en garde du corps brutal et cynique - ne font finalement que passer, se mettant parfois au service de scènes (le terrain de basket, la scène finale et la déjà célèbre scène dite de "la prostate de travers", qui risque bien de faire jaser) qui, pour certaines, marqueront sans doute durablement la rétine.
A l'image de l'ensemble de ce cauchemar quasi métaphysique, aux dialogues parfois abstrus mais à la forme délicieusement métallique et distanciée.
Presque désincarnée.
Cote: ***
lundi 25 juin 2012
Dans l'espace, personne ne vous entend gamberger...
"Prometheus" de Ridley Scott (USA); avec Noomi Rapace, Michael Fassbender, Charlize Theron, Guy Pearce, Kate Dickie, Idris Elba...
Un groupe d'explorateurs et de scientifiques découvre une série d'indices sur l'origine de l'humanité sur Terre. Ceux-ci conduisent la multinationale Weyland (pas encore Yutani) à financer une expédition spatiale qui va les conduire jusqu'aux recoins les plus sombres de l'univers. Où un combat terrifiant les attend. Qui décidera peut-être de l'avenir de la race humaine.
Ridley Scott - pardon: Sir Ridley ! - est un petit filou !
Des mois maintenant qu'il joue avec nos nerfs en prétendant que "Prometheus" n'est pas une préquelle de la saga "Alien".
Que c'est tout à fait autre chose, contentant de l'ADN issu de la série d'origine mais nous entraînant vers un autre univers, une autre mythologie.
Que certains éléments d'origines seront bien présent (dont les célèbres "Space Jockeys" qui sont en effet - bien que rebaptisés "Ingénieurs - au centre de ce nouvel opus, à la base de cette nouvelle épopée - parce que ne vous inquiétez pas, ça laisse suffisamment de questions sans réponses et la fin est suffisamment ouverte pour que, box-office plutôt positif aidant, on se laisse aller à croire que des suites vont fleurir, et vite encore).
Que ceci... Que celà...
Que les xénomorphes, tralala... Les face-huggers et les chestbusters oui, mais les xénomorphes... mmmh...
Bref !
Ce qui est sûr en tout cas c'est que préquelle ou pas, Ridley Scott est enfin de retour et qu'il renoue avec un bonheur communicatif avec la verve de ces premières oeuvres...
"Alien", bien entendu, mais aussi "Blade Runner", dont les concepts et les univers visuels - le réal signe aussi ici l'un de ses films les plus plastiquements élégants et visuellements maîtrisés - fusionnent pour donner une sorte de trip viscéral mêlant science-fiction, horreur et thriller métaphysique.
Certes, c'est parfois un peu léger d'un point de vue narratif.
Mais les "trous" volontairement laissés dans l'histoire, les questions posées, les réponses données - ou non - enrobent le tout d'une aura de mystère qui donne à l'ensemble une dimension presque mythologique.
Qui laisse entrevoir les prémices d'une nouvelle aventure qui, tout en nous donnant peut-être les clefs permettant une nouvelle lecture de la quadrilogie précédente, va nous emmener, c'est sûr, plus loin.
Beaucoup plus loin.
Vers l'infini et au-delà !
Et puis, le spectacle en lui-même; direction artistique, effets spéciaux... vaut quand même sacrément le coup d'oeil.
Ainsi que la distibution, impeccablement choisie.
Bien que...
Bien que Noomi Rapace fasse son job en succédané de Sigourney "Ripley" Weaver, ce sont surtout les décidémment incontournables Michael Fassbender et Charlize Theron qui, à la lisière entre froideur et humanité, emportent le morceau.
Allez, donc ! Un premier épisode plus que prometteur, en fin de compte.
Qui fait plaisir à voir et qui donne furieusement envie d'attendre la suite (comment ? pourquoi ?), en tout cas.
Et puis, pour ce qui est des xénomorphes, eh bien...
***end transmission***
Cote: ****
mercredi 20 juin 2012
Mais dites-moi pas que c'est pas vrai !?!?!
Affiche "francophone" du dernier Ken Loach (Prix Spécial du Jury à Cannes), "La Part des Anges", qui sort mercredi prochain et qui a l'air très très bien.
Comédie sociale sur fond de production de WHISKY (Achtung ! Kolossale rikolate !): je ne sais pas si c'est très lisible mais dans l'espèce de macaron dans le coin supérieur droit il est écrit: "NO RULES, GREAT LOACH !".
Je crois qu'après ça on peut crever.
Grand succès ! Grand succès !
"The Dictator" de Larry Charles (USA); avec Sacha Baron Cohen, Anna Faris, Ben Kingsley, Megan Fox, John C. Reilly, Kevin Corrigan...
Le Général Amiral Aladeen dirige d'une main de fer la petite république de Wadiya, dont les ressources pétrolières sont jalousées par certains et les vélléités d'expension nucléaires craintes par d'aucuns. Isolé mais riche, le pays, dirigé d'une main de fer par son Bien Aimé Dictateur depuis son accession au Pouvoir Suprème, reste sourd aux injonctions de l'O.N.U. Mais après l'assassinat d'un ultime sosie présidentiel, Tamir, l'oncle et éminence grise d'Aladeen, persuade ce dernier de se rendre à New-York afin de poser un geste d'apaisement envers les Nations Unies...
Donc alors bon... Ce type est fou !
On s'en doutait, maintenant c'est clair: ce dernier truc achève d'enfoncer le clou.
Bon, oui, il s'essoufle.
Et après "Ali G.", "Borat" et "Bruno", ce "Dictateur" manque sans doute un peu de panache.
Et certainement de renouvellement.
Ca manque de vision et de pure audace.
"Borat" - qui restera sans doute à jamais le mètre-étalon de la comédie "à la" Sacha Baron Cohen dans tout ce qu'elle peut avoir de monstrueux et de sans limite - prenait vraiment des risques, tout en renvoyant aux Zitazunis une piètre image d'eux-memes (souvenons-nous de la scène du rodéo).
Ici, débarrassé de la dimension "caméra cachée" ou "mockumentary", s'aventurant sur le terrain de la pure fiction, le film perd un peu de mordant, avec une intrigue convenue (mais drole) et une réalisation plan-plan (Larry Charles est un piètre faiseur entièrement au service de la vista cohenienne, ce n'est un secret pour personne).
C'est sur, c'est sur.
Maaaaaaaaaaaaaaaaaiiiiiiiiiiiiiiiis...
Malgré tout...
Malgré tout ça reste globalement à se pisser dessus de rire et ça, c'est le principal !
C'est absolument hénaurme quasiment tout le temps, tant au niveau des situations que des gags ou des dialogues, ça reste d'un politiquement incorrect qui défie les lois de la physique (voir de la gravité) et ça tire dans tous les sens, en n'épargnant personne.
Les femmes, les juifs, les homos, les arabes, les handicapés, les religions, les asiatiques, les bobos, les blacks, les enfants... tout le monde ramasse et sévèrement, au détour de scènes parfois purement anthologiques (l'hélicoptère, l'accouchement...). C'est souvent con, c'est sur, mais plus c'est con, plus c'est bon.
D'autant que le mouvement "indigné" global est bien dans la ligne de mire (et que donc: mouarf !).
Et meme si, comme souvent chez SBC, ça peut paraitre de prime abord un brin raciste, ça inverse suffisamment les compteurs sur la fin pour qu'on en sorte certainement pas plus malin mais au moins réjoui.
Parce que riiiiiiiire, qu'on a fait !
Mais riiiiiiiiiiiiire !!!!!!!!!!!
Cote: ***
lundi 11 juin 2012
De sable, de brume et de sang.
"De Rouille et d'Os" de Jacques Audiard (F); avec Marion Cotillard; Matthias Schoenaerts, Céline Sallette, Bouli Lanners, Corinne Masiero, Armand Verdure...
Ali vient du Nord. De Belgique, peut-être. Sans emploi, sans amis, sans attaches, il s'est retrouvé avec sur les bras son fils de 5 ans qu'il connait à peine. Alors il est descendu vers le Sud, le soleil et Antibes. Pour retrouver sa soeur qui va l'aider et l'héberger. Devenu videur dans une boîte de nuit, il rencontre Stéphanie au cours d'une bagarre. Il la reconduit chez elle, ils échangent leurs numéros de téléphone. Elle est dresseuse d'orques au Marineland local. Suite à un accident, elle va se retrouver amputée des deux jambes. Et renouer contact avec lui. Sans pitié, sans compassion, il va l'aider. Et peu à peu, elle va renaître.
Minéral bien que solaire, voilà la première chose qui vient à l'esprit à la vision de ce mélodrame trash de Jacques Audiard, à placer très haut dans la filmographie d'un réalisateur pourtant peu avare de grandes réussites, voire de chefs-d'oeuvre.
Pour donner une idée, le pourtant excellentissime bien qu'à mon sens légérement suréstimé "De battre mon coeur s'est arrêté" est sans doute ce qui se rapproche le plus d'une légère baisse de régime dans sa carrière.
Faut pas demander ?
Non, faut pas demander...
Et celui-ci, dans la lignée (bien qu'en même temps très, très différent) de "Un Prophète", à ce jour LE vrai chef-d'oeuvre d'Audiard, tutoie les sommets.
D'une manière telle qu'on se demande un moment si il ne va pas les dépasser.
Tout ici est en effet à ce point maîtrisé, à ce point tenu et en même temps à ce point bourré jusqu'à la gueule d'émotions, de sensations, de choses en "on" qu'on à l'impression (hop !) qu'à tout moment ça va déborder, craquer, péter ses coutures et nous exploser à la gueule.
Et pourtant non (oui, bon, là, j'arrête).
Intense et finalement très simple, "De Rouille et d'Os" est servi - une fois de plus serait-on tenté de dire - par une impressionnante maîtrise du récit et une simplicité de traitement qui nous livre au bout du compte une histoire d'amour à la fois douce et rugueuse, libérée de ses scories car rognée jusqu'à l'os (oui, bon, c'est fini les jeux de mots, aussi ?).
D'un romanesque à la limite du tragique.
La réalisation n'a pas peur d'être ample, avec son montage au scalpel (la scène de l'accident avec les orques) et son travail unique sur la lumière et le son.
Et elle finit de sublimer une histoire qui, certes, n'échappe pas à certains raccourcis et à certains effets attendus, mais qui, émaillée qu'elle est de moments d'intense violence et de purs instants de grâce, tire le film vers le haut.
Vers une lumière vive. Très vive.
Une lumière dont on sort chaviré et la boule au ventre.
Mais tout celà encore ne serait rien, évidemment !, sans les deux acteurs principaux.
Qui arrivent à rendre crédible et belle cette histoire d'amour parfois pourtant à la limite du vraisemblable.
Marion Cotillard est impressionnante de grâce et d'émotion.
Et Matthias Schoenaerts confirme toute l'intensité dont on l'imaginait capable depuis l'impressionnant "Rundskop".
A eux deux ils achèvent de rendre "De Rouille et d'Os" à la fois lyrique et sauvagement borderline.
Et lui permettent presque de tutoyer l'indicible.
Cote: ****
lundi 4 juin 2012
La Brigade du Slip.
"Avengers" (The Avengers) de Joss Whedon (USA); avec Robert Downey Jr., Scarlett Johansson, Mark Ruffalo, Gwyneth Paltrow, Samuel L. Jackson, Chris Evans...
Nick Fury, directeur du S.H.I.E.L.D., cherche à former une équipe de choc chargée de veiller sur la paix mondiale. Pour se faire, il rassemble Iron Man, Hulk, Captain America, Hawkeye, Thor et Black Widow. Le problème c'est que ceux-ci vont avant tout devoir apprendre à travailler ensemble. Ce qui n'est pas gagné, vu que le méchant Loki a eu accès au Cube Cosmique. Et qu'il compte bien s'en servir pour dominer le monde, avec la complicité d'une redoutable race extraterrestre.
Oui, ça fait de nouveau longtemps que je n'ai rien écrit mais bon, j'étais malaaaaaaaaat' (et je le suis d'ailleurs toujours un peu).
D'où exit le traditionnel "Pendant ce temps-là sur la Croisette".
On n'a plus le temps et puis le palmarès c'était déjà il y a plus d'une semaine.
Alors, hein, bon, on est contents pour Haneke qui rentre dans le club très fermé des bi-palmés (avec un film qui a l'air vraiment, vraiment bien et très émouvant, en plus), on est étonnés que le couple Trintougni - Riva, pourtant ultra favori et considéré comme partie prenante de la réussite du film, reparte bredouille (bien que le Prix d'Interprétation Masculine à Mads Mikkelsen ça a de la gueule aussi, c'est vrai) et on est curieux de voir à quoi peut bien ressembler "La Part des Anges", comédie sociale de cette vieille baderne de Ken Loach sur fond de fabrication de whisky.
Sinon, bon, "Holy Motors" de Léos Carax, dont la bande-annonce donne furieusement envie, est lui aussi reparti avec la bite derrière l'oreille alors que la critique unanime le voyait Palme d'Or. Et l'inattendu "Reality" de Matteo Garrone fait un surprenant Grand Prix.
Sauf quand on sait que c'est un protégé du Président Moretti.
Baste. Voilà donc pour les péripéties cannoises 2012 qui m'ont donc permis(e ?) de gagner quelques lignes et un peu de temps.
Parce qu'enfin, que dire d' "Avengers", à part ça ?
Pas grand chose, voire que dalle, il faut bien l'avouer.
La rencontre tant attendue entre les principaux personnages de l'écurie Marvel, bien que ne répondant pas à une pure et cynique logique commerciale (quoi que) mais étant adaptée d'une BD originale datant d'il y a une cinquantaine d'années accouche globalement d'une souris.
Certes, c'est un bon gros pop-corn movie des familles, un blockbuster gonflé jusqu'à la garde de testostérone et gorgé d'effets spéciaux et de scènes d'action tonitruantes.
Mais bon, ni plus ni moins qu'un autre...
Le cahier des charges est gentiment rempli, avec comme points positifs que - à l'instar du "Star Trek" de J.J. Abrams - et la comparaison vaut ce qu'elle vaut - chaque personnage à droit à son petit développement et à son petit morceau de bravoure.
Personne n'est laissé en bord de route et c'est plutôt agréable, même si, comme souvent pour les films de super-héros, celà contribue à rallonger inutilement la sauce.
Certains, comme la Veuve Noire, voient même leur personnage agréablement développé. C'est bien.
Le problème, justement, c'est la différence d'écriture et d'interprétation de ces différents protagonistes.
Si Robert Downey Jr./Iron Man/Tony Stark se taille comme d'hab' la part du lion (et quelques belles répliques définitives), Thor et sa permanente crétine ou surtout le monolithique Captain America (vous me direz "quel personnage à la con", déjà) sont à ce point risibles et pathétiques que, pour paraphraser un camarade, on a juste envie de leur faire caca dans la bouche.
Pour le reste, la grande réussite de ce film à part ça confus et embrouillé se situe dans le - très long - final.
Le combat entre toutes la bande (j'oubliais de parler de l'inénarrable Hulk et de ses sempiternels pantalons extensibles) et les vilains extraterrestres bouh bouh méchants pas beaux.
Rarement un affrontement final, grand point faible des films de ce genre en général, (cfr. la pitoyable fin d' "Iron Man 2", par exemple) aura été à ce point badaboum et enthousiasmant.
Rien que ça, à la limite, ça sauve le truc.
Dommage, juste dommage que le reste soit à ce point bavard, ampoulé et pompeux, donnant par moment franchement envie de piquer du nez.
Et dommage aussi qu'avec son costume à mi-chemin entre le bouquetin mutant et le Chevalier du Zodiaque cheap, le pleurnichard Loki n'arrive qu'à nous camper le Super Vilain probablement le plus tartignole de l'histoire du film de couillons en collants moules-boules.
Enfin, avec le recul ça fait encore bien rigoler...
Mouais...
Cote: *
lundi 21 mai 2012
La fiancée du vampire.
"Dark Shadows" de Tim Burton (USA); avec Johnny Depp, Eva Green, Jackie Earle Haley, Michelle Pfeiffer, Jonny Lee Miller, Chloe Moretz...
En 1752, Joshua et Naomi Collins, accompagnés de leur jeune fils Barnabas, quittent Liverpool pour le Nouveau Monde, afin d'y commencer une nouvelle vie en y important leur technique de pêche industrielle. 20 ans plus tard, ayant fait fortune et étant devenu un véritable bourreau des coeurs, Barnabas rêgne sur la ville de Collinsport et le manoir familial de Collinswood. Hélas, il commet un jour l'erreur de briser le coeur de la belle Angélique Bouchard. Or, celle-ci est une sorcière qui va jeter sur Barnabas une terrible malédiction et le transformer en vampire. Plus de deux siècles plus tard, celui-ci est tiré accidentellement de son sommeil et se retrouve plongé en 1972 dans un monde totalement transformé... A l'image de ses étranges descendants...
Ah oui, c'est sûr, les détracteurs de Tim Burton auront encore ici du grain à moudre.
D'ailleurs on l'entend déjà depuis plusieurs semaines: "est-ce qu'il ne ferait pas toujours le même film ?".
La question est d'autant plus légitime que - en plus ! - il s'agit ici du septième (et du quatrième consécutif) mettant en vedette son presque alter-égo Johnny Depp.
Et d'ailleurs, bien qu'étant fan des deux, s'il y a quelque chose que je regrette, moi, peronnellement, c'est plutôt ça.
Ce serait quand même bien de voir Depp évoluer dans d'autres univers et Burton essayer de modeler d'autres acteurs à sa patte mais baste...
Pour le reste, la question ne se pose pas tellement ou plutôt se pose autrement.
Il y a certes un univers burtonien (bien que celà même soit réducteur, on devrait plutôt dire "des") mais il est multiple et kaléïdoscopique, fait d'une multitude de couches, de touches, de marques, de couleurs et de signes que le cinéaste se plaît à assembler différement au gré des films pour en faire quelque chose de chaque fois différent... tout en restant, allez, disons... semblable.
Ah oui, certes, il a ses obsessions et ses référents stylistiques.
Mais c'est bien là l'apanage des grands auteurs, non ?
Surtout quand, comme lui, ils les mettent au service de genres différents.
Comics, contes, S.F., horreur, comédie musicale, classique de la littérature enfantine ou, comme ici, série tv.
Et c'est d'autant plus prégnant dans ce film-ci, où le réalisateur signe à la fois un retour à ce qu'il sait faire de mieux (le gothique "flamboyant") et une sorte de film-somme qui lui permet de brasser large, que ce soit dans l'humour, le romantisme, le psychédélisme échevelé, le kitsch outrancier ou la référence ouvertement rock'n'rollienne (avec la complicité d'Alice Cooper himself dans son propre rôle).
Bref, un film qui revisite son univers tant avec maîtrise (direction artistique ultra-léchée, fluidité des cadrages, effets spéciaux "à l'ancienne") qu'autodérision.
Un film qui se permet qui plus est un peu de fond en parodiant les histoires de familles à tiroir et leurs démons tout en égratignant la mode actuelle des films de vampires en intégrant ce nouvel arrivant au bestiaire personnel de son auteur.
Dans le rôle du nosferatu en titre, Johnny Depp, bien que lunaire et décalé comme à son habitude, signe une composition originale et des plus jouissive.
Son maintien, son phrasé et la "désynchronisation" permanente entre son personnage et les us et coutumes du Summer of Love sont d'ailleurs pour beaucoup dans la réussite comique de l'affaire.
Mais il est aussi extraordinairement bien entouré: Eva Green, ensorcelante, Michelle Pfeiffer qui prouve qu'elle a encore de beau restes et Chloë Moretz, impeccable en ado à la fois rock'n'roll et désabusée rajoutent encore à la réussite de ce petit film pétaradant et joyeusement outrancier, dans lequel Tim Burton rend lui aussi hommage à la Hammer, à "La Famille Addams", à Disney ou à son maître Roger Corman.
Tout ça dans un film dont le thême principal est finalement la famille...
Mais alors... Attendez un peu...
Et si "Dark Shadows", en plus d'être drôle et émouvant et d'être un divertissement des plus accomplis, était aussi un peu plus que ça ?
Si c'était un film sur la filiation, sur la transmission...
Un film sur l'héritage artistique...
Et si c'était du coup un film SUR Tim Burton ?
Ce serait à coup sûr la plus belle pirouette de sa carrière.
Ah ben ! Sacré Tim, quand même !
Cote: ***
lundi 14 mai 2012
Nevermore ?
"Twixt" de Francis Ford Coppola (USA); avec Val Kilmer, Elle Fanning, Bruce Dern, Joanne Whalley, Ben Chaplin, David Paymer...
Hall Baltimore, écrivain sur le retour spécialisé dans les romans de sorcellerie, se rend dans une petite bourgade des Etats-Unis afin d'y dédicacer son dernier ouvrage. Entraîné par le shérif local dans une mystérieuse histoire de meurtre dont la victime est une jeune fille du coin, il rencontre - en rêve - le fantôme d'une adolescente prénommée V. Bien vite, il perçoit le rapport qu'il peut y avoir entre elle et le meurtre commis en ville, découvre dans l'ensemble le sujet d'un roman qui pourrait relancer sa carrière et se rend compte que l'affaire présente bien des résonnances avec son propre passé tragique.
Evacuons d'emblée la blague: oui, j'aurais pu intituler ce post "deux doigts coupe-faim". Mais je ne suis pas comme ça, moi, fi ! Je laisse ça à d'autres.
Passé ce préambule ridicule, attachons-nous plutôt à décrire cet obscur et étrange objet filmique qu'est "Twixt" (qui signifie en quelque sorte "In Between", le titre original étant d'ailleurs "Twixt Dawn and Sunrise", littérallemment "Entre l'Aube et le Lever du Soleil", comme ça vous savez tout).
Car qu'est-ce donc que celà ?
Le délire prétentieux d'un quelconque vidéaste comme on n'en fait plus depuis des années ?
Que nenni !
L'oeuvre d'un cinéaste débarassé de ses problèmes financiers et se sentant à nouveau jeune homme et apte à expérimenter comme bon lui semble, quitte à rejouer ses premieres oeuvres ?
C'est plus probable.
Un film pour le moins singulier, en tout cas, c'est certain !
Qui renvoie d'une certaine manière à pas mal de choses dans la carrière de Coppola.
De ses débuts chez Roger Corman ("Dementia 13", pour le côté "film d'horreur baroque") à ses expérimentations post-"Apocalypse Now" (les parties oniriques, dans un noir et blanc somptueux mais parsemé de tâches de couleurs, comme les poissons dans "Rusty James", bien entendu), en passant par cette obsession bien personnelle de la temporalité (il y a ici trois histoires de deuils qui se superposent et, certes oui, ce n'est pas toujours facile à suivre) laquelle renvoie à un drame bien réel, lui (Coppola a lui aussi perdu un fils dans des circonstances tragiques mais n'en disons pas plus).
Ce qui est sûr, c'est que "Twixt", porté à la fois par l'imposante carrure d'un Val Kilmer de plus en plus "hénaurme" et depardieu-esque (mais qui nous rappelle au détour d'une scène face caméra quel grand acteur il peut être) et la grâce presque diaphane de l'émouvante Elle Fanning, est un film merveilleux - dans tous les sens du terme.
Un film bancal et touchant, qui alterne le vaudeville et le tragique, l'épouvante et le suspense, le franchement beau et le presque laid dans une sorte de tourbillon funeste et drôlatique bien à l'image - excessive - de son auteur: un jeune homme de 70 ans qui a retrouvé la joie simple et sincère de faire son métier comme bon lui semble.
Alors même si le vrai sujet du film - les affres de la création - peut sembler poussiéreux et la métaphore un brin épaisse, on ne peut que se réjouir devant tant de liberté retrouvée, devant tant d'énergie...
Et devant un tel niveau de déglingue. A ce point maîtrisée que ça en devient sidérant.
Cote: ***
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