mercredi 29 septembre 2010


L'Arme à Gauche...

Ah ben ce coup-ci on est pas dans la merde, tiens !

Pour le coup, faudrait peut-être songer à contenir l'hémorragie. Parce qu'on commence à les perdre par paquets de dix, là. Enfin, sans vouloir comparer.

Non, parce qu'après Chabrol et Corneau c'est du lourd, de l'immense, du colossal, un monument qu'on perd là. Et ça, même si il tournait peu. Même si il n'avait plus rien livré depuis des décénnies.

Parce que, Arthur Penn, c'est "Little Big Man", "Le Gaucher", "Bonnie and Clyde", "Missouri Breaks" (Brando et Nicholson, houba houba !) et "La Poursuite Impitoyable" ! Je ne dirai même pas "excusez du peu", la liste parle d'elle-même.

Le dernier des géants, ou presque...
L'égal de Peckinpah !

Argh !

ARGH !

Mais enfin ! ARGH !, quoi !


mardi 28 septembre 2010


C'est pas le goût... c'est l'ivresse !

"Le Bruit des Glaçons" de Bertrand Blier (F); avec Jean Dujardin, Albert Dupontel, Anne Alvaro, Myriam Boyer, Audrey Dana, Christa Théret...

C'est l'histoire d'un écrivain jadis à succès, reclu dans sa villa on ne sait où, entouré - ou pas - de sa domestique effacée et de sa très jeune maîtresse russe, qui un beau jour reçoit la visite de son cancer. Lequel cancer lui dit en substance "Bonjour, je me suis dit qu'après tout, ce serait pas mal qu'on fasse connaissance".

Ah ben oui, pour le coup, ça fait très très bien plaisir !

Même au-delà de l'inévitable commentaire sur l'alcool et ses corrélaires... Certes du genre à nous faire prendre la chose de manière plus intime mais... allons... Bon !

Après la récente hécatombe de réalisateurs français old school, ça fait du bien de se retrouver là. A se réjouir de la verve conservée, ou plutôt retrouvée - après quelques franches années d'errance erratique (à partir de "Mon Homme", en gros, on va dire) - de l'un des plus iconoclastes d'entre eux: le toujours vert et sémillant Bertrand Blier.

Lequel, du haut de ses d'ores et déjà 71 printemps (mouais, avouons que ce n'est pas encore tant que ça, après tout...) vient nous prouver qu'il bande encore, comme il se plairait à le dire lui-même !*
Et que, à défaut d'avoir retrouvé l'inspiration de ses brillantes années, il garde encore la main, tenez. Qu'il maîtrise encore l'art et la manière de vous tourner un petit film sans trop en avoir l'air... Même si, soyons cruel - oh, rien qu'un brin - sa carrière est derrière lui...

Car, oui, bon... allez... Il est sûr et certain que "Le Bruit des Glaçons" n'est pas "Les Valseuses" et qu'il navigue à quelques bonnes encâblures d'un "Buffet Froid", par exemple.

Mais... Maaaaaaiiiiiis... Mais.

Mais, en l'espèce, c'est quand même un fort bon film, râgeur et politiquement incorrect, au fil duquel l'on retrouve tout le sel de ce qui faisait les "grands" Blier.

En plus dilué.

Certains diront que cela frise la caricature.
Ils auront beau jeu mais d'une certaine façon, ils auront raison.

Mais est-ce vraiment important ? Surtout ici . Surtout maintenant.

Oui, oui.
Trois fois oui (ou plutôt non, bref): on retrouve bien dans ces "Glaçons" le goût marqué du cinéaste pour le cynisme, l'humour noir, la mysoginie, la théatralité (le décor quasi unique de la villa)...
Pour l'absurde et les dialogues qui claquent ou qui roulent en bouche (en cela il trouve d'ailleurs un interprête presque inné en la personne de Jean Dujardin, que l'on ne devrait pas tarder à retrouver dans son univers).
Son intérêt pour les "couples" de cinéma; le côté "buddy movie" décalé, en quelque sorte (et ce n'est rien de dire qu'ici ça fonctionne à plein rendement, entre le Dujardin déjà cité et un Dupontel au sommet de sa forme, même si c'est vrai que l'on est encore à quelques lieues du duo mythique formé par Dewaere et Depardieu, faut pas Poussy).

Oui. Encore une fois, oui (ou non... Je...) !

Tout ça est là et bien là.
Jusqu'aux tics du réalisateur qui agaceront bien sûr ses détracteurs.
Ces apartés. Ces digressions. Cette manière que peuvent avoir les personnages de s'adresser directement à la caméra. Et donc au spectateur.

Mais, au contraire de ses précédents opus où tout cela semblait forcé, obligé, ampoulé, où l'on voyait les ficelles et devinait les mécanismes, tout s'enchaîne ici avec une fluidité, une facilité pourrait-on presque dire, qui fait plaisir à voir.

Porté par ses acteurs (en particulier Anne Alvaro, formidable !) et par ses dialogues, "Le Bruit des Glaçons" apparait presque comme la nouvelle bonne farce d'un Bertrand Blier à la juvénilité retrouvée.

Ne serait-ce une fin stupide, ridicule et complètement en porte-à-faux qui vient un peu gâcher la fête, il n'y aurait quasiment rien à redire.

Et en l'espèce, oh, vous savez... C'est vraiment peu de choses...


Cote: ***

(* "On est pas biens, là ? A la fraîche... Décontractés du gland... Et on bandera quand on aura envie de bander !" Ce genre-là, voyez ?)

lundi 20 septembre 2010


Epiphanie.

"Des Hommes et des Dieux" de Xavier Beauvois (F); avec Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin, Philippe Laudenbach, Jacques Herlin, Olivier Perrier...

1996, dans les montagnes du Maghreb. Huit moines français vivent en harmonie avec la population du village voisin. Lorsque des travailleurs étrangers sont égorgé sur un chantier proche, la terreur s'installe dans la région. L'armée propose aux religieux de les protéger, ceux-ci refusent. Au fur et à mesure qu'autour d'eux la menace grandit et se précise, la décision des moines de rester coûte que coûte semble se raffermir...

Oh oui, je sais.
Je vous vois venir de loin, bande d'alevins des torrents alpestres. J'entends d'ici mugir, tels féroces soldats, ceux qui parmi vous, goguenards, vont évidemment mettre le ton de cette chronique - que je vous promets d'ores et déjà dythirambique - sur le compte de ma normande rencontre avec Xavier Beauvois.
Ou encore ceux qui, plus prosaïquement, m'accuseront d' "intellectualisme", d'auteurisme forcené, voire de complaisance suspecte envers le Festival de Cannes et les films qui en sont issus. Pire: qui y ont été primés !

Et je dois à l'honnêteté de dire que je trouve quelque part ces soupçons justifiés.

Mauvais esprit comme je suis, j'aurais même tendance à nourrir la même défiance envers certains journalistes professionnels de ma connaissance (pas forcément dans le cas qui nous occupe, d'ailleurs, mais là n'est pas la question).

Et pourtant je vous le jure, je vous l'assure, rien de tout cela ici.
Rien d'autre que du vrai, du ressenti, du vécu.
Car c'est bien à ce niveau-là que ça se joue.
Et de ce point de vue je vous le confirme: "Des Hommes et des Dieux" secoue sévère !

Je peux même dire que ça faisait fort longtemps - ça se compte en années, pour vous situer - qu'un film ne m'avait fait un tel effet. Je suis sorti de là lessivé, brisé, broyé, torché, en larmes et quasiment en état de choc.

Pas question pour autant de révélation au sens christique du terme, mon athéisme bon teint ne souffrant pas de remise en question (ah ah !), je vous rassure.
D'ailleurs, nulle trace ici de bondieuserie ni de prosélytisme, le vrai sujet n'étant évidemment pas là. Pas plus de trace d'ailleurs d'un éventuel et opportun oecuménisme, du type "toutes les religions se valent/nous sommes tous frères/aimons nous les uns les autres", même s'il serait aisé, trop aisé, sans doute, d'y voir le message "primal" du film.

Non, le vrai sujet, le vrai "message" de ces "Hommes..." - si tant est qu'il y en ait vraiment un, quand on voit à quel point Beauvois se situe à la lisière du non-dit, de la suggestion et du filigrane - concerne plutôt les notions de sacrifice ou d'engagement.
Et nous pose à tous la même question: serions-nous prêts à mourir pour une cause, quelle qu'elle soit (politique, religieuse, morale...) ?

Pour nous montrer le cheminement intérieur de ses moines en un long trajet vers l'inéluctable, le réalisateur avance lentement, construisant son film en une sorte de crescendo d'autant plus puissant qu'il est tout d'abord presque imperceptible.

Calmement, posément, de manière parfois austère, celui-ci évolue vers une dernière demi-heure d'autant plus traumatisante qu'elle aura justement été minutieusement préparée.

D'un lyrisme ample, la mise en scène (qui nous réserve quand même ça et là quelques morceaux de bravoure pré, voire "in", climax*) nous mène de manière presque incidieuse vers cette longue conclusion, véritable choc esthétique et émotionnel qui nous laisse pantelants, épuisés, écrasés par une athmosphère que n'auraient finalement reniés ni Bresson, ni surtout Tarkovski.

Ca fait beaucoup ? Certes. Et encore...

Et encore tout ça ne serait rien sans l'interprétation collégiale d'une troupe de comédiens littéralement en état de grâce, de Lambert Wilson dont je ne pensais pas dire ça un jour à Michael "un César sinon rien" Lonsdale en passant par tous les autres, les Jacques Herlin, les Philippe Laudenbach, les Olivier Rabourdin... Tous. Tellement parfaits qu'on en a mal pour eux.

Alors, oui, c'est lent et austère et ça se mérite un peu.
C'est parfois trop écrit, un brin verbeux et ça passe peut-être de manière un peu superficielle sur les tenants et les aboutissants historico-politiques de l'époque et du pays.

Mais ça n'en aboutit pas moins à l'uns des grands chocs cinématographiques de l'année, voire plus.

Et bien sûr, je suis conscient du fait que, par son sujet et son traitement, "Des Hommes et des Dieux" va laisser indifférent, ennuyer, voire déplaire à pas mal de gens.
Mais pour le coup, tout prétentieux que ce soit**, je m'en fous.

Parce que voila: tant pis pour eux.

Cote: ****


(* En particulier la scène du repas sur fond de "Lac des Cygnes" et son long travelling circulaire sur les visages des moines, en gros plans de plus en plus resserrés)

(** Je n'en suis plus à ça près, savez-vous...)

mardi 14 septembre 2010


Sans cérémonie...

Ah ! Il y a des gens, comme ça... On a l'impression qu'ils seront toujours là.

Claude Chabrol était de ceux-là... Tellement actif, tellement... présent, encore, malgré ses 80 piges qu'on finissait par le penser immortel.

Et puis, là aussi, pouf paf, sans crier gare, un beau jour on apprend qu'il a fermé boutique.
Et ça laisse un vide.
Carrément, oui...

Parce que le Chabrol, pour le coup, je l'aimais vraiment bien, tiens.

Non seulement pour son cinéma, à la fois simple et inimitable, sa façon d'être humblement revenu à un ciné "de tradition" après avoir été, si pas l'inventeur, du moins l'un des défricheurs de la Nouvelle Vague, pour ses films à l'ambiance simenonienne et à l'humour décalé, sa façon de croquer le bourgeois et de dénoncer sans en avoir l'air les travers de la vie de province...

Mais aussi pour ce qu'il était.
Ce personnage truculent, bon vivant, fort en gueule, rabelaisien. Jamais avare d'un bon mot, toujours l'oeil qui frise et le sourire en coin.

C'est bien simple, même sa passion avouée pour "Le Juste Prix" le rendait attachant.

Alors, oui, pour tout ça, sur le fil et avant qu'on ne le mette en bière, vendredi, au Père-Lachaise, je pouvais bien me fendre d'un petit billet hommage.

Avant d'aller me remater "Le Boucher" ou "Que la bête meure"...

Enfin... Sale temps pour le cinéma français, en tout cas.

jeudi 9 septembre 2010


Je sais jamais où foutre le "h"...

"Piranha" d'Alexandre Aja (USA); avec Elisabeth Shue, Jerry O'Connell, Ving Rhames, Christopher Lloyd, Dina Meyer, Richard Dreyfuss...

Le Summer Break, la grande partouze américaine avant la plongée définitive dans la "vraie vie". La petite ville de Lake Victoria s'apprête à accueillir pour l'occasion des milliers d'étudiants en manque de sexe, de décibels et d'alcool. Alors que ceux-ci commencent à déferler sur la ville (les étudiants, pas le sexe et l'alcool ! ... Quoi que...), un tremblement de terre secoue la région et ouvre une faille au fond du lac. D'où surgit une multitude de piranhas préhistoriques... et affamés !

Arf !

Dites donc !

Je suis pas peu fier de ce début de semaine, allez.
Avoir réussi à caser "Piranha" entre la déconcertante Palme d'Or thaïlandaise et l'austère mais émouvant Grand Prix du Jury cannois, vous avouerez quand même que voila un sacré grand écart !
Passer du cinéma auteuriste à son parfait contraire et retour en l'espace de 24 heures, je dois le concéder moi-même, faut l'faire et pas qu'un peu !

Parce que "Piranha", mes amis...

Dans le genre bourrin ça se pose un peu là.

C'est même le fin du fin du séraphin...
Du beau travail. Du lourd, de l'épais, du certifié 6 tonnes fignolé à la main et terminé au baquet et à la raclette à grands coups de tripes et d'hémoglobine.
Un truc énaurme, qui frise le cosmique !
Une blague de potache hors normes, bourrée jusqu'à la gueule de gore à la fois kitsch et craspec, d'humour de corps de garde et de gonzesses à poil aux mamelles hypertrophiées.
Et le tout en 3D, misère ! (ce qui suppose que l'on se prenne lesdites mamelles dans la tronche pendant la moitié du film).

Tous les poncifs du cinéma d'horreur bas du front sont là, dans un vibrant hommage aux classiques eighties: sexe, tripaille, vannes à la con (les dialogues valent leur pesant de pop-corn au beurre), situations over-ultra téléphonées (en ce compris l'inévitable "ultime-rebondissement-final-qui-laisse-la-porte-ouverte-à-une-éventuelle-séquelle"), personnages inexistants, scénario itou et morts grotesques en pagaille (certaines fort drôles, faut bien l'avouer).

La réal' est parasitée par la 3D (inconfortable, approximative et mal exploitée comme toujours, pour ce que j'en pense mais bon, allez, ça fait gadget) et tout le monde surjoue comme un goret.
Mais le truc, bien sûr, c'est qu'on s'en fout.
Parce qu'après tout, on n'est pas là pour ça.

Non.

On est là pour s'en payer une large tranche sur fond de réjouissant jeu de massacre - et de mauvaise techno, au passage - et autant dire que, de ce point de vue là, on en a pour son argent.

Et largement.

Bon, d'accord: c'est un peu lent au démarrage, ça peine à s'installer, mais, une fois que ça a pris sa petite vitesse de croisière, pardon !
Ca charcle ! Ca mouline ! Ca explose et ça éparpille !

Et comme ça culmine dans une scène de quasi-apocalypse de près d'une trentaine de minutes pendant un concours de t-shirts mouillés, je vous le demande: que pourrait-on demander de plus à ce truc qui ferait sangloter de joie n'importe quel bifffien lambda ?

Un casting idoine, peut-être ?

Eh bien le voilà; qui combine délicieux has-beens (Zaza Shue, Ving Rhames, JERRY O'CONNELL !!!!!) et caméos de vieilles gloires sur le retour (de Richard Dreyfuss - en caution "Dents de la Mer" pré-générique - à Dina Meyer, en passant par cette vieille baderne de Christopher Lloyd, presque touchant dans son grand numéro de portenawak hystérique).

Bref, ça saute aux yeux, Aja et son co-producteur/co-scénariste Grégory Levasseur se sont fait plaisir avec cet hommage crétin aux films qu'ils aimaient sans doute voir étant ados.
Ca suinte de l'écran à chaque image et c'est d'autant plus sympatoche que c'est communicatif.

Mais bon, allez, même si on s'est bien fendu la pêche, il est temps de ranger les jouets et de sonner la fin de la récré.

En espérant que les gaillards vont quand même bientôt revenir à de meilleures intentions et à quelque chose de plus artistiquement consistant.

Allez, chiche !

Un reboot de "Hurlements" ! Avec Dee Wallace dans le rôle de mère-grand !

Cote: **

mardi 7 septembre 2010

Heroes and Icons...


(Dominique Laffin - 1952/1985)

Le Livre de la Jungle.

"Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures)" (Lung Boonmee Raluek Chat) d'Apichatpong Weerasethakul (TH); avec Thanapat Saisaymar, Jenjira Pongpas, Sakda Kaewbuadee, Nattakharn Aphaiwonk, Geerasak Khulong, Kanokporn Thongaram...

Entouré des siens, dans sa ferme apicole, Oncle Boonmee se meurt d'une insuffisance rénale. Il se souvient alors de ses vies antérieures en tant que buffle ou princesse et entrevoit ses vies futures tandis que les fantômes de sa femme défunte et de son fils disparu reviennent lui rendre visite. Un conte initiatique où se croisent hommes-singes aux yeux luminescents et poissons-chats parlants, au milieu des esprits et autres animaux de la forêt...

La voilà donc, cette Palme d'Or qui aura, une fois de plus, fait couler tant d'encre !

A qui les détracteurs du festival de Cannes reprocheront comme d'habitude son hermétisme et dont ils se serviront pour pointer une fois de plus le snobisme de la manifestation.

Auteurisme, "art et essai" (avec tout ce que ça suppose de péjoratif), rejet du grand public... Les grands mots sont lâchés. Quoique pas toujours à mauvais escient, d'ailleurs. Du moins, pas forcément...

Encore faut-il savoir ce que ces mots recouvrent.

Car "Oncle Boonmee...", c'est sûr, est un OVNI.

Et c'est un film qui se mérite un peu.
Ou du moins qui ne se livre pas si facilement.

Qui invite à un véritable voyage, à défricher des contrées pas forcément connues et arpentées, d'un exotisme extrême et forcené, tant d'un point de vue géographique et social - la vie dans la campagne thaïlandaise, à la lisière de la jungle, n'est pas forcément ce qu'il y a de plus banal à offrir à nos yeux de citadins occidentaux, loin s'en faut - que purement cinéphile...

Pour arriver à bon port, il convient d'ailleurs d'abord de se laisser faire. Et d'oublier certains repères. De s'affranchir des procédés narratifs "classiques" du cinéma tel qu'il est pratiqué par ici. D'accepter les ellipses et les sursauts. Les avancées et les flashbacks. Les ruptures de ton.

Le tout en voulant bien se passer d'explications, si c'est possible.

Ce qui peut bien entendu mener à des situations étranges.
A se demander ce que certaines scènes (celle de la princesse ou tout le final dont l'utilité peut être légitimement sujette à caution) viennent faire au milieu du reste, par exemple...

Cela peut aider de garder à l'esprit que, pour Weerasethakul, finalement, l'esthétique prime sur l'histoire.
Ce qui tombe plutôt bien, en somme, puisque d'un côté purement plastique le film est sur toute sa longueur d'une beauté à couper le souffle.

L'autre surprise, bien que moindre pour tout qui a déjà pratiqué de près ou de loin le cinéma asiatique, toutes nations confondues, tient évidemment dans le rapport, disons... différent.. que celui-ci peut entretenir avec le temps.

Et, de fait, il est sûr et certain que le rythme pour le moins languide et contemplatif du film en déconcertera plus d'un.

Passé ces écueils dont il est bon de s'accommoder, "Oncle Boonmee...", film au carrefour de l'animisme, de l'onirisme et du conte, nimbé dans un fantastique aussi splendide que déroutant, vaut plus pour ce qu'il propose, de manière la fois franche et paradoxalement abstraite, que pour ce qu'il raconte.

Ou pas.

Soit une approche du cinéma libre, originale et affranchie de toute barrière.

Une expérience à part entière: sensuelle, viscérale...

Déroutante, certes.

Mais tout simplement magnifique.

Cote: ***



How I met Xavier Beauvois...

(avec des vrais morceaux de "je fais mon malinois" dedans !)

A la veille de la sortie belge de son décidément pré-acclamé et très attendu "Des Hommes et des Dieux" (Grand Prix du Jury au dernier Festival de Cannes et c'est rien de dire que la bande annonce donne envie, milliards !) que dire sinon que dalle (comme d'hab', oui, je sais, j'aime bien les formules et je vous emmerde affectueusement, bande d'oursons velus des collines) de la rencontre en question, à part qu'elle fût fugace, forcément anecdotique, improbable et quelque peu surréaliste ?

Mes deux potes sur les falaises d'Etretat que mon vertige et mon palpitant empêchent d'arpenter plus avant, ma gueule - évidemment ! - au bar-tabac du coin; le plus banalement anonyme qui soit, sur la place de la mairie, ce genre, à la limite de la caricature.

Un type qui entre, mal rasé, une tronche de lendemain de veille qui surtout éveille ma curiosité, la presse sous le bras, le gsm vissé à l'oreille.

Un instant d'hésitation mais, oui, c'est bien lui !

Plus étonnant: le gaillard fait la bise à tout ce qui bouge dans le café avant de s'installer pour éplucher les critiques.
Visiblement, la veille, c'était avant-première locale et tout le village y était, qui ne se gêne pas pour donner son avis.

Empourpré jusqu'aux oreilles et mû par mon sempiternel comportement de groupie, je vais courageusement demander à la serveuse si "le monsieur est bien Xavier Beauvois".
Ce qu'elle confirme jovialement, à la limite fière à sa place d'avoir été reconnue.
Je marmonne un truc à propos de la sortie bruxelloise du film, vais me rasseoir devant ma Heineken (vos gueules !) et v'la-t-y pas qu'elle en profite pour aller lâcher le morceau auprès du cinéaste ("y a un monsieur de Bruxelles qui t'as reconnu, il a très envie d'aller voir le film, machin..." Aimable connasse).

Passage de tête dans l'encoignure, bonjour du menton, vague serrage de main et ultime marmonnage sur le thème honteux de "j'aime beaucoup ce que vous faites".

Piteux, oui, je vous l'accorde (mais vous ai-je déjà dit que je vous emmerdais, troupeau de koalas duveteux et hydrophiles ?)

Et donc, comme le veut la formule: rire, applaudissements, rideaux...

Reste l'anecdote: Monsieur Beauvois a demandé à ses amis de bout de zinc comment s'était terminée la soirée de la veille vu que, ayant picolé plus que de raison, il n'en n'avait aucun souvenir.

Réponse collégiale et hilare ? "T'étais mort bourré, t'as envoyé chier tous les journalistes pendant le débat qui a suivi le film !"

Et lui, visiblement vraiment embarrassé: "Ah merde, je me souviens de rien..."

Comme quoi, des hommes et des Dieux, hein...

Surtout des hommes, moi j'vous dis. Surtout des hommes !

dimanche 5 septembre 2010


Fin de partie.

"Crime d'Amour" d'Alain Corneau (F); avec Ludivine Sagnier, Kristin Scott Thomas, Patrick Mille, Marie Guillard, Gérald Laroche, Olivier Rabourdin...

L'affrontement de deux femmes dans le décor étrange, froid et aseptisé d'une grande multinationale. Isabelle travaille sous les ordres de Christine, femme de pouvoir qu'elle admire et pour laquelle elle semble prète à tout. Mais, convaincue de son ascendant sur la jeune femme, Christine entraîne celle-ci dans un jeu de séduction et de domination qui pourrait bien les emmener trop loin.

C'est étrange, cette impression que l'on ressent à la vision de ce qui restera forcément comme le dernier opus de désormais feu Alain Corneau...

C'est diffus, pour le moins, confus pourrait-on même dire. Troublant, en tout cas...
Mais, oui, on a bel et bien l'impression de se retrouver devant un inédit de... Claude Chabrol !

Même photo froide, même réalisation plan-plan de téléfilm (et c'est bien là que la bât blesse, bien entendu), même ambiance délétère, même structure de thriller en forme de whodunnit, même écran de fumée cachant en fait une sombre étude de moeurs, voire de caractères.

Et surtout - et c'est là que l'on retrouve enfin, quoique en filigrane, un Corneau jusqu'ici noyé dans l'académisme et les conventions - même direction d'acteurs étrange, décalée mais en fin de compte étonnement percutante.

Car autant se l'avouer tout de suite, si ce "Crime d'Amour" (oui, le titre, aussi...) éveille un soupçon d'intérêt dans l'oeil du spectateur, c'est essentiellement aux prestations unanimement chics et impeccables de Mesdemoiselles (ou Mesdames, hein... Après tout...) Ludivine Sagnier et Kristin Scott Thomas qu'il le doit.

Prestations auxquelles il est bon d'associer celle de Patrick Mille, également parfait dans son emploi de bellâtre arriviste, à la fois manipulateur et manipulé.

Au-delà de ça - et d'une utilisation assez inédite et adroite des rapports de force en entreprise - force est d'avouer que l'ultime effort cinématographique d'Alain Corneau ne restera pas dans les annales (tout comme ses opus précédents, des "Mots Bleus" à son malheureux et inutile remake du "Deuxième Souffle", hélas).

La faute, une fois encore, à une réalisation platement illustrative, terne et sans enjeux, presque indigne du réalisateur de "Série Noire" ou du "Choix des Armes".

La faute également à un scénario de série B policière (on pense en fin de compte beaucoup plus à Agatha Christie qu'à Georges Simenon) usant et abusant de grosses ficelles, de flashbacks appuyés (en noir et blanc, s'il vous plaît bien ! Pour être bien sûr que l'on comprenne !) et de retournements de situation plus tirés par les cheveux les uns que les autres.

Mais au final, le pire - ou la bonne surprise, c'est selon - c'est que, sans s'en rendre vraiment compte, on se laisse prendre au jeu de ce petit film finalement plus jouette qu'autre chose, qu'on ne s'ennuie pas - loin de là, même - et qu'on finit même par se laisser charmer par sa mécanique un peu désuète et par sa conclusion gentiment amorale et politiquement incorrecte.

Certainement pas du grand cinéma mais un petit moment plaisant de divertissement "à la française" qui conclut sur une note mineure l'oeuvre d'un cinéaste attachant qui laisse heureusement derrière lui quelques pièces d'une toute autre volée...


Cote: **



Série Noire.

Oui, bon, OK, je sais.

Je m'excuse pour le côté extrêmement cheap and cheesy du titre de ce post.

Mais bon, d'un autre côté, la tentation était grande... Et puis, y a une certaine logique, non ?

Bon, bref.

Il s'en est passé des choses durant mes normandes vacances, et la moindre n'est certainement pas le décès inopiné (ben oui, pouf paf, deux secondes avant il était encore là) de ce bon vieux (ou vieil ? Allez savoir, après tout) Alain Corneau.
D'autant plus surprenant - le décès - que le dernier film que j'aie vu en salle ces derniers temps (enfin non, je viens de voir "Oncle Boonmee" en fait) n'est autre que son ultime "Crime d'Amour" - dont la critique suit dans la seconde, si, si, je vous assure.

Alors bon, pourquoi ce fendre d'un billet pour l'occasion, je vous le demande ?

Parce que Corneau est - était - sans doute l'un des derniers grands réalisateurs "classiques" du cinéma français.

Et surtout parce qu'il était le Maître du polar hexagonal.
Et qu'a ce titre il nous a servi une palanquée de classiques incontournables de la trempe de "Police Python 357", "La Menace" ou surtout "Le Choix des Armes" et "Série Noire" (d'où le piteux titre ci-dessus, oui).

"Série Noire" ou la quintescence du poisseux gaulois hissé jusqu'à d'insoupçonnables sommets par son auteur et ses comédiens, au premier rang desquels mon idôle de toujours: Patrick Dewaere dans peut-être son meilleur rôle ever ! (ce qui n'est foutrement pas peu dire, nom d'un petit bonhomme, croyez-moi !).
La scène - improvisée, milliard de tètes en fusion** !!!! - au cours de laquelle l'gamin se fracasse la tronche contre le capot de sa voiture restera aux panthéon de mes scènes cultes jusque tard dans la nuit, je peux bien vous l'assurer !

Rien que pour ça, qu'hommage et grâce soient rendus à Monsieur Alain Corneau (qui, pour la petite histoire, était aussi dans la vie le compagnon de Nadine Trintignant qui n'a décidément pas de chance ces derniers temps*) et que sa production fleurisse prochainement en DVD et surtout en télé, ça nous changera les idées et nous musclera les neurones, tiens...



(* Oooouuuuhhh !!!!! C'est mal ! C'est mal !)

(** Merci Franky !)

PS: Prochainement un nouvel épisode palpitant de mes "Contes Normands" illustrant mon improbable rencontre avec Xavier Beauvois dans un bar-tabac d'Etretat.