lundi 2 juillet 2012


In the limo.

"Cosmopolis" de David Cronenberg (C); avec Robert Pattinson, Sarah Gadon, Paul Giamatti, Samantha Morton, Mathieu Amalric, Juliette Binoche...Dans un New-York en pleine ébullition, paralysé par une visite présidentielle et les funérailles d'une star du rap, le Golden Boy Eric Paker s'engouffre dans sa limousine. Il n'a qu'une seule idée en tête: traverser la ville - à pas d'homme s'il le faut - afin d'aller se faire couper les cheveux. Alors que le chaos s'installe, il voit petit à petit son monde s'effondrer, miné qu'il est par le cours du yen, sa femme qui s'éloigne de plus en plus de lui... Et même un hypothétique et fantômatique tueur...

Deux Cronenberg pour le prix d'un, c'est ce à quoi on aura donc eu droit cette année (bientôt trois avec la possible sortie du premier long de son rejeton Brandon, "Antiviral", au pitch tellement cronenbergien qu'il fait craindre le pire).

Mais deux Cronenberg fort différents.

Si le premier, "A Dangerous Method", continuait à creuser le sillon "ligne claire" entâmé depuis "History of Violence" et proposait un twist bienvenu dans l'univers du Canadien en s'intéressant plus au mutations de l'esprit que de la chair, celui-ci, par contre, bien que basé sur les mêmes prémices (c'est certainement plus cérébral qu'autre chose, ici aussi, il faut bien le dire) constitue sans doute le film le plus... Cronenberg de Cronenberg depuis, à la louche, allez, disons... "Spider".

Certes - et c'est sans doute ce qui fait sa principale faiblesse - il s'agit à nouveau ici d'un opus bavard, voire verbeux, qu'il vaut mieux ne pas aller voir avec un léger mal de tête.
C'est parfois languide et surtout ça s'écoute parler... La plupart du temps, il faut bien l'avouer, pour ne rien dire.

Mais la bonne nouvelle, c'est que tout ici sent le Cronenberg old-school à plein nez.

La réalisation, d'abord, qui magnifie le décor quasi unique de cette limousine à grand coup de focales distendues et de couleurs froides et métalliques, comme éclairées au néon, tout en se permettant des digressions en milieu urbain crade, sombre, humide et rouillé.

Ca suit le cahier de charges du roman de DeLillo tout en s'en éloignant plaisamment, rendant compte de la déliquescence et de l'effondrement d'un monde (ou d'un système, le capitalisme) d'une manière à la fois métaphorique (la voiture-microcosme) et directe (le yuppie déglingué).

Le tout renvoie de manière (d)étonnante à son oeuvre ultime et séminale, "Vidéodrome", avec son arme quasi organique et son message sur les médias remplacés ici par le milieu de la haute finance.

Sans parler d'un Paul Giamatti génial en métaphore de la révolte des oubliés qui renvoie Eric Paker au rang d'acteur involontaire, ne comprenant pas vraiment ce qui lui arrive, à l'instar d'un James Woods/Max Renn dans le chef-d'oeuvre sus-cité.

Quasiment de tous les plans (non, allez... DE tous les plans), Robert Pattinson, sans convaincre tout à fait encore, prouve néanmoins qu'il a plus de potentiel que dans le pitoyable et récent "Bel Ami" mais demande sans doute encore à être un tantinet malaxé, taillé, plié, voire cabossé avant de rendre enfin tout son jus (si je puis me permettre, bien entendu).

Les autres - à l'exception de l'étonnant Kevin Durand, excellent en garde du corps brutal et cynique - ne font finalement que passer, se mettant parfois au service de scènes (le terrain de basket, la scène finale et la déjà célèbre scène dite de "la prostate de travers", qui risque bien de faire jaser) qui, pour certaines, marqueront sans doute durablement la rétine.

A l'image de l'ensemble de ce cauchemar quasi métaphysique, aux dialogues parfois abstrus mais à la forme délicieusement métallique et distanciée.

Presque désincarnée.


Cote: ***

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