lundi 13 août 2012


Lochfuls of Lagavulin*

"La Part des Anges" (The Angels' Share) de Ken Loach (UK); avec Paul Brannigan, Jasmin Riggins, Joe Henshaw, Gary Meitland, William Ruane, Roger Allam...

A Glasgow, Robbie, délinquant en voie de rédemption et tout jeune père de famille, est en permanence rattrapé par le passé. Epongeant une ultime peine de travaux d'intérêts généraux, il se lie d'amitié avec ses compagnons d'infortune: Mo, Rhino et Albert. Henri, leur éducateur, devient peu à peu leur mentor en les initiant clandestinement au monde du whisky, sa passion. De visites de distilleries en dégustations huppées, Robbie se découvre un vrai don de dégustateur. De quoi tenter une ultime arnaque ?

Courroné de manière inattendue par le Prix Spécial du Jury (qui est normalement là pour récompenser... hum... un jeune cinéaste) lors du dernier festival de Cannes et précédé par une campagne d'affichage pour le moins décalée ("No Rules, Great Loach", rappelez-vous), le douzième film de la Dream Team du cinéma britannique - Ken Loach et son scénariste Paul Laverty - emprunte les chemins de la comédie pour nous livrer le plus insolite des feel-good movies de l'été.

Que l'on ne s'y trompe pas, l'aspect social est là et bien là et Loach n'a rien perdu de sa causticité et de sa lucidité face à un monde de laissés-pour-compte pour lequel il ne cache pas une véritable tendresse.

Et on le retrouve toujours aussi prompt à dénoncer de manière percutante le sort infligé à une certaine jeunesse se retrouvant le plus souvent sans aucune perspective d'avenir.

Seulement il le fait ici en prenant le parti d'en rire via le biais d'une sorte de conte naïf et touchant, qui démarre à fond dans le réalisme (bien que la scène d'ouverture soit l'une des plus hilarantes du film) pour mieux emprunter ensuite les routes moins balisées du burlesque avant de se terminer en dérapage contrôlé dans les brûmes alcoolisées d'une entourloupe surréaliste.

Sans oublier, en plus, un happy-end incongru mais revigorant.

A la fois comique et tragique, "La Part des Anges", qui se permet en plus le luxe d'une certaine badinerie à mi-parcours sous forme de promenade dans les magnifiques paysages écossais sur fond de vieille rengaine des Proclaimers ("I'm Gonna Be (500 Miles)"), n'en reste pas moins un  film engagé qui ressasse de manière obstinée la fixette de Loach pour une certaine Grande-Bretagne en déliquescence sociale.

Sous laquelle perce de manière réjouissante le portrait d'une humanité complexe incarnée par une bande d'acteurs pas ou peu connus aux trognes inénarrables et aux accents du même tonneau.

Oscillant sans cesse entre rire et larmes (la rencontre entre Robbie et l'une de ses anciennes victimes est tout simplement bouleversante) "La Part des Anges" se déguste finalement facilement et revigore comme un bon Single Malt.

Distillé et servi par un duo d'esthètes.


Cote: ****


(* Oui, oh ! Je peux aussi me citer moi-même, hein !)

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