dimanche 28 juin 2009



Ouh ah!

"Looking for Eric" de Ken Loach (UK); avec Steve Evets, Eric Cantona, Stephanie Bishop, John Henshaw, Lucy-Jo Hudson, Gerard Kearns...

Eric Bishop, postier à Manchester, est au plus bas de la pente... Sa vie sentimentale est un désastre, il regrette de s'être séparé de sa seconde épouse, ses deux beaux-fils restés à sa charge évoluent entre couch-potatoes et petits trafiquants... Même ses pourtants fidèles amis et collègues n'arrivent plus à le dérider. Au fond du gouffre, Eric se met alors à se confier au poster de sa plus grande idole, Eric Cantona, qui orne depuis des lustres le mur de sa chambre...

Eh oui!
Vu comme ça, de prime abord, c'était pas évident qu'on y croie et encore moins qu'on signe mais voila, faut bien se rendre à l'évidence: après des années de bons et loyaux services et une carrière à première vue entièrement consacrée au film social - dont il était devenu, bien avant les frères Dardenne, une sorte d'étendard, de porte-drapeau - voila que le toujours sémillant Ken Loach prouve qu'il peut quand même encore nous surprendre en signant non seulement une comédie mais carrément un film que l'on pourrait qualifier de feel-good movie!

A l'instar d'ailleurs - et est-ce vraiment un hasard? - de son collègue, compatriote et presque-binôme de toujours, le charmant Mike Leigh, qui nous avait agréablement surpris (enfin, pas tous, il est vrai) pas plus tard que l'année dernière avec le très volatil "Be Happy".

Enfin, "feel-good movie" encore faut-il le dire vite tant il est vrai que derrière l'apparente légéreté du propos et du traitement ce "Looking for Eric" remet sur le tapis - et l'ouvrage - les sempiternelles préocupations de Loach, sociales et autres, en tissant pour le coup une trame un poil plus complexe qu'il n'y parait de prime abord.

Oh! Bien sûr! D'humour il a toujours été question chez Ken Loach, même si généralement en touche plus légère qu'ici, voire en filigrane...
Et, bien évidemment, on savait aussi que le foot était l'une de ses passions et qu'il n'avait jamais vraiment hésité à le mettre en scène (voir l'équipe de bras-cassés de "My Name is Joe" ou l'hilarant match scolaire dans le pourtant globalement peu joyeux "Kes", son absolu chef-d'oeuvre).

Mais voilà, ici, quelque part, le vieux renard transcende le tout par la grâce d'UNE idée magistrale (oui, parfois il n'en faut pas plus), qui précipite joyeusement le spectateur dans une espèce de curieuse mise en abîme.
Et surtout par l'intervention de ce personnage - et interprête principal - qui, dans son propre rôle dépasse ses limites intimes et fournit matière à un spectacle à la fois extrèmement drôlatique mais surtout étonnamment humain et touchant.

Car en effet, Eric Cantona, starring as lui-même (puisque c'est bien entendu de lui dont il s'agit, ne vous faites pas plus bêtes ques vous êtes, allons), traverse le film dans un étrange état d'apesanteur, conférant un contrepoint idéalement poétique et cocasse à un univers et à une histoire pourtant - dans une logique ici pour une fois tout à fait loachienne - globalement pas très jojos (ou olé olé, c'est selon).

Tout ça en plus avec un tel naturel que l'on croirait certaines de ses répliques, ces fameux aphorismes "mouettes"-style, improvisées pour l'occasion...

Tant et si bien que l'un dans l'autre, ce film multiple, à la fois drame social, comédie pure, pseudo-thriller, ce film qui fourmille d'idées et de rebondissements, qui pétille et regorge de vie, semblant toujours hésiter entre farce et tragédie finit par vous emporter totalement, entre rire et larmes, et par vous convaincre qu'au-delà du gimmick il est un vrai , pur, grand moment de cinéma.

C'est bien simple, on a presque envie de lui appliquer la célèbre maxime d'Albert Dupontel (in "Le Créateur"): "On rit, on pleure, une heure trente de bonheur!"

C'est bête?
Allez oui, mais c'est comme ça...

Et au final, comme le disait je ne sais plus qui d'autre: persuadons-nous "qu'il faut aimer les films de Ken Loach, même les ratés".

Et comme celui-ci est réussi...


Cote: ***

jeudi 18 juin 2009



Même pas mort!

Décidément, c'est compliqué cette année pour Jean Gabin. Et ça ne risque pas d'aller en s'améliorant, d'ailleurs...
Enfin bon, bref, de nouveau presque un mois sans rien poster - pour cause de vacances au pays du Célèbre Surréaliste Catalan, cette fois-ci - et du coup le retard s'accumule.

Donc, comme à la sortie du Bifff, on va commencer par mettre rapidement les pendules à l'heure afin d'éponger tout ça avant de remettre* le couvert en mode "normal" à partir de la semaine prochaine (si tout va bien) avec une pleine chronique du dernier (et très réussi) Ken Loach (celui avou Cantona et sa trompette, oui).

En attendant, passage en revue express des trois derniers films vus avant de partir manger des gambas avec la tête au pays des castagnettes, alouette...

"Anges et Démons" (Angels and Demons) de Ron Howard (USA); avec Tom Hanks, Ayelet Zurer, Ewan McGregor, Stellan Sarsgard, Armin Mueller-Stahl, Nicolaj Lie-Kaas...

Le pape en parachute!
Bon, ben oui, pas la peine de tortiller; on tient sans doute ici la cornichonnerie de l'année, pour le moins.
C'est d'ailleurs positivement incroyable: comment est-ce possible de torcher dans les douze mois calendrier un film aussi râcé et maîtrisé que "Frost/Nixon" et une bouse de l'envergure - cosmique! - de celui-ci?
Eh bien c'est simple: faut être schizophrène... ou s'appeler Ron Howard!
Le vilain rouquin nous rappelle donc douloureusement ici qu'il n'est qu'un pauvre faiseur, capable de s'en sortir quand le scénario est bon et de complètement perdre les pédales quand on lui met dans les pognes une aussi indigeste pitrerie kitsch que cet "Anges et Démons".
Bon oui, c'est du Dan Brown, le premier était déjà pas terrible, c'est du blockbuster, ça n'a d'autre ambition que de divertir (quoi que...) mais bon, allez, quand même...
On atteint ici des sommets insoupçonnés d'indigence et de n'importe quoi.
C'est d'une connerie abyssale du début à la fin, ça ne tient pas debout une minute, ça ne raconte rien, y a même pas de suspense (enfin, pas vraiment), les personnages sont inexistants (donc les acteurs atônes puisqu'ils n'ont rien à faire et encore moins à défendre), c'est réalisé au bulldozer et c'en est fatigant de surenchère et de pyrotechnie.
Rien, rien, rien, rien... Absolument rien à sauver...
Si ce n'est qu'on apprend un mot: camerlingue.
Mais à part ça...

Cote: °

"Etreintes Brisées" (Los Abrazos Rotos) de Pedro Almodovar (S); avec Penélope Cruz, Lluis Homar, Blanca Portillo, Angela Molina, Lola Dueñas, Rossy De Palma...

Le grand oublié du Festival de Cannes, par contre, confirme après un déjà assez bluffant "Volver" qu'il est bien - même assagi comme on ne cesse de le répéter - de retour aux affaires.
Ce magnifique et bouleversant mélange de mélodrame flamboyant et de vrai film noir se pose même comme une espèce de film-somme dans la carrière du beau Pedro.
Mise en scène ultra léchée et confondante de maîtrise dans sa quasi sobriété (oui, c'est tout relatif quand il s'agit d'Almodovar mais bon), scénario gigogne à la construction et à l'évolution d'une finesse et d'une intelligence rare, vrais moments de comédie, citations à tout va confirmant l'érudition cinématographique du bonhomme (on pense plus que jamais à Hitchcock et même parfois à son disciple De Palma), ceci, cela: n'en jetez plus, la cour est pleine...
En résumé (oui, vite, vite!), ces "Etreintes Brisées", loins d'être comme on a pu l'entendre "mineures" dans la filmographie du madrilène se révèlent beaucoup plus riches et savoureuses qu'il n'y parait de prime abord (la mise en place est peut-être un peu laborieuse, il est vrai).
Et offrent qui plus est à sa muse Penélope Cruz un rôle encore plus précieux que celui qui lui valu il y a quelques années un prix d'interprétation bizarrement partagé...
L'un d'en l'autre, ce serait dommage de se priver...

Cote: ***

"Vengeance" de Johnnie To (HK); avec Johnny Hallyday, Sylvie Testud, Simon Yam, Anthony Wong, Ka Tung Lam, Suet Lam...

Ici non plus, pas la peine d'y aller par quatre chemins.
C'est beau, c'est très beau, c'est incroyablement virtuose, ça donne le tournis tellement c'est chiadé, tellement c'est filmé à la "j'en crois pas mes yeux", tellement Johnnie To confirme qu'il est un technicien époustouflant doublé d'un esthète de l'image et de la lumière. Le dernier vrai grand cinéaste en activité à Hong-Kong, oui, sans doute.
Et après?
Et après c'est tout.
Y a pas d'histoire, y a pas de dialogues, c'est du déjà vu cent fois - voire mille - et à partir d'un moment ça se regarde tellement filmer, ça sombre tellement dans la surenchère de ralentis et autres artifices boursouflés que - au delà de tous les superlatifs utilisés ci-dessus, c'est paradoxal et c'est ça qui est beau - ça vire carrément à l'auto-caricature.
Et au ridicule.
Difficile de ne pas éclater de rire devant la scène finale ou celle dans la décharge, par exemple. Très difficile, même.
Et puis, une fusillade, suivie d'une autre fusillade, suivie d'une autre fusillade, suivie d'une... et ainsi de suite jusqu'à plus soif, on a beau faire, à partir d'un moment, ça lasse. Ca commence même à faire légèrement chier, sur la longueur, tiens. Ouais, ouais.
Quant au bon Johnny, il traverse le truc sans trop avoir l'air d'y toucher, se contentant de parier sur son indéniable charisme.
Mouais... Je veux bien mais quand même...
Estimons-nous surtout heureux qu'il n'ait pas eu droit à plus de dialogues, justement.
Parce que quand il l'ouvre... Misère!
Mais c'est à l'image du film, finalement.
Comme quoi...

Cote: *

Et voila...

(* ça fait deux fois "mettre", oui)