dimanche 30 novembre 2008

Heroes and Icons...


(Toshiro Mifune - 1920/1997)


L'Emprise.

"L'Echange" (Changeling) de Clint Eastwood (USA); avec Angelina Jolie, John Malkovich, Jeffrey Donovan, Colm Feore, Amy Ryan, Jason Butler Harner...

Los Angeles dans les années 20. Le fils de Christine Collins disparait. Mise sur la selette par l'opinion publique à cause de son manque de résultats et de sa prétendue corruption, la police locale met tout en oeuvre pour résoudre l'affaire rapidement. Quelques mois plus tard, elle restitue à Christine un garçon de neuf ans prétendant être Walter. Troublée, la jeune femme ramène l'enfant à la maison. Mais au fond d'elle, elle sait pertinemment qu'il n'est pas son fils.

Allez, d'abord, un peu de tartinage de culture générale...

Qu'est-ce donc que ce "changeling" qui donne son titre original au film, me demanderez-vous, bon sang de bois? (non, Christophe, cher ami, cela n' a rien à voir avec une tagline ou un one-liner, détrompez-vous).
Eh bien figurez-vous qu'il s'agit, dans le folklore européen, d'un leurre déposé par les fées en échange de l'enfant qu'elles leur ont enlevé.
Dingue, non?
Oui, enfin, ce qui est surtout dingue, c'est de constaster une fois de plus au travers de cet exemple à quel point les titres originaux sont plus adéquats que leurs "traductions" françaises.
Bien qu'ici, "L'Echange" n'aie rien de honteux, bien au contraire.
Mais c'est bon pour une fois...

Et maintenant, un peu d'histoire...

"L'Echange" nous arrive précédé de la redoutable mention "inspiré d'une histoire vraie", signe soit que l'on va avoir droit à un affreux mélo tire-larmes, soit que le film n'a de réel qu'une vague situation de départ, le reste étant extrapolé (poussez, poussez, l'extrapolé... Pouf pouf. Pardon...).
Rien de tout cela ici, aussi étonnant que cela puisse paraitre au vu du nombre de rebondissements tous à première vue plus invraisemblables (et parfois abominables) les uns que les autres.

Non seulement le film s'inspire-t-il réellement d'une affaire criminelle ayant défrayé la chronique à la fin des années 20 (connue sous le nom de "Wineville Chicken Coop Murders") mais Clint Eastwood pousse-t-il la rigueur historique jusqu'à conserver les noms des protagonistes et à reproduire jusqu'aux minutes du procès original.
Vu le contenu de l'oeuvre, il était nécéssaire de le préciser.

Quant au film lui-même...

Eh bien, il était couru d'avance que les détracteurs du vieux Clint allaient lui reprocher une fois de plus de pécher par excès d'académisme.
"L'Echange" prêtait même idéalement le flanc à cette critique de par le fait qu'il est inspiré d'une histoire vraie, justement...

Mettons directement les points sur les "i": si Clint Eastwood est un cinéaste classique - et si, par delà, son dernier né peut-être considéré lui aussi comme un film "classique" - c'est de classicisme au sens le plus noble du terme dont il s'agit ici.
Classique, oui.
Mais comme John Ford ou Douglas Sirk peuvent être eux aussi considérés comme classiques.
On peut rêver pire comme comparaison, non?
D'ailleurs, ce n'est pas par hasard si ces deux cinéastes sont cités ici, tant l'on peut trouver de similitudes entre leur oeuvre et le film d'Eastwood.
Le premier pour le côté rugueux, viril de ses intrigues et surtout pour la droiture de ses héros, plongés dans des univers en pleine dériliction.
Le second pour ses mélos flamboyants derrière lesquels se cachent, là aussi, des sociétés sombres et rongées de l'intérieur, de ténébreux secrets, de la corruption...

Car il est bien évident qu'en tentant à tout crin de démontrer à quel point la police et les politiques du Los Angeles de l'époque étaient non seulement complètement rongés par la corruption et la violence mais également prêts à tout pour le cacher et pour garder leur privilèges intacts, Eastwood dessine en filigrane le portrait de l'Amérique actuelle telle qu'on la connait, encore en proie aux mêmes démons.
Le portrait d'une société en train de s'effondrer, tellement sont rongées les fondations mêmes sur lesquelles elle repose.

Tout cela étant d'ailleurs magnifiquement souligné par certaines scènes dont l'apparente cruauté gratuite (une exécution filmée froidement et quasiment dans son intégralité, par exemple) n'est que le symbôle d'autant de fissures dans le miroir, d'autant de grains de sables dans une machine apparement bien huilée.

Rajoutons à cela un magnifique portrait de femme, féministe avant l'heure et sans le savoir, aux prises avec une société machiste qui ne reculera devant rien pour la faire taire, et nous tenons là un futur grand classique (eh oui!) du cinéaste.

Et même du cinéma américain de ces dernières années.

Aidé qui plus est par l'interprétation en tous points impressionnante d'Angelina Jolie - qui prouve enfin qu'elle est une véritable actrice - ainsi que par l'une des reconstitution d'époque les plus rigoureuses qu'il m'ait été donné de voir ces dernières années, Clint Eastwood prouve, une fois de plus qu'il est sans doute l'un des derniers vrais grands cinéastes (Classiques! Oui! Classiques!) encore en activité à Hollywood.

Et malgré son grand âge on ne peut espérer qu'une chose: que cela dure encore longtemps!


Cote: ****

lundi 24 novembre 2008



Le gros machin rouge.

"Hellboy 2" de Guillermo Del Toro (USA); avec Ron Perlman, Selma Blair, John Hurt, Doug Jones, Jeffrey Tambor, Luke Goss...

Après qu'une ancienne trève entre le genre humain et le Royaume Invisible ait été rompue et qu'un redoutable chef de guerre ait renié ses origines, une terrible menace plâne sur notre monde: une armée de créatures que nul ne semble pourvoir arrêter s'apprête à déferler, libérant l'Enfer sur Terre. Avec ses partenaires du B.P.R.D., Hellboy, créature appartenant aux deux mondes mais qui n'a jamais été vraiment accepté par aucun, devra intervenir et choisir entre la vie qu'il connait et un avenir plus qu'incertain.

Décidément, la carrière de Guillermo Del Toro est bien étrange...

Et quelque part comparable à celle de son personnage-fétiche.
Le brave mexicain ayant en effet lui aussi le cul entre deux chaises, balancé qu'il est d'un film à l'autre entre un cinéma plus intimiste et personnel (ça reste néanmoins très relatif) et les gros actioners hollywoodiens.

D'un côté, le fantastique "espagnol", plus ancré dans ses racines, des films à budgets plus restreints mais évoluant dans un univers qui lui semble plus personnel ("Cronos", "L'Echine du Diable", ou bien sûr le magnifique "Labyrinthe de Pan"), de l'autre de monstrueux blockbusters pétaradants, bourrés jusqu'à la gueule de scènes d'actions mégalomanes et d'effets spéciaux à couper le souffle ("Mimic", "Blade II", la série des "Hellboy").

D'un côté des hauts très haut (la première catégorie et le premier "Hellboy", en gros) de l'autre des bas abyssaux (le deuxième "Blade", franchement le pire épisode d'une série pourtant déjà pas terrip, terrip au départ).

Et entre les deux mon coeur balance.

Avec un net penchant pour ses "petits" films, bien entendu, mais encore...
Force m'est de reconnaitre des qualités à "Mimic" ou, surtout, au premier "Hellboy", justement...

L'ayant revu récemment en télé je m'étais rendu compte, plus à cette seconde vision qu'à la première, à quel point le film, somme toute fort fidèle à l'univers du comic original de Mike Mignola, était attachant.

Grâce essentiellement à son personnage principal, forcément hors du commun mais aussi éminemment humain.
Ce gros truc rouge picolant et fumant des cigares, passant son temps à râler et à regarder des vieux films à la téloche entre deux missions invraisemblables, ce super-héros hors normes qui ne rêvait que d'une chose, devenir normal, trouver sa place dans la société et fonder une famille avec son amoureuse (pourtant assez bizarre et bien barrée, elle aussi), c'était finalement ce qui faisait tout le sel et l'intérêt de ce premier opus.

Ca et l'ambiance très "Appel de Cthullu" développée par Del Toro, évidemment... Sans parler de l'interprétation impeccable d'un Ron Perlman que l'on aurait dit né pour jouer ce rôle.

Bref...

C'est donc avec curiosité et envie que je m'en allais voir la suite.

Hélas, trois fois hélas (once again)! Quelle ne fût pas ma déception, allez...

D'abord parce qu'à trop vouloir développer ses personnages secondaires (ce qui est louable en soi, bien entendu) Del Toro a perdu de vue le trésor qu'il avait entre les mains en la personne de Hellboy lui-même.
Ici, le Rejeton de l'Enfer est presque relégué au second plan.
Et comme l'écriture est molassonne, même ses one-liners d'anthologie tombent à plat.
L'humour, salutaire et omniprésent dans le premier volet est ici complètement lourdingue et grotesque, d'ailleurs.
Du coup, le personnage perd de son intérêt.
Et comme ses comparses peinent à soutenir la comparaison c'est tout le film qui en prend un coup et qui s'essoufle, malgré la surenchère dans les scènes d'actions et les rebondissements.

Bien sûr, il serait malhonnête de prétendre que l'on s'ennuie.
Que du contraire!
On n'en a même pas le temps tellement tout le film est monté comme une sorte de gigantesque surenchère permanente.
Et puis, bien entendu, c'est très bien foutu.
La direction artistique, les effets et même la réalisation sont tout à fait à la hauteur.
Mais au final, tout ça est au service de tellement peu de choses...

Tout le film donne l'impression que Del Toro s'est endormi sur ses lauriers.
Des créatures qu'il recycle (surtout en provenance du bestiaire du "Labyrinthe de Pan", d'ailleurs) jusqu'à ce scénario indigent, indigne d'une BD de pas très bonne facture.

Et puis, l'univers mis en place par le réalisateur s'éloigne de plus en plus de celui de Mignola, penchant plutôt maintenant vers un décorum d'héroïc-fantasy somme toute très enfantin, comme le prouve entre autre la scène d'ouverture et ses ridicules marionnettes.

Qui plus est, ça puise aussi un peu trop à gauche et à droite pour être vraiment honnête, avec des clins d'oeil (ou "d'yeux"?) appuyés à "Star Wars", au "Seigneur des Anneaux" ou même à "Harry Potter" (si, si!)...
Une trop vaste et surtout bien trop tiède tambouille , en fait...
Tout cela sans même parler du final, ridiculement expédié avec l'eau du bain...

Alors, bien entendu il reste pas mal de choses à défendre.
Quelques très belles scènes comme celle de l'homme-plante, par exemple.
Un chatoiement à la limite du kitsch dans les créatures, les effets spéciaux, la direction artistique en général, qui continue à donner au film une belle allure et à le faire évoluer dans un univers plaisant à l'oeil.

Mais l'un dans l'autre, en dehors d'un gros divertissement boursouflé et qui en met effectivement plein la vue, rien qui n'arrive ne fût-ce qu'à la cheville de l'original...


Cote: **

mercredi 19 novembre 2008


Comme un parfum de tapas...

"Vicky Cristina Barcelona" de Woody Allen (USA); avec Scarlett Johansson, Rebecca Hall, Javier Bardem, Penélope Cruz, Patricia Clarkson, Kevin Dunn...

Vicky et Cristina sont deux grandes amies à la vision du monde et surtout de l'amour diamétralement opposée. La première à les pieds sur terre, croit à l'amour et est fiancée à un garçon sérieux. La seconde, plus frivole, est en perpétuelle recherche de nouvelles aventures. Invitées par de vagues parents de Vicky, elles vont passer l'été à Barcelone. Là, elle vont faire la connaissance de Juan Antonio, peintre sensuel et provocant, incarnation parfaite du "latin lover", lequel va tenter de les séduire toutes les deux.

Aaaaaaaaaaaah! Woody, Woody, Woody, Woody...

On ne nous le changera plus.

Et c'est tant mieux, d'ailleurs, d'une certaine façon.

Bien, que, quand même...

Il commence vraiment, avec l'âge, à verser dans la caricature et à réaliser de plus en plus de films de la main gauche.
Le pire étant qu'on ne peut même pas lui reprocher un excès de paresse: avec un film par an en moyenne depuis au moins 20 ans, c'est plutôt le contraire.
Un vrai stakahnoviste, le Woody!
Et c'est peut-être justement là que la bât blesse...
Peut-être devrait-il se forcer à un rythme moins éffrené et plus se concentrer sur ses films, prendre le temps de construire quelque chose plutôt que de foncer de films mineurs en films mineurs comme c'est le cas depuis quelque temps déjà.
Préférer la qualité à la quantité, en somme...

Mais d'un autre côté, l'angoisse de la mort qui sourd de l'ensemble de son oeuvre fait que, comme chez Clint Eastwood mais avec des résultats plus mitigés, on comprend cette boulimie, cette frénésie de tournages, pourrait-on même dire...

Mais en attendant, voila, le résultat est là.

Et même si l'on ne peut s'empêcher, surtout si comme moi on est fan, de prendre du plaisir à regarder cette nouvelle confiserie du petit maître, cela reste quand même très volatil et très superficiel.

Après un assez long passage (oui, vu la vitesse à laquelle il tourne ça reste aussi très relatif) par la Grande-Bretagne et plus particulièrement par Londres - et à défaut d'avoir pu monter son projet parisien - voici donc Tonton en vadrouille sous le soleil d'Espagne.

Et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'y va pas par le dos de la cuiller point de vue "escapade touristique", visite guidée du pays des toros!

Rien ne nous est en effet épargné d'une Espagne de carte postale où les clichés s'accumulent jusqu'au quasi trop plein.
Guitare, Gaudi, Miro, le parc Güell, vin et castagnettes, Ramblas et Sagrada Familia, tout y passe, rien ne manque à l'appel.
Jusqu'aux personnages, brossés à très gros traits: Javier Bardem en peintre bellâtre forcément hédoniste et queutard et Penélope Cruz en épouse jalouse au tempérament volcanique et au look particulièrement échevelé.

Mais malgré tout, ça passe.
On s'y plait, dans cet album Panini barcelonais.
Grâce à une petite troupe d'acteurs attachante (au premier rang de laquelle figure la belle découverte qu'est Rebecca Hall, déjà entraperçue dans "Le Prestige"), à un scénario plus subtil qu'il n'y parait même s'il n'hésite pas, lui aussi, à parfois emprunter des chemins par trop balisés (le final explosif et pétaradant n'est que moyennement crédible, pour tout dire), des dialogues qui font mouche - comme toujours - et la beauté ensoleillée des paysages catalans.

Une fois de plus, en tout cas depuis "Match Point", sa dernière vraie réussite, Woody Allen nous offre donc un petit film plaisant, intelligent, drôle et raffiné mais totalement éphémère.

Un film dans lequel on se plait comme dans de vieilles pantoufles (Ah! Ces sempiternels génériques sur cartons noirs et blancs!).
Et qu'on va voir, aussi, par habitude.

En attendant déjà le prochain.

Comme quoi...


Cote: **

mercredi 12 novembre 2008



Dub-Yah!

"W." d'Oliver Stone (USA); avec Josh Brolin, Elizabeth Banks, James Cromwell, Ellen Burstyn, Richard Dreyfuss, Thandie Newton...

L'irrésistible ascension de George W. Bush qui, malgré les pressions familiales, est passé du stade d'alcoolique notoire et fainéant de compète à celui d'improbable quarante-deuxième président de la première puissance mondiale.

Oliver Stone est un solide manipulateur et un fameux roublard. Qu'on se le dise!

"C'est pas nouveau!" me braille l'écho!
Oui mais quand même...
A ce point-là, ça relève de l'exploit, du véritable sport.

Car avec ce nouveau portrait présidentiel (après "Nixon" et sans compter "JFK") il arrive vraiment à tordre complètement la réalité pour la faire rentrer dans un seul cadre, la voir au travers d'un seul prisme, celui du psychodrame familial.
Il ne nous montre rien d'autre ici qu'un George Bush décliné en vilain petit canard, condamné pour toujours à vivre dans l'ombre d'un père rigide, ambitieux (pour lui et pour les autres) et pour tout dire fort encombrant.
Un père de l'influence duquel il va essayer de s'extraire à tout prix et à qui il n'aura de cesse de prouver qu'il vaut aussi bien que lui, si pas mieux.
Et tout cela sans parler du frère (même si le personnage est ici expédié) ni même de la mère, calculée en espèce de descendance d'éminence grise...

Ce qui nous donne un portrait sans finesse ni nuance d'un W. montré sans cesse comme un imbécile heureux somme toute sympathique et malheureusement manipulé.
Le méchant c'est pas lui.
Les vrais affeux sont ailleurs, ce sont ses conseillers, ses gourous, son bras droit, présentés eux comme réellemment calculateurs et machiavéliques - en particulier un Dick Cheney très retors interprêté avec ce qu'il faut de visquosité par un excellent Richard Dreyfuss.

Du coup, le film, auquel on peut déjà reprocher d'arriver un peu trop tard et de tirer mollement sur l'ambulance, passe tout à fait à côté de son sujet et parvient à réussir l'étonnant tour de force de rendre le futur-ex-président presque sympathique.
Ce qui n'était probablement pas le propos de Stone au départ, en plus.
Malheureusement celui-ci semble bizarrement s'assagir depuis quelques temps, émoussant ses lames sur le rocher du politiquement correct.
Semblant même vouloir, depuis un "World Trade Center" d'extrèmement pénible souvenir, présenter ses excuses à la patrie, comme s'il regrettait ses excès passés.

Le pire c'est qu'en dehors de ses travers à tendance hagiographique (Djoss! Deux fois en deux critiques! A moi la floche!) le film en lui-même n'est pas vraiment mauvais et même plutôt agréable à suivre, si on le prend par le bout du biopic lambda.

La réalisation est discrètement virtuose (on est loin des kitscheries passées mais la scène du rêve dans le Bureau Ovale est un modèle de découpage, par exemple), les coulisses du pouvoir sont habilement disséquées (Même si tout cela est invérifiable. Après tout, personne n'était là pour entendre ce qui se disait, hein?), Oliver Stone, qui nous rappelle qu'il est aussi un brillant scénariste, s'y connait pour ce qui est de raconter une histoire... et bien évidemment, l'interprétation est hors norme!

La création de Josh Brolin, qui arrive à se couler dans le "moule" W. est réellement impressionnante.
Et ses partenaires sont à la hauteur, en particulier James Cromwell dans le rôle d'un Bush père à la fois monolithique et étrangement humain.

L'un dans l'autre, "W." est donc loin d'être un pamphlet, encore plus loin d'être un brûlot.
C'est le film mi-figue, mi-raisin d'un auteur qu'on a connu plus engagé et surtout plus enragé, sauvé en grande partie par son savoir-faire.
Et encore plus par son interprète principal.

Bien foutu à défaut d'être tout à fait honnête. Et qui ne restera probablement pas dans l'histoire.


Cote: **

jeudi 6 novembre 2008



An-ti-so-cial!

"Mesrine - L'Instinct de Mort" de Jean-François Richet (F); avec Vincent Cassel, Cécile de France, Gérard Depardieu, Ludivine Sagnier, Gilles Lellouche, Elena Anaya...

Le parcours criminel de Jacques Mesrine, du Paris des années 60 au Canada des années 70. Du petit voyou de la Place Clichy à l'ennemi public numéro un.

Curieux quand même tout ce qu'on entend à propos de ce film (ou plutôt de ce "demi-film", puisqu'il s'agit bien ici d'un diptyque, d'un grand film coupé en deux - et de manière assez abrupte, d'ailleurs).

En gros, deux camps se dégagent: d'un côté, ceux qui lui reprochent de ne pas prendre parti et de se contenter de livrer les faits de manière chronologique, historique et quasi documentaire, sans brosser vraiment le portrait de Mesrine, sans se pencher sur sa psychologie et surtout sans se préoccuper de ses motivations.
De l'autre, ceux qui, au contraire, trouvent qu'il prend trop parti et de la mauvaise manière qui plus est, finissant par dresser un portrait flatteur et presque hagiographique du criminel.

Et c'est justement parce que le film est quelque part un mélange de tout cela qu'il devient réellement intéressant, passionnant, même.

D'une part tous les épisodes les plus captivants, les rebondissements les plus sidérants de cette vie de héros romantique nous sont montrés avec une rigueur paradoxalement ludique et une maîtrise cinématographique digne de ses aînés américains par un Jean-François Richet à qui sa paranthèse outre-atlantique (le remake d' "Assaut" de Carpenter) a visiblement fait le plus grand bien.

On y retrouve le souffle et la vista qui faisaient le sel des grands films de gangsters et de braquage des années 70, de ceux que tournaient des Friedkin et des Lumet.
Mais avec une évidente touche de modernité en plus qui fait que tout cela ne verse jamais non plus dans le chromo ou dans la nostalgie.

Et quand on parle de rebondissements sidérants ce n'est pas une vue de l'esprit.
Certains d'entre eux sont tellement énormes qu'on les croirait presque inventés pour le film.
Or il n'en est rien, évidemment!
Et c'est ce qui rend ce "Mesrine" encore plus incroyable: des scènes comme celle de l'enlèvement du milliardaire ou surtout celle de l'attaque de la prison canadienne que l'ont croirait vraiment surgies d'un roman ou, mieux, d'un film.

Quoi de plus cinématographique en effet qu'une vie à ce point hors normes qu'on la verrait bien surgir d'un scénario spécialement écrit pour l'occasion?
Rien, bien entendu, et c'est là que le film de Richet marque des points.

Elevé à des kilomètres au-dessus du sol par la seule force de son personnage principal.

Peu d'oeuvres, peu de chefs-d'oeuvres même, peuvent en dire autant.

D'autre part l'ambiguité, la schizophrénie même du personnage n'est pas non plus laissée sur le côté.
Même si globalement le film se complait effectivement un peu - mais ce n'est pas forcément pour déplaire - dans une ambiance faisant la part belle aux gangsters à l'ancienne, au grand coeur, respectant à la lettre un code d'honneur surrané...
Aux "bandits d'honneurs" tels qu'on en voyait dans les films français des années 50 ou 60, en somme...

La terrible violence qui habite Mesrine est toujours bien là, bien présente et pas forcément sous la surface.
Dès le début du film et cette scène se situant lors de la Guerre d'Algérie, on comprend ce dont l'homme est capable.
Et certaines scènes, ici aussi, rendront compte du jusqu'au-boutisme, de la rage mais aussi de l'égoïsme forcené et de la mégalomanie sauvage de cet homme, prêt à sauver une prostituée des griffes de son mac (dans une scène sidérante de violence sourde) mais aussi à mettre un flingue dans la bouche de sa propre femme quand elle a le cran de vouloir se mettre sur son chemin.

Entre humanité et monstruosité, un portrait finalement beaucoup plus nuancé que celui que d'aucuns voudraient y voir.

En dehors de cela, la capacité qu'a Richet de s'emparer des codes du film d'action pour les transcender, transformant ce qui est au départ un pur film de gangsters - avec ce qu'il faut de braquages, de flingues et de personnages troubles - en une sorte de portrait en forme de puzzle finit par emporter le morceau.

Aidé en cela par une reconstitution d'époque impeccable et surtout par l'interprétation monstrueuse d'un Cassel qui est vraiment Mesrine. Qui habite le personnage comme personne d'autre que lui, sans doute, n'aurait pu le faire. Et qui bouffe littéralement tout sur son passage!

Quitte à faire oublier (mais ce n'est qu'une première partie, ne perdons pas ça de vue non plus) que le film passe un peu outre les révoltes et les engagements du criminel, que les implications socio-politiques, même si elle sont bien là, sont pour le moins... survolées...
Et qu'en dehors de Mesrine (et mis à part le personnage de parrain proche de l'OAS campé par un Depardieu vraiment impressionant) aucun personnage secondaire n' "existe" réellement (c'est particulièrement vrai, hélas, en ce qui concerne la Jeanne Schneider interprêtée par la pourtant irréprochable Cécile de France).

Il n'empêche que quand cette première partie s'achève, sur un réel goût de trop peu dû heureusement pour une fois à la qualité et à la densité de l'ensemble, on n'a qu'une seule envie: voir la suite.

Et vite!


Cote: ****

lundi 3 novembre 2008



Artillerie Lourde.

"Tonnerre sous les Tropiques" de Ben Stiller (USA); avec Ben Stiller, Jack Black, Robert Downey Jr., Tom Cruise, Nick Nolte, Matthew McConaughey...

Tugg Speedman, star du film d'action en perte de vitesse, Jeff Portnoy, spécialiste de la comédie pétomane soucieux de prouver qu'il est aussi un acteur et Kirk Lazarus, star multioscarisée adepte de la "méthode" se retrouvent sur le tournage d'un film de guerre adapté du livre de souvenirs d'un vétéran du Vietnam. Mais une fois dans la jungle, le tournage dérape. Face aux caprices de ses stars, aux dépassements de budget et à la colère des pontes du studio, l'inexpérimenté réalisateur Damien Cockburn a une idée de génie: emmener ses acteurs au coeur de la forêt tropicale pour y tenter une expérience de "cinéma-vérité"...

A force de le voir se faire complaisement et copieusement humilier dans les films des autres (de "Même pas mal" à "Mon Beau-Père et Moi" en passant par "Mary à tout prix" et son coinçage de couille d'anthologie) on en oublie presque que cet acteur bizarrement sado-maso qu'est Ben Stiller est aussi - bien que plus accessoirement - réalisateur.

Et pas n'importe lequel des réalisateurs.

L'un de ceux - l'un des rares si pas même le seul - capables de faire passer les frères Farrelly pour des parangons de vertu et de bon goût.

A ce titre son nouveau film a quelque chose d'admirable...

Ce qui impressionne, on ira presque jusqu'à dire "ce qui force le respect", c'est de voir à quel point Stiller repousse toutes les limites du politiquement correct et ne recule devant aucune méchanceté, devant aucun mauvais goût pour parvenir à son but: faire rire.
A ce titre, la scène où ses geôliers asiatiques lui font rejouer avec les moyens du bord les passages-clefs du film qui l'a rendu célèbre et dans lequel il interprétait un handicapé mental sont d'une cruauté rarement égalée dans une comédie, américaine de surcroit.

Hélas, trois fois hélas, le reste ne suit pas.
Et le film a tôt fait de retomber comme un soufflé.

D'abord victime de son intrigue par trop rabachée.
Combien n'avons-nous pas déjà vu de films dont le scénario tourne autour d'un groupe d'acteurs qui se retrouvent au milieu d'ennuis sans noms tout en pensant continuer à tourner?
La réponse est: trop.

Ensuite, si gags il y a (et il y en a bien, n'exagérons pas dans l'autre sens non plus) ils sont à partir d'un certain moment par trop clairsemés pour que le film n'y perte pas en rythme (qui plus est, les meilleurs sont, comme souvent, visibles dès la bande-annonce, ce qui gâche un peu le plaisir).
Car le principal problème il est là: après un départ en fanfare - et qui laissait augurer du meilleur - "Tonnerre sous les Tropiques" perd de son rythme, de son souffle et finit par pédaler péniblement dans l'eau des rizières.

D'un autre côté, Stiller se laisse tellement le champ libre et semble tellement s'amuser avec son joujou qu'à un moment - du point de vue narratif, s'entend - le film commence à partir dans tous les sens et à confondre délire avec hystérie.
Et malheureusement, livrés à eux-mêmes, les acteurs sont au diapason.
Avec mention "très bien" à Jack Black qui repousse les frontières du suportable tellement il est en roue libre.
C'est bien simple, même Robert Downey Jr., qui arrive généralement à transformer le cabotinage en atout, est mauvais tellement il en fait des tonnes.
Et pourtant, Dieu sait que son personnage d'acteur "à la Actor Studio" qui se fait opérer pour jouer un Noir pouvait donner lieu à des scènes beaucoup plus barrées que celles auxquelles nous avons droit ici.
En fin de compte, le seul qui arrive à sortir un tant soit peu sont épingle du jeu est le quasi méconnaissable Tom Cruise.
Bien sûr, il surjoue aussi comme un cochon mais son rôle s'y prête bien. Et puis, il a tellement l'air de s'amuser qu'on ne peut pas lui en vouloir.

Pour conclure on dira donc malheureusement que "Tropic Thunder" est un gros foutoir râté dans lequel surnagent plus ou moins péniblement quelques pépites.

Dans lequel on rit, oui, mais à la fois trop lourdement et pas assez souvent.

Et qu'à part une première demi-heure vraiment réussie, elle (Ah ah! Les fausses bandes-annonces!) il n'appelle qu'à un seul constat, d'ailleurs étonnant: Ben Stiller est vraiment très doué pour filmer les scènes d'action.

Une nouvelle voie à suivre, peut-être?



Cote: **

dimanche 2 novembre 2008


Un autre goût.

"Parlez-moi de la pluie" d'Agnès Jaoui (F); avec Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui, Jamel Debbouze, Pascale Arbillot, Frédéric Pierrot, Florence Loiret-Caille...

Agathe Villanova, féministe nouvellement engagée en politique, revient dans sa maison familliale dans le sud de la France afin d'aider sa soeur, qui y habite, à ranger les affaires de leur mère, récemment décédée. Bien que n'aimant pas la région, qu'elle a quittée dès qu'elle l'a pu, les hasards de la parité l'y ont parachuté en vue des prochaines élection. Parallèlement, Michel Ronsart et son ami Karim, le fils de l'employée de maison des Villanova, profitent de l'occasion pour interviewer Agathe dans le cadre d'un documentaire sur "les femmes qui ont réussi".

C'est donc globalement plutôt une bonne surprise que ce troisième opus d'Agnès Jaoui réalisatrice, surtout après son déplorable prédécesseur "Comme une image". Une bonne surprise, oui. Mais sans plus.

Sans doute est-ce dû en partie au fait que, mettant de l'eau dans son vin, le couple de scénaristes qu'elle forme avec son compagnon Jean-Pierre Bacri fait preuve ici de moins de condescendance et de parisianisme et d'un peu plus de compassion, voire de sympathie, vis-à-vis de ses personnages.
Exit donc ou presque l'agaçant snobisme et la crasse arrogance de "Comme une image".
La bonne idée de déplacer l'action du film en province y étant probablement pour beaucoup.

On se retrouve donc devant des personnages beaucoup plus sympathiques qu'à l'habitude, même si, comme toujours, ils se débattent avec leurs défauts et leurs contradictions.
Ce qui les rend plus attachants et facilite l'empathie que l'on peut avoir vis-à-vis de ce petit film qui, par delà, creuse le même sillon que ses deux grands frères et ce d'une manière malheureusement un peu trop volatile.

Car c'est là le grand problème de "Parlez-moi de la pluie": si cette comédie aigre-douce réserve son lot de moments tantôt drôlatiques, tantôt émouvants, tout est malheureusement trop survolé pour donner entière satisfaction.

Certes c'est très bien écrit (manquerait plus que ça, me direz-vous), les dialogues sont fins et font souvent mouche et la direction d'acteurs frise la perfection (mention particulière à Jamel Debbouze qui prouve, après "Indigènes", qu'il est un véritable acteur, capable quand il le veut de se sortir de son personnage de comique télévisuel).
Mais la réalisation est un peu tristounette et le sujet pas assez approfondi pour convaincre totalement.

De plus, le film souffre une fois encore de l'excès d'ego du tandem de scénaristes qui s'est gardé les meilleurs rôles et les sur-développent au détriment de la plupart des personnages secondaires, à la limite d'être sacrifiés.
C'est particulièrement dommage, d'ailleurs, dans le cas de la subtile et trop rare Pascale Arbillot qui aurait pu, on ne fait hélas ici que l'entrevoir, développer un beau personnage de femme délaissée.

Pour le reste, bien que vaguement cynique par endroits, tout cela dégouline un peu trop de bons sentiments et de politiquement correct pour être tout à fait honnête et appréciable, malgré quelques belles scènes de comédie pure, comme celle de la nuit passée dans une ferme isolée après une tentative de tournage avortée.

Somme toute, avec ses intrigues secondaires esquissées mais jamais vraiment développées (la relation de Bacri avec son fils, celle de Jamel avec sa collègue...) "Parlez-moi de la pluie" souffre sans doute des défauts génériques du cinéma français contemporain: un manque de prise de risque évident et une tendance dommageable au ronron, malgré de bonnes idées, la présence de vrais talents et une certaine "bonne volonté".

Avec tout ça le nouveau film d'Agnès Jaoui finit par être éminemment regardable et plaisant.

Mais c'est vraiment tout ce qu'il y a à en dire.

C'est bien, oui, c'est bien...

Mais c'est peu...


Cote: **