lundi 16 juillet 2012


Folie privée.

"A perdre la raison" de Joachim Lafosse (B); avec Emilie Dequenne, Niels Arestrup, Tahar Rahim, Stéphane Bissot, Nathalie Boutefeu, Yannick Rénier...

Mounir vit depuis des années chez le docteur Pinget, lequel l'a fait venir du Maroc, le considère comme son fils adoptif et lui assure depuis toujours le confort matériel. Un jour, Mounir rencontre Murielle. Il s'aiment. Passionénment. Décident de se marier et d'avoir des enfants. Insensiblement, la dépendance matérielle et affective du couple envers le médecin devient de plus en plus excessive. Sa présence de plus en plus envahissante. Murielle se retrouve bientôt enfermée dans une situation quotidienne, un climat, de plus en plus irrespirable. Lequel la conduit de manière inéxorable vers une issue tragique...

Qui l'eût cru ?

Joachim Lafosse, gobalement imbitable en interview et auteur de fictions jusqu'ici à la limite du supportable  - du moins en ce qui me concerne (l'hystérique "Nue Propriété" et surtout le très bobo et faussement scandaleux "Elève Libre") aux manettes d'une fiction adaptée "librement" (mais quand même) d'un fait divers local, récent et particulièrement cra-cra, c'était - semble-t-il - tendre le bâton (celui qui sert à remuer la merde, à en croire certains dont nous respecterons le point de vue même si nous ne partageons pas forcément ce genre d'états d'âme) pour se faire battre.

Du moins de prime abord.

Et c'est vrai d'ailleurs qu'il s'est pris un - très léger - retour dudit bâton, même si celui-ci se résuma à quelques borborygmes à peine articulés qui ne l'ont pas empêché de faire le film qu'il voulait, d'une part, et lui ont sans doute, comme c'est souvent le cas dans ce genre d'affaire, fait au final plus de pub que de tort.

Mais ce qui est étonnant dans l'affaire, au-delà de ce débat de fond bien légitime mais somme toute un peu stérile, c'est qu'au final, ce Joachim Lafosse-là a réussi en l'espèce à réaliser un film sobre et digne car gardant toujours une distance respectable avec son délicat sujet.

Une forme de détachement salutaire, même si on ne peut pas vraiment dire qu'il soit entièrement neutre, loin de là (les personnages du mari et du docteur sont quand même assez chargés, il faut bien le dire).

Le scénario bien tenu qui arrive à nous résumer une affaire aussi émotionnellement complexe en à peine 1 h 50 et la réalisation, à la fois digne et poignante (la longue scène en voiture ou Emilie Dequenne éclate progressivement en sanglots en écoutant "Femmes, je vous aime" de Julien Clerc) sont évidemment pour beaucoup dans cette réussite.

Mais au-delà de ce défi formel, c'est du côté de l'interprétation qu'il faut bien évidemment se tourner pour comprendre toute l'ampleur affective (et potentiellement lacrymale, il est vrai) d' "A perdre la raison".

Et de ce côté-là, il est bien entendu juste, voire évident, de saluer la performance impressionnante d'Emilie Dequenne, dont l'implication bouleversante pousse parfois le film dans ses derniers retranchements.

Ajoutons à celà une description on ne peut plus idoine de la dépression nerveuse et l'on se retrouve face à une oeuvre d'une rare intensité, à l'image de sa scène finale, presque tétanisante.

Ne serait-ce ce "je ne sais quoi" étrange qui l'estampille dès le début et sans qu'on ne sache trop pourquoi de l'intangible sceau "film belge", "A perdre la raison" serait presque un film parfait.

Du moins dans les limites de son auteur.

Que l'on attend pourtant au tournant.


Cote:  ***

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