lundi 23 février 2009



La faute à Sean Penn!

Voila, voila, première partie du grand barouf annuel et résultats des courses.

Je vous le fait en deux parties puisqu'il y a une semaine de décalage entre les deux, d'une part, et surtout parce que je me tape un bon huit sur dix (enfin, six sur huit) au joli jeu des pronostics. Et c'est suffisament rare pour qu'on en parle, nom de djaal (ou nom de dju ou nom de djoss, 'fin bref)!

Et si je n'ai pas fait carton plein, la faute en incombe à Sean Penn, misère!

Mais quoi, ici?
C'était quand même grâvé dans le marbre que le Mickey Rourke en retour de pain de viande permanenté/botoxé allait rafler la mise, non?

Eh ben non...

Et ça m'arrache un peu la gueule de l'avouer vu l'amour transi que je voue au Vieux Penn (par opposition à feu le "Gros Penn"), un de mes acteurs préférés et carrément un de mes héros-des-temps-modernes, n'en déplaise à Stone et Parker.

Mais bon quand même allez, hein...

Bien que je sois convaincu de la "métamorphose" (pour le coup, parait qu'on ne peut même pas parler de "performance" mais qu'on doit carrément passer au superlatif supérieur*) du Sean - j'ai pas encore vu le film, forcément - force est d'avouer que l'autre baudruche péroxydée passée à l'attendrisseur de la boxe et de la lose** méritait son Premier Flocon.
Que "The Wrestler" est le rôle de sa vie et que passé ce miracle, ben, autant se dire que c'est plié, il l'aura jamais.
Tandis que Sean Penn, lui, l'en a déjà une sur sa cheminée, de statuette, quand même...
C'était peut-être pas la peine de repasser tout de suite les plats...

Enfin bon, bien, bref...

La deuxième surprise, de taille elle aussi, qui rogne misérablement mon pourtant brillant résultat, c'est l'Oscar du Meilleur Film Etranger (enfin, "en langue étrangère", pour être précis) qui va, lui, au film japonais "Departures", absolument inconnu de nos services alors que tout le monde donnait vainqueur le "documentaire-fiction d'animation" (awel santeï!) "Valse avec Bachir", de l'israélien Ari Folman, pourtant déjà réputé comme étant le "grand oublié" du dernier Festival de Cannes...
Gageons qu'il se rattrapera aux Césars.
Ou pas, tant qu'à faire chier le pronostiqueur jusqu'au bout.

Quant au reste du palmarès, qu'en dire, à part qu'il est extrèmement consensuel (forcément, sinon j'aurais jamais réalisé un score pareil)?

Rien ou pas grand-chose, si ce n'est qu'avec son triomphe annoncé "Slumdog Millionaire" confirme bien son statut de film le plus surestimé de l'année.
Qu'on reviendra bientôt sur le pourquoi du comment que c'est quand même dommage que "Benjamin Button" doive se contenter de si peu.
Qu'on est ravi (même si - et pour cause - on n'a pas encore vu le film non plus) que l'excellentissime Kate Winslet décroche enfin la timbale.
Que Heath Ledger fait un bel Oscarisé malheureusement posthume (le deuxième, après Peter Finch pour "Network").
Et que Woody Allen porte décidément chance aux actrices, surtout dans un second rôle...

A part ça?
A part ça c'est tout.
On est content de son petit score (pour une fois).
On ne poste pas le palmarès complet parce qu'on peut le trouver .

Et on se retrouve fin de semaine - ou début de suivante - pour les Césars.

Parce que là quand même, on risque de se prendre une tannée... Et même une sévère, tenez.

Tradition oblige.


Et en résumé, les six que j'ai bon (comme on dit en espagnol): film, réal ("Slumdog Milionaire"), actrice (ci-dessus), seconds rôles (idem) et film d'animation ("Wall-E").

(* Ca se dit, ça???)

(** Un seul "o", merci.)

jeudi 19 février 2009

Heroes and Icons...


(Jamie Lee Curtis - b. 1958)

mardi 17 février 2009


Passe ton bac d'abord!

"Elève Libre" de Joachim Lafosse (B); avec Jonas Bloquet, Jonathan Zaccaï, Anne Coesens, Yannick Rénier, Claire Gilson, Johan Leysen...

Jonas, 16 ans, vient d'échouer une nouvelle fois à ses examens et voit simultanément s'effondrer les espoirs qu'il avait placés dans une carrière de tennisman. Il décide donc de passer le jury central en "élève libre". Pierre, un trentenaire ami de sa mère, décide de l'aider à préparer l'épreuve. Bien vite, dépassant les limites strictement éducatives, la relation va déraper.

Ouh la la la la, misère! Quelle punition, mes aïeux, quelle punition!

Qu'en voila un petit film tout vilain et prétentieux et pour tout dire désagréable.
Un petit film qui plus est d'un ennui sans nom!

Passé l'intrigant générique et son jeu sur le son qui fait deviner peu à peu que l'on a affaire à une partie de tennis (oui, c'est anecdotique, je sais, mais il faut bien se racrocher à quelque chose, que voulez vous...), cet affreux pensum, lourd et laid, entraîne son malheureux spectateur au fin fond d'un puit d'insipidité lasse et lassante pour tout dire... soporifique.
Tout en réussissant - amazing isn't it? - le pari insensé d'atteindre en parallèle des sommets d'arrogance et de pose.

En choisissant délibérément de ne pas prendre parti, de filmer ses protagonistes d'un oeil neutre (on pourrait presque dire morne) pour soi-disant laisser au spectateur la possibilité de se faire une opinion par lui-même, Joachim Lafosse arrive tout au plus à dépouiller son film de toute substance, à le rendre incolore, inodore et innofensif.

La réalisation, maniérée, alternant longs plans séquences inutiles et insupportables gros-plan sensés traduire l'athmosphère étouffante de l'ensemble, ne réussit quand à elle qu'à agacer.
Tout comme les partis-pris de mise en scène, d'ailleurs (je n'ai jamais vu autant de scènes de repas dans un seul film. C'est bien simple, on peut pour tuer le temps s'amuser à les compter tout comme les victimes dans un quelconque "Vendredi 13").

Les dialogues, scolaires, sont d'une médiocrité consternante et se complaisent dans un jeu de culture/confiture indigne d'un mauvais roman d'Amélie Nothomb ("Péplum", au hasard). On cite Camus à chaque coin de phrase mais ce n'est vraiment jamais rien d'autre que de l'esbrouffe, du flan, de la poudre aux yeux, de l'étalage gratuit.

Le pire c'est qu'on n'arrive même pas à s'attacher aux personnages tant ils sont tous insupportables et mal écrits.
Les adultes sont répugnants de suffisance, les ados cons comme des pelles sans manche et les parents évidemment démissionnaires.

Rien à sauver de ce microcosme petit-bourgeois que Lafosse s'amuse sans en avoir l'air à faire surfer sur la vague de la morale la plus crânement judéo-chrétienne (tout en faisant mine de ne pas y toucher, évidemment).

Du coup on se désintéresse vite de ce qu'il peut bien leur arriver et l'on sombre encore un peu plus dans les miasmes de ce brouillardeux libertinage pour banlieue chic.

Les acteurs quant à eux font ce qu'ils peuvent avec ce qu'on leur donne, c'est à dire évidemment pas grand-chose.
Et à part Jonathan Zaccaï, intéressant mais ne cassant pas pour autant trois pattes à un canard, ils peinent le plus souvent à tirer leur épingle de ce triste jeu (surtout le fère Renier, carrément inexistant).

Et comme en plus, Joachim Lafosse n'avait visiblement aucune idée de comment il allait bien pouvoir conclure tout ça... on aboutit à l'une des fins les plus invraisemblablement bâclées de l'histoire du cinéma (oui, allez, carrément, lâchons-nous!)

Bref de bref, c'est bien malheureux à dire mais bon, quand même: autant passer son chemin!

Voire carrément changer de trottoir.


Cote: °

lundi 16 février 2009


La nuit des généraux.

"Walkyrie" (Valkyrie) de Bryan Singer (USA); avec Tom Cruise, Carice van Houten, Kenneth Branagh, Tom Wilkinson, Bill Nighy, Terence Stamp...

En 1942, le colonel Claus von Stauffenberg tente vainement de convaincre d'autres officiers supérieurs de la nécéssité de renverser le Fürher. Un an plus tard, alors qu'il se remet de blessures infligées sur le front lybien, il rejoint la Résistance allemande qui met au point une opération surnommée "Walkyrie". Laquelle permettra aux conjurés de contrôler Berlin et d'éliminer Hitler...

Voilà donc un film robuste et bien tenu.
Pour tout dire, costaud!
Un grand spectacle hollywoodien à l'ancienne, un de ces films de guerre comme les studios américains nous avaient habitué à en voir dans les années 50/60.
Plein de souffle, de pétarade, de suspense et de grands sentiments.
Un pur divertissement "sévèrement burné", comme on dit, devant lequel il est assez difficile de s'ennuyer, il est vrai.

Est-ce que ça en fait pour autant un bon film?
Oui et non...
Car si ce "Walkyrie" ne manque pas de qualités il est bien évidemment également truffé de légers défauts et de petites maladresses.

Au premier chef, on peut regretter son manque de rigueur historique (bien que l'ensemble de l'histoire soit assez fidèle à la réalité, c'est au niveau des détails que le bât blesse).

Un travers malheureusement par trop répandu dans les films (américains) de ce type, surtout ceux qui traitent de le Seconde Guerre Mondiale, les scénaristes et réalisateurs amérikis ayant tendance à se dissiper, tirant à eux des couvertures qui ne leur appartiennent pas, pratiquant par cela une sorte de "révisionnisme light".
Rien de tout cela ici, heureusement (on est quand même loin de "Pearl Harbor" ou surtout de "U-571") mais néanmoins...
On pourra pour le moins reprocher au film de survoler son sujet et de céder trop facilement aux ficelles d'un romantisme de trop bon aloi.
Présenter les conspirateurs comme des gens mûs par une véritable opposition idéologique au nazisme, par exemple, c'est quand même un peu court, jeune homme.
Et c'est oublier que la plupart de ces types agissaient plutôt par intérêt national. Voire "nationaliste"...

On pourra également regretter de voir passés sous silence certains épisodes connexes ou développements de l'histoire.
Comme l'implication du Maréchal Rommel, que les soupçons de participation à l'opération poussèrent au suicide.

Du coup, "Walkyrie" se concentre plus sur un suspense forcément éventé (on sait tous comment l'histoire se finit) que sur les véritables motivations des différents protagonistes.
Et c'est fort dommage.
D'autant que les officiers allemands sont quasiment tous interprétés par des acteurs anglais, fort doués au demeurant, mais assez peu crédibles dans leurs atours teutons, voire nazis.
On a un peu du mal à calculer des Branagh, Wilkinson et autres Bill Nighy en soldats allemands et cette approximation, côté casting, à tendance à déforcer encore un peu plus le propos du film.

Heureusement, le reste suit et plutôt bien.
D'une réalisation sobre (surtout de la part de Singer) mais singulièrement efficace, à un scénario lorgnant plus du côté du thriller que du film de guerre pur et dûr, bien ficelé malgré ses à-peu-près et suffisament riche en rebondissements pour du moins avoir la décence de ne jamais ennuyer.

Ajoutons à cela un vrai sens du spectaculaire (toute la partie sur la "prise" de Berlin est vraiment haletante) et une sorte de romantisme échevelé mais jamais lénifiant (Ah! Ces beaux "héros" sacrifiés, toujours efficace pour faire frissonner les rombières) et l'on obtiendra au final certainement pas un film très profond, non, mais en tout cas un vrai grand spectacle.

On aurait presque envie de rajouter "pour toute la famille"...

De la bonne vulgarisation, en quelque sorte, tant il est vrai que "Walkyrie" n'est après tout qu'un film, pas un cours d'histoire...

Mais, me dira-t-on, et Tom Cruise dans tout cela?

Eh bien c'est plutôt l'une des bonnes surprises de l'ensemble: omniprésent, très impliqué et très à son affaire, il compose un Stauffenberg juste et sobre. Efficace et carré.

A l'image du film, finalement.


Cote: **

lundi 9 février 2009



Une classe royale...

"The Duchess" de Saul Dibb (UK); avec Keira Knightley, Ralph Fiennes, Charlotte Rampling, Dominic Cooper, Hayley Atwell, Simon McBurney...

Angleterre, fin du XVIIIème. Giorgiana devient la nouvelle Duchesse du Devonshire. Le Duc, richissime et très influent autant qu'acariâtre et autoritaire, la délaisse d'autant plus vite qu'elle semble incapable de lui donner un héritier mâle. Bien vite - et alors que sa beauté et son charisme naturels en font une femme véritablement adulée par ses contemporains, aussi bien à la Cour que parmi la population - sa vie conjugale tourne au désastre. D'autant qu'elle se voit obligée de partager un étrange "ménage à trois" avec sa meilleure amie, Bess, devenue la maîtresse de son mari...

Oui, je sais, bien sûr, bien entendu...

On peut ici tout de suite hurler au loup...
S'indigner d'emblée de l'évidence, voire de la redondance, sur l'air de "encore un film anglais en costume!"...

Un de plus, oui.

Et avec Keira Knightley qui plus est! Misère!
Keira Knigthley qui, de "Reviens-moi" en "Pirates des Caraïbes" semble bien partie pour détrôner sa consoeur et compatriote Kate Winslet (jadis surnommée "Corset Kate", quand même) dans la catégorie "actrice de mélodrame historique en froufrou".

On pourrait dire - et craindre! - tout ça, oui.

Et une fois de plus - oui, oui: "une fois de plus" - ce serait dommage!
Bien dommage!

Ce serait même malheureux de passer à côté de ce que l'on pouvait prendre d'entrée de jeu pour un "petit film" un peu académique, estampillé "qualité anglaise", BBC ou Channel 4, et qui s'avère finalement être une très, très bonne surprise...

Pas poussiéreuse pour un sou, plutôt vive, fort bien torchée ma foi (n'oublions pas non plus qu'il s'agit d'un premier long), plutôt intelligente (si, je vous assure) et bien aidée, qui plus est, par une interprétation forcément impeccable, puisque tout ce qu'il y a de british (voyons!).

Ce qui nous fais quand même pas mal de parenthèses mais on n'en est plus à ça près.

Ici, malgré l'opulence froide de la mise en scène, on se retrouve assez vite devant un film à la fois plein de râge, d'envie de vivre et - aussi - de désespoir.

Un récit où, derrière le glacis des apparences, se cache une véritable cruauté.

Car ce qu'impose le Duc (impressionant Ralph Fiennes, il faut bien le dire) à sa Duchesse tout au long de l'histoire est quand même assez sévère, avouons-le.
D'autant que cette litanie d'horreurs et d'humiliations va crescendo.

Mais, même si l'histoire peut y faire penser par endroit, on est loin de "Tess d'Uberville".

Grâce en soit rendue avant tout à l'interprétation de Keira Knightley qui compose une héroïne émouvante et vulnérable, certes, mais aussi paradoxalement forte et surtout extrèmement moderne.

Car la modernité est ici le maître-mot, dans ce portrait d'une suffragette avant l'heure, engagée dans la vie publique de par son soutien au parti libéral, et surtout d'une femme en avance sur son temps de par son sens de la communication - on pourrait presque dire du marketing - et sa volonté de maîtriser sa destinée contre vents et marées.
Une Lady Di (dont la duchesse en question aurait été l'ancêtre, allez savoir...) XVIIème, en quelque sorte...

L'intelligence et la finesse du scénario est ici de souligner - avec un vrai sens du récit - à quel point la grandeur et la puissance britannique pouvaient se payer au prix fort.
Et comment elle pouvaient broyer les individualités.

A travers ce portrait émouvant - bien qu'un peu trop souvent cerné par les violons - d'une femme malheureusement sacrifiée mais dont la dignité, l'abnégation et la vitalité finissent par laisser filtrer un peu d'humanité dans les boues sombres de l'Histoire, Saul Dibb réussit donc un premier film plus étonnant qu'il ne pouvait y paraître de prime abord.

Et permet à Keira Knightley de rajouter une perle de plus au collier de sa pourtant déjà impressionnante filmographie.


Cote: ***

jeudi 5 février 2009



Dans les villes de grande solitude...

"Les Noces Rebelles" (Revolutionary Road) de Sam Mendes (USA); avec Leonardo Di Caprio, Kate Winslet, Michael Shannon, Kathy Bates, Dylan Baker, Zoe Kazan...

Etats-Unis, à la fin de années '60. Frank et April Wheeler sont un jeune couple aux idéaux élevés. Plein de rêves et d'ambition, il s'imaginent mener leur vie en dehors des chemins tout tracés par la société. Loin d'eux le conformisme et le ronron du quotidien. Pourtant, peu de temps après leur installation dans la banlieue résidentielle de Revolutionary Road, force leur est de constater qu'ils sont, sans s'en rendre vraiment compte, devenus tout ce qu'ils détestaient. Une famille américaine ordinaire. Pour les sortir de ce train-train, April imagine comment ils pourraient refaire leur vie à Paris...

Attention!

Autant être prévenu tout de suite, mieux vaut ne pas aller voir ce film un jour de légère déprime. Et encore moins après s'être engueulé avec son conjoint. Ca pourrait s'avérer fatal.

Car si l'on rit parfois (rarement, il faut bien l'avouer) à ces "Noces rebelles", il faut reconnaitre qu'elles sont avant tout une ode à l'ennui, à la déprime urbaine. Au malaise.

Et en ce sens, elles constituent même une sorte de monument.

Car Sam Mendes, que l'on savait pourtant doué pour décrire la déliquescence d'une certaine middle-class américaine claquemurée dans son quotidien banlieusard glauque, neurasthénique (souvenons-nous d' "American Beauty", quand même) réussit ici un tour de force implacable en portant jusqu'à des sommets rarement atteints son art consommé de l'entomologisme froid, doublé qui plus est d'une bonne dose de cynisme.

Et pour ce faire, il met tout les atouts de son côté afin de réussir un film à son niveau, c'est à dire impressionnant de maitrise.

Car tout ici, de A à Z, semble poussé à une sorte de paroxysme.

On sent le travail d'orfèvre derrière chaque poste, chaque détail...

Tout, absolument tout, de la photo à la direction artistique en passant par la magnifique et obsédante partition composée par Thomas Newman, tout, disais-je, concours à donner l'impression que l'on participe ici à une sorte de tentative de record du monde, visant l'excellence cinématographique absolue.

Comme une espèce d'expérience de cinéma total.

Un cinéma situé à des années-lumières de ce à quoi Hollywood nous à habitué ces dernières années, à quelques rares exception près ("There Will Be Blood", "No Country for Old Men", par exemple, bien que dans des genres tout à fait différents).
Un cinéma à la fois "intellectuel" (oh le vilain mot!) et populaire. Fluide et exigeant...

Bien sûr, le scénario (adapté du roman "La Fenêtre Panoramique", de Richard Yates) fait beaucoup pour la réussite de l'affaire.
Dur, froid, sans concession dans sa progression - vraiment très - dramatique, rehaussé qui plus est par des dialogues qui claquent, secs comme des coups de trique, il emporte le spectateur dans une sorte de tragédie d'autant plus étouffante qu'elle avance tout d'abord à pas feutrés.

La mise en scène, intense, précise, presque clinique, vient souligner douloureusement le tout comme si Mendes nous plantait autant de banderilles dans le corps.

Et bien entendu, tout cela ne serait rien sans la qualité unilatérale de l'interprétation.

Di Caprio ayant gagné en épaisseur depuis quelques temps porte douloureusement son personnage de petit employé terne (c'est un comble) et minablement queutard.
Et Kate Winslet emporte le morceau avec une rare intensité, allant jusqu'à quasiment transcender les difficiles scènes finales.

Le film se paye même le luxe supplémentaire d'une révélation en la personne de Michael Shannon, dans le rôle du fils schizophrène de la voisine/agent immobilier (Kathy Bates).
Le garçon n'a que deux scènes sur tout le film mais autant dire tout de suite qu'elle sont carrément terrifiantes, tétanisantes!
Et que la dernière réplique qu'il profère (ou éructe, c'est selon) trainera longtemps encore dans les mémoires...

Alors, que cela soit dit, on peut tout à fait ne pas adhérer au côté ultra perfectionniste des "Noces Rebelles", lui trouver un côté glacé, peu engageant.

Mais il n'empêche!

Teigneux et tendu comme un slip, incroyable de violence psychologique sourde, le film de Sam Mendes - dont le sujet et le traitement font parfois penser au "Démon", le chef-d'oeuvre d'Hubert Selby Jr. - est peut-être un film peu aimable, c'est vrai.

Mais une chose est sûre: il mérite l'effort. Et se doit d'être vu!


Cote: ****

dimanche 1 février 2009


L'heure de vérité?

"Frost/Nixon" de Ron Howard (USA); avec Frank Langella, Michael Sheen, Rebecca Hall, Kevin Bacon, Sam Rockwell, Oliver Platt...

En 1977, trois ans après sa démission, le Président Nixon accepte l'offre de David Frost, animateur de talk-show britannique: réaliser une interview-vérité étalée sur quatre soirées. L'émission va pulvériser les records d'audience, révolutionner le concept d'interview télévisée et pousser l'ex-homme d'Etat dans ses derniers retranchements...

Eh bien, contrairement au très décevant "Slumdog Millionaire", voici bien un film qui ne partait pas gagnant dans mon esprit et qui pourtant s'avère au final une véritable bonne surprise.

Parce qu'en effet, sur le papier, ce "Frost/Nixon" n'avait rien de bien excitant, faut bien l'avouer...

Adapté d'une pièce de théatre (due à la plume de l'excellent Peter Morgan, auteur de "The Queen", il est vrai, mais quand même...), relatant une interview télé d'un ex-président des Etats-Unis menée par un animateur dont personne n'a jamais entendu parler sous nos latitudes et par dessus le marché emballé par l'un des pires faiseurs planplan qu'Hollywood ait enfanté.

On pouvait s'attendre au pire!

A un sinistre pensum, lourdingue et indigeste, où durant deux longues heures deux acteurs se seraient donnés la réplique à grand coups de références politiques désuètes, dans un décor poussiéreux.
Le tout servi par une mise en scène à la papy...

Et, surprise, ô combien! Rien de tout cela...

Car Ron Howard, sans doute transcendé par son sujet et la qualité du matériau de base (ce qui est justement la marque des vrais bons faiseurs) réussi la gageure de faire de tout cela quelque chose de fluide et de passionnant sans jamais sombrer dans le didactisme condescendant typique de bien des productions américaines du genre.

Pas un instant on est largué, pas un instant on ne se demande de quoi on parle...
Au contraire, bien au contraire, on reste à tout moment captivé par l'importance des enjeux!

Bien entendu, on peut légitimement se demander ce qu'aurait donné pareille histoire entre les mains d'un Oliver Stone période "Né un 4 Juillet" ou "JFK", par exemple (parce que le Oliver Stone actuel, celui de "World Trade Center" ou de "W." semble bel et bien perdu pour la science)...

Mais en l'espèce, force est d'avouer que cela fonctionne fort bien.

Grâce en soit rendue à un scénario qui n'oublie jamais que, derrière les enjeux politiques et médiatiques, se cachent avant tout des hommes, avec leurs faiblesses et leurs contradictions.
Parce que c'est évidemment ça qui passionne, qui tient en haleine. Plus que la pourtant très habile construction en forme de "thriller" qui fait se demander qui, de Frost ou de Nixon, va bien pouvoir sortir vainqueur de l'affaire.

Le côté hâbleur d'un Frost rapidement dépassé par les événements, qui se rend compte qu'il a affaire à un trop gros morceau, qui perd pied mais qui tente à tout pris de renverser la vapeur pour prouver à tout le monde et avant tout à lui-même qu'il vaut mieux que ce que l'on pense.

La maitrise sidérante, le charisme incroyable, la mauvaise foi crasse et le manque total de scrupule d'un Nixon finaud, roublard mais finalement fragile, dont l'impressionnante armure finira par se fissurer, révélant un colosse aux pieds d'argile, miné par ses échecs et finalement beaucoup plus largué que l'on ne le croit.

A ce titre, le duel d'acteurs fait évidemment beaucoup pour la réussite de l'entreprise.
Et autant dire tout de suite que l'on n'est pas déçus ici.
On n'est pas volés!
Entre un Michael Sheen impressionnant d'élégance désinvolte derrière laquelle il arrive à faire poindre la volonté d'acier et le désir de réussite de son personnage et un Frank Langella à la fois pétrifiant d'intensité et désarmant de vulnérabilité, avouons qu'il y a de quoi faire...

Et comme en plus, Ron Howard à le bon goût - voire l'élégance - de faire passer tout ça à travers le filtre d'une réalisation sobre et étonnante de fluidité (eh oui, il faut bien le dire), "Frost/Nixon" arrive au total à s'affranchir presque tout à fait de ses pourtant nombreux handicaps de départ.

Et comme ce n'était pas gagné d'avance... Je crois qu'on peut dire bravo!


Cote: ***