mardi 26 février 2008



I will have vengeaaaaaaaance....

"Sweeney Todd" de Tim Burton (USA); avec Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Alan Rickman, Timothy Spall, Sacha Baron Cohen, Jamie Campbell Bower...

Après 15 ans passés dans les geôles australiennes, le barbier Benjamin Barker revient à Londres, bien décidé à se venger du juge Turpin, qui le fit accuser à tort afin de lui ravir sa femme et sa fille. Sous le pseudonyme de Sweeney Todd, il s'installe au-dessus de l'échoppe de tourtes à la viande tenue par Mme Lovett. Tous deux vont bientôt se livrer à un étrange commerce...

Ouch!

Alors là, oui, autant être prévenu tout de suite: le nouveau Tim Burton c'est "ça passe ou ça casse", hein!
Gageons même que pour beaucoup, ce sera irrémédiablement "ça casse".
Malheureusement...

Parce que le parti pris du film, et donc sa forme, sont pour le moins étranges, culottés, étonnants et... sacrément déroutants.
C'est le moins qu'on puisse dire...

Passé un générique kitsch et grand'guignolesque, torché en mauvaises images de synthèse, le film s'ouvre en terrain burtonien connu: rues de Londres la nuit, le pavé humide de pluie, le smog, la silhouette inquiétante d'un bateau sur la Tamise...
Le décor est plutôt bien planté, les premiers protagonistes apparaissent, l'un d'eux ouvre la bouche...

Et la, bardaf!, c'est le choc!

Bien entendu, on avait été prévenus du côté musical de la chose...

Mais rien ne nous préparait à ça!

Bon, ce n'est pas tout à fait 100% musical (comme l'était "Evita", par exemple) mais presque.
Il doit bien y avoir ici 80% de chant contre 20 de dialogues.
Rien que ça, ça déstabilise...

Ensuite, depuis quelques années, nous sommes sevrés de comédies musicales qui font la part belle au disco, à la pop, voire même au rock.
Rien de tout cela ici: c'est du spectacle à l'ancienne, made in Broadway, traçant sa route à grand coup de trompettes, de cordes et de chant emphatique, limite lyrique, voire même pompier.
Un spectacle dans lequel le livret, vu l'importance du chant, raconte toute l'histoire.
Ce qui donne des passages chantés où ce qui est dit importe parfois plus que la manière.
D'ou des phrases rythmiquement bancales, des rimes foireuses et du "texte chanté", du genre "Je vais te couper la têêêêête", voire "Paaasse moi le seeeel et tant qu't'y es, fait péteeeer la moutaaaaarde".

Ah ben ouais, j'avais prévenu, hein...
Même le plus endurci des amateurs de "musicals" (dont je suis), risque d'avoir besoin d'un petit temps de latence pour s'habituer au bazar... Vingt bonnes minutes, pour les moins farouches.

Quant aux autres...

Les autres, eh bien il y a des chances qu'ils passent à côté du truc.
Et ce sera dommage car, au-delà du côté duraille de la partie musicale, "Sweeney Todd" est quand même un beau retour aux sources pour Burton après deux ou trois films qui tenaient plus du conte, initiatique ou non.
Un retour aux sources sombre et gore (très gore, d'ailleurs, même si souvent le sang ressemble à de la grenadine).

Avec une photo splendide et surtout une direction artistique à couper le souffle, Burton rend un hommage magnifique tour à tour à la Hammer, à Mario Bava et à l'expressionisme allemand.

Avec aussi le très impressionnant décor de Londres - entièrement reconstitué en studio, évidemment - la gestuelle exagérées de ses acteurs, le côté too much de leurs maquillages et l'hémoglobine qui coule à flot, "Sweeney Todd" devient une fable gothique et macabre, pleine d'humour noir et imprégnée d'une assez réjouissante cruauté.
Une comédie musicale à la fois romantique et plus noire que noire qui tient tout autant de la farce que du drame et qui se déroule implacablement jusqu'à une fin admirable de pessimisme.

Et surtout, un vrai divertissement, pur et dur, au cours duquel on ne regarde jamais sa montre et dont les deux heures passent à toute vitesse.

Et qui arrive aussi, grâce il est vrai au talent de ses interprètes (Depp en tête, dont le timbre de voix fait parfois bizarrement penser à Bowie) à faire presque oublier ce pari sacrément gonflé, celui qui nous avait tant perturbé dès les premières minutes du film...

Ils chantent, nom de Dieu, ils chantent!


Cote: ***

lundi 25 février 2008



Résultat des courses...


Voilou, le week-end des récompenses est terminé, on peut donc revenir cinq minutes sur le désormais traditionnel petit jeu des pronotics.

Tout d'abord, brièvement, les résultats (pour ceux qui ne sont pas encore au courant):

-Oscars:
Meilleur Film: "No Country for Old Men" - Réalisateur(s): Ethan et Joel Coen ("No Country for Old Men") - Acteur: Daniel Day-Lewis ("There Will Be Blood") - Actrice: Marion Cotillard ("La Môme") - Second Rôle Masculin: Javier Bardem ("No Country for Old Men") - Second Rôle Féminin: Tilda Swinton ("Michael Clayton") - Film Etranger: "Les Faussaires".

-Césars:
Meilleur Film: "La Graine et le Mulet" - Réalisateur: Abdelatif Kechiche ("La Graine et le Mulet") - Acteur: Mathieu Amalric ("Le Scaphandre et le Papillon") - Actrice: Marion Cotillard ("La Môme") - Second Rôle Masculin: Sami Bouajila ("Les Témoins") - Second Rôle Féminin: Julie Depardieu ("Un Secret") - Première Oeuvre: "Persépolis" - Espoir Masculin: Laurent Stocker ("Ensemble, c'est tout") - Espoir Féminin: Hafsia Herzi ("La Graine et le Mulet") - Film Etranger: "La Vie des Autres".

Et que constate-t-on donc, de nos yeux ébahis?

Que pour les Oscars je me tape exactement le même score que l'année dernière: 4 sur 7.
Ce qui, encore une fois, n'est pas si mal. Un peu plus que la moitié...
Et surtout que, pour les Césars, c'est à un hallucinant 8 sur 10 que nous nous retrouvons confrontés.
Mon plus gros score ever!
Alors, c'est-y-pas beau, ça? Je vous le demande?

Sinon, un petit commentaire à chaud? Si fait, mon capitaine!

Pour les Oscars, je suis relativement surpris que "No Country for Old Men" l'ai emporté devant ce monument qu'est "There Will Be Blood" (critique prochainement ici) mais quand même fort content parce que le film est sans aucun doute déjà l'une des toutes grandes réussites de l'année et l'un des films (si ce n'est même LE film) le plus réussi des frangins.
Frangins qui, de toute façon, méritaient bien l'Oscar pour l'ensemble de leur carrière...

L'imbattable Day-Lewis double enfin l'essai réalisé il y a bien des années déjà avec "My Left Foot" et Cotillard fait assez logiquement le même voyage (doublé Oscar-César) qu'Adrien Brody avec "Le Pianiste", mais en sens inverse, en quelque sorte...

La seule vraie surprise, finalement, c'est Tilda Swinton qui coiffe Cate Blanchett sur le poteau pour l'Oscar du second rôle...

Eh, tiens, si l'on compte Javier Bardem, on remarque que tous les prix d'interprétation ont été remporté par des européens... Amazing, iseuntite?

Côté César, ben, vu mon score il n'y a pas grand'chose à en dire.

Si ce n'est que, même si je suis content parce que c'est une de mes actrices françaises préférée, Julie Depardieu vient un peu gâcher la fête...

A part ça, c'est l'année des redites: "La Graine et le Mulet", outre le fait qu'il offre son second César du réalisateur à Abdelatif Kechiche, rafle à peu près les mêmes récompenses que son prédécesseur, "L'Esquive", Amalric rempile alors que donner enfin un César à Marielle n'aurait pas été du luxe, surtout vu son grand âge et même "La Vie des Autres" bégaie, avec son enchainement Oscar/César du Meilleur Film Etranger.

Voila, voila. Et maintenant c'est fini... Tout ça c'est dit, plié, rangé (balayé, oublié, je me fous du passé)... on peut passer à autre chose...

Vivement le Festival de Cannes, tiens.

vendredi 22 février 2008



Le Gang des Moumoutes.

"Les Liens du Sang" de Jacques Maillot (F); avec Guillaume Canet, François Cluzet, Clotilde Hesme, Marie Denarnaud, Olivier Perrier; Alain Beigel...

A Lyon, fin des années septante, François, flic irréprochable, voit sortir de prison son frère, Gabriel, qui vient de tirer 10 ans pour meurtre. Il l'aide à se ranger des voitures en lui trouvant un logement et un emploi. Mais, bien vite, le passé semble les rattraper...

C'est comique, cette nouvelle mode qui semble avoir gagné le cinéma français, ces derniers mois. Un truc qui mélange la tentative (pas toujours heureuse) d'un retour vers le polar à la française des années 50-60 avec une frénésie d'adaptation de faits divers réels...

Après l'assez lamentable "Dernier Gang" (des Postiches) de l'année dernière et en attendant le diptyque sur Mesrine que nous peaufine Jean-François Richet (sans parler de l'affaire Spagiarri revue et corrigée par Jean-Paul Rouve dans ce qui sera sa première réalisation) voici donc venir ces "Liens du Sang" (rien à voir avec le film de Chabrol) estampillés Jacques Maillot...

L'auteur de "Nos Vies Heureuses" (son premier long, il y a déjà presque dix ans) voulait d'abord tirer une série télé du bouquin des frères Papet...
Il en a finalement fait un film, ce qui est peut-être dommageable quand on pense à ce que l'histoire aurait pu donner si on lui avait laissé un peu plus le temps de se développer.

Mais voila...

En l'espèce il signe donc un polar frenchie solide même si pas entièrement maitrisé, doté d'une jolie photo crapoteuse bien vintage et d'un scénario dont l'essentiel se cache évidemment plus dans la psychologie des personnages (l'opposition entre les deux frères, leur relation avec leur père, la rechute forcée de l'un, la droiture confinant à la raideur morale de l'autre, etc.) que dans l'intrigue "policière".
Si tant est qu'intrigue il y ait réllement, d'ailleurs...

La reconstitution d'époque, à grands coups de Giscard, de "Dossiers de l'Ecran" et de coiffures impossibles, est peut-être un peu trop fétichiste et maniérée que pour être entièrement convaincante mais elle donne à l'ensemble un cachet joliment nostalgique. Comme un parfum de José Giovanni...

L'interprétation est plus qu'honnête; Cluzet cabotinant juste ce qu'il faut dans un rôle qui, après tout, le permet; Canet la jouant très intelligemment low profile et les deux interprètes féminines (surtout Clotilde Hesme) apportant un contrepoint idéal à cet univers globalement viril et velu.

A l'arrivée - et malgré quelques maladresses telles ces trois scènes de cul (une par personnage féminin principal) aussi brèves qu'inutiles - un bon film policier du dimanche soir relevé d'un brin (mais juste d'un brin, hein...) d'auteurisme bon teint.

Et de juste ce qu'il faut d'accent populaire...

Ne serait-ce cette fin absurdement abrupte et totalement en porte-à-faux par rapport au caractère "authentique" de l'histoire, tout cela ferait des "Liens du Sang" un film en somme plutôt sympathique, de par son côté roboratif et rassurant.
Un film qu'on pourrait s'envoyer comme un bon vieux pot-au-feu...

A consommer de préférence chez soi, donc...


Cote: **

lundi 18 février 2008



Le voyage du père.

"Dans la Vallée d'Elah" (In the Valley of Elah) de Paul Haggis (USA); avec Tommy Lee Jones, Charlize Theron, Jason Patric, Susan Sarandon, Josh Brolin, James Franco...

Mike Deerfield, de retour d'Irak pour sa première permission, disparait mystérieusement et est signalé comme déserteur. Ne voulant pas croire à la version officielle, son père, ancien policier militaire, part à sa recherche...

Ce qui frappe tout d'abord avec ce second effort de Paul Haggis en tant que réalisateur c'est la sobriété et surtout la dignité avec laquelle il a mené son affaire...

Une sobriété toute eastwoodienne, un terme décidément très à la mode ces derniers temps mais d'autant moins usurpé ici que Haggis est un habitué de l'univers du vieux Clint, pour qui il a signé quelques scénarios récents ("Million Dollar Baby" et le dyptique "Flags..."/"...Iwo Jima").

Car c'est peu dire qu'avec un sujet pareil on pouvait s'attendre à de torrentiels épanchements lacrymaux. Ou même à une gigantesque guimauve patriotique.
Or, même si l'émotion est présente - et bien présente - et même si la débauche de drapeaux en tout genres (dans le film, sur l'affiche...) ainsi que quelques uns des comportements et remarques des principaux protagonistes peuvent le laisser craindre, il n'en est rien.
Et heureusement...

Que du contraire, même, car tout, au fur et à mesure que ce déroule le film va se conjuguer pour battre en brèche ces premières impressions et les retourner comme de vieilles chaussettes.

Les horreurs du conflit et leurs dommages collatéraux auxquels va être confronté Hank Deerfield, mettant à rude épreuve ses convictions de vieux routard patriote, sont d'autant plus subtilement rendus qu'ils sont évoqués sous le couvert d'un thriller policier totalement captivant.

Et plus l'enquête est rigoureuse, plus le mélodrame qui se monte en parallèle est efficace.

Grâce également, il faut bien le dire, à une réalisation idoine; à la fois froide dans ses lumières et ses cadrages et sensible par ses gros plans et les silences, qu'elle utilise toujours à bon escient.

Evidemment, plus que l'enquête elle-même, ce sont les dégats produits par la guerre sur les recrues, les séquelles du conflit et les découvertes de celles-ci par un homme jusque là persuadé du bien-fondé des actions de son pays à l'étranger qui sont intéressants.
Mais cette forme passionnante, presque ludique même, permet au scénario de ne jamais pontifier, empêche l'ambiance déjà quasiment mortifère de se plomber d'avantage, bref, fait passer la pilule avec une intelligence et une quasi légereté réellement bienvenues.

Le tout, plus bien évidemment l'interprétation hors norme du décidément gigantissime Tommy Lee Jones (bien entouré également, surtout du point de vue féminin), font de "Dans la Vallée d'Elah" un film âpre et rude, plein d'une rage boullonnante mais contenue.
Un film qui prend littéralement aux tripes.

Du cinéma hollywoodien, certes, mais au visage magnifiquement humain.
Du cinéma qui, de manière parfois extrèmement littérale, donne une image troublante de l'Amérique à travers la déliquescence de certains de ses mythes et l'effondremment de quelques unes de ses certitudes.

Pas un brûlot politique, non. Certainement pas. Mais pas non plus un pavé moralisateur et gnangnan.

Juste un beau film, digne et bien ficelé.


Cote: ***

vendredi 15 février 2008



Cosmocats, go!

"Juno" de Jason Reiman (USA); avec Ellen Page, Michael Cera, Jennifer Garner, Jason Bateman, Allison Janney, J.K. Simmons...

Juno Mc Guff, 16 ans, se retrouve enceinte des oeuvres de son pote Bleeker. Ado plutôt burnée et sévèrement délurée (ou le contraire), elle va pourtant devoir faire face à une série de situations pour le moins inédites...

Alors donc il paraitrait que depuis le succès surprise de "Little Miss Sunshine", l'année dernière, la mode soit à nouveau aux feel good movies.

Eh ben vous savez quoi?
S'ils sont tous comme celui-là, on va pas s'en plaindre!

Parce qu'effectivement, pour ne pas se laisser complètement embarquer par "Juno", faut vraiment être fait en métal.
En béton.
Ou être chroniqueur chez "Libé"...

Cela dit, on pourrait aussi, face à l'objet, céder facilement au cynisme ambiant et se dire que ce n'est qu'une machine.
Que le film ne fait qu'appliquer des formules, enfiler les clichés hérité de ses ainés comme autant de perles sur un collier.
Les geeks sont à la mode? Le petit ami est geek! Les familles recomposées mais cool le sont aussi? Rajoutons-en une couche de ce côté-là! Et ainsi de suite...

On pourrait mais oui mais non.

Au vu du potentiel hautement jubilatoire de l'engin, on préfèrera céder à une autre facilité...

Et vous savez - encore - quoi?
On va dire que c'est bien.
Très bien même...
Formidable, allez! Faisons péter les superlatifs!

Et contentons-nous même d'énumérer les qualités de la chose!

La réalisation, intelligement discrète - mais quand même bien servie par une jolie photo automnale - a la bonne idée de laisser la parole au script terriblement efficace et roublard (dans le très, très bon sens du terme) de la désormais célèbre ex-strip-teaseuse Diablo Cody (Go, Diablo! Ca c'est du pseudo!).

C'est simple et ça fonce droit devant!
Toutes les situations "obligées" sont passées en revue: l'annonce aux parents, la tentation de l'avortement (qui donne lieu à la seule séquence un peu étrange du film dont la possible dérive pro-life est heureusement largement désamorcée par le potentiel comique de la chose et le ridicule affirmé de la "militante" que l'on fait intervenir), le choix de l'adoption et des parents qui vont avec, etc, etc.

Les personnages sont tous très attachants, même les plus potentiellement haïssables, en particulier évidemment la Juno du titre, qui mélange habilement white-trashitude et pragmatisme détonnant, tout comme ceux qui l'entourent, d'ailleurs, à l'image de ses très compréhensifs parents.

Les répliques claquent, souvent drôlissimes, parfois émouvantes, toujours justes, en faisant se clasher ce qu'il faut de slang et de bons mots pour que ça reste longtemps en bouche, comme un bon vin.
Ouais... Ou une bière fraiche...

Et évidemment, la cerise sur le gâteau c'est l'interprétation!
Avec en tête de gondole la formidable, l'excellentissime, la "y-a-pas-de-mots" Ellen Page, révélation de ce début d'année qui, de Tang Wei à Saoirse Ronan, n'en était pourtant déjà pas avare!
A l'image de son personnage, elle emporte tout sur son passage.
Non seulement les dialogues sortent de sa bouche comme si elle les improvisait à la minute mais tout chez elle donne envie de l'adopter à l'instant!
Même sa façon de marcher ou, tout simplement, de se tenir...

Autour d'elle tout brille itou: Allison Janney en belle-doche qui balance, J.K. Simmons (oui: LE Vern Schillinger de "Oz"!) en papa très cool, Jennifer Garner en bourgeoise coincée du derche ou encore Olivia Thirlby, irrésistible en copine grande gueule!

Bref, feel good, ça l'est certainement. On s'amuse, on pleure, on rit, on est à l'opposé exact du Pays de Candy; y a pas à dire, on est à la fête!

Et même si ce n'est pas politiquement aussi incorrect que ça voudrait bien le faire croire, même si c'est un peu moralisateur sans en avoir l'air, ça fait sufisamment de bien par où ça passe pour qu'au bout du compte on se demande bien ce qu'on pourait lui reprocher, à ce film...

Un peut trop de Belle and Sebastian, peut-être?

Mouais...

Et encore, savez-vous, et encore...


Cote: ****

mardi 12 février 2008



Aloïs, on te dit!

"Cortex" de Nicolas Boukhrief (F); avec André Dussollier, Marthe Keller, Julien Boisselier, Claude Perron, Pascal Elbé, Aurore Clément...

Charles Boyer, flic à la retraite à la mémoire défaillante est placé dans une institution spécialisée dans le traitement de la maladie d'Alzheimer. Bien vite, il se met dans la tête que l'établissement est le théatre d'une série de meurtres...

Et voila! Encore raté!

Faut croire que c'est vrai: il y a un problème définitif entre les franskilljoens et le cinéma de genre. Pas moyen, ça ne passe pas, y a toujours un truc qui coince...

Pourtant ici il y avait quand même pas mal d'éléments qui pouvaient laisser croire que, pour une fois, la sauce allait prendre...
Le sujet, ambitieux, la distribution, impec, le réalisateur, solide, que l'on avait quitté en confiance sur son excellent "Convoyeur"...

Et puis non: tout part en couille, tout tourne en eau de boudin, tout s'éffondre et se liquéfie.

Oh oui, bien sûr, il y a des choses à sauver.

On voit bien que Boukhrief s'attache plus à la description d'un petit monde en vase clos qu'à l'enquête proprement dite, ce qui est déjà louable en soi.
La maladie d'Alzheimer, en quelque sorte véritable personnage principal du film, plonge celui-ci dans une ambiance très particulière, poussant les protagonistes à agir de manière parfois complètement déconcertante et forçant la mise en scène, le montage parfois, à épouser leur point de vue.
Ce qui donne lieu à des scènes parfois cocasses, parfois troublantes et surtout installe une ambiance décalée, presque onirique des plus originales.

Dans le même ordre d'idée, les lacunes et les absences du flic, obligé de tout noter ou de tout répéter donne à l'intrigue un ton particulier, même si tout ça n'est pas des mieux maitrisé, loin s'en faut...

Et puis, on l'a assez dit, il y a l'interprétation!

Dussollier, surtout...

Magistral, eastwoodien, ascétique, efflanqué, tour à tour déterminé et complètement perdu, hébété, il traverse le film tel un fantôme mais le porte également à bout de bras, imposant une silhouette franchement originale, presque inédite dans le cinéma hexagonal.
Ses partenaires ne sont pas en reste pour autant, au premier rang desquels la trop rare Marthe Keller dont le personnage de nympho déboussolée est malheureusement trop vite évacué, à mi-film...

Mais à vouloir courir trop de lièvres à la fois le cinéaste se perd et, si l'univers de la clinique est assez bien rendu, cela ne fait que déforcer un peu plus une enquête prétexte, aux rebondissements trop molassons et à la conclusion qui réussit le tour de force d'être à la fois ridicule, téléphonée et expédiée avec l'eau du bain.
Du coup le film se disperse lui aussi, freine, s'étire, s'étend, circonvolutionne et, de langueur torpide en lenteur coupable, finit par carrément s'endormir. Quand il ne donne pas, à force de clichés et de raccourcis, franchement envie de rire à ses dépends.

La réalisation molle et plate, à peine plus chatoyante que celle d'un téléfilm produit pour France 3 Nord/Pas-de-Calais/Picardie n'arrange rien à l'affaire.

Ca manque de rythme, ça ne tient jamais ses promesses...

Bref... au bout du compte, on en arrive à la conclusion que ça aurait pu être habile, mais que ça parvient juste à être fatigué.

Et fatigant.

Côte: *

lundi 11 février 2008



In the Mood for... what?

"Lust, Caution" (Se Jie) d'Ang Lee (TW); avec Tang Wei, Tony Leung, Joan Chen, Leehom Wang, Chu Chih-ying, Anupam Kher...

1942. La Chine est occupée par le Japon. Les membres d'une troupe de théatre estudiantine et patriote décident de supprimer le redoutable et extrémement méfiant Mr. Yi, haut responsable de la collaboration avec les Japonais. La jeune et naïve Wong est chargée de l'approcher et de le séduire...

Mon Dieu que c'est long!
Mais c'est beau.
Mais c'est long!
C'est looooonnnng...

Oui, mais, c'est beau.
C'est même très beau...

Bon, allez, trève de snulleries...

Ce qu'il y a de vraiment bizarre avec le nouveau film du décidément très prolifique et très éclectique Ang Lee c'est que c'est sa première heure qui semble interminable (il en fait 2h36, ce n'est donc qu'un tiers qui est ici mis en cause, rassurons-nous... Mais quand même!)

D'habitude, lorsque un film semble trop long c'est plutôt vers la fin que la bât blesse.
Que l'on se dit "oui, bon, là il aurait pu terminer un quart d'heure plus tôt".
A la limite au milieu...
Le film peut avoir très bien commencé, redécoller sur la fin, rien à faire: il y a un passage à vide au milieu, un essouflemment, une fatigue...

Mais au début... Drôle de plan.

C'est pourtant bien le cas ici avec un film qui, après une brève introduction rondement menée, se perd et se fâne au cours d'une interminable heure d'exposition bavarde, compliquée de flash-backs, encombrée de digressions inutiles et surtout grâvement plombée par un manque de rythme évident.

Et pourtant, elle est importante, cette première heure, qui plante le décor, campe les personnages et surtout dépeint clairement (bien que peut-être de manière un peu trop didactique et scolaire) le contexte politique, essentiel à la bonne marche de l'intrigue.
Lorsqu'elle s'achève, heureusement sur un morceau de bravoure; cette étonnante scène de meurtre grand-guignolesque qui force le petit groupe de résistants à se séparer, on s'en serait presque endormi, tenez...

Mais heureusement, c'est à partir de là que "Lust, Caution" décolle réellement et devient un grand film romanesque, passionné et rageur.
Ce qu'il aurait dû être depuis le début, d'ailleurs, si seulement on avait pu amputer sa première partie d'une bonne demi-heure. Au bas mot!

Parce que, si l'étincelle tarde à venir, une fois que ça s'embrase, pardon!

On est embarqué d'un coup dans cette histoire d'amour impossible, forcément tragique, bouleversante pour laquelle Ang Lee a réalisé un véritable écrin.
Magnifique!
Du sur mesure!

Car tout, dans ce thriller politique sombre, entrecoupé de scènes d'un érotisme d'autant plus franc qu'il n'est visiblement pas du tout simulé, a été pensé, millimétré, semble-t-il pour compenser la mise en scène un peu impersonnelle, par trop académique de Lee.
Décor, costumes (les robes évoquent fortement "In the Mood for Love"), reconstitution historique maniaque, musique même...
Tout est là semble-t-il pour magnifier ce drame implacable et sublime, porté par deux acteurs magnifiques (Tony Leung et surtout Tang Wei, une véritable révélation dont le physique étrange est l'un des atouts majeurs du film) et dans lequel les éllipses, les non-dits, les gestes (ou leur abscence) et surtout les silences sont d'une importance capitale.

En osant qui plus est une fin qui ne montre pas et démontre encore moins, le cinéaste sino-américain, lui-même à cheval sur deux continents, réalise une fable du faux-semblant.
Un conte cruel en ce qu'il montre, à travers le jeu du chat et de la souris auquel se livrent les deux protagonistes, la nécéssité de travestir plus que son identité: ses sentiments!
C'est la force des situations qu'il met en scène autant que la présence extrèmement charnelle de ses deux interprètes qui en fait tout le sel.

A se demander quelle ampleur un film pareil aurait pu prendre s'il avait été plus court.

Juste un tout petit peu...


Côte: ***

mardi 5 février 2008



Du sang dans la dentelle...

"Reviens-moi" (Atonement) de Joe Wright (USA); avec Keira Knightley, James McAvoy, Romola Garai, Saoirse Ronan, Vanessa Redgrave, Brenda Blethyn...

Angleterre, 1935. La jeune Briony Tallis, 13 ans, veut devenir romancière. Alors qu'elle passe l'été dans la demeure familialle, elle surprend sa soeur ainée, Cecilia, dans les bras de Robbie, fils de l'une des domestiques. Son incompréhension face à la situation va plonger le jeune couple dans une véritable tragédie...

"Expiation".
C'est le titre original du bouquin.
Ca charcle un peu plus que "Reviens-moi", hein?
Oui...
Et c'est d'ailleurs pour ça que ce film-là non plus ne partait pas gagnant dans mon esprit.

Vendu comme une énième cucuterie à frous-frous, estampillé "Jane Austen meets James Ivory", porté par une Keira Knightley qui semble de plus en plus se spécialiser dans les rôles à corset et réalisé par un relatif novice qui n'avait jusque-là à son actif qu'une autre pièce montée en costumes: "Orgueil et Préjugés", véritable austennerie celle-là, déjà avec la diaphane, presque transparente Keira en tête d'affiche... Non, non, c'était pas gagné, c'est sûr!

Et ici aussi, une fois de plus, on pourra écrire "et pourtant"...

Et pourtant... Et pourtant...

Pourtant, ayant découvert récemment Ian McEwan, auteur du bouquin répûté inadaptable dont est tiré le film, je me suis laissé tenter.

Et, heureusement, quelle belle surprise.

Cette étonnante réussite - car s'en est une - on la doit essentiellement au talent de réalisateur de Joe Wright.
Ce qui n'est pas une mince découverte!

Bien entendu, le matériau de base, cette histoire cruelle et retorse de destin brisé, théatre des apparences dans lequel chaque personnage croit apréhender la vérité alors qu'il n'en aperçoit que des fragments n'est pas étrangère à l'intérêt que l'on porte au film.

Mais c'est le métier du réalisateur qui fait la différence.

Cette manière qu'il a de transcender son sujet en le prenant à bras le corps, en filmant cette histoire sentimentale, victorienne et - il est vrai - à fort potentiel lacrymal de manière totalement réaliste, frontale et pourtant presque onirique. Fantastique, même...

En osant des gros plans à la limite du kitsch, en fragmentant subtilement son histoire en de multiples "mini-flash backs" qui donnent chaque fois un point de vue différent sur l'histoire, en se permettant des morceaux de bravoure sidérants (les scènes sous l'eau ou bien entendu l'invraisemblable plan-séquence sur la plage de Bray-Dunes) et surtout, surtout en n'hésitant jamais à faire la part belle aux sentiments, Wright réussi à dynamiter les codes à la fois du mélo, du film de guerre et du film en costumes.
Car oui, "Reviens-moi" (ce titre, tetcheu!) est tout cela à la fois!
Un drame romantique aux choix narratifs cullotés, qui permet au spectateur d'avoir toujours une seconde d'avance sur le récit et qui pourtant se permet le luxe de ménager un twist final vraiment étonnant et carrément bouleversant.

Oui, certes, il y a un petit ventre mou au milieu.
La partie "guerre" étant sans doute un peu moins réussie.
Mais comme le film semble s'arrêter pour mieux reprendre son souffle et repartir de plus belle, on avouera que c'est un moindre mal, allez...

Car, oui, porté par des acteurs magnifiques (bien que Keira Knightley se fasse un peu voler la vedette par ses "jeunes soeurs" interprétées par Saoirse Ronan et Romola Garai, deux vraies révélations celles-là) "Reviens-moi" et son souffle passionnel toujours touchant, jamais gnangnan, est peut-être LE grand film romantique de l'année.

A tout point de vue, une vraie révélation!


Côte: ***


vendredi 1 février 2008

Heroes and Icons...



(Jodie Foster - b. 1962)