lundi 27 août 2012


Holy Macaroni !

"Holy Motors" de Leos Carax (F); avec Denis Lavant, Edith Scob, Michel Piccoli, Kylie Minogue, Leos Carax, Eva Mendes...

A bord de sa limousine conduite par la fidèle et énigmatique Céline, Monsieur Oscar, de l'aube à la nuit, navigue de vie en vie, de rôle en rôle. Tour à tout PDG, mendiante, comédien de motion-capture, créature vivant dans les égouts, père de famille, tueur, vieillard mourant, il semble jouer la comédie sans jamais que l'on ne voie les caméras...

Voici donc cette fameuse Huitième Merveille du Monde sur laquelle les critiques (français essentiellement plus une petite frange de belges francophones) se sont extasiés, hurlant au scandale lorsque la Palme d'Or lui échappa.

Un film que j'allais voir la bave aux lèvres tant l'effet d'annonce était important, le pitch intrigant et la bande-annonce, il est vrai, alléchante.

Amateur de nouvelles cinématographies, de celles qui innovent et qui ouvrent des portes (cfr. "Tree of Life", certains Lynch ou le récent "Oncle Boonmee..." auquel ce "Motors" fait parfois bizarrement penser - par un je-ne-sais-quoi d'intangiblement onirique), je m'attendais à trouver ici un objet filmique intrigant mais passionnant.

Que me voilà donc dépourvu, lorsque la bise fut venue, de me retrouver devant ce gros soufflé prétentieux, poético-pouët-pouët et moité retombé avant même d'avoir gonflé.

Certes, certes, il y a ici de la beauté (formelle) et quelques fulgurances évidentes (la scène avec Kylie Minogue, l'apparition fantômatique de Piccoli, les accordéons dans l'église, le double-tueur et c'est à peu près tout).
Certes, l'on comprend bien la mise en abyme et la citation (voire l'auto-citation) en forme de "lettre d'amour" au cinéma (au sien, bien sûr, ce qui est déjà limite point de vue prétention, mais aussi à celui de Godard, de Franju, au cinéma de genre qu'il soit d'hier ou d'aujourd'hui - cfr. l'inutile et pénible séquence de motion-capture, etc.).

Bien sûr on comprend bien le sous-texte sur le travail d'artiste et particulièrement les entraves - réelles il est vrai - dont souffrit Carax lui-même.

Et que dire de la métaphore ultime - et ultimement lourdingue - du cinéma-miroir de la vie (et réciproquement et plus si affinités et merci bonsoir) ?

Alors aussi, bien sûr, évidemment et autres exclamations que ce monument semble appeler à tout prix, Denis Lavant est génial et donne tout, jonglant avec les genres comme avec les langages et avec les déguisements.

Et Edith Scob, impériale, fait plus que lui rendre la pareille.

Mais hélas. Trois fois hélas ! Il n'y a pas à tortiller: dans l'ensemble "Holy Motors" reste imbitablement chiant, abscon, abstrus, obscur et prétentieux.

A l'image d' "Adaptation." et d'autres films de petits branleurs intellos généralement new-yorkais (comme quoi tout arrive), malgré son apparente honnêteté et son enthousiasme fortuit, "Holy Motors" ressemble avant tout à l'un de ces films pour happy-fews, pour V.I.P. arpenteurs d'avant-premières et de visions de presses.

Un de ces films qui semble destiné uniquement à un public choisi par le cinéaste parmis ses pairs: critiques, scénaristes, acteurs et autres professionnels de la profession...

Un OVNI cinématographique, oui, pour utiliser une expression à la mode.
Mais tellement autocentré qu'il en devient parfois ridicule.

Et un OVNI qui ne manque finalement pas de commettre l'outrage ultime: celui de laisser le public sur le carreau.

Pire: de se moquer de lui !

C'est bien simple, par moment on a l'impression de voir Carax derrière l'écran, riant sous cape du bon tour qu'il vient de nous jouer.

Et ça, eh bien c'est juste désagréable.


Cote: *

lundi 20 août 2012


The Bop Decameron.

"To Rome With Love" de Woody Allen (USA); avec Ellen Page, Woody Allen, Penélope Cruz, Jesse Eisenberg, Roberto Benigni, Judy Davis...

Un citoyen romain lambda se retrouve du jour au lendemain célèbre sans raison et la proie des médias. Un jeune marié timide venu présenter sa femme à sa famille psycho-rigide se retrouve avec sur les bras une prostituée délurée tandis que son épouse se perd dans la ville. Un jeune étudiant en architecture tombe amoureux de la meilleure amie de sa compagne, une actrice névrosée et manipulatrice. Un agent artistique à la retraite découvre que le père de sa future bru est un chanteur d'opéra de génie qui s'ignore. Tous ces personnages et quelques autres se croisent sans vraiment se rencontrer dans  le décor splendide de la Ville Eternelle.

Après Londres, Barcelone et Paris (et en continuant, après "Vicky Cristina Barcelona" et "Minuit à Paris" son exploration des titres de films les plus platement premiers degrés possibles), Woody Allen pose donc pour notre plus grand plaisir ses bagages et sa caméra à Rome (oui, c'est écrit dans le titre, suivez un peu).

Et si, à l'instar de la précédente étape parisienne, il n'évite pas les clichés inhérents au genre et un certain côté "carte postale" - à l'enthousiasme heureusement très communicatif (ça donne envie de visiter Rome, oui. Et pas qu'un peu), il le fait visiblement en s'amusant comme un petit fou.

Et ce plaisir est franchement communicatif.
Car cette comédie patchwork qui réunit un bel aréopage d'acteurs de tous horizons - des locaux aux américains, des habitués aux représentants de la jeune génération - multiplie les mini-intrigues cocasses, les histoires les plus folles, parfois parfumées d'un certain surréalisme voire d'une touche de fantastique, sur un thème commun - outre la romance, bien sûr, qui en est comme toujours le moteur: l'homme et sa soif de reconnaissance, de grandeur, de succès à tout prix, quelle qu'en soit la forme.

En celà, deux segments se détachent; celui mettant en scène Benigni (étonnament sobre dans un rôle qui semblait pourtant taillé pour tous les excès) complètement dépassé par un succès soudain et incompréhensible, se retrouvant interviewé au journal de 13h pour savoir ce qu'il a mis sur ses tartines le matin...

Et celui ou Allen lui-même découvre que le père de sa future belle-fille, croque-mort de profession, est un génie de l'opéra qui s'ignore.
Seul bémol: il n'arrive à chanter que sous sa douche !

Qu'à cela ne tienne, Woody-l'imprésario qui a lui même plus soif de célébrité que sa future star et qui vit sa retraite comme une petite mort (thème allenien s'il en est) à plus d'un tour dans son pot !
Et s'en va trouver un hilarant palliatif à l'affaire, renouant pour le coup avec le burlesque de ses premiers films tels que mis en abîme dans l'excellent "Stardust Memories" ("Bananas", "Woody et les Robots", "Guerre et Amour" et quelques autres).

Entre ces deux highlights, comme disent les américains, Woody lie la sauce avec deux autres "sketches" plus classiques mais toutefois eux aussi très personnels car ressassants des quiproquos amoureux mêlant nostalgie douce-amère, humour juif et - pour le coup - faconde italienne.

Et comme ceux-ci permettent à Ellen Page et Penélope Cruz de briller dans des rôles très différents et à Alec Baldwin d'introduire un intéressant personnage de mentor dont on se demande souvent si il n'est pas une pure production de l'imagination de Jesse Eisenberg eh bien, on y trouve également suffisamment de quoi se mettre sous l'oeil et sous la dent pour ne pas s'ennuyer et savourer l'ensemble comme un apéro sur une terrasse romaine.

Reste évidemment que "To Rome With Love" est un faux film choral dont les différentes parties s'entrecroisent sans jamais vraiment se rencontrer.

Et qu'au final, quand est venu le temps de cloturer la chose, ce n'est pas face à une mais bien quatre fins que l'on se retrouve confronté.

Et que donc ça tire en longueur et qu'on a l'impression que ça ne sait jamais très bien finir.
Fois quatre !

Mais outre ce bémol on est quand même très content d'avoir passé une heure quarante dans une ville magnifique, au milieu d'une troupe d'acteurs splendides, au sein d'un scénario qui bouillonne du génie d'un Woody Allen dont on se dit que, décidément, le climat européen lui va plutôt bien.

Très bien, même.

Et si ce n'est pas ça le plus important, hein...


Cote: ***

lundi 13 août 2012


Lochfuls of Lagavulin*

"La Part des Anges" (The Angels' Share) de Ken Loach (UK); avec Paul Brannigan, Jasmin Riggins, Joe Henshaw, Gary Meitland, William Ruane, Roger Allam...

A Glasgow, Robbie, délinquant en voie de rédemption et tout jeune père de famille, est en permanence rattrapé par le passé. Epongeant une ultime peine de travaux d'intérêts généraux, il se lie d'amitié avec ses compagnons d'infortune: Mo, Rhino et Albert. Henri, leur éducateur, devient peu à peu leur mentor en les initiant clandestinement au monde du whisky, sa passion. De visites de distilleries en dégustations huppées, Robbie se découvre un vrai don de dégustateur. De quoi tenter une ultime arnaque ?

Courroné de manière inattendue par le Prix Spécial du Jury (qui est normalement là pour récompenser... hum... un jeune cinéaste) lors du dernier festival de Cannes et précédé par une campagne d'affichage pour le moins décalée ("No Rules, Great Loach", rappelez-vous), le douzième film de la Dream Team du cinéma britannique - Ken Loach et son scénariste Paul Laverty - emprunte les chemins de la comédie pour nous livrer le plus insolite des feel-good movies de l'été.

Que l'on ne s'y trompe pas, l'aspect social est là et bien là et Loach n'a rien perdu de sa causticité et de sa lucidité face à un monde de laissés-pour-compte pour lequel il ne cache pas une véritable tendresse.

Et on le retrouve toujours aussi prompt à dénoncer de manière percutante le sort infligé à une certaine jeunesse se retrouvant le plus souvent sans aucune perspective d'avenir.

Seulement il le fait ici en prenant le parti d'en rire via le biais d'une sorte de conte naïf et touchant, qui démarre à fond dans le réalisme (bien que la scène d'ouverture soit l'une des plus hilarantes du film) pour mieux emprunter ensuite les routes moins balisées du burlesque avant de se terminer en dérapage contrôlé dans les brûmes alcoolisées d'une entourloupe surréaliste.

Sans oublier, en plus, un happy-end incongru mais revigorant.

A la fois comique et tragique, "La Part des Anges", qui se permet en plus le luxe d'une certaine badinerie à mi-parcours sous forme de promenade dans les magnifiques paysages écossais sur fond de vieille rengaine des Proclaimers ("I'm Gonna Be (500 Miles)"), n'en reste pas moins un  film engagé qui ressasse de manière obstinée la fixette de Loach pour une certaine Grande-Bretagne en déliquescence sociale.

Sous laquelle perce de manière réjouissante le portrait d'une humanité complexe incarnée par une bande d'acteurs pas ou peu connus aux trognes inénarrables et aux accents du même tonneau.

Oscillant sans cesse entre rire et larmes (la rencontre entre Robbie et l'une de ses anciennes victimes est tout simplement bouleversante) "La Part des Anges" se déguste finalement facilement et revigore comme un bon Single Malt.

Distillé et servi par un duo d'esthètes.


Cote: ****


(* Oui, oh ! Je peux aussi me citer moi-même, hein !)

vendredi 10 août 2012


Dans la forêt lointaine...

"Blanche-Neige et le Chasseur" (Snow White and the Huntsman) de Rupert Sanders (USA); avec Kristen Stewart, Chris Hemsworth, Charlize Theron, Bob Hoskins, Lily Cole, Toby Jones...

Embastillée pas sa cruelle marâtre, la reine Ravenna, qui suite à la mort du roi tente de faire main basse sur le royaume de Tabor, la jeune princesse Blanche-Neige - dont la beauté seule peut tenir la dragée haute à celle de sa belle-mère - réussi à s'évader et à se réfugier dans la Forêt Noire. Là, formée au combat par le vaillant chasseur lancé à ses trousses et qui a opportunément tourné casaque, elle fomente une rébellion et lève une armée pour libérer le pays du joug de son impitoyable belle-doche.

Il est sûr et certain que le traitement dark fantasy réservé au conte des frères Grimm (mes lointains ancêtres, si !) par le néo-réal Rupert Sanders (dont le principal fait d'arme en dehors de celui-ci aura été de défrayer la chronique en enlevant son actrice principale des bras du fadasse Robert Pattinson) lui va plutôt bien au teint.

Et que ce relookage martial et gothique qui cite aussi bien Tim Burton que Peter Jackson, voire même l'inaugurale version Disney dans ce qu'elle avait de plus sombre (la première incursion de Blanche-Neige dans la forêt, très horrifique avec ses angoissants arbres vivants) constitue, combinée avec un assez évident sens du grand spectacle, particulièrement dans les scènes de combat, l'un des principaux atouts du film (pour l'autre: voir plus bas).

Hélas, trois fois hélas, le scénario ne suit pas et l'idée de départ, pourtant bonne, de confronter deux univers s'étiole progressivement jusqu'à s'éteindre.
Le principal problème étant que les deux univers se cotoient sans jamais se frotter l'un à l'autre, donnant à l'aspect "heroïc fantasy" de l'affaire un côté "pièce rapportée" qui ne colle jamais et ressemble plus à un artifice un peu vain.

D'autant plus dommage qu'outre le côté visuel il y a quand même l'une ou l'autre bonne idée (et l'un ou l'autre plantage magistral comme celui de l'évasion de Blanche-Neige qui trouve par miracle un cheval pour s'enfuir, couché à même la plage) et que les Sept Nains, présentés comme des Hobbits à la retraite et interprêtés par une ribambelle d'acteurs british top notch (Bob Hoskins, Ray Winstone, Toby Jones, Eddie Marsan, Ian McShane, Nick Frost...) sont drôles et savoureux.

Mais bon, malgré tout... Ca reste long et creux, principalement.

Reste qu'après "Sur la Route" et les "Twilight" Kristen Stewart, lookée comme Jeanne d'Arc, continue ici son grand écart cinématographique mais ne trouve malheureusement pas beaucoup de grain à moudre dans ce rôle fade et presque désincarné.

D'autant qu'elle doit répondre à un Chris Hemsworth décidément expressif comme une banquette en bois.

Et l'omniprésente et toujours formidable Charlize Theron fait malheureusement mentir l'adage hitchcockien selon lequel plus un méchant est réussi, meilleur est le film.

C'est elle et son talent vénéneux qui constituent la principale attraction du film, certes.

Mais ça n'empêche pas celui-ci d'être un laborieux semi-plantage.


Cote: *