mardi 30 octobre 2007

Heroes and Icons...




(Clint Eastwood - b. 1930)


Go-Go Cherry, Go, Go, Go!

"Planète Terreur" (Planet Terror) de Robert Rodriguez (USA); avec Rose McGowan, Freddy Rodriguez, Marley Shelton, Bruce Willis, Josh Brolin, Naveen Andrews...

Dans une petite ville des Etats-Unis, une mystérieuse épidémie transforme la population en zombies. La strip-teaseuse Cherry Darling, son ex-petit ami El Wray et le docteur Dakota Block organisent la résistance...

Wham! Bam! Thank you ma'am!

Et vlan!
Alors que nous sommes attaqués par les frimas saisonniers, voila que débarque sans crier gare le second volet du fameux "GrindHouse", hommage au double-features de leur enfance ordonné par Rodriguez et Tarantino et charcuté par les toujours aimables frères Weinstein (maudits!).

Première bonne nouvelle: une des fameuses fausses bandes-annonces qui faisaient en partie l'intérêt du projet, "Machete" avec le toujours très jovial Danny Trejo, est fournie avec cette deuxième livraison!
Pour les autres (dont le fameux "Werewolf Woman of the S.S." réalisé par Rob Zombie avec Nicolas Cage en Fu-Manchu!) il faudra probablement attendre la sortie en DVD.
Et encore...

Deuxième bonne nouvelle, alors que cette deuxième partie bénéficie d'une sortie qu'on pourrait presque qualifier de "technique" (la partie tarantinienne ayant par contre été carrément présentée à Cannes, en compète!) elle n'est pas pour autant en reste du point de vue schboïnks et autres yiiiihaaaa !!! (si je peux m'exprimer ainsi).

Bon, c'est vrai, fasciné qu'il était visiblement par son objet filmique et son côté quasiment fétichiste, Robert Rodriguez à carrément oublié d'écrire un scénario.
Mais vous savez quoi??? On s'en fout!!!

Parce qu'une fois que les personnages sont présentés et l'ambiance mise en place, vrrrroooooooooaaaaar; kaboum!, bang bang!, c'est parti et bien parti!!!

Gore crapoteux, explosions en tous genres, pétarades, bagnoles et motos vintage, bombasses hyper-carossées (l'ex Madame Marilyn Manson, Rose McGowan en tête), rock'n'roll, zombies, démembrements sauvages, dialogues de kermesse et humour à la truelle, tout y est!
Et tout est servi, comme dans "Death Proof" - plus encore que dans "Death Proof", d'ailleurs! - par une mise en scène gadget purement jouissive: image qui saute, qui bave, pellicule grifée ou qui s'embrasse, chipotages sonores etc.. C'est bien simple: que du bonheur!

Alors oui, c'est con, c'est même très con!
C'est complètement branque et invraisemblable (Rose McGowan a une mitraillette à la place d'une jambe, ah ah! Oui mais: comment elle tire???). C'est too much et totalement boursouflé et ça ne va nulle part, sauf peut-être dans le mur!
Mais ça y va tellement vite et de manière tellement tarazimboumante qu'on ne peut pas s'empêcher d'adhérer.

L'ambiance reconstitue quasiment à la perfection celle des nanars horrifiques dont on se régalait dans les années '80 avec son invraisemblable défilé de tronches (Michael Biehn, Jeff Fahey et même Bruce Willis qui s'amuse à s'autoparodier en reprenant son personnage de "Couvre-Feu"*). Et même la musique - qui cite largement John Carpenter - y participe!

Donc voila, encore une fois que dire?
Que dalle!
Sinon que Tarantino et Rodriguez ont complètement réussi leur pari: réssuciter un certain cinéma de genre en y insufflant toute leur énergie, leur esprit potache et leur démesure.

Et franchement, qu'ils en soient remerciés!


Côte: ***


PS: à noter que la fameuse scène "de l'hélicoptère" vue dans "28 Semaines plus tard" est totalement rejouée ici. Qui a pillé qui? Mystère!


* il y a même Fergie des Black Eyed Peas, c'est dire!


lundi 29 octobre 2007




Teenage Kicks.

"Paranoid Park" de Gus Van Sant (USA); avec Gabe Nevins, Taylor Momsen, Jake Miller, Lauren McKinney, Daniel Liu, Grace Carter...

Le jeune Alex, skateur, tue accidentellement un agent de sécurité aux alentours de Paranoid Park, skate-park malfamé de la banlieue de Portland...

On pourait facilement se débarasser de ce nouvel opus de Gus Van Sant en le taxant pûrement et simplement d' "Elephant 2"...
Mais, si il est vrai que le réalisateur creuse ici le même - beau - sillon, ce serait jeter bien vite le bébé avec l'eau du bain...

Bien sûr, les filiations thématiques - l'adolescence et ses codes confrontés à l'indifférence, voire l'hostilité, du reste du monde - autant que stylistiques - même insistance sur les détails, même façon de filmer les corps (souvent de dos), même sens du cadre et de la photo (automnale et mélancolique), pourraient faire pencher la balance en ce sens.

Mais s'il existe une différence de taille entre ce film et les deux premiers tomes de la trilogie qu'il semble clore ("Elephant", donc, mais aussi le moins réussi "Last Days") c'est au niveau du récit qu'elle se situe.
Cette mascarade d'enquête policière cool et zen, habilement déstructurée, sert de colonne vertébrale au film autant qu'elle fait avancer le jeune héros, sorte de Raskolnikov grunge*, sur le terrain de la culpabilité et de responsabilité individuelle.
Le spectateur, confronté à cette énigme bizarrement fragmentée, toute en courbes et en ellipses comme une piste de skate, est obligé de la reconstituer avec ce qu'on lui donne, suivant en cela le cheminement interne du jeune Alex et ses divers atermoiements.

Bien entendu, comme toujours chez Van Sant, cette histoire, intriguante soit-elle, ne serait rien sans la mise en scène, magistrale!
La photo de Christopher Doyle, une fois encore, fait des merveilles surtout quand, comme ici, elle est associée à de véritables paysages sonores qui ponctuent le film à chaque moment fort.

Mais, s'il envoute par son rythme faussement détaché et sa poésie languide, "Paranoid Park" pêche aussi malheureusement - et un peu trop souvent - par excès de pose.
Le tout a un côté arty un peu trop systématique que pour être honnête. Avouons-le.

Et chaque médaille à son revers...

Le mise en scène est sublime mais se complait trop dans la redondance et le contemplatif, prétant ainsi l'échine aux accusations d'autocitation qu'elle semblait par ailleurs vouloir éviter.
Le travail sur le son est impressionnant mais un peu trop branchouilleux que pour emporter entièrement l'adhésion.
Et Gus Van Sant perd un peu trop son temps à s'abimer en contemplation devant le - très beau - visage de son jeune acteur non professionnel (Gabe Nevins, recruté via MySpace pour ceux qui n'auraient pas encore entendu l'anecdote) que pour ne pas lasser.
Et puis le côté fluide et étrangement paisible de la mise en place d'un film comme "Elephant" (encore) fait trop souvent place ici à un manque de rythme mal venu.

En résumé, il faut bien le dire: "Paranoid Park" est un splendide objet qui provoque un très agréable vertige mais qui, faute d'assez se concentrer sur son récit et en se complaisant trop dans une satisfaction d'artiste intelligent mais gâté ne finit que par provoquer une seule et unique réaction: "Oui mais... A quoi bon?"



Côte: **


(* Oooouuhhh, comment je m'la pête!)

lundi 22 octobre 2007



Du vent dans les branches de sassafras...

"L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford" (The Assassination of Jesse James by the coward Robert Ford) d'Andrew Dominik (USA); avec Brad Pitt, Casey Affleck, Sam Rockwell, Mary-Louise Parker, Sam Shepard, Zooey Deschanels...

Les derniers jours du "brigand bien-aimé" jusqu'à son assassinat par le jeune Robert Ford, membre de son propre gang.

Oui, parce qu'évidemment avec un titre pareil c'est un peu difficile de ne pas dire d'emblée comment ça se termine.

Enfin...

Dans le même ordre d'idées - et pour nous débarasser une bonne fois pour toute d'une autre tarte à la crème stylistique - versons ici une larme sur la cohorte de critiques (de Libé à l'inénarrable Nicolas Crousse on avouera que le spectre est large) qui ont eu le courage et l'originalité d'ouvrir leurs papiers sur les premières lignes du "Bonnie and Clyde" de Gainsbourg (que je ne vous ferais pas l'affront de retranscrire ici, merci, on a déjà donné).
Bravo les gars, vous ne manquez pas de personnalité, c'est sûr!

Mais trève de taquinerie primesautière et de lieux communs fâtigués, posons nous la seule et vraie bonne question: mais, Bon Dieu, par quel bout doit-on prendre le western-mammouth d'Andrew Dominik?

Car s'il y a bien une qualité que l'on ne peut enlever à ce film, c'est bien celle d'être en accord avec son titre-fleuve: c'est un vrai monolithe!
Un colosse, un monstre...
Une montagne!

Pas tant par sa longueur (quoi que... 2h40 c'est quand même pas mal, même s'il faut admettre que l'on a vu plus gigantesque en la matière) que par sa forme et son contenu...

S'il y a un premier choc (le film en ménage plusieurs), c'est au niveau visuel qu'il se conçoit...
Une véritable épopée crépusculaire, magnifiée par une photo à couper le souffle!
Des cadres au cordeau, des décors sublimes, une reconstitution d'époque minutieuse, une volonté de "vérisme" étonnante (d'un point de vue strictement visuel on peut dire qu'on est loin, très loin de John Ford ou de Lucky Luke. Arf!), un travail de titan au niveau de la direction artistique, le tout au service d'un sens de la mise en scène pour le moins étonnant de la part d'un réalisateur dont c'est seulement le deuxième film (le premier, le toujours inédit "Chopper", étant qui plus est beaucoup plus tapageur au niveau formel).
Bien entendu, certains tics pourront passer pour du maniérisme (on se serait bien passé des redondants mouvements de nuages à la Coppola, par exemple) mais l'ensemble reste quand même terriblement cohérent et donne au film un souffle et un lyrisme véritablement unique.

De ce point de vue, la nature, traitée comme un personnage à part entière, est un élément important de la réussite du film.
Même si la façon dont elle est filmée donne lieu à des plans quasi miraculeux plastiquement parlant, son utilisation en contrepoint de la folie humaine qui l'habite est avant tout primordiale dans la façon dont elle fait avancer l'histoire.
Il est évidemment difficile de ne pas faire ici référence à Malick, tant ce "...Jesse James..." qui ferait passer "Jeremiah Johnson" pour un remake de "Mad Max" semble renvoyer à sa "Ligne Rouge" dans sa manière de transcender un genre par le biais d'une observation quasi naturaliste du décor environnant.

Et la seconde surprise est bien entendu narrative.
Lent, majestueux, complexe, sinueux, le film déroule calmement ses différentes couches de narration, se permettant au passage ce qui semble d'abord être d'inutiles digressions pour mieux, finalement, toujours se retrouver, toujours retomber sur ses pattes.
Et ce, en plus, sans jamais nous perdre en cours de route.
L'histoire semble de prime abord alambiquée et décousue mais la manière dont elle est racontée la rend paradoxalement extrèmement fluide.
Même si, finalement, l'action est peu présente et si Dominik prend tout son temps pour installer son intrigue et développer ses personnages, on n'en perd pas une miette et ces 160 minutes semblent passer en un clin d'oeil.
Tant est si bien qu'on est presque frustré lorsque l'on arrive au bout de cette étrange mais palpitante tragédie shakespearienne et bucolique.

Pour le reste, on peut dire que Brad Pitt trouve sans doute ici le rôle de sa vie et campe un Jesse James ambigu, tour à tour paranoïaque et charmeur, pouvant se perdre dans d'effrayants éclats de folie, parlant de lui à la troisième personne...
Un bandit à la fois père - et mari - attentionné mais aussi tueur implacable, éliminant froidement ceux qui menacent de le trahir.
Un homme dont le plus étonnant et révélateur trait de personnalité était sans doute de pouvoir aussi facilement se cacher en plein jour, se fondre dans la masse, côtoyer quotidiennement ceux-là même qui le poursuivaient et rêvaient de le supprimer...

A ses côtés, Casey Affleck et Sam Rockwell composent des frères Ford extraordinaires!
Le premier jouant formidablement de son visage lunaire, de son allure juvénile et de son regard fuyant pour faire transparaitre tout le dualisme du "lâche" Robert, à la fois admirateur éperdu et traitre implacable.
Le second jouant un Charley à la limite de la débilité mais toujours prêt à aller jusqu'au bout de lui-même.
Jusqu'au bout de ce maëlstrom de violence et de schizophrénie.
Jusqu'au fond du gouffre où l'entrainent Jesse James et son futur assassin.

La relation entre les trois hommes formant bien entendu le coeur à la fois palpitant et froid de cette sombre pépite.

Et comme je ne veux pas être en reste et en même temps me montrer fidèle à la légende dans laquelle un seul d'entre eux est finalement parvenu à entrer, je citerais un autre texte "classique", tel qu'il est interpreté ici par un Nick Cave très en verve (et co-auteur de la très belle B.O. du film): "Now Jesse had a wife Lived a lady all her life And children they were brave But history does recordThat Bob and Charlie Ford Have laid poor Jesse in his grave".

Comme quoi, moi aussi je connais de belles chansons...


Côte:****

mercredi 17 octobre 2007




L'enfance cachée...

"Un Secret" de Claude Miller (F); avec Cécile de France, Patrick Bruel, Ludivine Sagnier, Mathieu Amalric, Julie Depardieu, Yves Verhoeven...

L'exploration d'un lourd secret de famille à travers l'histoire de François, enfant chétif et solitaire qui s'invente un frère et imagine le passé de ses parents.
Jusqu'à ce qu'une amie de la famille lui révèle toute la vérité sur ceux-ci.
Une vérité qui trouve sa source dans l'une des périodes les plus sombres de l'Histoire.

Claude Miller est un cinéaste sympathique mais franchement inégal.
Capable de chefs-d'oeuvre tels que "Garde à Vue", qui valût à Serrault son deuxième César ou d'oeuvres atypiques comme "La Classe de Neige", curieux mélange de film initatique, de psychanalyse et d'horreur, on l'avait laissé en petite forme avec sa tentative d'adaptation moderne et poussive de "La Mouette" de Tchekhov ("La Petite Lili").

C'est donc avec d'autant plus de plaisir qu'on se frotte à ce "Secret" brillant et gorgé d'émotions.

Le parti pris, culloté, du réalisateur est de nous présenter la petite histoire comme prenant le pas sur la Grande.
La guerre n'est ici finalement qu'une sorte de bruit de fond, de grondement de tonnerre lointain. Jamais rien ne nous sera montré directement, c'est même à peine si l'on va entrevoir un soldat allemand.
Les conséquences du drame n'en sauront que plus monstrueuses, les décisions prises par les protagonistes plus terribles, les révélations plus implacables.

On pourra reprocher à Miller de pécher par excès de classicisme, par manque d'audace...
Ou, au contraire, louer la solide sobriété de sa mise en scène...
C'est vrai qu'on l'a connu plus inspiré d'un point de vue strictement formel.
Le film, construit sur des allers-retours entre différentes époques gigognes se perd un peu dans sa propre narration.
Et puis, c'est certain, l'alternance couleur/noir et blanc n'est pas ce que l'on a trouvé de plus original pour évoquer le passage des ans.
C'est vrai encore que la période contemporaine, avec ses acteur grimés, n'est pas la plus réussie, malgré la présence du toujours excellent Mathieu Amalric.
Et que l'on peut aussi reprocher à l'auteur la lourdeur de certaines métaphores, comme celle du chien (on n'en dira pas plus) ainsi que l'inutile sursignifiance de son épilogue.

On peut se laisser aller à dire tout celà, c'est vrai.

Mais on est aussi obligé de reconnaitre la force du souffle romanesque qui traverse le film.
Ainsi que celle des questions qu'il pose, tant sur la mémoire, personnelle ou collective, que sur l'importance de la famille.
Sur l'identité, aussi, et sur la remise en question de celle-ci, mise à mal par la culture, la religion, les conventions, les choix que la vie nous pousse à faire.

On est du coup soufflé par la force des silences et des non dits et d'autant plus bouleversé par les décisions que certains personnages doivent prendre.
Le monde semble tellement paisible, pour paraphraser Deville, que quand le malheur frappe - et il frappe plus d'une fois - on se retrouve, comme les personnages, totalement paralysé par son absurdité et sa violence.
A ce titre, dans la seconde partie du film, certaines scènes dont on ne dira rien de peur de trop en dévoiler sont véritablement magnifiques. A la fois de folie, de sensualité et de passion contenue.

Evidemment, Miller est ici fortement aidé dans sa tâche par un casting glamourissime et des acteurs qui balayent tout sur leur passage.
Cécile de France, d'abord, qui porte le film sur ses frêles mais ravissantes épaules.
A la fois victime et bourreau malgré elle, elle n'a jamais été aussi belle, sensible et rayonnante (eh ben! voilà que je m'énerve tout seul maintenant!).
Bruel, plus étonnamment, ensuite, qui nous offre une prestation très sobre, presque à contre-emploi, même s'il ne peux pas s'empêcher de nous faire une fois ou l'autre le coup des yeux de cocker.
Et les seconds rôles, enfin, tous parfaits, de Yves Verhoeven génial en beau frère rigolo qui essaie de désamorcer par l'humour des situations potentiellement plombées par la sinistrose à la décidément formidable Julie Depardieu.
Sans oublier Ludivine Sagnier, bien sûr, dans un rôle pivot et particulièrement ingrât.

A l'arrivée, un film ambitieux et exigeant, à la fois classique et audacieux.
Une fresque populaire tout autant qu'un drame intimiste, dont la force émotionnelle, denrée finalement assez rare dans le cinéma français contemporain, finit par tout emporter.

Beau et sensible, quoi.

Et ça, ça fait aussi du bien, de temps en temps...

Côte: ***

lundi 15 octobre 2007




Chambre à part.

"Chambre 1408" (1408) de Mikaël Hafstrom (USA); avec John Cusack; Mary McCormack, Samuel L. Jackson, Jasmine Jessica Anthony, Tony Shalhoub...

Mike Enslin est un écrivain spécialisé dans les histoires de fantômes. Mais c'est avant tout un sceptique. Et les nombreuses heures passées dans des endroits soi-disants hantés n'ont fait que le conforter dans ses doutes.
Alors qu'il est en pleine préparation de son nouvel ouvrage, Mike reçoit une carte-postale l'enjoignant de se méfier d'une certaine chambre 1408, au Dolphin Hotel, à New-York.
Piqué au vif et malgré les mises en garde répétées du directeur de l'endroit, Mike Enslin décide d'y passer une nuit...

Et boum!
Voilà donc la 1408ème adaptation - au bas mot! - d'un texte de Stephen King au cinéma!
Et Dieu sait si lesdites adaptations ont connu jusqu'ici des fortunes diverses, allant du meilleur ("Dead Zone", "Carrie", "Shining", "Stand By Me"...) au franchement médiocre (une kyrielle de "direct-to-video" dont les titres m'échappent).
Avec malheureusement un penchant assez affirmé pour la seconde catégorie, en général...

Qu'en est-il donc de celui-ci?
Une pierre supplémentaire à l'édifice du "prêt-à-manger" horrifique qu'est tout doucement devenue l'oeuvre du King, du moins sur grand écran?
Ou bien avons-nous droit pour une fois à une oeuvrette sortant quelque peu des sentiers battus et rebattus de l' "horreur domestique" auxquels nous avait ces derniers temps habitué le "Maître"?

Eh bien, aussi étonnant que celà puisse paraitre à la lecture de la fiche technique (Hafstrom, réalisateur du très oubliable "Dérapage" avec Clive Owen et Jennifer Aniston en femme fatale (!) ne semblait pas le mieux armé pour se cogner à l'univers ultra-codé de l' auteur. D'autant que les fans dudit auteur allaient plus que vraisemblablement l'attendre au détour) la balance penche ici du bon côté.

Pourtant c'était pas gagné d'avance, avec une unité de temps et de lieu quasiment unique, un seul acteur à l'écran pendant la majeure partie du film et des thèmes pas vraiment originaux, tant au niveau du genre horrifique en général que de celui de Stephen King en particulier.

Mais voilà, pour des raisons aussi diverses que variées, la sauce prend et on se retrouve au final devant un solide film de fantômes à l'ancienne.
Dans le bon sens du terme.

Oh, c'est sûr, ce n'est pas un chef d'oeuvre, faut pas pousser non plus.
Le film à ses faiblesses, bien entendu.
A chercher essentiellement du côté des baisses de rythme et d'un montage paresseux (l'un va rarement sans l'autre) d'ailleurs...
Bien sûr, bien sûr, hôtel hanté oblige on pense à "Shining", d'autant que biens d'autres obsessions "kinguiennes" se retrouvent à l'écran: le trauma familial, le héros-écrivain en proie au doute, la perte d'un enfant, etc.
Jusque dans les plus petits détails, comme cette cigarette-fétiche qui renvoie directement à "Misery"...
Et puis ce n'est pas tout, il y a du "Silent Hill", aussi, au détour de certaines situations...
Entre autres choses...

Mais, malgré le côté solidement classique de la mise en scène, on y croit.
D'abord grâce à l'originalité du scénario et de son traitement, qui ménagent suffisament de rebondissements, de twists et de retournements de situations que pour garder le spectateur rivé à son fauteuil jusqu'à la toute, toute fin.
Quoi de plus agréable, en effet que de se persuader dès la troisième bobine qu'on a complètement éventé l'intrigue pour finalement se retrouver cueilli, pris par surprise quand le dénouement arrive?

Ensuite grâce à la direction artistique, splendide (la scène de la corniche et celle de la chambre enneigée sont à tomber par terre) et aux effets spéciaux, eux aussi old school, simples mais efficaces (même si certains, comme les apparitions des précédentes victimes de la chambre, tombent un peu à plat).

Enfin - et on pourrait presque écrire "bien entendu" - grâce à la prestation sans faille de John Cusack!
Présent dans presque toutes les scènes, le comédien réalise un véritable tour de force en passant du cynisme glacé au désespoir le plus profond, de la trouille noire à l'émotion pure avec une facilité d'autant plus étonnante qu'il joue la plupart du temps sans aucun partenaire.

Et puis - et c'est finalement ça le plus important - toute ces choses et bien d'autres encore finissent par se mettre en place pour provoquer la seule et unique chose que l'on cherche en allant voir un film pareil: la pétoche!

Pas qu'on tremble ou que l'on fasse dans son pantalon, non, on n'en est plus là (surtout moi après toutes ces années de Bifff, allez!).
Mais on se retrouve quand même très agréablement mal à l'aise à la vision de cette petite série B certes pas révolutionnaire, non, mais en tout cas bien chouette à voir.

Au point que celà donne presque envie de se relire un bon vieux Stephen King!

Et ça, après tout, c'est bien le principal...


Côte: **


mardi 2 octobre 2007



Bienvenue dans un monde de merde...

"99 Francs" de Jan Kounen (F); avec Jean Dujardin, Vahina Giocante, Jocelyn Quivrin, Elisa Tovati, Patrick Mille, Nicolas Marié...

Octave Parango est créatif dans la pub.
Il bosse pour la plus grosse boite du moment.
Il est couvert de fric, de femmes et de coke.
Il a un train de vie insensé et est, de son propre avis, une véritable merde.
Il est le Maitre du Monde...
Pourtant, deux événements vont bouleverser son univers et tout remettre en question...

Il est permis de détester Frédéric Beigbeder. Sa tronche de planche à pain, ses costards à la con, son parisianisme exacerbé, ses plans marketing érigés en dogme...

Il est possible de ne pas aimer Jan Kounen. Son cinoche plein de gimmicks, son chamanisme à deux balles, son côté "MTv de l'altermondialisme"...

Il n'est même pas invraisemblable d'être agacé par Jean Dujardin. Son omniprésence médiatique, sa dégaine de Belmondo du programme court, trop sympa et rassurant pour être honnête...

On peut donc logiquement aborder "99 Francs" (le roman du premier, adapté par le deuxième avec le troisième en tête d'affiche pour ceux qui reviendraient d'une mission de plusieurs années dans l'espace) avec une curiosité teinté de méfiance.
Avoir envie de le voir et en même temps se dire d'avance que l'on va être agacé...

C'était mon cas.

Et on peut dire que, dans les premières minutes, le film tient toutes ces promesses: on a vraiment envie de flinguer ce personnage antipathique et merdeux et de sortir de la salle, tant le traitement apparemment gadget de l'affaire à de quoi irriter.

Et puis petit à petit les chose se mettent en place...
La charge anti-pub (assez sévère bien que parfois un peut trop attendue) prend le dessus.
Le personnage se révèle.
Les effets - omniprésents - prennent tout doucement une autre place et une autre dimension.
Et on se laisse avoir...

Parce qu'il s'agit bien de ça!

Et en celà le film est particulièrement roublard et Kounen très malin, qui use et abuse des armes de son adversaire: montage ultra-cut, déluge d'informations, trouvailles visuelles, musique über signifiante, pétarades et déflagration qui finissent par transformer "99 Francs" en un véritable clip à la gloire de lui-même.

C'est visuellement épatant (comme dirait Marc Ysaye), c'est sûr.
On est bien obligéde le reconnaitre.
Mais ce n'est pas pour autant un OVNI cinématographique, comme on a pu le lire ça et là dans la presse spécialisée, essentiellement française. OVNI pour le cinéma hexagonal, oui peut-être... Pour le reste...

Pour le reste, Kounen se contente de recycler, brillament il est vrai, les idées des autres. Poussant de ce fait la parabole encore plus loin.
Enfonçant encore plus le clou de sa charge anti-consummériste...

Et de "Las Vegas Parano" à "Trainspotting", de "Fight Club" à "Requiem for a Dream" en passant par Aphex Twin, "2001" ou même "Kill Bill" (eh oui! il y a même un passage en manga! Enfin, "en manga"... en dessin animé...) on peut dire que sa ratisse très, très, très large!

Mais c'est fait avec tellement d'énergie et un sens si aiguisé du fun qu'on se laisse complètement avoir. Ce qui, en fin de compte, illustre très bien le propos du film n'est il pas?

Il est.

Bien sûr, c'est tellement foisonnant qu'il y a forcément à boire et à manger.
De fausses bonnes idées (les apparitions de Beigbeder himself en Badman), des trucs qui tombent complètement à plat (une avalanche pour symboliser la coke, ouh ouh ouh!) et même un twist final rigolo mais quand même fort gadget...

Et puis parfois on se dit que "99 Francs" épouse un peu trop les tics qu'il est censé dénoncer.
Et forcément, ça agace...

Mais à côté de ça il se passe tellement de choses qu'on ne s'ennuie pas une seconde, c'est suffisament bien foutu pour qu'on en prenne plein les yeux et assez finaud pour qu'on en sorte sans se sentir floué.
On pourrait même dire de certaines scènes qu'elles ont un potentiel "anthologique" (la fausse pub Kinder, par exemple. Mais pas seulement).

Et puis y a rien à faire, Dujardin est parfait!

Présent dans quasi toutes les scènes il déroule un vrai grand numéro de crapule thrash, comique et pathétique à la fois.
Même s'il est - bien - entouré de solides seconds rôles (les bombasses Vahina Giocante et Elisa Tovati, l'excellentissime Jocelyn Quivrin et surtout Nicolas Marié, plus vrai que nature en déclinaison 2000 du Julien Guiomar période Tricatel) c'est évidemment sur lui que repose tout le film et il s'en sort plus qu'avec les honneurs, on est bien obligé de l'avouer.

Ce qui nous donne en fin de compte, un film en forme de montagnes russes, plus amusant que vraiment virulent mais qui à le mérite d'amuser franchement.

Un film qu'on aurait aimé voir plus un poil plus mordant, un poil plus pessimiste mais qu'on ne peut pas s'empêcher d'aimer quand même.

Somme toute un bon produit.

Bien emballé et surtout bien vendu.


Côte: ***