mardi 23 mars 2010


Gothika ! Gothika !

"Shutter Island" de Martin Scorsese (USA); avec Leonardo DiCaprio, Mark Ruffalo, Ben Kingsley, Michelle Williams, Max von Sydow, Emily Mortimer...

1954. Le marshal Teddy Daniels et son équipier Chuck Aule sont envoyés sur Shutter Island, une île du port de Boston abritant un hôpital-prison où sont détenus des malades criminels. Ou le contraire. L'une des "patientes", Rachel Solando, s'est volatilisée. Elle a, semble-t-il, glissé à travers les murs de sa cellule, fermée de l'intérieur. Et ne peut de toute façon pas avoir quitté les lieux... Se heurtant à l'hostilité du personnel médical et pénitentiaire, les deux fédéraux mênent l'enquête.

La surprise est de taille, surtout pour tout qui, comme moi, a lu le bouquin.

"Shutter Island" est donc le Grand Film Gothique de Martin Scorsese ! Son premier film d'horreur, en quelque sorte.

C'est quelque part le prolongement logique du roman de Dennis Lehane (lequel, de "Mystic River" en 'Gone Baby Gone" a décidément de la chance avec ses adaptations cinématographiques), à l'ambiance déjà particulièrement glauque et paranoïaque.

Mais disons que ce qui fait la singularité du film par rapport à celui-ci (Le roman. On suit, allez !) c'est que Scorsese creuse opiniatrement un sillon qui n'est que filigrane dans l'oeuvre originale.

Le transformant du coup en une espèce de film d'horreur gothique et foldingue vraiment flippant et surtout, par endroit, extrèmement déconcertant.

C'est bien simple: il y a des moments où l'on se demande ce que le spectateur lambda - celui qui n'aurait justement pas lu le livre - doit penser de tout ça.
Du moins jusqu'au retournement final.
Car oui, bien sûr, "Shutter Island" est un film à twist(s).
Un vrai, un pur, un dur.
L'un de ceux qui méritent d'être revu, une fois le dénouement connu, pout se rendre compte à quel point il recèle d'a priori insoupçonnables niveaux de lecture...

De ce point de vue, la réalisation discrètement virtuose (ce qui la rend d'autant plus impressionnante) de Martin Scorsese, construite sur un intelligent crescendo, sert admirablement l'histoire en collant à la fois aux obsessions du réalisateur (héros à la limite de la sociopathie, perte de repères, aliénation, quête de la rédemption...) et à la réalité historique (paranoïa, Guerre Froide et mccarthysme sous-jascent).

La première partie, à la direction artistique et à la reconstitution d'époque (jusqu'au jeu des acteurs) monstrueuse, donne carrément l'impression, non pas de voir un film dont l'action se situe dans les années '50, mais bien un film tourné dans les années '50 !

La seconde, qui donne dans la surenchère hystérique et horrifique à grands coups de scènes-choc (les rats, le QHS, la grotte, le phare...), de cadrages baroques et d'inteprétation hallucinée (DiCaprio donne par moment l'impression d'être vraiment devenu fou !), fait basculer le tout dans une sorte de grand cauchemar éveillé dont l'esthétique n'est pas sans rappeller celle du giallo - voire du film d'horreur italien dans les grandes largeurs.

Le tout jusqu'à la conclusion, au cours de laquelle les pièces se mettent diaboliquement en place.

Les acteurs font bien sûr beaucoup pour la réussite de l'entreprise, Ben Kingsley (bien aidé par un rôle "à canne") et le vieux Max von Sydow en tête, réellement inquiétants.
Mais, outre le quasi-caméo glaçant de Ted "Silence des Agneaux" Levine dans le rôle du Mal Incarné (le directeur de l'asile-prison), c'est Mark Ruffalo qui, dans un rôle-clé pourtant nettement moins expensif, presque en retrait, emporte finalement le morceau.

Reste bien sûr à se dire qu'il est malheureux, quelque part, qu'un film pareil arrive si tard, après une cargaison de "Sixième Sens", "Usuals Suspects" et autres... "Les Autres"... (oui, bon...)

Parce que, oui, pour un certain public blasé, le côté "tiroirs" de l'intrigue peut paraître un peu faible et éventé.

Et à regretter aussi qu'il ait fallu une fois de plus rajouter une scène explicative somme toute inutile, pour être sûr que le spectacteur amériki de base comprenne bien tout ce qui se passe (même si la dite scène, bien amenée, n'est pas honteuse en soi).

Mais malgré tout cela, et en dehors de quelques esprits chagrins qui tiennent absolument à voir en "Shutter Island" un Scorsese mineur, le film tient au final sa place dans la carrière de son auteur.

Une place étonnante, atypique, puisqu'explorant un genre jusqu'ici peu ou pas défriché.

Ce qui laisse sous entendre que le brave Marty en garde encore un peu sous le pied, si pas sous le coude.

Et qu'il pourrait continuer à nous surprendre de la sorte.

Et vous savez quoi ?

Eh ben tant mieux !



Cote: ***

lundi 22 mars 2010


Loup, y es-tu ?

"Wolfman" (The Wolfman) de Joe Johnston (USA); avec Benicio Del Toro, Anthony Hopkins, Emily Blunt, Hugo Weaving, Geraldine Chaplin, Art Malik...

L'aristocrate Lawrence Talbot, parti refaire sa vie aux Etats-Unis, est contraint par la mort de son frère de revenir en Grande-Bretagne. Renouant avec son père, perdu de vue depuis la mort de sa mère, et découvrant l'existence de Gwen, la fiancé de son défunt cadet, il apprend également qu'une créature assoiffée de sang rôde dans la campagne environnante et que l'inspecteur Abberline, de Scotland Yard, mêne l'enquête...

Ay, caramba ! Encore râté !

Eh oui, que voulez-vous...

Il faudra quand même bien avouer un jour que, à part les deux "classiques" du genre ("Le Loup-Garou", produit par Universal dont cette... chose... se veut le remake et "La Nuit du Loup-Garou", de la Hammer, avec Oliver Reed) les tentatives de porter la créature poilue à l'écran se sont quand même généralement soldées par de cuisants échecs (laissons de côté le chef-d'oeuvre néo-parodique de John Landis, "Le Loup-Garou de Londres", évidemment, ainsi que la digression bettelheimienne de Neil Jordan, "La Compagnie des Loups" dont l'intérêt se situe bien ailleurs)...

En dehors de ces contre-exemples, on sera quand même bien d'accord pour dire que, de "Van Helsing" à "Full Eclipse" en passant par "Peur Bleue" ou la très, trèèèèès pénible série des "Underworld" (sans compter la scandaleuse séquelle au Landis ci-dessus cité, l'indigne "Loup-Garou de Paris" d'Anthony Waller), le monstre, pourtant l'un des emblèmes du fantastique "classique", aura jusqu'ici été bien mal servi lors de ses néanmoins multiples incursions dans le domaine cinématographique...

Et ce n'est certes pas ce ridicule petit torchon qui viendra renverser la vapeur.

Faudrait que je revoie l'original d'Universal - avec Lon Chaney Jr. - d'ailleurs, entraperçu il y a fort longtemps, je l'avoue, parce que si le scénario d'origine ressemble vraiment à celui de cette bouse, je serai obligé de revoir mon jugement.
Sérieux !

C'est lâche, mou, décousu, plein de trous et surtout bourré d'invraisemblances flagrantes (ou alors c'est un problème de découpage ou de narration, mais, déjà, on a l'impression que l'action tient sur trois jours alors que curieusement il semble faire pleine lune tous les soirs - ce qui est commode, on voudra bien l'admettre, oui, certes, mais bon...)

La réalisation, confiée à ce torcheur de compète qu'est Joe Johnston - après quelques mois, voire années, passées en development hell, le réalisateur d'origine - Mark Romanek - ayant rapidement déclaré forfait - est d'une indigence crasse.

En dehors de la longue scène gothique située à Londres et du combat final, plaisant, il n' y a franchement rien ou si peu à se mettre sous la rétine.
Oui, bon...
Un peu de gore crasseux (et une ou deux scènes de transformation, on y reviendra plus tard).
Le gaillard réussissant même à foirer dans les grandes largeurs la première attaque de la bête dans le camp des bohémiens.
A tel point qu'on se demande si il ne faudrait pas à l'avenir la montrer dans les écoles de cinéma pour expliquer ce qu'il ne faut ABSOLUMENT pas faire si l'on veut qu'une scène d'action soit un tant soit peu lisible...

Point de vue interprétation on est au niveau du sous-cacheton, Anthony Hopkins et Benicio Del Toro se contentant d'ânonner leur texte avec un évident manque d'enthousiasme et de motivation (ces deux types ont été oscarisés, en leur temps) et Emily Blunt faisant ce qu'elle peut avec... ben avec rien.
Passons par charité sur le caméo de Geraldine Chaplin qui, de "BloodRayne" en "Orphelinat" semble confirmer qu'elle a du mal à payer ses impôts ces derniers temps pour ne retenir - et encore, c'est pour dire - que la performance honorable (allez, B - ) de Hugo Weaving dont le personnage d'Abberline fait référence à celui créé par Alan Moore dans "From Hell" (c'est confirmé dans les dialogues, d'ailleurs).
Et puis c'est tout.

Tout cela est faiblard, oui, c'est sûr...

Alors, faisons vite les comptes. Au sommet de ce tas de ruines fumantes, qu'est-ce qui émerge encore, malgré tout ?

Une seule chose.

Mais agréable et de taille !

Les effets spéciaux et les maquillages old school de ce bon vieux Rick Baker.
Qui, en dehors des CGI épuisants de la partie londonienne (sauvée comme je le disais plus haut par le fait que, pour une fois, il s'y passe quelque chose) font la part belle aux anciennes techniques et surtout aux anciens looks.
Qui renvoient plaisamment, bien que bizarrement - le film étant censé être je le rappelle un remake du "Loup-Garou" Universal de 1941 - à "La Nuit du Loup-Garou" de la Hammer (les dégaines des - oui "des", ah ah ! - bestioles faisant furieusement penser au Oliver Reed de l'époque*) et au "Loup-Garou de Londres", voire à "La Compagnie des Loups" déjà cités (les transformations).

C'est peu.
C'est très peu.

Ce n'est même rien face à la globale contre-performance de ce navet sanglant.

Mais au moins ce côté madeleinedeproustesque sauve-t-il, bien que sur la ligne, bien qu' in extremis, ce cornichon "Wolfman" du naufrage total.

Et de se voir décerner un gros zéro pointé.


Cote: *


(* et à Lon Chaney aussi, d'accord. Mais moins, trouve-je)

samedi 13 mars 2010


De l'autre côté du miroir.

"L'Imaginarium du Docteur Parnassus" (The Imaginarium of Doctor Parnassus) de Terry Gilliam (USA); avec Heath Ledger, Christopher Plummer, Lily Cole, Johnny Depp, Jude Law, Colin Farrell...

A la tête de sa troupe de théatre ambulant, le docteur Parnassus offre aux gens la possibilité de visiter leur propre imaginaire grâce à un miroir magique. Mais le docteur a un secret: dévoré par le démon du jeu il a par deux fois parié avec le Diable. La première fois pour obtenir l'immortalité, la seconde pour échanger celle-ci contre la jeunesse. Mais ces victoires étaient assorties d'une condition: une fois arrivée à l'âge de 16 ans, la fille du docteur deviendrait la propriété du Diable, Mr. Nick... Et celui-ci est bien décidé à venir chercher son prix.

En voila bien un que l'on croyait perdu, tiens.
Peut-être pas tout à fait, peut-être pas définitivement, son oeuvre passée, associée à une certaine tendresse pour le personnage, dans le style "cinéaste maudit" (et pas qu'un peu !), tout comme ses origines Monthy Pythonesques, d'ailleurs, faisaient que l'on continuait à lui faire confiance malgré tout, voire à espérer...

A espérer, oui.
Parce qu'il faut avouer que ces dernières années, entre catastrophes industrielles (les dépassements de budget pharaoniques de "Munchaüsen", le charcutage des "Frères Grimm" par les affreux Weinstein, ou, bien entendu, le naufrage complet du mort-né "L'Homme qui tua Don Quichotte"* - magnifiquement relaté dans le making-of tourné documentaire "Lost in La Mancha") et véritables ratages artistiques ("Les Frères Grimm" susnommés ou son précédent effort, le bordélique et hystérique "Tideland"), le p'tit père Gilliam nous avait grobalement fort déçus et, pour tout dire, un peu largués en bord de route.

Dans la séries des Tuiles en Or dont il s'est fait une spécialité, cet "Imaginarium" ne déroge pas à la tradition et se pose même un peu là, en sorte de recordman, puisque c'est bien évidemment au cours de son tournage qu'Heath Ledger rendit son dernier souffle.

On avouera que dans le genre "incident" ça explose un peu les plafonds.

Heureusement, habitué qu'il est a gérer ce genre de situation, Terry Gilliam - qui a plus d'un pot dans son tour et plus d'un tour dans son sac - a pris un mois pour relifter son scénario et a réussi tant bien que mal a sauver le navire.

Comment ?
En remplaçant Ledger par des doublures lors des passages dans l'univers parallèle de l'Imaginarium (les scènes dans le monde "réel" ayant heureusement toutes déjà été tournées).

Et quelles doublures, mazette !
Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell, rien de moins !

Et le plus beau, c'est que ça marche !
Ca rajoute même un côté un peu émouvant, hommage, dernier baroud d'honneur à l'aventure.

Et du coup, aussi, on retrouve le bon vieux Terry que l'on aime.

Foutraque, baroque, bordélique et attachant.

Eminemment poétique, aussi. Et complètement fou fou...

Toute la première partie est incroyablement décousue et part littérallement en totale sucette.
Mais cet apparent jemenfoutisme scénaristique et formel est à tel point au service du film, d'un univers unique et surtout d'une énergie délirante que, si l'on est client de la chose, on ne peut faire qu'adhérer.

Car l'Imaginarium est avant tout très Gilliam.
Dans ses défauts comme dans ses qualités, avec son enthousiasme presque juvénile qui le fait foncer comme un chien fou, animé de sa propre logique, droit devant, quitte à casser des trucs sur son passage...

C'est mégalo, parfois kitsch et à la limite du grotesque (toute la fin, en gros), souvent inspiré, toujours iconoclaste et déjanté...

Et comme on y retrouve bien toutes les préoccupations et l'univers de l'auteur (de "Brazil" et ses femmes volantes au "Sens de la Vie" - la scène des policiers ! - en passant par ses gravures animées "Flying Circus" style) on ne peut, au final, qu'être conquis.

Oh, évidemment, ce n'est pas un grand film, loin s'en faut.
Cramé de la tête, trop ambitieux, pas assez tenu, oui. Tout ce qu'on veut.
Et tout cela est vrai, bien entendu.

Mais au delà de ces considérations, c'est surtout un film qui donne la pèche et la banane** et qui, tout simplement et pour en finir avec les métaphores fruitières, fait plaisir.

Comme font plaisir les retrouvailles avec un vieil ami, depuis trop longtemps perdu de vue.

Et qu'on espère revoir bien vite.


Cote: ***


(* Dont il devrait finalement reprendre le tournage bientôt avec Colin Farrell et Robert Duvall en lieu et place de Johnny Depp et Jean Rochefort)

(** Tu connais le sketch de la banane ?)


mercredi 10 mars 2010


Prems !

Donc, voilà...

En 81 ans (et 82 cérémonies, apprends à compter, Nicolas Crousse !), Kathryn Bigelow est la première femme à décrocher l'Oscar du Meilleur Film.

Et du, de , le , la meilleur(e) réalisateur... trice...

Ah ! Chiotte !

Super !
Effectivement, c'est historique !

Ce le serait d'autant plus si ça ne récompensait pas Kathryn Bigelow, d'ailleurs.
La réalisatrice hollywoodienne la plus chargée (c'est une image !!!!! DU CALME ! Je vois d'ici les commentaires !!!!!) en testostérone du panthéon hollywoodien.

Ex-femme de l'autre champion du box-office sévèrement burné, James Cameron himself !

Leur récent affrontement, sur fond de divorce depuis bien longtemps consommé et à grand coup de rebondissements à deux balles (Ah! Le producteur français exclu de la cérémonie pour cause de lobbyisme exacerbé !) ayant représenté le principal intérêt de cette so-called compétition, d'ailleurs...

Parce que, sinon, pour les amateurs de cinéma au féminin, la Bigelow à quand même jusqu'ici commit essentiellement "Point Break" ou "Strange Days", hein...
Pas exactement non plus des sommets, point de vue films. Ni délicatesse.

Bref, la révolution sociale, niveau Oscar, c'est pas encore avec elle qu'elle va arriver.

Mais après tout, on s'en calle.

Pour le reste: bon résultat (5/8, si je ne m'abuse) pour une cérémonie sans surprise, quasi copiée/collée des récents Golden Globes.

Retenons juste, à part les évidents succès de Jeff Bridges, Christoph Waltz et Mo'Nique (et celui de "Démineurs" un peu partout, bien sûr), que Sandra Bullock a reçu cette année à la fois l'Oscar de la Meilleure Actrice ET le Razzie de la Pire...

Pour deux films différents, certes (et heureusement !)

Mais quand même...

Ca relativise. Non ?

Allez, à l'année prochaine.


vendredi 5 mars 2010

Heroes and Icons...


(Jacques Tati - 1907/1982)

jeudi 4 mars 2010


Paradis pour tous !

"Lovely Bones" (The Lovely Bones) de Peter Jackson (NZ); avec Saoirse Ronan, Mark Wahlberg, Rachel Weisz, Stanley Tucci, Susan Sarandon, Michael Imperioli...

Elle avait quatorze ans, quand, en 1974, Suzie Salmon s'est fait assassiner... Depuis, au Paradis ou dans une réalité parallèle, elle suit le travail de deuil de sa famille. Tout en essayant de les aider à trouver son meurtrier. Qui est forcément plus proche qu'on ne le croit...

Pour son retour aux "petits films", après tant d'années passées à cajoler du blockbuster, on peut dire que Peter Jackson aura pris son temps.

Curieux, d'ailleurs, au vu du résultat, même si les CGI qui occupent la moitié de la chose ont dû demander pas mal de boulot, et donc de temps, en post-production.

Mais bon, allez, par rapport à des monstres comme "King Kong" ou la trilogie "LOTR"...

Gageons donc que le bon Peter soit un perfectionniste. Ou qu'il aime prendre son temps. Ou les deux.

Enfin bref, là n'est pas l'important.

L'important est plutôt qu'il nous revienne enfin avec un film à dimension humaine (même si ça reste relatif, oui, comme d'hab').

Un double film, même, pourrait-on dire.
Clairement séparé en deux parties distinctes. Tellement distinctes qu'elles finissent par en paraitre indépendantes. Et par donner l'impression - curieuse, il est vrai - que l'on est en train de visionner deux films à la fois.

Et cette étrange césure, cette quasi-dichotomie, qui rend "Lovely Bones" à la fois bancal et attachant, fait certes beaucoup pour répercuter à la fois la force et la faiblesse de l'oeuvre.

En fait, pour être clair (ou pas du tout, finalement, hein...), l'une de ces deux parties est une réussite mais pas tout à fait, tandis que l'autre est un beau foirage... Mais pas tout à fait non plus.

L'un se nourrit de l'autre, les faiblesses d'une partie exaltant les points forts de la seconde et ainsi de suite...

Un grand film malade ?

Même pas.

Que nenni !

Juste un truc qui aurait dû logiquement déboucher sur une demi-réussite mais qui arrive à transcender ses défauts pour se hisser plus haut.
Vraiment plus haut.

En gros, tout la partie "réelle" (la vie quotidienne de la famille Salmon, le meurtre, l'enquête, la tentative de deuil) est incroyablement maîtrisée, suffocante de tension et de suspense et tellement chargée en émotion vraie que ça en devient parfois difficilement supportable.
Elle est, qui plus est, tenue de bout en bout par un Peter Jackson qui se révèle enfin véritable cinéaste et pas seulement apprenti-sorcier, manipulateur de FXs de génie.

Certaines scènes (le champ, la "visite" de la soeur chez le voisin, la scène finale ou celle de la décharge) sont quasiment (oui, "quasiment". Du calme, quand même !) anthologiques !
On y trouve surtout un sens du découpage, de la lumière (automnale et magnifique) et du détail dont on croyait le néo-zélandais, si pas dépourvu, du moins singulièrement économe...

Mais...

Car il y a un mais !

Le pendant de cette réussite se trouve dans certaines scènes par trop lacrymales (le retour de la mère), dont le mélo, disons... appuyé... plombe l'ambiance.

Parallèlement, la partie "Au-Delà" se construit sur des bases presque contraires...

Elle est, dans l'ensemble, d'une mièvrerie et d'un kitsch consommés qui font grincer des dents.
Elle finirait même par donner mal à la tête, tant ses excès de guimauve et son imagerie gnangnante - évoquant tour à tour le fond d'écran de PC lycéens ou une pub pour eau minérale sur fond de Wim Mertens en descente de Tranxène - peuvent faire friser la crise d'hypoglycémie.

On peut à la limite penser par moment à du mauvais Terry Gilliam ("Tideland", par là...), voire à du Tarsem Singh de kermesse boraine. Oui.

Le truc, c'est que ça évoque le plus souvent Pierre et Gilles revus et corrigés par Jaco Van Dormael. Ce qui est plutôt douloureux, on l'avouera.

Mais - et c'est sans doute aussi l'intérêt de ce film qui évolue curieusement en creux et se construit sur ses paradoxes et ses contradictions, il y a aussi ici pas mal de brols à sauver.

Dès que les choses s'enveniment un tant soit peu, le ton se durcit et l'univers devient plus dark, citant ça et là Tim Burton (voire "Alice...", tenez, tenez...) ou même "Silent Hill" et son univers tout en déliquescence.

Comparable finalement en bien des points avec "Créatures Célestes" (même base de faits divers, même univers parallèle, même point d'encrage dans l'enfance ou l'adolescence, même reconstitution d'époque, etc.); "Lovely Bones"; avec son sous-texte sur le deuil et l'acceptation de la douleur et de la perte, au sens large (si pas sur le passage à l'âge adulte, d'ailleurs) est sans doute - peut-être - un film important pour son auteur.
Doublé d'une sorte de retour aux sources qui pourrait s'avérer crucial dans son parcours en tant que réalisateur.

Il offre en outre l'occasion de briller à une belle brochette de comédiens.

De Saoirse Ronan, qui confirme, à Mark Wahlberg, qui étonne presque, en passant par Rose McIver (la soeur), qui épate carrément...

Le ponpon étant bien entendu détenu par l'incroyable métamorphose de Stanley Tucci dans le rôle de "John Doe", "the killer next door".

Sa présence est le petit plus qui achève de faire de "Lovely Bones", oeuvre déjà étonnante tant par la somme de ses qualités que par celle de ses défauts, un film hors du commun.

Inégal, oui.

Mais passionnant.

Et, quelque part, très troublant...


Cote: ****


mercredi 3 mars 2010


Bonnes nouvelles des étoiles...

"Gainsbourg (Vie Héroïque)" de Joan Sfar (F); avec Eric Elmosnino, Lucy Gordon, Laetitia Casta, Mylène Jampanoï, Doug Jones, Anna Mouglalis...

Du jeune Lucien Ginsburg, évoluant dans le Paris occupé des années 40, jusqu'à Gainsbarre, le pilier de bar, caricature de lui-même et figure de la vie noctambule, le parcours de Serge Gainsbourg, chanteur, poête, auteur, Casanova malgré lui...

Etonnant défi que celui que s'est lancé Joan Sfar, auteur de BD renommé ("Le Chat du Rabbin", "Donjon", "Pascin"...).

Non seulement passer d'un mouvement aussi souple qu'imprévu des petits Mickey à la Grande Toile, mais qui plus est effectuer le baptême du feu en s'attaquant de front à une figure mythique de la culture populaire française en la personne de l'imprévisible, de l'incongru Serge Gainsbourg !

Défi relevé, néanmoins, avec d'autant plus de classe, de maestria et de bagoût - voire de culot - que le néo-réalisateur a voulu viser haut en ne tournant pas seulement un énième biopic figé, de type "classique", comme ceux qui ont récemment encombré nos écrans, de "Coluche" à "Sagan" en passant par une palanquée de "Chanel" tous plus à côté de la plaque les uns que les autres, mais bien en aspirant à donner une sorte d'interprétation libre, voire free style, de la vie de l'artiste...

D'où, évidemment, le curieux "un conte de Joan Sfar" qui ouvre la chose...

Ah ! Il aura fait parler de lui et couler beaucoup d'encre, ce fameux "conte"...
Tant et si bien que son néophyte auteur fût, oh combien !, attendu au tournant.
Et que certains devaient même espérer en secret qu'il se viande. Et méchamment, même !

Eh bien, il faut bien l'avouer, ces gens-là, quels qu'ils soient, en seront sérieusement pour leurs frais et vont devoir ravaler leur superbe.
Et pas qu'un peu, Caporal Neveu !

Car le plus beau dans l'histoire, c'est que le jeune Sfar, du haut de son inexpérience, à mené à bien sa gageure - et de fort belle manière, tenez !

Réussissant même l'improbable: arriver à coller son univers propre - très personnel, il faut bien le dire - sur celui, surdimensionné s'il en est, du Gainsbourg-titre, jusqu'à en faire à la longue quelque chose de globalement cohérent.

"A la longue", "finalement"... Oui.

Car avant d'en arriver à cette conclusion, il faudra en passer par quelques circonvolutions, accepter quelques partis pris, voire avaler quelques couleuvres.

Oscillant sans cesse entre réalisme historique ("réalisme", comme dans les chansons de Fréhel, par exemple, interprétée le temps d'une scène hilarante par la toujours cocasse Yolande Moreau) et onirisme échevelé, voire fantastique de bon aloi, "Gainsbourg..." est avant tout, du moins dans un premier temps, assez bien* déconcertant.

Mais la perpléxité amusée dans laquelle il nous laisse plongés tout du long de son premier tiers est confortable et fort agréable, ma foi.
Et, après un temps d'acclimatation bien légitime, nous entraîne bien vite vers des sommets de poésie insoupçonnés, où se croisent tour à tour burlesque et émotion.

En ce sens, la première partie, consacrée à l'enfance, est probablement la plus fantaisiste de toutes, bien que s'attardant forcément sur des épisodes douloureux de la vie de S.G. (l'Etoile Jaune, l'internat...) et posant également de pertinentes questions sur la formation de son identité propre (juif/français; peintre/chanteur; homme à femmes, déjà ?...)

La seconde, de la formation au star système, jusqu'à sa relation avec Birkin (magnifique Lucy Gordon, à qui le film est évidemment dédié) est bien sur la plus riche en éléments mythiques, voire mythologiques (B.B./Casta en tête) et donc en morceaux de bravoure cinématographiques (même si le film est de-ci de-là parsemé d'erreurs "de débutant" somme toute bien excusables).

L'engin doit d'ailleurs en partie - et paradoxalement - son étonnante homogénéité au fait que Sfar reconstitue d'une part minutieusement certains événements avérés (tout l'épisode d' "Aux Armes, et caetera..."...) tout en exagérant, fantasmant, voire inventant de toutes pièces quelques autres morceaux, et non des moindres (la rencontre avec Vian, les Frères Jacques...).

De ce côté, l'intervention de La Gueule, cette curieuse marionnette, double imaginaire du chanteur, éminence grise lui soufflant toutes les mauvaises choses à faire, lesquelles s'avéreront presque toutes être ses meilleurs choix de carrière, n'est pas la moindre des audaces ni des extravagances !

Pas étonnant que ce soit du coup la troisième partie, celle sur Gainsbarre, la plus terre à terre et dans laquelle, surtout, Gainsbourg semble courir après lui-même et se rattrapper jusqu'à sombrer dans l'auto-caricature, qui soit la moins réussie, la moins maîtrisée du film.

D'un point du vue formel, cette "Vie Héroïque" suit le même cheminement, alternant les techniques, incluant du dessin, voire de l'animation, multipliant les flash backs et les digressions, soufflant le chaud et le froid jusque dans le choix des interprêtes, allant du mimétisme presque parfait (Laetitia Casta, encore) aux totales antipodes du modèle (Philippe Katerine, quand même fort loin de Boris Vian, du moins physiquement).

Au sommet de cette impressionante pyramide de talents, trône bien évidemment le Roi Elmosnino !

Acteur de théatre, peu connu du grand public, le garçon n'interprête pas Gainsbourg... Il s'en empare et l'incarne jusqu'au vertige, s'appropriant absolument tout, de la gestuelle au phrasé, dans un troublant jeu de miroirs finalement bien à l'image du film dans son ensemble.

Labyrinthique. Parfois bien branque. Souvent foutraque.

Toujours génial.

Comme Gainsbourg ?

Oui.

Comme Joan Sfar, aussi.



Cote: ****


(*ASSEZ BIEN ! Oui !)


mardi 2 mars 2010


La rumeur à la con du jour...

Brian De Palma serait pressenti pour réaliser "Paranormal Activity 2".

Voila, c'est tout.

C'est tellement crétin que ça se suffit à soi-même...

D'où: rires, applaudissements, rideau.

Oui: rideau !


Quand les Césars bégaient...

OK, passons sur mon score (6/11 quand même, ce qui doit être mon meilleur résultat ever, mine de rien) pour revenir sur la cérémonie proprement dite où plutôt sur le palmarès (la cérémonie, après tout, on s'en fout, toujours aussi chiant ne serait-ce, en vrac, les jeux de mots de Dussollier - "enfin... un beau gosse... à l'origine" - le côté "bonne joueuse" de Vanessa Paradis revivant son lapsus d'il y a, quoi ? 20 ans ? la fausse bande-annonce sur Juliette Binoche - arf ! - et l'humilité touchante de Harrison Ford, César d'Honneur. Soit finalement, pas grand chose...)

Concentrons-nous plutôt sur le fait que ce fût la soirée de toute les redites....

Cinq (5 !!!!!!) Césars pour Isabelle Adjani !
Non mais enfin quoi, déjà !
Y a de quoi se poser des questions, non ?
Surtout que Madame tourne un film tous les dix ans.
Un film que personne n'a vu, pour le coup, en plus.
Ou si peu de monde...
Y avait pas moyen de le filer à quelqu'un qui ne l'avait jamais eu, tant qu'à faire ? Kristin Scott Thomas, Audrey Tautou, Sandrine Kiberlain ?

Et puis, le CI-NE-MA (sans mauvais jeu de mots) !!!!!!
Franchement, refiler un énième César de la Meilleure Actrice à une bobonne même pas foutue de simuler l'émotion et la crise de larmes de manière un temps soit peu convaincant, sérieux...

Le reste suit, bien qu'il n'y ait en fin de compte rien - ou si peu - à redire quant aux choix (bien normal que "Un Prophète" rafle la mise, après tout). Deuxième César du Meilleur Film ET du Meilleur Réalisateur pour Audiard, idem pour Arestrup en second rôle (grandiose et incontournable, il faut bien l'avouer). Emmanuelle Devos inaugure dans la catégorie du Meilleur Second Rôle Féminin, certes, mais elle avait déjà été sacrée meilleure actrice pour "Sur mes lèvres" (d'un certain... Jacques Audiard... Tiens.)

Même le brave vieux Clint (dont je suis fan, je ne m'en cache pas) récidive avec son magnifique "Gran Torino", là où on attendait Haneke et son "Ruban Blanc", devenant du coup, avec trois trophées, le recordman de sa division !

Misère !

Bien entendu, les catégories Première Oeuvre/Espoirs sont, par essence et en principe, interdites de doublons.
Oui, oui... Certes, certes...
Mais ça, c'était sans compter sur l'inédit doublé Acteur/Espoir Masculin de Tahar Rahim. Doublé qui, comme le fait logiquement remarquer Fabienne Bradfer dans je ne sais plus quelle gazette, nie carrément l'existence d'une des deux catégories.

Même le César du Meilleur Documentaire va à un film qui en rejoue un autre, à savoir "L'Enfer", d'Henri-Georges Clouzot. Et je ne dis rien sur le César du Scénario (original ou adapté), grapillé par Audiard pour la troisième fois, lui aussi.

Reste à signaler le César du Premier Film qui va, de manière surprenante, une fois n'est pas coutûme, aux "Beaux Gosses" de Riad Sattouf (la mode est aux auteurs de BD tournés réals, on en reparlera...) et celui de l'Espoir Féminin qui, sans vouloir être méchant vis à vis de Mélanie Thierry que j'aime généralement beaucoup, récompense la pire performance de sa récipiendaire (et, par delà, la seule actrice ou presque qui, à mons sens, ne le méritait pas cette année).

Voila, donc...
Des Césars plans-plans, sans surprises et ternes, même si certainement pas immérités, qui laissent dans la bouche un goût de trop peu.

Allez, jurons une fois de plus que l'on ne nous y reprendra plus.

En attendant l'année prochaine.