jeudi 30 décembre 2010
Allez hop, on y va...
Le top 20 de l'année dans vos machoires béantes !
Et j'en suis pas peu fier, de celui-ci.
Parce que dans le genre "éclectisme"... Pardon !
Entre le film d'auteur divers et varié (de "Oncle Boonmee" à "Des Hommes et des Dieux", en passant par "Tournée" ou "Another Year", y a de quoi faire), le blockbuster "intelligent" ("Inception", "The Social Network", "The Ghost Writer" et autre "In the Air"), la comédie franchouille ("Potiche", "Les Emotifs Anonymes") ou la série B en goguette ("Machete", "Buried", "Kick-Ass", j'en passe et des moins graves), ça charcle quand même dans les grandes largeurs, non ?
Si.
Et comme si ça ne suffisait pas, veuillez prendre en cloture et dans les dents (et ça, je peux dire que je biche de vous les envoyer franco dans les crompirs) trois films qui vont, à mon avis, par leur simple présence ici faire grincer des dents, voire hurler dans les chaumières.
Et bien tant pire, dégustez ça et à 2011 (and beyond), binde di p'tits animaux de cirques !
1. "Des Hommes et des Dieux" de Xavier Beauvois (F).
2. "Inception" de Christopher Nolan (USA).
3. "The Ghost Writer" de Roman Polanski (UK).
4. "The Social Network" de David Fincher (USA).
5. "Another Year" de Mike Leigh (UK).
6. "Gainsbourg (Vie Héroïque)" de Joann Sfar (F).
7. "A Serious Man" de Ethan et Joel Coen (USA).
8. "Vénus Noire" de Abdellatif Kechiche (F).
9. "In the Air" de Jason Reitman (USA).
10. "Tournée" de Mathieu Amalric (F).
11. "Shutter Island" de Martin Scorsese (USA).
12. "Oncle Boonmee" de Apitchatpong Weerasethakul (TH).
13. "Potiche" de François Ozon (F).
14. "Buried" de Rodrigo Cortés (S).
15. "Les Emotifs Anonymes" de Jean-Pierre Améris (F).
16. "Machete" de Robert Rodriguez et Ethan Maniquis (USA).
17. "Kick-Ass" de Matthew Vaughn (USA).
18. "Lovely Bones" de Peter Jackson (NZ).
19. "Tamara Drewe" de Stephen Frears (UK).
20. "Alice au Pays des Merveilles" de Tim Burton (USA).
- Meilleurs Acteurs 2010:
Lambert Wilson (Misère! On m'aurait dit ça !) (Des Hommes et des Dieux).
Catherine Deneuve (Idem ! Qu'est-ce qui m'arrive ?) (Potiche).
Michael Lonsdale (Des Hommes et des Dieux).
Helena Bonham-Carter (Alice au Pays des Merveilles).
- Révélations de l'Année:
Eric Elmosnino (Gainsbourg (Vie Héroïque)).
Chloé Moretz (Kick-Ass).
Jesse Eisenberg (The Social Network).
Allez, voilou, amusez-vous pendant le merveillon et tot 2011, yayayayaya !!!!!
- "True Grit" de Ethan et Joel Coen (USA); avec Jeff Bridges, Matt Damon, Josh Brolin, Barry Pepper, Hailee Steinfeld, Domhnall Gleeson...
+ Pourquoi on l'attend ?
Parce que ça fait quelques années qu'on se dit qu'un vrai western irait bien au teint des Coen, que le néo-"No Country for Old Men" n'a fait que confirmer et attiser nos attentes et qu'il est donc temps qu'ils s'y mettent.
Avec un vrai de vrai, en plus, le remake de "Cent Dollars pour un Shérif" de Henry Hathaway, celui qui valu à John Wayne le seul et unique Oscar de sa carrière (pourtant kilométrique).
Parce que la distribution est quand même assez zim-boum, jugez plutôt: Le Dude himself en Rooster Cogburn et à ses côtés Matt Damon, le toujours parfait Josh Brolin, le trop rare Barry Pepper et Hailee Steinfeld, une petite nouvelle dont les rumeurs portées par le vent du sud disent le plus grand bien*.
+ Pourquoi on balise ?
A part vaguement et de manière totalement irrationnelle, adolescente et immeritée parce que c'est un remake d'un film avou John Wayne je vois pas, moi.
Et vous ?
+ Verdict ?
16/02/2011.
(* Et les visuels sont biens, non ?)
mercredi 29 décembre 2010
Du rab de top en direc' du Bifff...
Carapils et gore hongrois, once again...
L'année s'achève, les tops défilent.
Voici donc le traditionnel "spécial fantastique/horreur/S.F." tout ça, élargi ce coup-ci (coup-ça, qu'est-ce qu'on s'marre) aux "films de genre" en général.
En gros pour que des brols comme "Buried", "Machete", "Kick-Ass" (qui a quand même fait la cloture du Bifff proprement dit) et autres gaudrioles et galéjades du même tonneau puissent participer à la fête.
Ce qui fera un peu redite avou le Top 20 proprement dit, il est vrai, mais baste: quand on aime on ne compte pas.
Allez, tenez, c'est parti.
1. "Inception" de Christopher Nolan (USA).
Le blockbuster intelligent de l'année, visuellement invraisemblable, scénaristiquement malin comme un singe, un peu trop encombré d'action pure sur la fin mais porté par un casting quatre étoiles asseoit définitivement la réputation de Christopher Nolan et le fait entrer dans le cercle précieux des réalisateurs avec lesquels il va désormais falloir compter.
2. "Oncle Boonmee" de Apichatpong Weerasethakul (TH).
Hommes-singes, fantômes et poissons parlants. Entre animisme, onirisme, conte et fantastique oriental, le film initiatique de Weerasethakul, celui qui aide à accepter la mort, est avant tout d'une beauté plastique à couper le souffle, d'une zénitude incroyable et d'un exotisme surprenant. Une autre façon d'envisager le cinéma, certainement.
3. "Buried" de Rodrigo Cortés (S).
La claque de cette fin d'année ou comment visser l'audience à son fauteuil avec une caisse, un acteur dedans et un briquet pour éclairer le tout. Un film de petit malin très inspiré qui se paye en plus le luxe d'un discours... différent. Presque une leçon.
4. "Machete" de Robert Rodriguez et Ethan Maniquis (USA).
Après "Planète Terreur", Rodriguez pousse à son paroxysme son cinéma fétichiste et jouissif avec un truc de branquignol à peine croyable, bourré jusqu'à la gueule d'explosions, de gore, de cul et d'humour à la con. Entre kaboom et tequila, un brol totalement foldinguot, à l'image de sa distribution tutuut, où l'on croise Steven Seagal, Don Johnson, Lindsay Lohan et Robert De Niro et au sommet de laquelle trônent l'incroyable Danny Trejo, sa tronche, sa stache, ses muscles et ses tattoos.
5. "Kick-Ass" de Matthew Vaughn (USA).
Comics, rock'n'roll et politiquement incorrect: le film parfait pour terminer un festival de la trempe du Bifff. Parfaitement réjouissant et se payant en plus le luxe de porter à l'écran Hit Girl, tout simplement le plus beau personnage de super-hero flick jamais inventé, incarné à la perfection par la révélation Chloé Moretz.
6. "Alice au Pays des Merveilles" de Tim Burton (USA).
Sacré Tim Burton ! Le voila qui sexualise et émancipe Alice, lui invente une histoire et réussit parfaitement à l'intégrer à son univers, tant visuel que narratif. La 3D n'apporte pas grand chose à l'affaire, mais pour le reste, pardon ! Du beau boulot.
7. "Thirst" de Park Chan-wook (SK).
Le réalisateur de "OldBoy" adapte "Thérèse Raquin" (oui, de Zola) en déplaçant l'action dans la Corée du Sud actuelle et en y mêlant des vampires. Dit comme ça, on a du mal à y croire. Quand on le voit aussi. Un peu longuet mais magnifique.
8. "Symbole" de Hitoshi Matsumoto (J).
Je vais pas vous refaire le pitch de cet OVNI total; rien que d'y repenser je suis mort de rire.
Entre les Monty Pythons, David Lynch et Kitano. Et avec Escargot Man, le catcheur mexicain masqué !
9. "La Route" de John Hillcoat (USA).
La très fidèle, sombre, désespérée et visuellement splendide adaptation du Prix Pulitzer de Cormac McCarthy. Barbu, émacié et évoluant tout du long dans un décor de roche et de cendre, Viggo Mortensen y est - une fois encore - impressionnant.
10. "Piranha" d'Alexandre Aja (USA).
Mouahahahahahahahahahahahahahaha !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Sacré Aja !
Voilà, le compte est bon.
J'aurais pu en rajouter d'autres, l'année fût bonne de ce côté-là, mais bon, faut faire des choix, hein...
Disons donc que l'on distribuera encore quelques accessits à des films tels que "Esther" (le Corbeau d'Or surprise de cette année) ou "Cellule 211" (le fameux thriller carcéral espagnol multi goyaisé).
Et sinon, ben à l'année prochaine.
lundi 27 décembre 2010
"Buried" de Rodrigo Cortés (S); avec Ryan Reynolds, Ivana Miño et les voix de Samantha Mathis, Stephen Tobolowsky, Robert Paterson, Jose Luis García Pérez...
Paul est un modeste entrepreneur américain. En poste en Irak, il tombe dans une embuscade et se retrouve 6 pieds sous terre, dans un cercueil, avec 90 minutes d'oxygène et pour seul contact avec l'extérieur un téléphone portable à moitié chargé. Chaque seconde qui passe le rapproche un peu plus d'une mort certaine.
Alors là mes amis !
Eh ben mes cadets... Eh ben mes p'tits frères.
On m'aurait dit ça (non, soyons honnête: on me l'avait dit. Ce bon vieux Diable me l'avait dit), je suis pas sûr que j'y aurais cru. Mais à l'arrivée: quelle claque !
Et quelle leçon !
Quelle leçon donnée à tous les récents branleurs de non-films du type "Paranormal Activity" ! Une leçon qui commence d'ailleurs par leur donner raison: oui, il y a moyen de faire un bon, un excellent film, même, avec une idée de départ et un minimum de moyen.
Seulement voilà, il y a un truc.
Un truc auquel visiblement ils n'ont pas pensé, se contentant de poser leur caméra dans un coin et de laisser deux-trois comédiens à la limite de l'amateurisme se débattre sur deux lignes de scénario.
Et ce truc c'est que, pour y arriver, ben, il faut du talent. Du talent et de l'imagination.
Car c'est bien elle - et le talent d'un vrai comédien, celui-là - qui fait toute la différence et qui permet de dépasser le manque de moyen. En se creusant la cervelle et en cherchant des solutions. Des solutions pour que le film, toujours, reste prenant (et ce n'est rien de dire qu'il l'est, tetcheu !) et sans cesse surprenant.
Parce que quand même, quand j'ai lu le pitch la première chose que j'ai faite c'est d'aller vérifier le minutage. En me disant que sur un sujet pareil on pouvait tirer une heure dix, une heure quinze de film.
Eh ben non: 1 h 35 !
Bon, c'est pas "Ben-Hur" ou la trilogie du "Seigneur des Anneaux" mais quand même...
Pensez: 1 h 35 avec un seul personnage, sous terre, coincé dans une boîte, filmé en gros-plan et le plus souvent éclairé au Zippo ! Et pas une minute de relâche, pas une minute de répit ! Pas un flash-back, pas une seconde à l'air libre !
On l'avouera: faut l'faire !
Ouais, faut l'faire et Rodrigo Cortès le fait très bien.
Il dépasse le simple exercice de style pour livrer un huis-clos d'une intensité quasiment incroyable.
C'est bien simple, passé les premières secondes extrèmement éprouvantes (c'est sûr qu'il ne faut pas être claustro) on se retrouve scotché à son fauteuil, agrippé aux accoudoirs pendant absolument toute la durée du film.
Avec en plus un vrai talent de mise en scène (encore une fois, pour arriver à se renouveler visuellement avec 1 h 35 d'un peï dans une boîte, faut être balaise), Cortés multiplie les trouvailles scénaristiques, les retournements de situation et les rebondissements, toujours en avance de quelques minutes sur le spectateur et réussi au final un vrai tour de force, qui culmine pendant ses incroyables 20 dernières minutes, réellement, euh... breathtaking, comme disent nos amis anglo-saxons.
Comme en plus le discours tenu ici est quand même assez sympathiquement incorrect, critiquant la mondialisation et l'ingérence américaine au Moyen-Orient et ailleurs*, dénonçant ouvertement une société où la vie humaine n'est rien face aux enjeux économiques et politiques, que Ryan Reynolds, seul en scène pendant plus d'une heure et demie est assez impressionnant de justesse et que tout ça débouche sur un final d'un cynisme crasse, je vous le demande: comment ne pas aimer, non, comment ne pas adorer ce film ?
Le meilleur film de genre de ces dernières années. Un de ceux qui on le courage de tenir jusqu'au bout leurs engagements tout en ne se départissant pas de leurs partis pris de départ, pourtant extrèmement gonflés.
C'est bien simple, il n'y aurait pas par si, par là, l'une ou l'autre invraisemblance, l'un ou l'autre "artifice" scénaristique (surtout sur la fin mais ils sont fort heureusement emportés par cette invraisemblable course au climax), "Buried" mériterait haut la main ses quatre étoiles.
Cote: ***
(* Porté pourtant par un buzz Internet aussi conséquent que celui qui entourait le premier "P.A.", le film a fait un bide aux Zitazunis. Comme c'est étrange.)
mercredi 22 décembre 2010
- "Au-Delà" (Hereafter) de Clint Eastwood (USA); avec Matt Damon, Cécile de France, Richard Kind, Bryce Dallas Howard, Jay Mohr, Marthe Keller...
+ Pourquoi on l'attend ?
Parce que c'est le nouveau Clint Eastwood. Ce qui est déjà une fin en soi.
Parce qu'il y a Cécile de France et Bryce Dallas Howard.
Parce que la bande-annonce laisse entrevoir une scène de tsunami filmée à hauteur d'homme qui promet d'être assez cowabunga !
Parce que Vieux Clint a bientôt 81 ans et que c'est peut-être son dernier film.
+ Pourquoi on balise ?
Parce que ce truc nous arrive précédé d'une réputation tout bonnement TERRIFIANTE ! Un magazine spécialisé que je ne citerai pas n'hésitant pas à comparer le film à du Lelouch ! Si ça ne vous fout pas la trouille, moi, ça me paralyse !
Parce que le message "transmis" par ce vieux républicain bon teint de Clint à l'air de s'apparenter à un bon gros gloubiboulga catho-new age qui donnerait envie au plus boy-scout d'entre nous de prendre des otages à la section locale de l'Armée du Salut.
Parce que ceux qui l'ont vu certifient que, pour que Cécile de France joue comme ça, fallait vraiment qu'Eastwood n'entrave RIEN à ce quelle raconte (elle joue en français) tout au long du film.
Parce que Vieux Clint a bientôt 81 ans et que c'est peut-être son dernier film.
+Verdict ?
19/01/2011
lundi 20 décembre 2010
"Harry Potter et les Reliques de la Mort (Première Partie)" de David Yates (USA); avec Daniel Radcliffe, Emma Watson, Rupert Grind, Helena Bonham-Carter, Ralph Fiennes, Bonnie Wright...
Les temps sont durs et l'heure n'est plus à la rigolade pour Harry Potter et ses camarades sorciers. Après la mort de Dumbledore, le pouvoir de Voldemort s'étend et ses hommes s'en donnent à coeur joie, trucidant aussi bien magiciens que Moldus. Au milieu de la tempête, Harry Ron et Hermione vont tenter de poursuivre le travail commencé par leur défunt maître et de retrouver les derniers Horcruxes, afin de vaincre le Seigneur des Ténèbres.
Allez ouaiche, allons-y !
Il est temps de balancer en vitesse cette critique de l'avant-dernier (en quelque sorte) Ripoté, afin de pouvoir se consacrer au boulot sérieux qui ne manque pas ce mois-ci (critiques de "Buried" et "Machete", suite des "Qu'est-ce qu'on attend ?" et florilège de tops en tous genres). D'autant qu'on ne pourra juger l'ensemble (surtout quand, comme moi, on n'a jamais lu le moindre bouquin de la série) qu'à l'aune de la deuxième partie qui selon les exégètes réservera son lot de révélations-minga (!) mais qui, l'un dans l'autre, ne sortira quand même qu'en juillet.
Ce qui nous laisse le temps. D'oublier. Ou pas.
Bref...
Bref: alors kwé, véci ?
Best Harry Potter Ever ou du moins depuis le troisième réalisé par Cuaron comme se plaisent à le souligner spécialistes, fans et critiques ?
Possible et même probable.
Le plus dark depuis "Le Prisonnier d'Azkaban" ci-dessus cité, ça, c'est sûr.
Y a qu'à voir la quasi tétanisante scène d'ouverture, pré-générique ou plutôt pré-titre dans le cas qui nous occupe, pour s'en rendre compte: on n'est plus là pour rigoler !
Quoi que...
Le plus dark, oui, mais aussi le plus surprenant et le plus intrigant sur la forme comme sur le fond.
Semblerait d'abord, en effet (je dis bien "semblerait" puisqu'au risque de me répéter j'ai pas lu les livres) que le brave mais un peu tâcheron David Yates - déjà responsable des deux précédents, le très moyen "Ordre du Phoenix" et le fort bon "Prince de Sang-Mêlé", se soit finilament plus ou moins affranchi de son total respect pour l'oeuvre de J.K. Rowling, qui faisait qu'il respectait à la lettre le Canon et se contentait quelque part de joliment mais un peu platement illustrer le récit.
Ce qui est sûr, quelle qu'en soit la raison, c'est qu'on se retrouve donc avec un film qui, après cette fameuse et oppressante introduction et une première heure plutôt tarazimboumante (laquelle respecte au pied de la lettre le cahier des charges d'un film de ce genre: action à revendre, effets spéciaux et bébètes à tous les étages, surtout dans la longue et fort sympatoche séquence au Ministère de la Magie), se départit au fur et à mesure de ses oripeaux d'actioner pur et dur, de film de fantasy espiègle et désabusé, pour s'aventurer dans des territoires plus étranges et plus inattendus.
En gros, à partir de là et jusqu'à la dernière demi-heure où, fin en queue de poisson oblige, ça s'emballe à nouveau, le film se fige.
Et en même temps s'étend.
Les trois principaux protagonistes se retrouvent quasiment seuls en scène (et encore, pendant un bon bout de temps ne sont-ils plus que deux) et évoluent sur un fond de menace sourde et de violence larvée pas piqué des hannetons vers un destin de plus en plus incertain.
Le tout dans un décor de fin du monde, minéral, désincarné qui ne fait pas peu pour rendre le film à la fois inquiétant et bizarrement dépréssif.
Ce qui rend assez bien justice aux débats internes qui agitent les trois gaillards depuis quelques épisodes, d'ailleurs. Débats qui arrivent ici en quelque sorte à leur paroxysme.
Qu'on ne s'y trompe pas: pendant toute cette partie, il se passe en fait plein de choses.
Mais la mise en scène provoque une espèce d'engourdissement qui confine à l'hypnose et qui donne l'impression - fort réussie, ma foi - que l'action s'est arrêtée et qu'elle plane en quelque sorte au-dessus du film.
Jusqu'à ce que poum paf, comme ça, d'un coup d'un seul tout donne l'impression de se remettre en place et de repartir de plus belle pour une demi-heure d'un final somme toute assez haletant.
Tout cela et quelques détails triviaux mais perturbants pour tout qui est habitué à l'univers cinématographique de Harry Potter (pas une seconde ne se déroule à Poudlard, par exemple), donne un film qui, s'il n'est pas parfait, est quand même pétri de qualités: plus fluide, plus lisible que ses prédécesseurs, il est aussi plus mature et surtout plus maitrisé.
Et puis il a sans doute LA qualité qui fait le sel de ce genre de saga: il donne furieusement envie de voir la suite !
Cote: ***
jeudi 16 décembre 2010
Allez, c'est parti comme d'habitude ! La valse des tops, avec, pour commencer et comme le veut la tradition, le fabuleux Flop 5 de ce qu'on a fait de pire cette année. Et largement !
1. "Freddy, Les Griffes de la Nuit" de Samuel Bayer (USA).
Pitié, misère, on n'avait pas mérité ça !
Du caca sur nos souvenir eighties et l'exploit de rendre le généralement kaboom Jackie Earle Haley mauvais comme un opossum sourd (sauf vaguement dans les scènes sans maquillage, ce qui n'est pas peu dire !)
Pas filmé, pas joué, pas écrit, pas à faire.
Au moins un moment a-t-on cru qu'il n'y aurait pas de séquelle.
Eh ben c'est raté.
2. "Mr. Nobody" de Jaco Van Dormael (B).
Pas que je me roule par terre à l'idée d'encore piétiner mon lot de papillon, savez-vous... Mais, enfin, franchement, je vous le demande... Qu'est-ce que c'est que cette bouse, à part un Folon animé ?
Un non film et un non événement.
Et il y en a encore pour conchier les frères Jambon après ça.
Sérieux !
3. "Wolfman" de Joe Johnston (USA).
Le bon film de loup-garou moderne reste donc à faire.
Et cette bouse filmée à la louche en bois et monté à la tronçonneuse artisanale ne va pas aider à faire avancer le schmilblick, malgré des maquillages et des effets spéciaux à l'ancienne.
Mais bon, quand on écrit avec le cul et qu'on engage des acteurs bankables mais qui n'en n'ont visiblement rien à foutre, hein... On récolte du maïs transgénique.
4. "5150, Rue des Ormes" de Eric Tessier (CAN).
La preuve en images (et pas des belles) que les canadiens - enfin les québécois - peuvent aussi chier sur la toile, quand ils s'appliquent.
Et en mettre partout (malgré une bonne idée de départ dans le cas qui nous occupe mais bon... ça ne suffit pas toujours, hein ?)
5. "Giallo" de Dario Argento (I).
Adrien Brody (qui joue ici le double rôle principal sous pseudo à franges - Byron Dreida ou un truc du genre) a essayé d'interdire la sortie de ce truc au Zitazunis (soit-disant pour des raisons de contrat mais personne n'est dupe).
Et vous savez quoi ? Il a réussi !
Tant mieux ! (mais on a bien ri, au Bifff, on a bien ri).
Allez, a plus pour la suite, les zoot suits.
Blake Edwards est mort. Et là c'est vraiment la fin.
"The Party" ("The Party", BON DIEU !!!!!), les "Panthère Rose", les déguisements de Peter Sellers, "Diamants sur Canapé" (avec la plus belle actrice bruxelloise du monde: Audrey Hepburn)... "Victor/Victoria" (demandez à ma mère ce qu'elle en pense...)... bref... Blake Edwards !
Et tiens, à propos de famille...
Mon père, dans mon jeune temps, était affublé d'une moustache à peine croyable et coiffé d'un chapeau à la Sherlock de la même couleur.
De retour de Classe de Neige (circa 1982), il est venu ainsi déguisé me chercher à la sortie du train, Gare du Midi.
Un camarade, le voyant, me souffle: "on dirait l'Inspecteur Clouseau".
Je vais pas dire que je n'ai jamais été aussi fier de mon père... Non.
Mais quand même ! ... J'ai gloussé un brin et j'ai serré sa main plus fort.
Allez, bonne nuit, monsieur Edwards.
Et merci. Merci pour tout.
lundi 13 décembre 2010
- "Black Swan" de Darren Aronofsky (USA); avec Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel, Winona Ryder, Barbara Hershey, Sebastian Stan...
+ Pourquoi on l'attend ?
Parce qu'il y a Natalie Portman, Mila Kunis, Winona Ryder, Barbara Hershey... et accessoirement Vincent Cassel.
Parce qu'il y a l'air d'y régner une ambiance du style "Fantôme de l'Opéra". Mais sans le fantôme. Ah !
Parce que de "Requiem for a Dream" à "The Wrestler", Aronofsky nous a déjà montré toute la portée d'un talent pour le moins polymorphe.
Parce que les critiques ça vaut ce que ça vaut mais celles qui concernent "Black Swan" sont purement et simplement di-thy-ram-bi-ques !
+ Pourquoi on balise ?
Parce qu'effectivement il y a l'air d'y régner une ambiance du style "Fantôme de l'Opéra" mais sans le fantôme. Hum.
Parce que les images qu'on en a vu jusqu'ici laissent quand même craindre le pire point de vue direction artistique (cfr. l'affiche, d'ailleurs).
Parce que "The Wrestler", "Requiem for a Dream"... tout ça, c'est bien beau. Mais Aronofsky il nous a aussi pondu "The Fountain". Et ça, ça fout la trouille !
+ Verdict:
02/03/2011.
jeudi 9 décembre 2010
"Potiche" de François Ozon (F); avec Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Karin Viard, Fabrice Luchini, Judith Godrèche, Jérémie Renier...
Sainte-Gudule, commune française imaginaire, 1977. Suzanne est l'épouse popote et bobonne de Robert Pujol, chef d'entreprise arriviste et arrivé (la fabrique de parapluies faisait partie de la dot de Madame) qui mène l'affaire familiale d'une main de fer et est aussi insuportable avec ses employés qu'avec ses enfants et sa femme, qu'il traite comme une potiche. Suite à une grève sauvage et à une séquestration, celle-ci se retrouve néanmoins à la tête de l'usine et se révèle nettement moins godiche qu'elle ne pouvait en avoir l'air, arrivant même - au passage - à redresser la barre économique tout en se gagnant la sympathie de la base. Mais, de retour de cure, Robert compte bien reprendre les choses en main... Quitte à devoir affronter la Nouvelle Suzanne !
Ah ! Délicieux Ozon !
Délicieux et versatile Ozon !
Versatile et polymorphe.
Polymorphe... et schizophrène, même...
Stakhanoviste aussi.
Forçat de travail !
Dame ! Douze films en douze ans ! Excusez du peu !
Et pas deux pareils, en plus !
De la fable fantastico-sociale ("Ricky") au huis-clos agathachristien matiné de comédie musicale ("Huit Femmes") en passant par la fresque en costumes (et en anglais: "Angel"), l'adaptation d'une pièce de jeunesse de Fassbinder ("Gouttes d'Eau sur Pierres Brûlantes") ou le fait divers passé à la moulinette de Bruno Bettelheim ("Les Amants Criminels"): toujours là ou ne l'attend pas !
Jamais une redite, toujours la surprise !
Et tout ça en donnant l'impression de construire une oeuvre parfaitement cohérente, s'il-vous-plait bien.
Et en ratant rarement sa tarte Tatin.
La preuve avec cette douzième livraison (donc), qui s'attaque cette fois-ci frontalement au théatre de boulevard, au vaudeville frenchie certifié A.O.C. et d'époque, en adaptant (oh, très librement, il est vrai) une pièce de Barillet et Grédy, Papes du genre, qui fit les belles heures de Jacqueline Maillan, en son temps (eh oui; c'est dire !).
Librement et effrontément.
Car chez Ozon, rien n'est jamais simple.
Et rien n'est jamais innocent.
Et si "Potiche" se rêve avant tout comme la comédie vintage idéale, c'est aussi une critique acerbe et lucide de notre époque et de ses travers ultralibéraux.
Et c'est là où Ozon frappe fort: en jouant sur les deux tableaux.
De manière délibérément outrancière d'un côté, avec un film quasiment fétichiste, qui s'assume et en rajoute trois couches dans le kitsch et la reconstitution maniaque.
Si bien que l'on se croit d'un bout à l'autre dans un Molinaro qui aurait vraiment été tourné à l'époque.
Décors, costumes, coiffures (les brushings de Karin Viard et Judith Godrèche: invraisemblables !), musique: tout y est jusque dans les moindres détails (celui qui tue: la housse de téléphone en velours ! Il y avait la même chez moi quand j'étais petit !): Ozon en fait des tonnes et se joue des clichés, tout en produisant, à la première lecture, une comédie parfois vraiment hilarante, portée par des acteurs survoltés (Deneuve est impériale et Luchini et Depardieu - à part dans le récent "Mammuth", pour ce dernier - n'ont plus été aussi bons depuis des lustres) et des dialogues au cordeau.
Dans la seconde couche de cet aimable mille-feuilles (qui en recèle peut-être encore bien d'autres, allez), se lovent subtilement - ou moins subtilement, tout n'est pas parfait non plus - la critique sociale et les résonnances plus ou moins affirmées avec l'air du temps et surtout la France d'aujourd'hui.
Une délocalisation en Tunisie par-ci, un "casse-toi pauv' con !" par-là... Le fils (Jérémie Renier) qui évolue tranquillou vers son coming-out... Ce genre de choses, quoi...
Le tout transcendé par des digressions (la scène dans la boîte, presque réminiscente de "Pulp Fiction) pour le moins réjouissantes.
Et même si, forcément, le tout à parfois des faux airs de théatre filmé, on se sent bienvenu au spectacle et l'on se réjouit de ce nouveau manifeste féministe et social d'un cinéaste décidément à la fois branque, déterminé et attachant.
Tout en se demandant ce qu'il va bien pouvoir trouver pour la suite...
Cote: ***
dimanche 5 décembre 2010
"La Princesse de Montpensier" de Bertrand Tavernier (F); avec Mélanie Thierry, Lambert Wilson, Gaspard Ulliel, Grégoire Leprince-Ringuet, Raphaël Personnaz, Michel Vuillermoz...
1562. En France, sous le règne de Charles IX, les guerres de religion font rage. Depuis toujours, Marie de Mézières aime Henri, Duc de Guise. Mais son père la contraint a épouser le Prince de Montpensier. Ce dernier, rappelé sur le front par le Roi, la laisse en son château de Champigny en compagnie de son précepteur, le Comte de Chabannes. Malgré elle, Marie deviendra l'enjeu de rivalités tant amoureuses que politiques auxquelles viendra également se mêler le Duc d'Anjou, futur Henri III.
A quelques solides encâblure - pour ne pas dire même à l'exacte opposé du spèctre cinématographique - de la "Vénus Noire" de Kechiche, qui revisitait l'Histoire avec fougue et modernité, le dernier film de Bertrand Tavernier est un bel exemple de cinéma académique, à l'ancienne, assez figé, voire même poussérieux.
Réalisation roborative mais fade et laborieuse, reconstitution d'époque tellement millimétrée qu'elle finit par donner l'impression d'être au musée, scénario et dialogues surécrits et suivis à la ligne, sous-texte envahissant, contexte historique confus, bref, on se croirait revenu au bon vieux temps des dramatiques télé ("Les Rois Maudits", ce genre).
Rajoutez à cela quelques maladresses (les combats, et Dieu sait si le film n'en manque pas, son abominablement mal réglés et laissent une affreuse sensation de cheap) et l'on comprendra donc que cette "Princesse" n'est pas vraiment ce qui se fait de mieux pour le moment en matière d'exception française.
Qu'est-ce qui fait, alors, que sa vision n'ennuie pas.
Mieux (ou pire, allez savoir): qu'est-ce qui fait que l'on sort de là en se disant que, somme toute, l'un dans l'autre, on a finalement vu un assez bon film ?
Le fait que, justement, on n'en fasse plus, des comme ça ?
Que cela fonctionne en appuyant sur le bouton "nostalgie" et en mode "madeleine de Proust" ? Que du coup, la somme des défauts énoncés ci-dessus finit par se transformer en autant de qualités, ou presque ?
Oui, peut-être...
Mais c'est un peu court, jeune homme...
Le coup du grand retour du cinéma populaire, classique mais réjouissant: à d'autres !
Non.
Ce qui fait le sel, le vrai sel de "La Princesse de Montpensier" c'est que, porté par le désir qui en est le véritable moteur et une fois débarassé des intéressants mais encombrants oripaux historiques qui sont les siens, le film orchestre une magnifique partition masculine, un festival de portes qui claquent, de trahisons et de rebondissements de situation autour de son (très beau) personnage central.
Ce qui fait que, en dehors de son intrigue, c'est évidemment grâce à ses acteurs que le film fait la différence.
A ce titre, Mélanie Thierry, à la sensibilité à fleur de peau, et Lambert Wilson, décidément sur une bonne voie ces derniers temps, font des étincelles.
A leur côtés, les seconds rôles brillent également (Vuillermoz et Philippe Magnan sont tout deux formidables).
Hélas, trois fois hélas, on ne peut pas en dire autant du trio de jeunes acteurs, heureusement sauvé par Raphaël Personnaz, véritable révélation du film.
Gaspard Ulliel, tout en machoires, joue la virilité avec un manque de finesse confondant et le jeune Leprince-Ringuet - pourtant excellent dans le récent "Armée du Crime" de Guédiguian - est tout simplement incolore, inodore et, pour tout dire, insipide (et on aura beau me chanter que c'est fait exprès ça ne changera rien à l'affaire).
Las. On l'aura compris, à l'image de son sujet, de son héroïne et de son pourtant émouvant final, "La Princesse de Montpensier" est un film bancal, qui souffle trop souvent le chaud et le froid.
Qui n'ennuie jamais sans jamais réellement passionner.
Un film qui donne la curieuse impression d'avoir été réalisé et interprété... sous cloche*.
Cote: **
(*ça change un peu de "derrière une vitre")
vendredi 3 décembre 2010
Eeeeeeeeeeeeh oui...
Jingle bells tout ça, tout ça; it's that time of the year again !
2010 touche discrètement à sa fin et nous reprenons les bonnes vieilles habitudes. Thus, avant d'attaquer les non moins inaltérables tops de fin d'année, revoici revoilà la série des "Qu'est-ce qu'on attend ?"
So what the fuck are we waiting for und qu'est-ce que quoi qu'on attend voor 2011 sa Nouvelle Année (me demanderez-vous en espagnol et vous aurez bien raison) ?
Du coup, hop: revue de détail en quelques épisodes avec, pour commencer, le nouvel opus de Fifille Coppola.
Let's go !
- "Somewhere" de Sofia Coppola (USA); avec Stephen Dorff, Elle Fanning, Benicio Del Toro, Michelle Monaghan, Chris Pontius, AurélienWiik...
+ Pourquoi on l'attend ?
Parce que "Virgin Suicides", "Lost in Translation" et "Marie-Antoinette", soit quand même un quasi sans faute en trois films. Suffisant pour attendre le quatrième si pas avec impatience, du moins avec curiosité, non ?
Parce qu'il semblerait que le film signe le retour en grâce de cette bonne vieille baderne de Stephen Dorff et que les come-backs du genre, surtout gagnants, ça à un vieux relent de Tarantino - tiens, tiens - plutôt sympatoche (remember les Travolta, Pam Grier, Robert Forster et autres David Carradine, tiens).
Parce que la jeune Elle Fanning, dans la droite lignée de la grande Dakota, semble bien partie pour battre le record de soeurette (un Oscar avant ses première règles, peut-être ?) et que, buzz aidant, on a envie de voir ça.
+ Pourquoi on balise ?
Parce que l'histoire de l'acteur-loser-pondérant-sa-vie-au-Château-Marmont, La Coppola faisant quand même partie de la petite bande de branleurs hype new-yorkais chiant des films pour happy fews (Jonze, Anderson, Russell et le frenchie Gondry, entre autres), ça fait craindre le pire niveau onanisme hollywoodien et rengaine sur l'air de la pauvre petite fille riche qui ressasse ses problèmes existentiels.
Parce que les récents soupçons de copinage vénitien (le Lion d'Or filé par Tarantino - on y revient - à son "ex"), même si on n'y croit pas fort, n'entourent pas l'affaire d'une aura fort sympathique. Mais bon...
+ Verdict:
05/01/2011.
jeudi 2 décembre 2010
Eh oui, c'est de saison.
Il fait froid et les gens meurent.
Et là autant vous dire que, ces derniers temps, on en a perdu (oui, perdu: ils étaient là et puis, pouf !) une palanquée...
Donc, comme il y a du temps à rattraper, je vous fait un prix de groupe et une homélie générale avec, par ordre approximatif de sortie de scène:
- Julien Guiomar. Le Grand Tricatel de "L'Aile ou la Cuisse". Pas même un entrefilet dans la presse dite "classique" mais la une de "France Dimanche". Si c'est pas malheureux.
- Ingrid Pitt (photo ci-dessus, si si). Encore une scream queen certifiée Hammer (RULES !) en moins. Et non des moindres, nom de djaal' !
- Irving Kershner. Le réalisateur de "L'Empire Contre-Attaque" (best "Star Wars" EVER !), des "Yeux de Laura Mars" et d'un James Bond à moumoute d'assez agréable souvenir ("Jamais plus Jamais"). Ah oui... Et de "Robocop 2", aussi. Bah oui, que voulez-vous...
- Mario Monicelli. Hop, tombéééé ! (oui, bon, c'est moje mais j'ai pas pu m'en empêcher).
Allez, voilà, larmichette de circonstance, R.I.P. collectif et on passe - malheureusement - à autre chose...
"Vénus Noire" de Abdellatif Kechiche (F); avec Yahima Torres, Olivier Gourmet, Elina Löwensohn, André Jacobs, François Marthouret, Rémi Martin...
L'histoire vraie de Saartjie Baartman, la Vénus Hottentote, aux formes étonnantes: fessier proéminent, organes génitaux protubérants... Domestique en Afrique du Sud, elle emmenée en Europe par son maître, Hendrick Caezar, qui lui fait miroitier un avenir artistique, la gloire et l'argent. Exhibée comme un animal dans une foire aux monstres londonienne, elle est rachetée par un forain qui l'emmène à Paris. De spectacles libertins en observations scientifique, le destin de Saartjie semble voué au sordide...
Après trois films bien ancrés dans leur époque, Abdellatif Kechiche s'essaie au film historique sans pour autant perdre de sa force ni de son mordant avec ce quatrième opus retraçant donc le parcours peu banal et édifiant de cette jeune femme ballottée de cercles scientifiques en bordels, traitée comme un animal (les observations de l'anatomiste Georges Cuvier en ouverture, la comparant à un orang-outan, sont particulièrement édifiantes), voire carrément comme un objet.
Cru, dérangeant, "Vénus Noire" est, sans mauvais jeu de mot, un film noir de noir, qui pourrait passer pour purement désespérant mais conserve jusqu'au bout - le générique de fin sur la cérémonie d'enterrement en Afrique du Sud - une puissance rare.
Sa force est évidemment de ne pas dénoncer, de se contenter de montrer, jusqu'à la nausée (le film ne se prive pas de répétitions et le "spectacle" de Saartjie nous est montré plusieurs fois in extenso), sans encourager les réflèxes habituels du spectateur devant pareil exhibition - compassion pour la victime ou haine pour les bourreaux.
Le tout sans pour autant excuser ou encore moins absoudre.
L'histoire étant évidemment terrible et son illustration à la fois parfaitement froide et poisseuse (les scènes dans le salon libertin ou dans le bordel ont de quoi provoquer des frissons d'horreur), la tentation aurait sans doute pu être grande de rendre le film malgré tout aimable.
Son impact est d'autant plus grand qu'il ne s'encombre pas de ce genre de considérations et parvient néanmoins, si pas à séduire, du moins à bouleverser.
Tour à tour documentaire, fable et parabole sur notre propention moderne à créer des monstres médiatiques, "Vénus Noire", qui préfère également le regard vrai aux froufrous du biopic ou de la reconstitution historique "classique", ausculte avec brio les mécanismes du racisme et du voyeurisme tout en offrant une approche intelligemment ambigue du rapport de dominant à dominé, Saartjie étant aussi partiellement et bizarrement "complaisante" envers sa situation.
En cela, le film est formidablement aidé par la composition étonnante, désincarnée, presque atone de la débutante Yahima Torres qui, aux côtés d'un Olivier Gourmet impressionnant de veulerie, fait beaucoup pour accentuer la neutralité et le côté clinique de la mise en scène.
Film ambitieux, exigeant, ne cherchant jamais à séduire, cette "Vénus Noire" est à l'arrivée une oeuvre à la force peu commune, quasi tellurique, sans concession.
Une oeuvre certes dérangeante mais qui ne peut définitivement pas laisser indifférent.
Cote: ***
mercredi 17 novembre 2010
Revenge of the Nerds !
"The Social Network" de David Fincher (USA); avec Jessie Eisenberg, Andrew Garfield, Justin Timberlake, Rooney Mara, Rashida Jones, Joseph Mazzello...
La création de Facebook, par Mark Zuckerberg, en octobre 2003... Pour ceux qui vivraient dans une caverne sur Mars...
Sur le papier, ça ne partait pas gagnant.
Pensez: un film sur la création de Facebook !
Pourquoi pas une fresque en motion capture sur les exploits des surprises Kinder ?
Franchement, dès la note d'intention, ce truc improbable faisait s'attendre au pire !
Un biopic piéton plan-plan, plat et ennuyeux sur un type dont tout le monde se fout, dans lequel rien ne se passe et qui, en plus, allait jargonner tout du long.
Une sorte de saga pour boutonneux en chemises à carreaux n'ayant plus vu la lumière du jour depuis la sortie du premier Videopac !
Quelle sombre, sombre misère, non ?
Si.
Et pourtant ! (non, je ne vais pas vous refaire le coup des "Petits Mouchoirs" !)
Et pourtant, ça marche ! (Ah si, tiens...)
Mais ça marche pour tout un tas de bonnes raisons !
D'abord et avant tout: le scénario incroyable et bétonné du King of TV Aaron Sorkin !
Qui vous présente l'affaire comme un véritable thriller, montant crescendo dans les tours jusqu'à un climax invraisemblable. Avec rien. Ou si peu.
Des intrigues de fond de cour qui prennent une vraie dimension shakespearienne par la grâce d'une écriture fluide et déliée, aussi à l'aise pour balancer des dialogues bourrés de bons mots, débités à un rythme de mitraillette par une troupe d'acteurs survoltés, que pour monter en épingle la moindre micro-intrigue, le moindre coup de macro-pute, le plus petit revers juridique...
Tout en restant ludique et compréhensible d'un bout à l'autre.
C'est bien simple: ça ne parle finalement que d'informatique, d'économie, voire de mathématiques - toutes choses qui me passent allégrement à deux kilomètres au-dessus la tête, voire m'emmerdent à cent sous l'heure - et pourtant jamais, pas une seconde je n'ai décroché !
Au contraire, je suis resté scotché d'un bout à l'autre et rarement deux heures de film aussi "pleines" et tendues m'ont paru passer aussi vite.
La caractérisation des personnages fait aussi beaucoup pour la réussite du film, en particulier celle de Zuckerberg lui-même, véritable petite merde revencharde, archétype du geek à baffer, qui n'aurait créé FB que pour se venger d'une fille, d'une déception amoureuse (sidérante scène d'introduction avec la ravissante Rooney Mara !), même si ce geste fondateur le hantera visiblement jusqu'à la fin.
Zuckerberg*, la sous-merde pleutre mais néanmoins fascinante qui n'hésite pas à trahir ses seuls amis, non pas par appat du gain ni goût du pouvoir mais plutôt à cause d'un égo, d'un amour propre mal placé, métaphore en biais de notre société sans scrupules ou simple miroir déformant ?
Zuckerberg qui par sa déviance somme toute tellement "normale" reste le principal attrait du film, lui que l'on observe tel un affreux insecte, voire une espèce d'alien, tellement proche qu'il en devient à la fois attachant et répugnant.
Lui dans lequel on finit par reconnaitre nos faiblesses tout en se disant qu'on voudrait bien, nous aussi, arriver à les transcender, comme lui, par le succès, par la réussite.
Quitte à piétiner nous aussi notre entourage ?
Peut-être pas .
Mais la question a au moins le mérite d'être posée.
De ce point de vue général, l'interprétation génialissime du jeune Jesse Eisenberg - bien épaulé par Andrew Garfield et un Justin Timberlake qui ne cesse décidément d'étonner - est un autre atout majeur de ce "Social Network" finalement bien surprenant qui, grâce à lui, peut aussi se montrer drôle, voire attachant et finalement humain.
Enfin, last but not least, la réalisation pour une fois discrètement virtuose d'un David Fincher pas loin de réaliser, en huit films, un sans faute professionnel, achève d'enfoncer le clou d'un long métrage maîtrisé de bout en bout.
Avec son ambiance crépusculaire, sa lumière "sombre", ses plafonds bas, son esthétique à la fois moderne et réminicente du Grand Cinéma Seventies, elle achève d'emmener "The Social Network" discrètement du côté des grands films.
De ceux dont on reparlera encore longtemps...
Cote: ****
mardi 16 novembre 2010
C'est plein de kleenex, de bouteilles vides...
"Les Petits Mouchoirs" de Guillaume Canet (F); avec François Cluzet, Marion Cotillard, Benoît Magimel, Valérie Bonneton, Gilles Lellouche, Pascale Arbillot...
A la suite d'un événement imprévu et bouleversant, une bande de potes décide malgré tout de partir en vacances en bord de mer, comme chaque année, dans la villa de l'un des leurs, restaurateur plein aux as mais maniaque du contrôle... Au vu des derniers développements impromptus, leurs secrets, leurs amitiés, leurs amours, leurs certitudes vont se retrouver soumis à rude épreuve...
Arf ! En voila bien un qui ne va pas être facile à chroniquer et encore moins à critiquer, tiens...
Parce que sa vision laisse un drôle de goût dans la bouche.
Et que l'on reste sur cette impression bizarre de ne pas savoir ce que l'on en pense exactement.
Ou plutôt si.
A savoir exactement ce qu'on l'en pense, en fait. Et pas vraiment du bien, pour tout dire.
Tout en étant troublé d'avoir quelque part aimé ça.
Troublé... et fâché, d'ailleurs.
Fâché d'avoir à ce point été manipulé, roulé dans la farine par un film qui se veut bourré de bons sentiments et "qui donne envie à la sortie de la salle d'aimer tout le monde et d'aller embrasser ses copains" (Sans blagues ! Dixit le dossier de presse !) mais qui n'est au final qu'un blockbuster franchouillard, un produit extrêmement commercial, formaté, construit, boulonné pour que ça marche.
Un produit dont on voit chaque rouage, dont on devine chaque ficelle.
Derrière lequel on entrevoit - et même pas en filigrane ! - la silhouette du réalisateur en train d'appuyer sur les boutons pour provoquer au bon moment telle ou telle réaction.
Un condensé de scènes convenues, de personnages clichés, d'alternance boulevardière de rire et de larmes tellement forcée qu'elle en devient hideuse.
Le tout renforcé par une musique sursignifiante qui vous dit bien, comme tout le reste, à QUEL moment QUELLE émotion ressentir.
Et pourtant - on pourrait dire "forcément" - ça marche.
C'est tellemment emballé pour susciter l'empathie et l'identification que ça marche.
Et c'est d'autant plus agaçant que, débarassé de ces considérations purement commerciales - après tout, peut-on vraiment reprocher à un auteur de vouloir à tout prix que son film marche ? - "Les Petits Mouchoirs" reste une oeuvre bancale. Inaboutie.
Un film qui réserve certes de bonnes choses mais pour combien d'autres... foireuses ?
Lesquelles, à force de stéréotypes et de polissage effréné finiront bien par marcher aussi.
Parce que c'est ainsi.
Pour un personnage bien écrit (François Cluzet en maniaco-dépréssif), un autre brossé à la truelle (Marion Cotillard, en bonne copine presque bon copain, Gilles Lellouche en beauf forcément au grand coeur).
Mais ça marche.
Pour une situation originale (les fouines, l'ensablement du bateau), un tombereau de lieux communs (le final, tellement téléphoné qu'on le devine dès l'ouverture).
Mais ça marche.
Pour un acteur finement dirigé (Magimel, pour une fois très, très bien), un autre insupportable au point qu'on a envie de le baffer* (Laurent Laffite, en descendance borgne de Michel Leeb sous cortisone).
Etc, etc, etc.
Et malgré ça - et malgré aussi la longueur de la chose (2 heures 34, excusez du peu !) - oui, oui, oui, trois fois oui; ça fonctionne !
Encore et toujours.
Ca écoeure, ça donne envie de se donner des claques pour se réveiller tellement le rêve dégouline de sirop, mais-ça-marche !!!!!!
Parce que ça table sure les émotions les plus brutes, les plus primaire et que ça n'hésite vraiment pas à en remettre trois louches, que ce soit dans le pathos (l'épilogue, à hurler !), la gaudriole (Cluzet perd son maillot, ha ha ha !!!!) ou le "convivial" (toute la partie avec Maxim Nucci, à braire d'horreur pure !).
Le pire (ou le meilleur, après tout. Tant mieux pour Canet qui reste somme toute un acteur attachant et un réalisateur intrigant), comme le disait Crédit Lyonnais sur les ondes d'une radio nationale, c'est que ce truc semble bien parti, au vu des éclats de rires et des yeux embués à l'issue de la projection, pour devenir culte.
Une sorte de "phénomène générationnel".
Alors que, pour paraphraser "Libération", cette fois, au final ce n'est jamais que l'épisode le plus long et le plus épique de "Plus Belle la Vie"...
Mais ça marche...
Ca marche.
Ca...
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Cote: de zéro à l'infini et au delà, à vous de voir.
(* Oui, soyons honnête, dans son cas c'est fait exprès. Et ça marche !)
dimanche 14 novembre 2010
"Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu" (You Will Meet a Tall Dark Stranger) de Woody Allen (USA); avec Naomi Watts, Anthony Hopkins, Gemma Jones, Josh Brolin, Lucy Punch, Antonio Banderas...
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes lorsque, un matin, Alfie s'est réveillé en se rendant compte de sa potentielle mortalité. Du coup, frappé par une forme particulière de Démon de Midi, il balance sa femme, Helena, au bout de quinze ans de mariage. Celle-ci cherche le réconfort de manière étrange auprès d'une voyante; Crystal... La fille d'Alfie et d'Helena, mariée à un écrivain américain victime du syndrôme du "premier roman", cherche à trouver du travail dans une galerie d'art. Quant à son mari, désoeuvré, il semble remarquer un peu trop la nouvelle et très charmante voisine...
Et voila !
Tel un indéfectible métronome - ou tel Amélie Nothomb son roman, le Beaujolais Nouveau sa bouteille, le Goncourt son prix ou comme la saison de la chasse (sa saison), Woody Allen l'Opiniatre est de retour et nous livre son opus annuel, clair, net et précis. Ponctuel, sans bavure.
Sans surprise.
Réglé comme du papier à musique !
Et comme tous les ans, les critiques nous le vendent impertubablement comme un "petit Woody Allen".
Il est d'ailleurs amusant de lire tel ou tel chroniqueur, tel ou tel journaliste, traiter le film tel un petit millésime, en le comparant pour l'occasion à l'un ou l'autre de ses prédécesseurs récents, de forcément bien meilleure facture...
Pour ensuite fouiller dans ses archives afin de constater que ledit prédécesseur était, déjà et comme de bien entendu, taxé d'oeuvre mineure...
Comme quoi...
Mais bon, baste.
Là n'est évidemment pas la question.
Le fait est de constater que, cette année (comme souvent ces derniers temps mais pas toujours, "Whatever Works" ou "Match Point", par exemple, échappant au malheureux bilan - et chez moi vous pouvez vérifier ce que j'en disait à l'époque, tiens...); eh bien ils ont raison.
Oui, nous sommes bel et bien en présence d'un Woody Allen de petite volée: volatil - à l'image de sa fin bâclée et qui n'en n'est pas une - paresseux et, ce coup-ci, vraiment écrit de la main gauche.
Mais bon, allez, ce vieux Woody avec son rythme de stakhanoviste, ressassant sans cesse ses même obsessions, à l'envi...
Est-ce qu'on en attend encore grand chose, après tout ?
Hein ?
Non.
On va voir le nouveau un peu par réflexe, par habitude.
Avec, pour le fan, le plaisir déjà immense de se retrouver en terrain connu.
Comme chez un vieil ami auprès duquel on se sent toujours bien.
Et si c'est réussi (ce qui arrive encore une fois ou l'autre, voire les deux exemples plus haut) et bien tant mieux !
Sinon, pas grave.
On aura toujours passé un bon moment, allez, l'adage voulant qu'un "petit" Woody Allen dépasse toujours de la tête et des épaules la production commune...
En l'espèce, ce "Bel et Sombre Inconnu", énième variation allenienne sur les jeux de l'Amour et du Hasard, vaut, comme d'habitude, par la somme de ses parties: ses dialogues enlevés et ses situations savoureuses (le retournement de situation final dans l'histoire concernant l'écrivain incarné par Josh Brolin valant, en ce sens, presque l'ensemble du film).
Il pêche par par contre par excès de mollesse dans la mise en place, par une absence générale d'enjeu et par une certaine inclinaison au "plan-plan" dans la mise en scène...
Du côté des acteurs, faisont le tour: Anthony Hopkins navigue comme souvent ces derniers temps en pilotage automatique, Freida "Slumdog Millionaire" Pinto et Antonio Banderas font figure de potiches exotiques (tant mieux d'ailleurs dans le cas de l'exaspérant second cité) et Naomi Watts prouve une chose: elle est plus à son aise dans la romance que dans la comédie.
A part ça ?
Et bien à part ça, si étincelles il y a à chercher - et fort heureusement il y en a - c'est du côté du duo Gemma Jones (en mère crédule, fofolle et alcoolo) et Josh Brolin (en gendre écrivain hirsute et bourru) qu'on les trouvera.
Ce sont leurs échanges (et la présence de la géniale Lucy Punch dans un rôle malheureusement beaucoup trop réminicent de celui de Mira Sorvino dans "Maudite Aphrodite"*) qui rajoutent le peu de sel que Woody Allen a bien voulu semer sur ce plat par ailleurs malheureusement fadasse.
A l'arrivée, une sorte de filmounet plaisant mais trop vite torché dont la fin en forme de queue de poisson résonne comme une métaphore: celle de l'oeuvre d'un cinéaste capable d'encore livrer de bonnes choses tout en ayant visiblement de moins en moins de trucs à raconter...
(* Rôle qui lui valu d'ailleurs un Oscar)
"Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb (F/Al.); avec Jamel Debbouze, Sami Bouajila, Roschdy Zem, Bernard Blancan, Sabrina Seyvecou, Jean-Pierre Lorit...
Rescapés des massacres de Sétif et chassés de leurs terres, trois frères quittent l'Algérie et vont dans un premier temps suivre des voies séparées. Messaoud s'engage pour l'Indochine. En france, Abdelkader prend fait et cause pour le mouvement pour l'Indépendance de l'Algérie et Saïd fait son beurre dans les clubs et les trafics louches. Réunis enfin autour de leur mère, les trois frères verront leur destin se mêler inexorablement à celui de leur patrie, en lutte pour sa liberté.
Voila encore un beau film digne. Très digne.
Trop digne sans doute...
Comme corseté, paralysé même devant l'empleur de l'enjeu - ce qui était déjà le cas d' "Indigènes" dont ce "Hors-la-Loi" devait au départ être une suite directe, les aléas du scénario en ayant finalement décidé autrement - Bouchareb livre donc une oeuvre certes concernée, sobre et historiquement passionnante mais poussiéreuse, comme engoncée dans son sujet et, du coup, bien trop froide pour réellement passionner.
Ca manque de souffle et de lyrisme. Et ce genre de sujet en demande, justement.
La réalisation est extrèmement académique, sagement illustrative, on pourrait même dire plate.
Et le tout donne un peu l'impression de regarder l'histoire se dérouler derrière une vitre, comme dans un musée.
Voire de regarder un fort bon téléfilm.
Bien sûr, "Hors-la-loi" est ce qu'on appele un film "nécéssaire" et cela que l'on adhère ou non au point de vue du réalisateur.
Et c'est bien là le problème: en dehors de nous apprendre des choses (ce qui est déjà beaucoup, je vous l'accorde) le film n'apporte rien - et ce malgré l'embryon de controverse qu'il a pu susciter lors de sa projection à Cannes - tant on se sent peu concerné par ses enjeux et surtout par les tenants et aboutissants de ses personnages.
C'est d'autant plus dommageable que, sur le papier, ceux-ci sont intéressants.
Celui de Sami Bouajila est très ambigu et donne à voir un aspect pas forcément reluisant de la lutte pour l'Indépendance. Mais par opposition, celui de Jamel par exemple est quant à lui beaucoup trop caricatural, malgré les efforts de son interprète pour lui donner corps, pour ne pas prèter à sourire.
L'autre principal défaut du film réside dans son écriture et surtout dans la qualité de ses dialogues: il est parfois pénible, d'autant que le film est fort verbeux, de voir ânnoner par les acteurs des phrases aussi sentencieuses qu'elles en sombrent régulièrement dans le ridicule.
Bref, l'un dans l'autre, on se demande quand même si, tant qu'à faire, Bouchareb n'aurait pas du forcer dans le naturalisme cynique (mais n'est pas Kechiche et sa "Vénus Noire" qui veut) voire réaliser carrément un documentaire.
Tel quel, "Hors-la-loi", film que l'on devine par contre éminemment sincère, n'est ni fait ni à faire, ni fresque ni film à thèse, ni chair ni poisson.
C'est dommage, oui. D'autant plus qu'on ne s'ennuie pas à sa vision.
Allez... La prochaine fois, peut-être ?
Cote: **
jeudi 11 novembre 2010
A l'occasion de la belle et tant décriée fête de Louween, je me suis donc loué quelques petits films de circonstances...
Passons sur les déjà vus et revus "La Malédiction de la Momie" (bien que HAMMER RULES !) et "Massacre à la Tronçonneuse" pour nous concentrer sur les trois inédits de derrière les fagots qui étaient au programme des réjouissances...
"Malpertuis" de Harry Kümel (B); avec Orson Welles, Susan Hampshire, Mathieu Carrière...
Yarglah ! Je l'ai donc enfin vue ! L'adaptation cinématographique du meilleur bouquin de mon auteur préféré. Des années que je la cherche et elle était bêtement à la Médiathèque. Arf !
Et je suis pas fâché parce que dans le genre couillasserie, ça valait le détour !
C'est à la fois baroque et rococo, kitsch (les couleurs sont superbes, hi hi...), cheap (certains "effets spéciaux" sont dessinés sur la pellicule), complètement barré (mais ça c'est normal) et puis surtout ça a terriblement mal vieilli.
Le scénario prend de belles libertés par rapport à l'oeuvre originale, mais il faut se dire que c'était probablement nécéssaire. La fin, par exemple, est totalement réinventée (et l'idée n'est pas mauvaises, avouons-le). Des pans entiers du bouquin sont passés à la trappe tandis que d'autres sont invraisemblablement tirés en longueur (l'Oncle Cassave met 40 minutes à crever alors que dans le livre ça prend 4 pages mais bon, il fallait sans doute justifier le cachet d'Orson Welles).
Et le tout débouche sur un truc complètement fou fou, surréaliste, décalé, complété par une distribution idoine au gré de laquelle on croise des gens aussi divers que Michel Bouquet, Jean-Pierre Cassel ou carrément Sylvie Vartan (et même un caméo de Johnny Hallyday, tiens) !
Mais avec sa belle ambiance de fantastique onirique "à l'ancienne", ce film de branquignol hyper daté arrive quand même à faire passer de vrai bons moments.
Et ne devrait pas trop faire valser Jean Ray dans sa tombe...
"Eden Lake" de James Watkins (UK); avec Kelly Reilly, Michael Fassbender, Thomas Turgoose...
Où le week-end en amoureux d'un couple de bobos londoniens vire au cauchemar lorsque ils sont confrontés à la bande de bullies locaux.
On m'en avait vanté les mérites mais je ne pensais pas pour autant avoir affaire à une telle bombe. Un vrai concentré de méchanceté brute et sale caché au milieu d'un film de genre.
Parce que c'est ça qui est très fort avec "Eden Lake": on pense être devant un survival classique mais très, très efficace, qui n'ira pas plus loin que les scènes obligées du genre (avec une bonne dose de gore craspec) et on se retrouve au final, et grâce à un twist dont on ne peut évidemment rien dire, en face d'un spectacle bien plus édifiant que prévu, qui met véritablement mal à l'aise et qui pose de surcroit de vraies questions. Sans donner de réponses.
Un film malin, prenant, bien mené et qui finit par délivrer beaucoup plus que ce à quoi on était censé s'attendre. Que demander de plus ?
"Southland Tales" de Richard Kelly (USA); avec Dwayne "The Rock" Johnson, Sarah Michelle Gellar, Seann William Scott...
OK. Tout bien compris. Bien capté pourquoi le second film de Richard Kelly, pourtant auteur de l'ultra culte "Donnie Darko" et du très bon "The Box" est passé à la trappe de la distribution, du moins en Europe, et est même très difficile à trouver en DVD.
Sans blague, j'ai tenu 40 minutes devant cet invraisemblable patchwork de S.F. new age post-apocalyptique qui part dans tous les sens, multiplie les personnages et les sous intrigues jusqu'à l'absurde et la nausée et, surtout, est totalement incompréhensible - tout en donnant paradoxalement l'impression de ne rien vraiment raconter.
Comme en plus, le tout est "porté" par un Dwayne Johnson plus mauvais qu'une légion de cochons corses, vous comprendrez bien que l'engin vire rapidement à l'insupportable.
C'est bien simple: même la présence de Sarah Michelle Gellar en star du porno ne donne pas envie d'aller plus loin.
C'est dire !
mardi 2 novembre 2010
"The Town" de Ben Affleck (USA); avec Ben Affleck, Rebecca Hall, Jeremy Renner, Blake Lively, Jon Hamm, Pete Postlethwaite...
Doug McRay est le leader d'une bande de braqueurs de Boston. Sans attaches, il ne craint jamais rien, surtout pas la perte d'un être cher. Tout bascule le jour où lui et sa bande prennent en otage la directrice de l'agence qu'ils viennent de braquer. Craignant qu'elle n'ait reconnu l'un d'entre eux, les malfrats décident de la suivre de près. Aussi, lorsque la jolie Claire voit entrer dans sa vie un homme charmant et, somme toute, rassurant du nom de Doug, l'attirance et finalement la romance prennent-elles le pas sur la méfiance et le trauma.
Sec - pas comme un coup de trique non plus, n'exagérons pas - racé, nerveux, sobre et en fin de compte carré comme les bonnes vieilles machoires bien épaisses de son auteur - Ben Affleck, "The Town" est un film de genre couillu et de bonne tenue, dans la lignée de son prédécésseur, le déjà fort bon "Gone Baby Gone".
Qui pêche aussi malheureusement par les mêmes travers et finit, comme lui, par échouer à quelques encâblures de ce qui aurait pu en faire un "grand" film.
En l'espèce, ce polar mâtiné d'une bonne dose de mélodrame sans pathos (ou si peu, allez, un chouïa, sur la fin...) reste un film solide et bien madré, qui se regarde sans ennui ni déplaisir, avec même ce petit plus qui le distingue des productions lambda, passe-partout, juste bonnes à voir en DVD le dimanche soir.
Un petit plus qu'il doit à un scénario agréablement charpenté, à une réalisation idoine (à savoir d'une sobriété et d'une classe indéniable car dépourvue de tape-à-l'oeil), à des scènes d'action que n'aurait peut-être pas renié un Michael Mann et surtout à un équilibre assez impressionnant entre celles-ci et les scènes plus intimistes, plus mélodramatiques, celles de la relation entre les deux principaux protagonistes.
De celles qui rendent l'ensemble globalement plus humain, moins glâcé que "Gone Baby Gone" ne pouvait l'être.
Bien sûr, tout n'est pas parfait, loin de là.
Sur deux heures, le rythme est parfois un peu lâche et inégal, compliqué par des sous-intrigues pas toujours nécéssaires.
La fin (après le dernier braquage, époustouflant !) est totalement incohérente et too much...
Et puis, surtout, on a beaucoup de mal à calculer le brave Ben en chef de bande.
En dehors de cette évidente erreur de casting - Benichou aurait sans doute gagné à ne pas quitter son siège de réalisateur et à confier le rôle à quelqu'un d'autre, de plus sec, de plus physiquement et moralement "marqué" - "The Town" fonctionne à plein rendement dans son double registre de film policier classique et de drame sentimental, bien aidé qu'il est par une distribution de seconds rôles par contre, elle, unanimement excellente.
De Rebecca Hall, très juste, à Blake Lively, méconnaissable, en passant par un Jeremy Renner qui confirme tout le bien que l'on pouvait penser de lui dans un registre "chien fou" pas très éloigné finalement de celui d'un Michael Shannon (dont nos équipes vous parlaient tout récemment), on peut dire que ça dépote.
Il faut donc se rendre à l'évidence: tout cela semble confirmer que l'aîné des frères Affleck ferait peut-être bien de se concentrer sur son nouveau boulôt de réal, au détriment d'une carrière d'acteur quand même jusqu'ici fort en demi-teinte...
Et, par delà, que ce "The Town" old school est un spectacle ma foi fort réussi, qui parvient en plus à ne jamais ennuyer.
Et comme en plus il constitue une amélioration évidente par rapport au premier opus de son néo-réalisateur... hein...
On peut même presque dire qu'on attend la suite...
Cote: ** (mais bien tassées).
lundi 25 octobre 2010
Mad Cows and Englishmen.
"Tamara Drewe" de Stephen Frears (UK); avec Gemma Arterton, Luke Evans, Dominic Cooper, Roger Allam, Bill Camp, Tamsin Greig...
Tamara Drewe a des jambes interminables. Tamara Drewe a le nez refait. Tamara Drewe est inconstante. Tamara Drewe a un coeur d'artichaut. Tamara Drewe est journaliste dans la presse people. Tamara Drewe n'aurait pas beaucoup de jugeotte (quoi que...). Tamara Drewe, la londonienne typique de ce début de XXIème siècle, est de retour dans le village de son enfance pour faire restaurer et revendre la maison de sa mère, récemment décédée. Et Tamara Drewe va bien malgré elle (bien que...) semer la pagaille dans cette petite communauté rurale et surtout dans le "gîte pour écrivains" géré par le romancier à succès local et son épouse fort terre-à-terre...
Dites-donc, dites-donc...
Qu'en voila une bien jolie surprise...
Et dire que j'ai failli passer à côté.
Pas que j'y soit allé avec des pieds de plombs en me disant que ça n'allait ressembler à rien (faut pas pousser, dans ce cas-là je n'y serait pas allé du tout, chuis pas payé pour voir les films, non plus).
Mais bon... Ca ne me disait qu'à moitié, allez.
Et puis, un beau jour, par désoeuvrement, n'ayant rien d'autre à me mettre sous la rétine, je me suis laissé faire, sur le thème du "boh, ça ne peut pas être mal" et autre "bah, Stephen Frears quand même" et tralalala...
Et bien m'en a pris.
Très bien même, car "Tamara Drewe" est un fort joli et fort plaisant petit film.
Tout ce qu'il y a de british dans le sens le plus positif du terme, évoquant même de ci, de là, les mânes d'un "Quatre Mariages et un Enterrement" ou d'autres pépites Working Title, par exemple.
Joyeux, primesautier, brillament écrit et dialogué, mis en scène avec finesse et élégance et interprété - évidemment, ils sont anglais - par des Rolls Royce.
Mais qu'on ne s'y trompe pas.
Derrière toute cette apparente légèreté se cache en fait une critique féroce et assez politiquement incorrecte de notre société, ou plutôt du genre humain en général avec ses hauts et ses bas, ses mesquineries mais aussi ses grandeurs, à travers un portrait au vitriol (oui, bon dilué dans une bonne dose de thé quand même) de nos petites vies.
Portrait brassé au pluriel, à travers tous les âges, toutes les possibilités, tous les choix et toutes les résignations qui les composent, ces vies.
Et comme c'est fait avec une spontanéité, un souffle et une fraîcheur somme toute assez revigorante, eh bien, il est évident que l'on se laisse prendre au jeu, au gré de rebondissements tantôt vaudevillesques, tantôt quasiment "policiers" d'un scénario à tiroirs qui ménage aussi son lot de portes qui claquent.
Finalement assez labyrinthesque, ou plutôt rebondissant de situation en situation, le scénario, que l'on croirait écrit pour être celui d'un "bon" Woody Allen, se paye le luxe d'une narration éclaté, ayant la bonne idée de se servir de Tamara non pas comme d'une héroïne mais comme d'un fil rouge et d'utiliser en deus ex-machina, tirant les ficelles dand l'ombre, deux petites pestes écervelées, Tamara Drewe en devenir, qui sont finalement celles par qui le scandale arrive. Réellement.
A la fois acerbe et léger, tragiquement drôle et drôlement mélancolique, incroyable de maîtrise et de précision sous ses dehors de film "mineur", porté de main de maître(sse femme) par une Gemma Arterton brillantissime - à mille lieues de ses clowneries de type "Prince of Persia" ou "Le Choc des Titans 2.0" - bien aidée il est vrai par un reste de distribution idoine (mention spéciale quand même à la jeune Jessica Barden, qui ira loin), ce "Tamara Drewe" que l'on croyait négligeable s'affirme donc comme une des toutes bonnes surprises du moment.
Qu'on aurait tort de négliger.
Cote: ***