
CIA m'était contée...
"Raisons d'Etat" (The Good Shepherd) de Robert De Niro (USA); avec Matt Damon, Angelina Jolie, Robert De Niro, William Hurt, John Turturro, Alec Baldwin...
Par le biais de la très influente société "secrète" des Skull and Bones, Edward Wilson est engagé dans la toute jeune CIA.
Ambitieux et discret, il va profiter de l'ambiance de paranoïa instaurée par la Guerre Froide pour gravir un à un les échelons qui le séparent du sommet.
Il y a bien évidemment des points communs troublants entre ce film et le récent "La Vie des Autres" de Florian Henckel Von Donnersmarck. Même froideur, même distance, même didactisme, même ambiance baignée de suspicion...
Ce qui différencie néanmoins le film de De Niro de celui du jeune réalisateur allemand c'est avant tout son origine.
"The Good Shepherd" est un film américain et cela transpire de tous ses pores.
C'est aussi un film sérieux, sobre et froid, à l'image de son sujet et de son héros.
Et c'est peut-être là ce qui fait à la fois sa force et sa faiblesse...
D'un côté on est passionné par le côté documentaire de l'histoire, subjugué par la classe folle de la réalisation - classique mais aussi très fluide - et par l'excellence du casting en tête duquel Matt Damon brille dans un rôle pourtant particulièrement ingrat.
D'autre part, malheureusement, on reste trop en retrait par rapport à un film dans lequel il est difficile de réellement s'investir et on est paradoxalement pris d'aucune compassion pour des personnages trop glacés que pour que l'on s'intéresse vériablement à leurs destins...
Mais le film est admirablement documenté (visiblement, De Niro s'est fendu d'un très gros travail de recherche, d'écriture et de production) et réserve suffisament de rebondissements que pour tenir en haleine tout au long de ses 2h40.
Ce qui ne veut pas dire bien sûr qu'on ne puisse pas se perdre dans les méandres de ces combines internationales aux implications et aux finalités parfois un peu floues pour le spectateur moyen, donc non-initié.
D'autant que les incessants flash-backs qui nous font parfois perdre de vue pour longtemps des personnages pourtant essentiels à la bonne compréhension de l'ensemble ne sont pas vraiment là pour arranger les choses.
Et que l'acharnement du réalisateur à éviter l'esbrouffe et le spectaculaire font que l'on ne ressent pas toujours vraiment le danger qui guette les protagonistes là ou ce serait pourtant parfois bien nécéssaire.
Mais on est quand même touché par les choix parfois cruels et les comportements souvent inhumains de ce petit bonhomme froid et méticuleux qu'interprète un Matt Damon étonnant de sobriété et qui prouve enfin, après "Les Infiltrés" de Scorsese, qu'il est peut-être digne des espoirs que certains avaient placé en lui depuis quelques années.
Et même s'il aurait peut-être gagné à être quelque peu dégraissé au montage, "The Good Shepherd" reste un thriller politique d'une implacable efficacité qui prouve une fois encore que, malgré tous les reproches qu'on peut lui faire, on n'a pas encore trouvé mieux qu'un certain cinéma américain pour raconter une histoire.
Même si elle est longue et compliqué...
Côte: ***