jeudi 28 janvier 2010


The Human Factor.

"Invictus" de Clint Eastwood (USA); avec Morgan Freeman, Matt Damon, Scott Eastwood, Marguerite Wheatley, Patrick Lyster, Tony Kgoroge...

L'élection de Nelson Mandela à la présidence, en 1994, scelle officiellement la fin de l'Apartheid. Mais dans les faits, la nation, meurtrie, reste bien évidemment divisée, tiraillée qu'elle est entre problèmes ethniques et économiques. Misant sur le sport, le président sud-africain va entamer son processus de réconciliation en pariant sur l'équipe de rugby des Springboks, symbole de la ségrégation (aucun joueur noir, ou si peu) et faire alliance avec son capitaine, le très afrikaner François Pienaar, afin de souder la nation en lui faisant - si possible - remporter la Coupe du Monde, dont l'Afrique du Sud sera l'hôte en 1995...

J'ai dans mon entourage relativement proche un excellent camarade - appellons-le Paul, allez - qui, non content de gagner sa vie en soufflant du jazz dans une trompette (un saxophone, bon. Je ne suis pas très physionomiste), passe ses dimanches brabançons wallons et néanmoins pluvieux (le plus souvent) à jouer au rugby.

Les gens sont bizarres, hein ?
Oui.

Comment peut-on se mettre dans des états pareils, me direz vous ?
Oui, j'avoue que je me le demande encore, bien évidemment, mais allez, baste, là n'est pas la question.

Le problème c'est que, depuis quelques temps, Paul est chiffon.
Je dirais même plus, il est colère !
Colère et ressentiment !

Car il semblerait que, alors que la masterpiece sur le sujet reste encore à faire, ce bon vieux Clint (et vieux c'est rien de le dire, Saint-Alzheimer de mes deux boules !) ait commis sacrilège sur faute de goût et traité le sport béni de l'Ovalie-et-par-delà piteusement par dessous la jambe, si pas pire ! NOM DI DJU !

Qu'il ne se serait même pas renseigné, le lâdre ! Milliard de tettes !*

Non, mais, eh ! Sérieusement, véci !

Trève de rigolade: je comprends la frustation du gaillard !
Si j'ai bien compris - et j'avoue que rien n'est moins sur - "Invictus", niveau rugby, c'est un peu comme si dans "A Nous la Victoire", John Huston avait oublié des règles élémentaires du foot, genre hors-jeu ou penalty. C'est le basket expliqué aux enfants par Bla-Bla. Un match de boxe filmé par les frères Dardenne. Ce genre.

Faut pas pousser, on l'avouera !

Bref. Bon. Oui. Mais...

Oui mais, est-ce bien le problème, je vous le demande ?

Tant il est vrai que "Invictus" est peut-être tout sauf un film sur le rugby.
Un film qui se sert du rugby, comme Mandela s'en est servi, certes, mais c'est bien tout.
Car le sujet et l'intérêt, bien entendu et once again, sont ailleurs et bien ailleurs...

L'ennui, la pierre d'achoppement, étant que, pour une oeuvre qui se moque du sport et ne s'en sert que comme vecteur d'unité et de libération, le film d'Eastwood multiplie un peu trop les soi-disant morceaux de bravoure liés à la chose.
C'est bien simple, la dernière demi-heure n'est qu'un grand match filmé plein pot.
Alors, oui...

Et comme, même pour un néophyte comme moi (quoi que le brave Paul ce soit récemment chargé de m'expliquer en long, en large et en travers les ficelles de l'affaire), la désinvolture avec laquelle tout cela est emballé est un peu trop visible, ben... on va pas dire que ça coince, loin s'en faut, mais c'est un peu léger, mon capitaine...

Heureusement, le reste est une vraie réussite.

D'abord, le contexte historique - après tout, ils sont rares aussi les films qui parlent de la période post-apartheid ou même de Nelson Mandela after jail - est magnifiquement rendu.
Les enjeux sont tout à fait compréhensibles et même passionnants, grâce à une construction, une écriture et un montage très fluides.

La grande idée du truc étant évidemment de monter, en parallèle de la Grande Histoire, la petite.
A savoir celle des nouveaux et anciens gardes du corps présidentiels, noirs et blancs, bien obligés de désormais cohabiter.

La réalisation, comme d'habitude d'un robuste clacissisme (ce qui ne veut certainement pas dire "académisme" !) sert très bien le sujet - grave, même si légèrement traité. Et notre ami Morgan Freeman pose la cerise sur le gâteau en interprétant avec finesse et intensité un Mandela dont l'humanité transcende le film.

A côté de ça, oui, force est d'avouer que "Invictus" force ça et là le trait et tire un peu facilement, parfois, sur la corde de la sensiblerie à deux francs six sous (la musique sirupeuse de fiston Kyle n'étant certainement pas là pour arranger les choses).

Mais, allez, le reliquat de l'affaire est sobre, plutôt subtil et bien ficelé. Et comme après tout, comme le veux l'adage, un petit Clint reste un grand film...

Reste, peut-être, pour calmer Paul, à le faire, ce film ultime sur le rugby...

Allez, qui s'y colle ?

Woody Allen ?


Cote: ***


(* En fusion !)

(PS: sans rancune, Bruno)



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