mardi 7 septembre 2010


Le Livre de la Jungle.

"Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures)" (Lung Boonmee Raluek Chat) d'Apichatpong Weerasethakul (TH); avec Thanapat Saisaymar, Jenjira Pongpas, Sakda Kaewbuadee, Nattakharn Aphaiwonk, Geerasak Khulong, Kanokporn Thongaram...

Entouré des siens, dans sa ferme apicole, Oncle Boonmee se meurt d'une insuffisance rénale. Il se souvient alors de ses vies antérieures en tant que buffle ou princesse et entrevoit ses vies futures tandis que les fantômes de sa femme défunte et de son fils disparu reviennent lui rendre visite. Un conte initiatique où se croisent hommes-singes aux yeux luminescents et poissons-chats parlants, au milieu des esprits et autres animaux de la forêt...

La voilà donc, cette Palme d'Or qui aura, une fois de plus, fait couler tant d'encre !

A qui les détracteurs du festival de Cannes reprocheront comme d'habitude son hermétisme et dont ils se serviront pour pointer une fois de plus le snobisme de la manifestation.

Auteurisme, "art et essai" (avec tout ce que ça suppose de péjoratif), rejet du grand public... Les grands mots sont lâchés. Quoique pas toujours à mauvais escient, d'ailleurs. Du moins, pas forcément...

Encore faut-il savoir ce que ces mots recouvrent.

Car "Oncle Boonmee...", c'est sûr, est un OVNI.

Et c'est un film qui se mérite un peu.
Ou du moins qui ne se livre pas si facilement.

Qui invite à un véritable voyage, à défricher des contrées pas forcément connues et arpentées, d'un exotisme extrême et forcené, tant d'un point de vue géographique et social - la vie dans la campagne thaïlandaise, à la lisière de la jungle, n'est pas forcément ce qu'il y a de plus banal à offrir à nos yeux de citadins occidentaux, loin s'en faut - que purement cinéphile...

Pour arriver à bon port, il convient d'ailleurs d'abord de se laisser faire. Et d'oublier certains repères. De s'affranchir des procédés narratifs "classiques" du cinéma tel qu'il est pratiqué par ici. D'accepter les ellipses et les sursauts. Les avancées et les flashbacks. Les ruptures de ton.

Le tout en voulant bien se passer d'explications, si c'est possible.

Ce qui peut bien entendu mener à des situations étranges.
A se demander ce que certaines scènes (celle de la princesse ou tout le final dont l'utilité peut être légitimement sujette à caution) viennent faire au milieu du reste, par exemple...

Cela peut aider de garder à l'esprit que, pour Weerasethakul, finalement, l'esthétique prime sur l'histoire.
Ce qui tombe plutôt bien, en somme, puisque d'un côté purement plastique le film est sur toute sa longueur d'une beauté à couper le souffle.

L'autre surprise, bien que moindre pour tout qui a déjà pratiqué de près ou de loin le cinéma asiatique, toutes nations confondues, tient évidemment dans le rapport, disons... différent.. que celui-ci peut entretenir avec le temps.

Et, de fait, il est sûr et certain que le rythme pour le moins languide et contemplatif du film en déconcertera plus d'un.

Passé ces écueils dont il est bon de s'accommoder, "Oncle Boonmee...", film au carrefour de l'animisme, de l'onirisme et du conte, nimbé dans un fantastique aussi splendide que déroutant, vaut plus pour ce qu'il propose, de manière la fois franche et paradoxalement abstraite, que pour ce qu'il raconte.

Ou pas.

Soit une approche du cinéma libre, originale et affranchie de toute barrière.

Une expérience à part entière: sensuelle, viscérale...

Déroutante, certes.

Mais tout simplement magnifique.

Cote: ***


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