samedi 12 décembre 2009



Monsieur Patate !

"The Informant !" de Steven Soderbergh (USA); avec Matt Damon, Melanie Linskey, Scott Bakula, Candy Clark, Clancy Brown, Rusty Schwimmer...

Mark Withacre, brillant cadre de la multinationale ADM, spécialisée dans l'agroalimentaire, décide semble-t-il du jour au lendemain de dénoncer les pratiques de sa société auprès du consommateur. Mais le FBI, qui diligente l'enquête, le chargeant de dénoncer ses petits camarades, de trouver des preuves, d'espionner, de porter un micro lors d'importantes réunions, peut-il faire confiance à cet étrange personnage, qui a lui même tiré de substensiels profits des exactions de sa société ? Et se fier au témoignage pour le moins fluctuant d'un homme qui se révèle bien vite être un menteur chronique ?

Oui, Monsieur Patate !

C'est bizarre, hein ?

J'en conviens bien mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est la première chose qui me vient à l'esprit lorsque je repense à Matt Damon dans "The Informant !"...

Avec ses kilos en trop, son brushing improbable, ses costumes de plouc et surtout son invraisemblable paire de lunettes, il me fait irrésistiblement penser au tubercule antropomorphe.

Car, oui, Matt Damon est méconnaissable ! A tout points de vue...

On ne le dira jamais assez - de toute façon c'est l'une des attractions du film et l'une des choses sur lesquelles est basé son marketing - Matt Damon s'est... investit...

Il a accepté la métamorphose, quitte à s'enlaidir.

Et surtout, pour ce faire, il a pris vingt kilos !

Mais, au-delà du physique et, finalement, de l'anecdote, ce qui impressionne vraiment c'est son investissement en tant qu'acteur.

Parce que, avouons-le, même si il est loin d'être mauvais, Damon avait souvent jusqu'ici une fâcheuse tendance à la fadasserie. Au manque d'envergure. De carrure...

Or, justement, ici, c'est un peu le contraire qui se passe...

Continuant à creuser le beau sillon tracé par sa performance dans le "Raisons d'Etat" de De Niro (et, dans une moindre mesure, dans la saga Jason Bourne qui eût au moins le mérite de le décoincer et de lui donner de l'assurance), le bon Matt, comme transcendé, nous offre une performance plutôt brillante...

Peut-être pas le rôle d'une carrière (gageons que celui-là soit encore à venir) mais en tout cas quelque chose comme un déclic. Un rôle qui devrait sans doute ouvrir la voie à une seconde partie de "trajectoire" plus riche.

De celle qui verrait enfin se confirmer les espoirs que l'on avait placés en lui à ses débuts.

Et, on peut le dire, cette performance vient ici fort à propos.

Car c'est elle qui concentre toute l'attention et qui donne de l'intérêt à un film à part ça un peu falot, faiblard et bancal, du moins dans sa première partie.

Car, oui, le film de Soderbergh - et c'est d'ailleurs devenu une fâcheuse habitude depuis quelques temps (à la louche depuis le premier "Ocean"...) est inégal, c'est le moins que l'on puisse dire...

Au-delà d'une direction artistique léchée mais étonnante (on a tout du long l'impression d'évoluer dans les années 70 alors que l'action se situe au début des années 90) et d'une réalisation sobre mais adéquate (car proche du documentaire), la première moitié - voire même un peu plus - de "The Informant !" est ennuyeuse.

Le scénario est confus, les dialogues abscons, l'action inexistante, l'intrigue incompréhensible...

C'est lent, long, ampoulé, embrouillé, redondant... On ne capte pas grand chose aux enjeux, bref... on décroche assez rapidement et, au bout du compte, on s'ennuie ferme, pour ne pas dire plus.

Heureusement, quand on croit que tout est plié, définitivement perdu, un judicieux retournement de situation inverse la logique et - à partir du moment où l'on commence à découvrir la veritable personnalité de Whitacre et la méthode étrange à laquelle il semble se plier - tout se remet en place et recommence à attirer l'attention, voire même (presque) à intéresser ("passionner" serait décidément un mot trop fort dans le cas qui nous occupe).

Hélas ! Trois fois hélas !

Quand le rebond salutaire arrive, il est trop tard ! Bien trop tard !

Le côté implacablement lénifiant, pour ne pas dire soporifique, de la première partie a fait son oeuvre et a finit par nous désintéresser de tout.

C'est d'autant plus dommage, d'ailleurs, que, une fois de plus, le personnage et son interprète sont vraiment attachants.
Et que le film, par moments, arrive à être vraiment drôle (bien que, là aussi, de manière par trop sporadique, pas mal des gags et des répliques les plus savoureux se retrouvant malheureusement dans la bande-annonce).

C'est surtout triste pour Matt Damon, certes, dont la brillante performance (oui, on ne le soulignera jamais assez) appelait peut-être un écrin* plus approprié.

Mais, au bout du compte, c'est sans doute encore plus préjudiciable pour Steven Soderbergh qui, après une telle succession de films réalisés de la main gauche entame encore un peu plus ici son capital sympathie, tout comme sa réputation d'auteur.

Et renforce une fois de plus, si il en était besoin, sa de moins en moins tenable réputation de fumiste...


Cote: *


(* de prestige, bien entendu !)

Aucun commentaire: