Une matinée de chien.
"7h58 ce Samedi-là" (Before the Devil Knows You're Dead) de Sidney Lumet (USA); avec Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Marisa Tomei, Albert Finney, Rosemary Harris, Brian F. O'Byrne...
Deux frères que tout oppose à part des problèmes d'argent planifient le braquage de la bijouterie familiale. Un crime sans victime selon eux. Sauf que, bien évidemment, rien ne va se dérouler comme prévu...
Et hop!
Dans la famille "vieux cageots qui ont encore du retour", après Ken Loach et Mike Nichols, je demande Sidney Lumet!
Et dans la série "relookage du cinoche US seventies", je passe au film de braquage, tiens!
Genre que Lumet connait bien, évidemment, pour avoir signé un certain "Après-Midi de Chien", pierre angulaire du cinéma de genre et classique certifié en la matière.
Curieuse carrière de ce tout aussi vétéran, d'ailleurs, capable de hauts très hauts ("Douze Hommes en Colère", "Serpico", "Le Crime de l'Orient-Express", "La Colline des Hommes Perdus", "Network", l' "Après-Midi de Chien" susnommé, j'en passe et de bien bonnes...) comme de bas abyssaux (son inutile remake du "Gloria" de Cassavetes avec Sharon Stone, par exemple) ainsi que d'une impressionante tripotée de films réalisés de la main gauche (la quasi intégralité de sa récente filmographie, entre autre)...
Bonne nouvelle, alors, que ce "Before the Devil Knows You're Dead" (oui, le titre original est mieux) qui le voit renouer avec sa veine la plus riche: celle du thriller, du polar implacable et sombre, doublé comme il se doit d'une bonne dose de tragédie familiale suffocante au possible.
Ouais, ouais... Et pas qu'un peu, mon n'veu!
Un film puissant, quasi tellurique, tendu comme un slip, qui scotche littéralement d'un bout à l'autre de ses presques deux heures en déroulant une intrigue d'une cruauté rare, racontée avec une précision quasiment mécanique qui ne fait qu'en renforcer l'intensité.
Et quand on dit "intensité"...
Au fur et à mesure que l'histoire avance, la chappe de plomb se fait plus lourde, l'horizon se retrécit... Jusqu'à l'étouffement... Littéral!
Procédant par d'incessants changements de point de vue, remontrant à chaque fois les mêmes scènes filmées différement suivant le protagoniste, multipliant les aller-retour temporels, Lumet signe un grand film choral, passablement destructuré, peut-être un peu maniéré dans sa réalisation (dont certains partis-pris "modernistes" pourraient agacer) mais à la fois brillant, lucide, affreusement cynique et d'une efficacité confondante.
Porté par des acteurs en état de grâce (Hoffman et Finney, bien sûr, Tomei également qui a gardé une ligne étonnante malgré ses 44 printemps et même Ethan Hawke, pourtant généralement fadasse) le vieux Sidney mélange intimement thriller et drame, nous donne à voir un spectacle parfois difficilement supportable de noirceur et nous offre avec ce film sans morale le plaisir suprême de constater les dégâts et de tirer nous même - ébahis et lessivés que nous sommes - les leçons de l'affaire.
Ce qui n'en est pas une mince, je vous l'assure!
Alors oui, on peut le dire: ce coup-ci Lumet frappe fort, très fort. Et là où ça fait mal. Très mal...
Mais il n'est pas interdit d'aimer ça.
Vraiment pas.
Côte: ***
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