jeudi 10 janvier 2008



La gloire de son père...

"La Clef" de Guillaume Nicloux (F); avec Guillaume Canet, Marie Gillain, Jean Rochefort, Vanessa Paradis, Thierry Lhermitte, Josiane Balasko...

Eric Vincent, trentenaire sans histoire voit soudainement sa vie basculer lorsqu'il reçoit un coup de fil d'un inconnu prétendant vouloir lui donner des nouvelles d'un père qu'il n'a jamais connu.
D'abord réticent, il finit par accepter de rencontrer son interlocuteur...

Après la paranthèse désastreuse que fût l'adaptation du "Concile de Pierre" de Grangé, Guillaume Nicloux est de retour en terrain beaucoup plus connu avec la troisième - et forcément dernière - partie de sa trilogie policière, amorcée avec "Une Affaire Privée" et prolongée avec "Cette Femme-Là".
Un univers glauque et retors, labyrinthesque et dépressif (pour ne pas dire "déprimant", même) qui fait le bonheur de ses fans, dont je suis, je n'en fais pas mystère.

D'entrée de jeu, il faut bien avouer que c'est le moins bon des trois...
Ce qui n'en fait pas pour autant un mauvais film, que du contraire!

On y retrouve toute l'ambiance anxiogène des deux précédents mais en moins flippant (surtout que dans "Cette Femme-Là".)
On y retrouve aussi toute l'humanité larvée qui faisait le véritable sel d' "Une Affaire Privée".
Là aussi, un ton légèrement en dessous, malheureusement.
Et c'est bien là le principal problème du film: cette filiation est tellement évidente - renforcée par la présence au générique des principaux protagonistes des deux opus précédents, interprétés par Lhermitte et Balasko - que l'on ne peut s'empêcher de faire la comparaison.

Mais si l'on prend le film pour ce qu'il est, c'est à dire certainement pas pour une suite (les intrigues sont totalement différentes et il n'est vraiment pas nécéssaire d'avoir vu les deux autres pour comprendre) on se retrouve face à un objet singulier et totalement passionnant.

Encore que n'attaquant pas forcément là où on l'attend.

Certes, l'intrigue est délicieusement alambiquée - voire complètement tirée par les cheveux - au point même qu'il est difficile de la dénouer totalement en une seule vision.
L'ambiance, désespérante de noirceur vous entraine implacablement dans les méandres d'une histoire d'autant plus complexe qu'elle est constituée de trois intrigues distinctes qui finissent par s'entremêler - ou pas! - et que l'action de l'une d'elle se situe carrément trente ans en arrière.
Il faut d'ailleurs à ce titre saluer la finesse du montage qui réussit à fluidifier l'ensemble, ce qui n'est vraiment pas une mince affaire.

Et puis la violence, parfois extrèmement "graphique", est comme toujours omniprésente.

Mais c'est ailleurs, dans les zones d'ombre de l'histoire et les félures de ses protagonistes, que se situe tout l'intérêt du film.
Réflexion sur la - ou "les" - notion(s) de paternité et d'héritage, "La Clef" tire sa force des atermoiements de son personnage principal (Canet, très convaincant) confronté au retour d'un père qu'il avait finalement choisi d'oublier et ce alors qu'il est lui-même sur le point d'avoir un enfant.

Le choix qu'il fait de finalement s'impliquer dans cette recherche de la vérité - mais qu'elle vérité? - quitte à s'enferrer dans des situations ambiguës et à mettre en danger ceux qui l'entourent ainsi que les univers sombres et poisseux dans lesquels ils s'enfonce font toute la force de ce polar atypique.

Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la fin, ou l'intrigue est enfin résolue, est moins intéressante que le parcours qui nous y a mené.

Servi par une distribution de complets contre-emplois (Gillain, Rochefort, Paradis, Balasko, tous parfaits, avec une mention spéciale à Lhermitte, sidérant en privé totalement en bout de course) et une réalisation plus subtile qu'il n'y parait à première vue, "La Clef", malgré son caractère éminemment embrouillé et parfois un peu bancal, distille un malaise suffisament pregnant pour que sa vision vous hante pendant bien longtemps.

Plus longtemps qu'on ne le voudrait vraiment, peut-être...


Côte: **

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