mercredi 30 janvier 2008



Ay! Carumba!

"No Country for Old Men" d'Ethan et Joel Coen (USA); avec Tommy Lee Jones, Josh Brolin, Javier Bardem, Woody Harrelson, Kelly Mc Donald, Garret Dilahunt...

Alors qu'il est en train de chasser l'antilope près de la frontière mexicaine, Llewelyn Moss tombe sur plusieurs pick-ups abandonnés, entourés de cadavres. Puis sur une malette remplie de dollars. Dont il s'empare.
Et l'Enfer se déchaine...

Il y a d'abord Javier Bardem...

Ah! Javier Bardem!

Sa coupe de Mireille Mathieu transgénique et sa bombonne d'oxygène à la main...
C'est la Mort qui s'avance en chaussettes!
C'est Robert Mitchum dans "La Nuit du Chasseur"!
C'est l'Ange Exterminateur...
Un méchant d'anthologie!
L'un des plus beaux psychopathes de l'histoire du cinéma!

Il y a aussi Tommy Lee Jones.
Sa tronche boucannée à l'ancienne.
Son accent trainant et ses répliques définitives.

Et puis il y a Josh Brolin.
Il y a Woody Harrelson...
Et Kelly McDonald, aussi...

Et puis tous les autres...

Il y a surtout les frères Coen, que l'on croyait perdus après trop de "Ladykillers" et autres "Intolérable Cruauté" faiblards et qui reviennent, plus en forme que jamais, la maturité en plus et qui, avec ce qui est sans doute leur premier vrai film d'action, signent ici leur chef d'oeuvre!

Ni plus ni moins.

Il y a le roman de Cormac McCarthy, allégorie de cette société américaine fondée sur la violence.
Un roman trituré, transcendé, magnifié pour aboutir à un film à la fois complètement crâmé et absolument magnifique.
Par le biais d'un scénario sombre et lumineux à la fois, qui traite aussi bien de la vie que de la mort, du destin, des limites ou de leur absence, un film drôle et mélancolique, ironique et triste à la fois.
Un film où l'on rit, parfois. Comme on montre les dents.

Il y a le savoir-faire des frangins aussi, bien sûr.
Leur expérience.
Leur art, même, dans lequel on retrouve ce goût du détail, cet humour à froid, ce sens du dialogue et qui, procédant par brusques ruptures de ton, se permettant même d'emprunter ça et là d'étonnants chemins de traverse débouche sur un véritable monstre cinématographique, plein de bruit et de fureur.
Une oeuvre maitrisée de bout en bout, réservant des scènes de suspense et de terreur d'une intensité rare. Qui contient presque assez de morceaux de bravoure que pour remplir une vie entière de cinéphile.
Une oeuvre aussi parfois simplement belle, dans sa manière presque élégiaque de traverser les paysages du sud américain...

Un cocktail qu'on aurait cru impossible. Un mélange que l'on savait improbable.
Si ce n'est dans leur filmographie.

Un classique instantané.

Magistral.

Culte.

Du grand, du tout grand cinéma!


Côte: ****

mardi 29 janvier 2008



Une matinée de chien.

"7h58 ce Samedi-là" (Before the Devil Knows You're Dead) de Sidney Lumet (USA); avec Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Marisa Tomei, Albert Finney, Rosemary Harris, Brian F. O'Byrne...

Deux frères que tout oppose à part des problèmes d'argent planifient le braquage de la bijouterie familiale. Un crime sans victime selon eux. Sauf que, bien évidemment, rien ne va se dérouler comme prévu...

Et hop!
Dans la famille "vieux cageots qui ont encore du retour", après Ken Loach et Mike Nichols, je demande Sidney Lumet!

Et dans la série "relookage du cinoche US seventies", je passe au film de braquage, tiens!
Genre que Lumet connait bien, évidemment, pour avoir signé un certain "Après-Midi de Chien", pierre angulaire du cinéma de genre et classique certifié en la matière.

Curieuse carrière de ce tout aussi vétéran, d'ailleurs, capable de hauts très hauts ("Douze Hommes en Colère", "Serpico", "Le Crime de l'Orient-Express", "La Colline des Hommes Perdus", "Network", l' "Après-Midi de Chien" susnommé, j'en passe et de bien bonnes...) comme de bas abyssaux (son inutile remake du "Gloria" de Cassavetes avec Sharon Stone, par exemple) ainsi que d'une impressionante tripotée de films réalisés de la main gauche (la quasi intégralité de sa récente filmographie, entre autre)...

Bonne nouvelle, alors, que ce "Before the Devil Knows You're Dead" (oui, le titre original est mieux) qui le voit renouer avec sa veine la plus riche: celle du thriller, du polar implacable et sombre, doublé comme il se doit d'une bonne dose de tragédie familiale suffocante au possible.

Ouais, ouais... Et pas qu'un peu, mon n'veu!

Un film puissant, quasi tellurique, tendu comme un slip, qui scotche littéralement d'un bout à l'autre de ses presques deux heures en déroulant une intrigue d'une cruauté rare, racontée avec une précision quasiment mécanique qui ne fait qu'en renforcer l'intensité.
Et quand on dit "intensité"...

Au fur et à mesure que l'histoire avance, la chappe de plomb se fait plus lourde, l'horizon se retrécit... Jusqu'à l'étouffement... Littéral!

Procédant par d'incessants changements de point de vue, remontrant à chaque fois les mêmes scènes filmées différement suivant le protagoniste, multipliant les aller-retour temporels, Lumet signe un grand film choral, passablement destructuré, peut-être un peu maniéré dans sa réalisation (dont certains partis-pris "modernistes" pourraient agacer) mais à la fois brillant, lucide, affreusement cynique et d'une efficacité confondante.

Porté par des acteurs en état de grâce (Hoffman et Finney, bien sûr, Tomei également qui a gardé une ligne étonnante malgré ses 44 printemps et même Ethan Hawke, pourtant généralement fadasse) le vieux Sidney mélange intimement thriller et drame, nous donne à voir un spectacle parfois difficilement supportable de noirceur et nous offre avec ce film sans morale le plaisir suprême de constater les dégâts et de tirer nous même - ébahis et lessivés que nous sommes - les leçons de l'affaire.

Ce qui n'en est pas une mince, je vous l'assure!

Alors oui, on peut le dire: ce coup-ci Lumet frappe fort, très fort. Et là où ça fait mal. Très mal...

Mais il n'est pas interdit d'aimer ça.

Vraiment pas.


Côte: ***

lundi 28 janvier 2008



Tommy's got his gun...

"La Guerre Selon Charlie Wilson" (Charlie Wilson's War) de Mike Nichols (USA); avec Tom Hanks, Julia Roberts, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams, Ned Beatty, Shiri Appleby...

Années 80. Plus connu pour son train de vie flamboyant, hédoniste et farfelu que pour ses victoires politiques, le Député Charlie Wilson cache néanmoins sous ses dehors de noceur invétéré une conscience politique aigue, un solide sens du patriotisme et un goût immodéré pour les causes dites "perdues". Ainsi décide-t-il sous les conseils de sa richissime et très anticommuniste amie Joanne Herring de mettre fin à l'occupation soviétique en Afghanistan! Rien que ça!

Et c'est ainsi aussi que, sous l'influence de ses ainés Capra ou Hawks, ce vieux briscard de Mike Nichols rend sans avoir l'air d'y toucher un vibrant hommage à ce qu'on appelle L'Age d'Or du Cinéma Américain (celui des années 40/50, pas celui des années 70 qui mérite pourtant plus cette appellation, en tout cas en ce qui me concerne). Oui, oui, là aussi: rien que ça!

Car ce que l'on trouve avant tout ici c'est une comédie politique légère et drôle - bien que traitant bien entendu d'un sujet gravissime - avec dialogues au cordeau, mise en scène ultra-fluide et duel d'acteurs au sommet!
Un film qui, mine de rien et tout en restant étonnamment lisible, démèle les fils de la politique américaine, de ses intrigues de salon, de ses flirts en coulisse et des ses scandales à la petite semaine.

En cinéaste old school qu'il est donc, Nichols sait tout à fait se mettre en retrait pour mieux valoriser à la fois son sujet et ses comédiens.

Tout d'abord, sa réalisation sobre et souple et son montage efficace réussissent l'exploit de rendre à la fois tout à fait compréhensible et agréablement ludique une histoire de prime abord alambiquée et relativement rébarbative .
Le scénario est très solidement écrit, souvent drôle (bon, on ne se tape pas non plus sur les cuisses, hein, faut pas exagérer) et se paie le luxe de prendre le spectateur par la main pour lui faire comprendre où il veut en venir sans pour autant verser dans un paternalisme hulmiliant, malheureusment symptômatique de trop de productions américaines du même type.

D'autre part, cette même mise en retrait permet aux acteurs de briller plus que de coutume, le trio vedette en tête...

Tom Hanks aura rarement été aussi sympathique en politicien plus qu'humain, Julia Roberts est à tomber en espèce de salope texane teminale et chacune des apparitions de Philip Seymour Hoffman rappèlent à quel point il est sans doute l'acteur de composition le plus soufflant de sa génération.
...Et les seconds rôles sont au diapason, particulièrement Amy Adams en secrétaire-groupie qui prouve ici qu'elle vaut mille fois mieux que les sucreries neu neu dans lesquelles elle est trop souvent cantonnée...

Alors, oui, c'est sûr, c'est un film américain.
Ce qui signifie un certain manichéisme et un manque de profondeur quelque peu dommageables (surtout quand on en arrive aux motivations profondes des protagonistes).
Et puis, parfois, ça s'éssoufle aussi, un tantinet, surtout dans la seconde partie...
Et cela semble avoir un peu de mal à redécoller.

Mais comme tout cela reste justement du domaine de la comédie, on ne s'en fait pas trop...

Surtout quand pointe en filigrane le spectre du 11 septembre, conséquence évidente mais lointaine de la "croisade" menée ici.
Conséquence que Nichols et son scénariste Aaron Sorkin ont le bon goût de laisser à la compréhension du spectateur, tout en la soulignant d'un proverbe zen qui à lui seul résume tout le contenu du film.

Du coup - et même si l'on reste un peu sur sa faim - on profite de cette "Guerre..." légère et grinçante, heureusement tout sauf moralisatrice, où des politiciens égyptiens traitent avec des marchands d'armes israéliens sur fond de danse du ventre.

Et même si l'on aurait espéré à certains moments un peu plus de punch et à d'autres un peu moins de violons, on est déjà bien contents de ce que le film raconte.

Ou de ce qu'il ne raconte pas.


Côte: **

vendredi 25 janvier 2008


Rions, c'est l'heure!

Et oui, it's that time of the year again, comme on dit chez Sport Doen!
Les nominations pour les Oscars et les Césars sont tombées. Je ne vais pas les publier ici in extenso* mais je vais, par contre et comme l'année dernière, me livrer au petit jeu des pronostics.
Donc, c'est simple: un "vote" par catégorie principale (pas les techniques, donc) plus un outsider au cas ou (mais c'est pas obligé).
Après on compte un point par bonne prévision (et un demi si c'est l'outsider qui a gagné) et on rigole un bon coup parce que j'ai tout faux.

Verdict le 22 février pour les Césars et le 24 pour les Oscars (si il y a une cérémonie parce qu'avec les grèves à Hollywood c'est pas gagné).

-Pronostics Oscars:

-Meilleur Film: "Reviens-moi", de Joe Wright (outsider: "There Will be Blood", de Paul Thomas Anderson).

-Meilleur Réalisateur: Paul Thomas Anderson pour "There Will Be Blood".

-Meilleur Acteur: Daniel Day-Lewis pour "There Will Be Blood" de Paul Thomas Anderson.

-Meilleure Actrice: Marion Cotillard pour "La Môme" d'Olivier Dahan (outsider: Julie Christie pour "Loin d'Elle" de Sarah Pollay).

-Meilleur Second Rôle Masculin: Javier Bardem pour "No Country For Old Men" d'Ethan et Joel Coen (outsider: Tom Wilkinson pour "Michael Clayton" de Tony Gilroy).

-Meilleur Second Rôel Féminin: Cate Blanchett pour "I'm Not There" de Todd Haynes.

-Meilleur Film Etranger: "Les Faussaires", de Stefan Ruzowitsy (Autriche) (outsider: "Katyn", d'Andrzej Wajda (Pologne) ).

-Pronostics Césars:

-Meilleur Film: "La Graine et le Mulet", d'Abdellatif Kechiche (outsider "La Môme", d'Olivier Dahan).

-Meilleur Réalisateur: Abdellatif Kechiche pour "La Graine et le Mulet" (outsider: Olivier Dahan pour "La Môme").

-Meilleur Acteur: Jean-Pierre Marielle pour "Faut qu'ça danse!" de Noémie Lvovsky (outsider: Mathieu Amalric pour "Le Scaphandre et le Papillon" de Julian Schnabel).

-Meilleure Actrice: Marion Cotillard pour "La Môme" d'Olivier Dahan (outsider: Marina Foïs pour "Darling" de Christine Carrière).

-Meilleur Second Rôle Masculin: Sami Bouajila pour "Les Témoins" d'André Téchiné (outsider: Laurent Stocker pour "Ensemble, c'est tout" de Claude Berri).

-Meilleur Second Rôle Féminin: Ludivine Sagnier pour "Un Secret" de Claude Miller (outsider: Noémie Lvovsky pour "Actrices" de Valeria Bruni-Tedeschi).

-Meilleure Première Oeuvre: "Persépolis", de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud.

-Meilleur Jeune Espoir Masculin: Jocelyn Quivrin pour "99 F." de Jan Kounen (outsider: Laurent Stocker pour "Ensemble, c'est tout" de Claude Berri).

-Meilleur Jeune Espoir Féminin: Hafsia Herzi pour "La Graine et Le Mulet" d'Abdellatif Kechiche.

-Meilleur Film Etranger: "La Vie des Autres", de Florian Henckel von Donnersmarck (Allemagne) (outsider: "4 Mois, 3 Semaines et 2 Jours", de Cristian Mungiu (Roumanie) ).


Voila, les jeux sont faits, à dans un mois pour de bien rigoler d'un bon coup...


(* pour la liste des nominations aux Oscars c'est ici et pour les Césars c'est ).


Land of Hope?

"It's a Free World" de Ken Loach (UK); avec Kierston Wareing, Juliet Ellis, Leslaw Zurek, Joe Siffleet, Colin Coughlin, Raymond Mearns...

Pour avoir giflé un collègue un peu trop entreprenant, Angie se fait virer de l'agence de recrutement qui l'employait jusqu'alors. Elle décide donc de faire équipe avec Rose, sa colocataire, afin de lancer sa propre petite entreprise... Spécialisée dans l'embauche et le placement de main d'oeuvre, essentiellement originaire d'Europe de l'Est.

Ce qui frappe tout d'abord avec ce nouvel opus du vétéran Ken Loach (72 ans aux prunes) outre l'énergie et le punch étonnant dont il fait preuve, c'est le fait que, pour la première fois peut-être dans sa longue et florissante carrière, il s'intéresse au point de vue des exploiteurs plutôt qu'à celui des exploités.

Ouais... Enfin... Quoi que...

Si on y regarde de plus près, ce n'est peut-être pas aussi vrai que cela...

Car ce à quoi s'attache Loach, c'est plutôt à suivre le parcours de cette jeune femme qui, de victime, va insensiblement se transformer en bourreau.

En ce faisant, il livre un état des lieux édifiant de la déliquescence de la société actuelle qui pousse implacablement à l'exploitation des pauvres par les pauvres.
Une sombre et rèche radiographie d'une société à la dérive tant d'un point de vue économique que social.

Car la première force du film, l'intelligence de Loach et de son scénariste habituel, Paul Laverty, c'est bien de ne pas juger mais de simplement montrer.
De montrer le mécanisme désespérant qui réveille l'égoïsme de l'héroïne jusqu'à la pousser à commettre des actes qui vont à l'encontre de sa nature même... Qui lui donne des alibis infâmes pour la pousser à faire ce qu'elle fait. Qui la force à tout crin à ne faire que des mauvais choix. Et qui ne lui donne d'autre occasion que d'être actrice de sa propre destruction.

Doublé d'un splendide portrait de femme (incroyablement interprétée par l'inconnue Kierston Wareing) et mené tambour battant, absolument sans temps mort, par son réalisateur, "It's a Free World", film d'un clacissisme formel totalement en accord avec le sujet qu'il traite, réveille à la fois la bonne et la mauvaise conscience du spectateur en le poussant tour à tour à aimer et à détester sa principale protagoniste dans une succession de scènes aussi fortes que pertinentes.

Bien entendu d'un vérisme sidérant (ce qui est depuis toujours la force du cinéma de Ken Loach) le film culmine dans une cavalcade finale qui le fait se transformer soudainement en une sorte de "thriller social" plus noir que noir, avant de se refermer, d'un coup, comme il avait commencé, bouclant la boucle, jusqu'au bout du désespoir.

A son meilleur, au sommet de sa forme et maitrisant totalement son sujet, Loach livre ici un film radical, bouleversant et terrifiant à la fois.
Un film juste touchant et dur.
Touchant par ce qu'il nous montre du monde qui nous entoure.

Et dur parce qu'il nous met brutalement face à nos propres contradictions.

Face à nous mêmes...

Côte: ***


mercredi 23 janvier 2008



Nous sommes des babas!

"Into the Wild" de Sean Penn (USA); avec Emile Hirsch, Kristen Stewart, William Hurt, Catherine Keener, Vince Vaughn, Marcia Gay Harden...

Issus d'une famille bourgeoise et tout juste diplômé, le jeune Christopher McCandless tourne le dos à une existence toute tracée et, après avoir brûlé ses papiers et fait don de son argent à une association caritative, prend la route en laissant tout derrière lui...

Eh bien, eh bien, eh bien!

La principale surprise génerée par le nouveau Sean Penn sera sans doute de m'avoir fait aimer une histoire et - par delà - un film qui, quasiment du début à la fin, fleure bon le patchouli, la coolitude et les vieux tubes de Canned Heat...
Toutes choses que je n'apprécie généralement que très moyennement, il faut bien le dire...

Construit comme une sorte d'expérience sensorielle ultime, "Into the Wild", film dont toute l'énergie semble concentrée dans une gigantesque fuite en avant, tendue vers son but ultime et fatidique, séduit tant par la force de son propos que par la naïveté touchante avec laquelle il est conté.

A l'image de son protagoniste, dont le jusqu'au-boutisme confinant au fanatisme peut parfois exaspérer, le film est à la fois enthousiasmant et énervant. Grisant, parfois, captivant, souvent, mais aussi rugueux, instable et inégal.
Bref, infiniment humain et attachant.
Tout comme son auteur, en fait, dont le portrait de franc-tireur en marge des canons hollywoodiens se dessine en filigrane.

L'une des grandes réussites du réalisateur c'est que, tout du long de ce film au sujet casse-gueule et à la durée très peu commerciale il ne se regarde jamais filmer. Et ce, malgré le fait qu'il nous livre ici une oeuvre visuellement sublime et totalement élégiaque.

La nature, toute la variété des paysages américains sont ici sublimés par une photo magnifique et une réalisation souple et discrète sans que jamais on ne se perde en plans-séquences contemplatifs et creux.

La structure, enfin, qui combine flash-backs du voyage et séquences retraçant les derniers moments de McCandless dans le fameux "magic bus" où il finira malheureusement ses jours, termine de rendre ce voyage initiatique âpre et passionnant.

Un film ambitieux, donc, qui ne manque pas de souffle et au milieu duquel se distingue la performance étonnante du jeune Emile Hirsch, présent dans chacun des plans et totalement investit par son rôle.

Une oeuvre magnifique, bien qu'inégale, encore une fois très à l'image de son auteur, où planent les fantômes de Kerouac et Jack London et qui culmine dans une scène finale véritablement hallucinante (dans tous les sens du terme) qui vous laisse pantelant et vous fait sortir de là avec des envies de grands espaces.

Ben ouais, qu'est-ce que je vous disais?

Sacré Sean Penn, quand même... Il m'a bien eu!


Côte: ***


Die Young, Stay Pretty!

Quand un acteur de 79 ans, fût-il aussi attachant et talentueux que Michel Serrault, passe l'arme à gauche, c'est triste mais c'est somme toute dans l'ordre des choses...
Quand deux comédiens de moins de trente ans décèdent à une semaine d'intervalle dans des circonstances troubles c'est tout de suite autre chose: ça fait froid dans le dos!

Mardi dernier, le jeune Brad Renfro, découvert dans "Le Client" et vu par la suite dans des oeuvres telles que "Sleepers", "Ghost World", "Bully" ou "Un Elève Doué" était retrouvé mort dans son appartement... Les causes de la mort n'ont pas été révelées mais le garçon avait un passé agité, ayant été plusieurs fois arrêté pour possession d'héroïne, tentative de vol, conduite en état d'ivresse...

Et voila donc qu'hier, c'est au tour du beaucoup plus médiatique Heath Ledger ("The Patriot", "A l'Ombre de la Haine", "Chevalier", "Les Frères Grimm" et surtout "Le Secret de Brokeback Mountain") d'être retrouvé chez lui, à Manhattan, passé de vie à trépas des suites d'une overdose médicamenteuse. On parle déjà de suicide...

Le premier avait 25 ans, le second 28...

Quel que soit le taux de sympathie que nous inspiraient ou non ces deux jeunes garçons, une chose est sûre: mourir à ces âges-là, ça fout les boules!

Et pas qu'un peu...

jeudi 10 janvier 2008



La gloire de son père...

"La Clef" de Guillaume Nicloux (F); avec Guillaume Canet, Marie Gillain, Jean Rochefort, Vanessa Paradis, Thierry Lhermitte, Josiane Balasko...

Eric Vincent, trentenaire sans histoire voit soudainement sa vie basculer lorsqu'il reçoit un coup de fil d'un inconnu prétendant vouloir lui donner des nouvelles d'un père qu'il n'a jamais connu.
D'abord réticent, il finit par accepter de rencontrer son interlocuteur...

Après la paranthèse désastreuse que fût l'adaptation du "Concile de Pierre" de Grangé, Guillaume Nicloux est de retour en terrain beaucoup plus connu avec la troisième - et forcément dernière - partie de sa trilogie policière, amorcée avec "Une Affaire Privée" et prolongée avec "Cette Femme-Là".
Un univers glauque et retors, labyrinthesque et dépressif (pour ne pas dire "déprimant", même) qui fait le bonheur de ses fans, dont je suis, je n'en fais pas mystère.

D'entrée de jeu, il faut bien avouer que c'est le moins bon des trois...
Ce qui n'en fait pas pour autant un mauvais film, que du contraire!

On y retrouve toute l'ambiance anxiogène des deux précédents mais en moins flippant (surtout que dans "Cette Femme-Là".)
On y retrouve aussi toute l'humanité larvée qui faisait le véritable sel d' "Une Affaire Privée".
Là aussi, un ton légèrement en dessous, malheureusement.
Et c'est bien là le principal problème du film: cette filiation est tellement évidente - renforcée par la présence au générique des principaux protagonistes des deux opus précédents, interprétés par Lhermitte et Balasko - que l'on ne peut s'empêcher de faire la comparaison.

Mais si l'on prend le film pour ce qu'il est, c'est à dire certainement pas pour une suite (les intrigues sont totalement différentes et il n'est vraiment pas nécéssaire d'avoir vu les deux autres pour comprendre) on se retrouve face à un objet singulier et totalement passionnant.

Encore que n'attaquant pas forcément là où on l'attend.

Certes, l'intrigue est délicieusement alambiquée - voire complètement tirée par les cheveux - au point même qu'il est difficile de la dénouer totalement en une seule vision.
L'ambiance, désespérante de noirceur vous entraine implacablement dans les méandres d'une histoire d'autant plus complexe qu'elle est constituée de trois intrigues distinctes qui finissent par s'entremêler - ou pas! - et que l'action de l'une d'elle se situe carrément trente ans en arrière.
Il faut d'ailleurs à ce titre saluer la finesse du montage qui réussit à fluidifier l'ensemble, ce qui n'est vraiment pas une mince affaire.

Et puis la violence, parfois extrèmement "graphique", est comme toujours omniprésente.

Mais c'est ailleurs, dans les zones d'ombre de l'histoire et les félures de ses protagonistes, que se situe tout l'intérêt du film.
Réflexion sur la - ou "les" - notion(s) de paternité et d'héritage, "La Clef" tire sa force des atermoiements de son personnage principal (Canet, très convaincant) confronté au retour d'un père qu'il avait finalement choisi d'oublier et ce alors qu'il est lui-même sur le point d'avoir un enfant.

Le choix qu'il fait de finalement s'impliquer dans cette recherche de la vérité - mais qu'elle vérité? - quitte à s'enferrer dans des situations ambiguës et à mettre en danger ceux qui l'entourent ainsi que les univers sombres et poisseux dans lesquels ils s'enfonce font toute la force de ce polar atypique.

Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la fin, ou l'intrigue est enfin résolue, est moins intéressante que le parcours qui nous y a mené.

Servi par une distribution de complets contre-emplois (Gillain, Rochefort, Paradis, Balasko, tous parfaits, avec une mention spéciale à Lhermitte, sidérant en privé totalement en bout de course) et une réalisation plus subtile qu'il n'y parait à première vue, "La Clef", malgré son caractère éminemment embrouillé et parfois un peu bancal, distille un malaise suffisament pregnant pour que sa vision vous hante pendant bien longtemps.

Plus longtemps qu'on ne le voudrait vraiment, peut-être...


Côte: **

lundi 7 janvier 2008



Reviens, veux-tu...

"Gone Baby Gone" de Ben Affleck (USA); avec Casey Affleck, Michelle Monaghan, Ed Harris, Morgan Freeman, Amy Ryan, Mark Margolis...

Dans la banlieue de Boston, la petite Amanda a disparu.
Suite à l'échec des recherches policières, l'oncle et la tante de l'enfant font appel à un couple de détectives privés; Patrick Kenzie et Angie Gennaro...

Ah ah! Voici donc enfin - roulez tambour! - la chronique du dernier film que j'aie vu en 2007.
Il y a plus d'une semaine, donc on va essayer de rassembler ses souvenirs pour trouver quoi en dire... Hum...

Après "Mystic River" et en attendant le "Shutter Island" que nous prépare Scorsese, c'est donc à une autre adaptation d'un bouquin de Dennis Lehane, auteur décidément très à la mode, à laquelle nous avons affaire ici.
La première, néanmoins à aborder ses deux personnages fétiches, Kenzie et Gennaro, héros de pas moins de cinq de ses romans.

Et si ce n'est pas la merveille annoncée et attendue, c'est en tout cas à un très bon premier film, un polar solide et captivant auquel nous avons affaire ici.
Un film dont le moindre des intérêts n'est certes pas de nous faire découvrir que, s'il est un acteur pour le moins inégal, Ben Affleck pourrait bien se révéler être - oh! surprise! - un réalisateur avec lequel il faudra (peut-être) compter à l'avenir.

Bien entendu, ce premier opus, un peu bancal, n'est certainement pas dénué de défauts.
Le sous-texte brasse large et le scénario, du coup, pèche un peu par excès d'ambition.
Et de bonnes intentions...
A force de vouloir mettre en lumière les débats moraux qui agitent chacuns des personnages qui traversent l'intrigue, à vouloir aborder trop de grandes questions (un pédophile vaut-il moins qu'un ravisseur d'enfants? La violence se justifie-t-elle quand on est face à des situations extrèmes? La fin justifie-t-elle forcément les moyens? Ce genre de choses...) le film finit par tomber dans le travers inhérent à pas mal de films américains: la sursignifiance, le surlignage et la moralisation à outrance...

Le casting, quant à lui, laisse pour le moins perplexe...
Le petit frère Casey, génialissime faut-il le rappeler en assassin de Jesse James dans le récent film d'Andrew Dominik, fait ici ce qu'il peut mais il n'a tout simplement pas la carrure nécéssaire pour porter son personnage.
Morgan Freeman est trop effacé en flic protecteur d'enfants.
Ed Harris est très comique à regarder mais frise en permanence le surjeu et, malheur de malheur!, la pourtant ravissante et très douée Michelle Monaghan (un mélange de Liv Tyler et de Juliette Lewis, misère!) est réduite à l'état de simple faire valoir*...

Point de vue réalisation on frise un peu la schizophrénie entre de longs dialogues et des scènes d'action dont on peut légitimement se demander si elles ont été tournées par la même personne. Et puis, les tentations artistiques ne semble pas manquer et Affleck finit par s'y vautrer avec pour résultat une série de vues aériennes de la ville de Boston aussi belles qu'elles sont totalement inutiles.

Mais l'histoire est suffisamment solide et réserve suffisamment de twists échevelés que pour que l'on s'y laisse prendre. Boston - que les frères Affleck connaissent bien pour avoir grandi dans la ville voisine, Cambridge - est filmée de manière inédite et captivante (tant qu'elle n'est pas vue du ciel), l'ambiance plus noire que noire est bien rendue et certaines scènes, comme la traque d'un pédophile dans une sordide maison de banlieue, valent franchement le détour.

Et à l'arrivée ce que l'on récolte n'est certainement pas un chef-d'oeuvre, non, mais bien un polar suffisamment solide et bien tenu que pour éveiller l'attention et faire attendre la suite avec curiosité...

Sacré Ben...


Côte: **

(* On réservera néanmoins un accueil tout particulier à la performance de la peu connue Amy Ryan, dans le rôle de la mère pas si éplorée que ça).