samedi 28 mai 2011

Roulez, jeunesse...

"Le Gamin au Vélo" de Luc et Jean-Pierre Dardenne (B); avec Cécile de France, Thomas Doret, Jérémie Renier, Fabrizio Rongione, Egon Di Mateo, Olivier Gourmet...

Cyril, bienôt douze ans, n'a qu'une idée en tête: retrouver son père qui l'a placé depuis quelques mois dans un foyer d'accueil. Un jour, il rencontre Samantha, qui tient un salon de coiffure et accepte de l'accueillir chez elle les week-ends. Mais, tout à sa quête du père, Cyril ne voit pas encore l'amour que Samantha lui porte. Et qui pourrait bien lui être utile pour apaiser la colère qui l'habite...

"Tu peux rester contre moi mais ne me serre pas si fort, tu me fais mal"...

Cette phrase, prononcée par Samantha lors de sa première brusque rencontre avec Cyril, pourrait à elle seule résumer le nouveau film des frères Dardenne et le rapport amour-haine presque inconscient qui agite ses deux principaux protagonistes.

Cyril (l'excellent Thomas Doret, évidente révélation du film), obnubilé par ce père (Jérémie Renier, très bien en salaud ordinaire, bouffé par la lâcheté, l'égoïsme et l'immaturité) dont il ne peut admettre la démission pourtant évidente, ne voit effectivement pas l'amour que lui porte Samantha (Cécile de France, au naturel) chez qui sa présence à réveillé une sorte d'instinct maternel enfoui et inattendu.

Et pourtant, lui aussi, d'une certaine façon tient à elle.
De manière un peu exclusive, d'ailleurs...

Et c'est le cheminement que le jeune garçon va suivre, agissant par tâtonnements et essais/erreurs, manquant d'ailleurs de se laisser aller - là aussi par besoin de reconnaissance - à la tentation de la petite délinquance, qui va devenir le moteur de ce nouveau film-étape dans la carrière des frères Dardenne.

Ce film que l'on a déjà trop qualifié de "solaire", qui est en quelque sorte une évolution logique de leur cinéma, surtout après "Le Silence de Lorna", que l'on pouvait déjà traiter de "charnière".

Un film fluide et évident, sans doute leur plus accessible, leur plus "grand public" à ce jour, qui réinvente leur façon de filmer tout en restant fidèle à leur style et à leurs obsessions.

Les frères Dardenne, toujours les mêmes mais en mieux, comme dirait l'autre.

Enfonçant toujours de belle manière le même clou mais en osant, par touches fines, en véritables orfèvres, rénover subtilement le décor qui les entoure.
Avec une vedette, c'est vrai.
Avec de la musique aussi (un tout petit peu mais ce n'était plus arrivé depuis "Je pense à vous").
Et surtout avec l'été, le soleil qui prouve que Seraing et les bords de Meuse peuvent être beaux, eux aussi.

Alors, certes, le sujet de ce huitième long est toujours grave.

Mais il est abordé avec une énergie et un optimisme salvateur.
Et - livré sans temps morts, plié qu'il est en moins d'une heure trente - le film, qui se permet le luxe de n'aborder ni les rivages du pathos (qui a dit que le cinéma des Dardenne était misérabiliste ?) ni ceux de la psychologie vasseillante, s'éloigne de tout discours "édifiant" pour provoquer une émotion d'autant plus franche que l'on s'approche ici de l'épure.

Au total, outre un énième prix cannois finalement bien mérité, un film d'une fluidité et d'une évidence rare qui, à l'image de leur boîte de prod', "Les Films du Fleuve", semble couler de source.

Un film sur les liens qui se nouent et se dénouent, toujours en mouvement à l'image de son jeune héros.
Un film qui s'ouvre au monde, à l'image de ses auteurs.

Enfin, pourrait-on dire... Enfin.

Cote: ***

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