Les Racines du Mal.
"Le Ruban Blanc" (Das Weisse Band) de Michael Haneke (AUT); avec Ulrich Tukur, Susanne Lothar, Christian Friedel, Leonie Benesch, Burghart Klaussner, Ursina Lardi...
La vie d'un village protestant du nord de l'Allemagne à la veille de la Grande Guerre, de l'été 1913 à l'été 1914. Et celles d'enfants ployant sous la férule de leurs aînés. Après que le docteur local ait été victime d'un étrange "accident" de cheval, une série d'incidents ont lieu, qui prenne peu à peu l'aspect d'un curieux rituel d'expiation. Qui se cache derrière tout ça ? Et, surtout, qu'est ce qui se cache derrière l'aspect respectable des notables du village ?
Deux heures trente de Michael Haneke !
Une espèce de climax permanent, un condensé de son oeuvre où culminent toutes ses préoccupations, toutes ses marottes, le tout transcendé formellement par un technicien - car Haneke n'est pas seulement un penseur, un intellectuel, un philosophe, c'est aussi un esthète et un artiste, au sens "plastique" du terme - de toute première bourre.
Voila, brossé à grands traits, ce qu'est de prime abord "Le Ruban Blanc", Palme d'Or au dernier Festival de Cannes (pour ceux qui auraient un bon métro de retard).
Alors, évidemment, oui, autant le dire tout de suite, un film comme ça, ça se mérite.
Ca ne se regarde pas comme le dernier Dany Boon (malgré tout le respect que je puisse avoir pour l'auteur des "Ch'tis", là n'est pas la question).
C'est vrai, après tout, autant être prévenu, de peur sinon de passer peut-être à côté d'un chef-d'oeuvre: mieux vaut ne pas aller voir ça après le boulot, en étant légèrement fatigué, dépressif ou affligé d'un léger mal de tête.
Non.
Vaut mieux être en forme, attentif et concentré !
Parce que voila bien un film - c'est d'ailleurs une constante dans l'oeuvre de Haneke mais c'est particulièrement vrai ici - qui met le spectateur à contribution.
Qui demande réflexion.
Qui ne lui met pas la pape en bouche, comme on dit.
Qui pose des questions.
Et qui, là aussi c'est habituel chez l'autrichien, ne donne pas forcément toutes les réponses.
C'est plutôt un film qui ouvre des portes. Qui donne des pistes. Qui suggère, qui aiguille... Torture. Malaxe.
Et qui fait finalement, un peu comme chez David Lynch mais avec des moyens totalement différents, délicieusement pédaler nos petits cerveaux dans la semoule.
Un film qui montre sans expliquer, qui fournit des hypothèses et qui, en fin de compte, laisse à tout un chacun la possibilité de se forger sa propre opinion. Au risque de perdre l'un où l'autre spectateur en route et, forcément, de paraître quelque peu... hermétique...
Un film austère, froid, cérébral.
Trop, peut-être.
Et c'est sans doute là un de ses seuls défauts...
A force de vouloir trop réfléchir, on en devine les rouages et l'on perd en émotion ce que l'on y gagne en intelligence.
Mais baste, le cinéma n'est pas toujours là pour être plaisant et aimable, divertissant.
"Le Ruban Blanc" (Das Weisse Band) de Michael Haneke (AUT); avec Ulrich Tukur, Susanne Lothar, Christian Friedel, Leonie Benesch, Burghart Klaussner, Ursina Lardi...
La vie d'un village protestant du nord de l'Allemagne à la veille de la Grande Guerre, de l'été 1913 à l'été 1914. Et celles d'enfants ployant sous la férule de leurs aînés. Après que le docteur local ait été victime d'un étrange "accident" de cheval, une série d'incidents ont lieu, qui prenne peu à peu l'aspect d'un curieux rituel d'expiation. Qui se cache derrière tout ça ? Et, surtout, qu'est ce qui se cache derrière l'aspect respectable des notables du village ?
Deux heures trente de Michael Haneke !
Une espèce de climax permanent, un condensé de son oeuvre où culminent toutes ses préoccupations, toutes ses marottes, le tout transcendé formellement par un technicien - car Haneke n'est pas seulement un penseur, un intellectuel, un philosophe, c'est aussi un esthète et un artiste, au sens "plastique" du terme - de toute première bourre.
Voila, brossé à grands traits, ce qu'est de prime abord "Le Ruban Blanc", Palme d'Or au dernier Festival de Cannes (pour ceux qui auraient un bon métro de retard).
Alors, évidemment, oui, autant le dire tout de suite, un film comme ça, ça se mérite.
Ca ne se regarde pas comme le dernier Dany Boon (malgré tout le respect que je puisse avoir pour l'auteur des "Ch'tis", là n'est pas la question).
C'est vrai, après tout, autant être prévenu, de peur sinon de passer peut-être à côté d'un chef-d'oeuvre: mieux vaut ne pas aller voir ça après le boulot, en étant légèrement fatigué, dépressif ou affligé d'un léger mal de tête.
Non.
Vaut mieux être en forme, attentif et concentré !
Parce que voila bien un film - c'est d'ailleurs une constante dans l'oeuvre de Haneke mais c'est particulièrement vrai ici - qui met le spectateur à contribution.
Qui demande réflexion.
Qui ne lui met pas la pape en bouche, comme on dit.
Qui pose des questions.
Et qui, là aussi c'est habituel chez l'autrichien, ne donne pas forcément toutes les réponses.
C'est plutôt un film qui ouvre des portes. Qui donne des pistes. Qui suggère, qui aiguille... Torture. Malaxe.
Et qui fait finalement, un peu comme chez David Lynch mais avec des moyens totalement différents, délicieusement pédaler nos petits cerveaux dans la semoule.
Un film qui montre sans expliquer, qui fournit des hypothèses et qui, en fin de compte, laisse à tout un chacun la possibilité de se forger sa propre opinion. Au risque de perdre l'un où l'autre spectateur en route et, forcément, de paraître quelque peu... hermétique...
Un film austère, froid, cérébral.
Trop, peut-être.
Et c'est sans doute là un de ses seuls défauts...
A force de vouloir trop réfléchir, on en devine les rouages et l'on perd en émotion ce que l'on y gagne en intelligence.
Mais baste, le cinéma n'est pas toujours là pour être plaisant et aimable, divertissant.
Et, de toute façon, n'est-il pas aussi parfois agréable de se faire malmener de la sorte ?
Car aimable, "Le Ruban Blanc" ne l'est pas, non, qui se construit en fausse enquête, en faux suspense et qui, après une première partie intrigante, qui donne l'impression étonnante de regarder un vrai film fantastique (on pense au "Village des Damnés" original de Wolf Rilla) alors que ce n'en est évidemment pas un et qu'il n'utilise aucune ficelle du genre, révèle son vrai visage en même temps que celui de ses protagonistes.
En effet, au fur et à mesure que les façades de respectabilité s'effritent, que les non-dits de ces multiples rapports de force (prètre/ouailles, parents/enfants, nobles/paysans...) se révèlent au grand jour, que les masques tombent sans que pour autant les langues ne se délient, la vraie nature de cette société sordide, corsetée et malsainement autarcique - pour ne pas dire autiste - qui ressemble tellement à un affreux miroir de la nôtre, se dévoile dans toute son horreur glauque, nous laissant tétanisés, sans voix et à bout de souffle.
Et c'est là que Haneke réussit son coup !
En nous donnant le vertige avec ce qu'il nous laisse à voir et surtout avec ce qu'il ne dit et ne montre pas , ce qu'il nous cache.
Avec sa violence d'autant plus implacable qu'elle reste confinée derrière des portes closes.
Avec ses partis pris radicaux, son absence d'explication.
Avec la beauté formelle presque déchirante de ce "Ruban" dont aucun plan n'est laissé au hasard, où tout est d'une beauté suffocante, où la neige immaculée autant que la lumière des moissons transcendent le drame, la terreur larvée, la métaphore implacable de la Bête Immonde déjà là, en germe, dans cette société en pleine déliquescence derrière son apparente rigueur et sa prétendue quiétude.
Avec cette oeuvre fleuve et monstre à la fois, Michael Haneke nous met à nu et ne signe rien de moins que son meilleur film depuis "Funny Games".
Ainsi qu'un chef-d'oeuvre glâcé garanti 100 % pure pierre de taille.
A l'ancienne.
A la dure.
Cote: ****
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire