mardi 24 novembre 2009


Qu'est-ce qu'on attend ?

On continue sur cette lancée pré-2010 ?
Allez, oui, dites, on continue !

En numéro 2 ...

Et pourquoi en numéro 2, d'ailleurs ? Qui a dit qu'il y avait un ordre, un concours... une gradation ???

Merde alors !

Donc, en numéro deux et sans raison précise (jamais !):

- "La Route" (The Road) de John Hillcoat (USA); avec Viggo Mortensen, Charlize Theron, Guy Pearce, Molly Parker, Robert Duvall, Garret Dillahunt...

+ Pourquoi on l'attend ?

Parce que c'est adapté d'un roman de Cormac McCarthy, bredin !!!! L'un des quatre plus grands auteurs américains vivants ! Cité cette année sur la short-list pour le prix Nobel ! Auteur de "No Country for Old Men " !!!! Ca te va comme références ?

Et avec Viggo Mortensen, Charlize Theron et même ce vieux briscard de Robert Duvall...

Quoi ????

Quoi ?

Ben la musique est signée Nick Cave et Warren Ellis... Il te faut quoi après ça ?


+ Pourquoi on balise ?

Parce qu'à part le Coen, McCarthy et le cinéma ("De si jolis chevaux")... ben... wech...

Parce que le John Hillcoat, malgré son amitié avec Nick Cave (auteur de pas mal de scénarios de ses films et de quasi toutes ses musiques, parfois acteur, en plus), ben il a signé essentiellement des films qui ont finis en "direct-to-video"...

Et c'est pas un bon signe, non plus...

Parce que le bon Viggo est plus qu'un acteur rare... Il est un acteur volatil. Pour le moins...

Parce que le bouquin est génial et que le film est parait-il hyper fidèle ! Oui, sauf qu'en l'espèce, adapté tel quel ça risque d'être un peu... Comment dirais-je ?... Chiant ? Ouais, enfin, faut voir. Le média est pas le même. (hum...)

Bref !
+ Verdict ?
27/01/2010

dimanche 22 novembre 2009



La surprise est à l'intérieur...

"The Box" de Richard Kelly (USA); avec Cameron Diaz, James Marsden, Frank Langella, James Rebhorn, Holmes Osborne, Celia Weston...

1976. Tout n'est pas au beau fixe dans la vie de Norma et Arthur Lewis. Elle, enseignante, viens d'apprendre que l'école refusait la bourse d'études de son fils et lui, ingénieur sous-payé à la Nasa, qu'il avait échoué aux tests pour devenir astronaute... Quand, un beau jour, une mystérieuse boîte est déposée sur le pas de leur porte... Quelques temps plus tard, le couple reçoit la visite du tout aussi étrange Arlington Stewart qui leur propose un deal simple et limpide: appuyez sur le bouton rouge de la boîte et vous recevez un million de dollars... Et une personne que vous ne connaissez pas, quelque part dans le monde, meurt.

Adapté d'une nouvelle de Richard Matheson (celui de "Je suis une légende", oui), "The Box" souffre essentiellement d'un problème de longueur - dans tous les sens du terme.

Comment, en effet, arriver à tirer un film de près de deux heures à partir d'un texte qui, lui, court sur à peine dix pages (et avait, de ce fait, inspiré déjà un excellent épisode de "La Quatrième Dimension", nouvelle formule) ?

Eh bien, Richard Kelly (of "Donnie Darko" 's fame !) n'a pas résolu le problème et donc, il dilue.

On s'en rend compte d'entrée de jeu, d'ailleurs: une fois posé le problème de base, comment va-t-il faire pour un tirer un long métrage ?

En étendant, en étirant à l'envi !

Et donc c'est vrai, oui, le film souffre de l'une ou l'autre... longueur...

Mais, heureusement, c'est bien là son seul défaut (ou presque, allez).

Pour le reste, le moins que l'on puisse dire c'est qu'il nous réserve son lot de surprises !

Tout d'abord sur sa nature elle-même...

J'étais personnnellement persuadé d'aller voir un film d'horreur (conforté en cela par la bande-annonce, d'ailleurs). Et v'la-t-y pas que je me retrouve devant un film de S.F. !
Et pas n'importe quelle S.F., s'il-vous-plait !
De la pure et dure, à l'ancienne, qui fleure bon le flip et la parano !
Comme on en faisait dans les années 50-60, en pleine Guerre Froide.
Dans laquelle les extraterrestres étaient comme autant de métaphores de la menace communiste.

Bon, oui, rien de tout cela vraiment ici, époque oblige (quoi que, tiens...). Mais on pense en effet beaucoup à des films tels que "Le Village des Damnés" (encore lui !) ou surtout "L'Invasion des Profanateurs de Sépultures" (l'original de Don Siegel. Quoi que... ça marche aussi avec le remake de Philip Kaufman...).

Tout y est !: l'ambiance délicieusement paranoïaque, la menace sourde, s'imisçant dans la vie quotidienne, la théorie du complot (dans laquelle on va ici jusqu'à embringuer la Nasa), le côté "seul contre tous" (au mieux les autres nous prennent pour des fous, au pire ils font partie de l'affaire)...

Jusqu'à la réalisation, précise, froide, presque clinique (la photo, en particulier, est glaçante).

Le film multiplie également les références, les citations, voire les clins d'oeil plus ou moins appuyés (la scène de la bibliothèque, très réminiscente de "L'Invasion...", justement) et nous réserves suffisament de retournements de situation pour nous tenir en haleine jusqu'au bout, agrippés à notre fauteuil - voire debout dessus ! - ce qui n'était, au départ, pas la moindre des gageures...

Alors, oui, au-delà des longueurs, du petit ventre mou du film, il y a aussi ici et là l'une ou l'autre maladresse (des effets spéciaux foireux rajoutés plic ploc pour faire bonne mesure et en remettre un couche du point de vue purement spectaculaire).

Mais l'histoire en elle-même, son sous-texte solide (on ne cite pas Sartre pour rien), les twists incessants, le tout bien aidé, il faut le dire, par l'interprétation (Diaz dans peut-être son meilleur rôle EVER et Langella formidable, comme d'hab') sont là et bien là pour nous emmener vers un climax tendu, dramatique et finalement très étonnant pour un film de genre, particulièrement américain (bon, c'est pas "The Mist" non plus, faut pas exagérer, mais quand même...).

Reste à déplorer, peut-être, la lecture "biblique" et très manichéenne - très "américaine" aussi, celle-là, pour le coup - que Kelly fait de l'histoire, la transformant en une espèce de relecture binaire du mythe d'Adam et Eve où c'est toujours la femme "qui à fait la boulette"...

Mais après tout, et pour une fois, c'est la somme de toutes ces choses qui fait de "The Box" ce qu'il est: une série B intelligente et troublante, passionnante à défaut d'être totalement maîtrisée.

Un beau petit film "malade", en somme.

Et c'est très bien aussi, les films malades, non ?

Ca a au moins le mérite de ne pas aller forcément là où on les attend...

Et ça, hein...


Cote: ***


samedi 21 novembre 2009


La santé par les plantes.

"Les Herbes Folles" d'Alain Resnais (F); avec André Dussollier, Sabine Azéma, Mathieu Amalric, Anne Consigny, Michel Vuillermoz, Emmanuelle Devos...

A la sortie d'un magasin, Marguerite se fait voler son sac. Le voleur se débarasse de son portefeuille en le jettant dans un parking voisin. Georges, qui passait par là, le ramasse. A partir de cette anecdote anodine, leur vie et celles de ceux qui les entourent va se trouver sensiblement chamboulée... Pour ne pas dire bouleversée.

Voila donc la bonne nouvelle du mois: le nouveau Resnais est une vraie réussite !

Pour une fois conforme à l'habituelle avalanche de louanges qui entoure la sortie de chaque nouveau film du fringant octogénaire.

Oui, "Les Herbes Folles", après le presque pitoyable "Coeurs" et le moyen "Pas sur la bouche", est une comédie fraîche et presque primesautière, doublée d'une étude de moeurs finement écrite et très habilement réalisée.

Oh, bien sûr, il y a encore quelque chose d'un peu daté dans le cinéma de Resnais.
D'un peu précieux et figé, surtout au niveau des dialogues, parfois trop écrits.
Mais cette fois-ci - contrairement aux précédentes livraisons où ce trait était tellement forcé que l'oeuvre finissait par en paraître vieillotte, presque dépassée - ce n'est pas du tout (ou preque pas du tout, allez) gênant.

Que du contraire, cet aspect un petit peu poseur, théatral, finit paradoxalement par renforcer le capital sympathie du film.

Dame ! C'est que le Monsieur à 87 ans, quand même ! Excusez du peu !

Difficile à cet âge presque canonique de surfer sur la vague du modernisme et de kiffer la vibe comme pourraient le faire certains de ses collègues, beaucoup plus jeunes que lui...

Donc, quand ce maniérisme somme toute "normal" n'est, comme ici, pas trop forcé, il peut se transformer en atout.

Dingue, non ?

D'autant plus dingue que ce n'est évidemment pas le seul intérêt et la seule force du film.

Son scénario, à la petite mécanique presque diaboliquement écrite, en est un autre.

Tout comme la finesse, la précision et l'intelligence avec lesquels sont caractérisés tous les personnages (particulièrement les deux principaux dont les différentes névroses servent admirablement la narration) et la manière dont ils interagissent.

A ce titre, l'interprétation, uniformément impeccable - de Dussollier, magistral en quasi-psychopathe maniaque du contrôle, à Emmannuelle Devos en passant par Amalric ou le toujours formidable Michel Vuillermoz - est évidemment primordiale et rajoute également beaucoup au plaisir que l'on prend à la vision du film.
Les habitués savent ce qu'ils ont à faire et le font très bien et les petits nouveaux (Duvauchelle, Forestier, Annie Cordy, Anne Consigny...) se coulent dans le moule avec une souplesse indéniable.

Et la réalisation, très inspirée, avec ses partis pris tant esthétiques (les halos de lumière, le photo très "wongkarwaïesque" et l'inévitable rue de Paris soigneusement reconstituée en studio) que narratifs (la voix-off qui palie formidablement à la quasi absence de dialogues du début du film) emballe magnifiquement le tout.

Alors oui, on peut dire que, l'un dans l'autre, en ressassant les vieilles obsessions cinématographiques de son auteur sur un ton faussement badin, "Les Herbes Folles" offre le spectacle d'un réalisateur au somme de sa forme et de son art.

Un vrai jeune homme, en quelque sorte...


Cote: ***

jeudi 19 novembre 2009



Le petit de Jeunet était bon !*

"Micmacs à Tire-Larigot" de Jean-Pierre Jeunet (F); avec Dany Boon, Julie Ferrier, André Dussollier, Yolande Moreau, Jean-Pierre Marielle, Marie-Julie Baup...

Alors qu'une mine explosant dans le désert marocain l'a rendu orphelin, une balle perdue, des années plus tard, est venue se loger dans son cerveau, lui faisant perdre boulot et logement, le rendant S.D.F. et menaçant de le faire mourir à tout instant. Bazil a de quoi avoir une dent contre les armes et ceux qui les fabriquent. Recueilli par une bande d'excentriques chiffonniers-ferrailleurs et tombé par hasard sur les responsables de ses malheurs - deux marchands d'armes aussi voisins que concurrents - il décide de se venger...

"Petit" film, donc, si l'on veut, que cette dernière livraison du maniaque et parcimonieux Jean-Pierre Jeunet.

Mais, rassurons-nous d'emblée, même si ce nouvel effort sonne un petit peu plus creux, léger et volatil que ses deux solides prédécesseurs, (laissons "Alien - La Résurrection", trop atypique, en dehors de tout ça) le plaisir que l'on prend à le regarder n'en reste pas moins - plus ou moins - intact...

Un plaisir de gamin, bien sûr, parce que c'est bien là ce dont il s'agit.

Jeunet , malgré son côté appliqué et perfectionniste, n'en reste pas moins un grand enfant.
Et ses films sont finalement à son image: de gigantesques magasins de jouets dans lesquels il fait bon flâner et s'émerveiller, ouvrant des yeux stupéfaits devant tant de trouvailles, de détails ludiques, tour à tout drôles ou émouvants.

Le problème, évidemment, c'est que le système - car il faut bien parler de "système" Jeunet - a ses limites.

Et qu'il commence singulièrement à les montrer ici.

Parce que, passé une séquence pré-générique interminable et qui laisse augurer du pire, tout se met un peu trop facilement et logiquement en place.

On retrouve ses marques, certes.

Un peu trop et de manière par trop évidente.
Et c'est à la fois là où le bât blesse... et ce qui fait... Peut-être pas l'intérêt du film... Mais ce qui en définit le potentiel, la somme de plaisir que l'on en tire.

Car plaisir il y a, fort heureusement.

Et pas qu'un peu !

La technique Jeunet, bien rôdée, fonctionne au quart de tour et avance implacablement, telle une machine de guerre.
Une machine aux rouages très - trop ? - bien huilés.
Une machine qui marche comme d'habitude grâce à des gimmicks.

Ou plutôt UN gimmick. Un peu gadget, mais efficace.

Après la narration en voix off, les "j'aime/j'aime pas" ou la présentation stéréotypée des personnages (dans les précédents opus); place ici aux petites constructions mécaniques faites de bric et de broc (d'où l'importance de la communauté de chiffonniers-récupérateurs autour de laquelle tourne l'intrigue).

C'est simple comme bonjour et en même temps sidérant de roublardise: dans une logique de ligne claire, à partir du moment où Bazil décide de se venger de ceux qu'il tient pour responsable de l'échec de sa vie et où le reste de l'équipe accepte de l'aider, "Micmacs..." n'est plus qu'une succession de petites saynettes aimablement redondantes au cours desquelles la bande de pieds nickelés met au point autant de "stratagèmes" (cfr. "Amélie Poulain"), aidés en cela par leur habileté de bricolos (de petites constructions dans l'esprit du jeu "Attrape-Souris", en gros).

Et tout s'enchaîne; une chose en entraînant une autre jusqu'au climax final, rigolo à défaut d'être vraiment surprenant.

Mais le pire, c'est que ça marche !

C'est simple, ça va droit au but, c'est ludique, amusant, émouvant, surprenant...

Bref, ça vous cueille avec une facilité déconcertante !

Reste, évidemment, que, pour le reliquat de la chose, c'est un peu trop sans surprises.

L'emballage, sublime (c'est aussi pour ça qu'on va voir un Jeunet, après tout), déroule un sépia de bon aloi, une direction artistique rétro-futuriste sans accroc et un défilé de tronches idoines, tels qu'on les voit depuis "Delicatessen".

Le scénario, en dehors de ces trouvailles "techniques", tient sur une feuille de papier à cigarettes.
Le discours de fond, avec son sempiternel côté "c'était mieux avant", est un peu lénifiant, voire gentiment réac. Les citations (y comprit celles de Jeunet envers son propre cinéma) trop entendues...

Et les dialogues roulent, oui, mais un peu trop, comme toujours à l'affut du bon mot, avec leur petit air de citer Audiard sans y toucher...

Mais enfin, hein, après tout, même si on espère de plus en plus que Jeunet aie enfin le courage de sortir pour voir le monde (c'est déjà un petit peu plus le cas ici que dans ses précédents films), on trouve ici ce que l'on est venu chercher, non ?

En tout cas, le contenu est en tout point identique à ce qu'il y avait écrit sur la boîte.

Et comme, ce serait idiot de ne pas en parler, l'interprétation - des habitués Pinon, Dussollier, Moreau aux petits nouveaux (Dany Boon, bien sûr, mais surtout Julie Ferrier et Marie-Julie Baup) - vient de manière générale relever la qualité de l'ensemble, il n'y a, au final, aucune raison de bouder son plaisir.

Si ce n'est à espérer qu'à l'avenir Jean-Pierre Jeunet fasse preuve d'un peu plus de témérité.

Et ose enfin se frotter à de nouveaux univers.

Et au Grand Vilain Monde !


Cote: ***

(*Copyright: Mobu one/2009)

mardi 17 novembre 2009



Les Racines du Mal.

"Le Ruban Blanc" (Das Weisse Band) de Michael Haneke (AUT); avec Ulrich Tukur, Susanne Lothar, Christian Friedel, Leonie Benesch, Burghart Klaussner, Ursina Lardi...

La vie d'un village protestant du nord de l'Allemagne à la veille de la Grande Guerre, de l'été 1913 à l'été 1914. Et celles d'enfants ployant sous la férule de leurs aînés. Après que le docteur local ait été victime d'un étrange "accident" de cheval, une série d'incidents ont lieu, qui prenne peu à peu l'aspect d'un curieux rituel d'expiation. Qui se cache derrière tout ça ? Et, surtout, qu'est ce qui se cache derrière l'aspect respectable des notables du village ?

Deux heures trente de Michael Haneke !

Une espèce de climax permanent, un condensé de son oeuvre où culminent toutes ses préoccupations, toutes ses marottes, le tout transcendé formellement par un technicien - car Haneke n'est pas seulement un penseur, un intellectuel, un philosophe, c'est aussi un esthète et un artiste, au sens "plastique" du terme - de toute première bourre.

Voila, brossé à grands traits, ce qu'est de prime abord "Le Ruban Blanc", Palme d'Or au dernier Festival de Cannes (pour ceux qui auraient un bon métro de retard).

Alors, évidemment, oui, autant le dire tout de suite, un film comme ça, ça se mérite.
Ca ne se regarde pas comme le dernier Dany Boon (malgré tout le respect que je puisse avoir pour l'auteur des "Ch'tis", là n'est pas la question).

C'est vrai, après tout, autant être prévenu, de peur sinon de passer peut-être à côté d'un chef-d'oeuvre: mieux vaut ne pas aller voir ça après le boulot, en étant légèrement fatigué, dépressif ou affligé d'un léger mal de tête.

Non.

Vaut mieux être en forme, attentif et concentré !

Parce que voila bien un film - c'est d'ailleurs une constante dans l'oeuvre de Haneke mais c'est particulièrement vrai ici - qui met le spectateur à contribution.
Qui demande réflexion.
Qui ne lui met pas la pape en bouche, comme on dit.
Qui pose des questions.
Et qui, là aussi c'est habituel chez l'autrichien, ne donne pas forcément toutes les réponses.

C'est plutôt un film qui ouvre des portes. Qui donne des pistes. Qui suggère, qui aiguille... Torture. Malaxe.
Et qui fait finalement, un peu comme chez David Lynch mais avec des moyens totalement différents, délicieusement pédaler nos petits cerveaux dans la semoule.

Un film qui montre sans expliquer, qui fournit des hypothèses et qui, en fin de compte, laisse à tout un chacun la possibilité de se forger sa propre opinion. Au risque de perdre l'un où l'autre spectateur en route et, forcément, de paraître quelque peu... hermétique...

Un film austère, froid, cérébral.

Trop, peut-être.
Et c'est sans doute là un de ses seuls défauts...
A force de vouloir trop réfléchir, on en devine les rouages et l'on perd en émotion ce que l'on y gagne en intelligence.

Mais baste, le cinéma n'est pas toujours là pour être plaisant et aimable, divertissant.

Et, de toute façon, n'est-il pas aussi parfois agréable de se faire malmener de la sorte ?

Car aimable, "Le Ruban Blanc" ne l'est pas, non, qui se construit en fausse enquête, en faux suspense et qui, après une première partie intrigante, qui donne l'impression étonnante de regarder un vrai film fantastique (on pense au "Village des Damnés" original de Wolf Rilla) alors que ce n'en est évidemment pas un et qu'il n'utilise aucune ficelle du genre, révèle son vrai visage en même temps que celui de ses protagonistes.

En effet, au fur et à mesure que les façades de respectabilité s'effritent, que les non-dits de ces multiples rapports de force (prètre/ouailles, parents/enfants, nobles/paysans...) se révèlent au grand jour, que les masques tombent sans que pour autant les langues ne se délient, la vraie nature de cette société sordide, corsetée et malsainement autarcique - pour ne pas dire autiste - qui ressemble tellement à un affreux miroir de la nôtre, se dévoile dans toute son horreur glauque, nous laissant tétanisés, sans voix et à bout de souffle.

Et c'est là que Haneke réussit son coup !

En nous donnant le vertige avec ce qu'il nous laisse à voir et surtout avec ce qu'il ne dit et ne montre pas , ce qu'il nous cache.
Avec sa violence d'autant plus implacable qu'elle reste confinée derrière des portes closes.
Avec ses partis pris radicaux, son absence d'explication.
Avec la beauté formelle presque déchirante de ce "Ruban" dont aucun plan n'est laissé au hasard, où tout est d'une beauté suffocante, où la neige immaculée autant que la lumière des moissons transcendent le drame, la terreur larvée, la métaphore implacable de la Bête Immonde déjà là, en germe, dans cette société en pleine déliquescence derrière son apparente rigueur et sa prétendue quiétude.

Avec cette oeuvre fleuve et monstre à la fois, Michael Haneke nous met à nu et ne signe rien de moins que son meilleur film depuis "Funny Games".

Ainsi qu'un chef-d'oeuvre glâcé garanti 100 % pure pierre de taille.

A l'ancienne.

A la dure.


Cote: ****
Heroes and Icons...




(Nastassja Kinski - b. 1959)


lundi 16 novembre 2009



Qu'est-ce qu'on attend ?

Alors que l'on s'achemine tout doucettement vers la fin de l'année, il est temps d'inaugurer une nouvelle rubrique qui mettra en lumière nos attentes pour 2010 (plutôt que de citer trente films en vrac lors du traditionnel Top 20).

Donc quels sont ces films et pourquoi les attend-on (enfin, moi, du moins), toutes les réponses ici avec pour commencer... (roulement de tambour)...

- "Sherlock Holmes" de Guy Ritchie (USA); avec Robert Downey Jr., Jude Law, Rachel McAdams, Mark Strong, Kelly Reilly, Eddie Marsan...

+ Pourquoi on l'attend ?

Parce que dans sa note d'intention, Ritchie dit vouloir revenir au sources du personnage créé par Conan Doyle et déjà adapté mille fois à l'écran. Ce qui est louable en soit, faut bien l'avouer.

Parce que Robert Downey Jr. est l'acteur le plus délicieusement cabotin de ces dernières années et que, après "Iron Man", on se demande vraiment ce que, dans sa démesure, il va bien pouvoir trouver à faire d'un personnage pareil.

Parce que Jude Law en Watson, j'attends de voir aussi, tiens.

+ Pourquoi on balise ?

Parce que Guy Ritchie a peut-être réalisé une paire de films sympatoches (les deux premiers, en gros), il n'en a pas moins prouvé par la suite qu'il était capable aussi des pires errances ("A la Dérive" avec son ex, bien entendu, mais aussi le pour le moins... euh ?... comment dirais-je?... ben, y a pas de mots... "Revolver").

Parce que les premières photos avec un Downey Jr. saignant et torse-poil foutent presque la trouille et laissent pour le moins perplexe quant à la note d'intention évoquée plus haut.

+ Verdict ?

Le 6 janvier prochain.


Le fond de la bouteille.

"Le Dernier pour la Route" de Philippe Godeau (F); avec François Cluzet, Mélanie Thierry, Michel Vuillermoz, Anne Consigny, Bernard Campan, Marilyne Canto...

Hervé, la cinquantaine, patron d'une agence de presse, est alcoolique et décide d'essayer de s'en sortir. Pour cela, il rentre en cure dans un centre spécialisé. Loin de sa famille, loin de la ville, loin de sa vie quotidienne, il va essayer de remonter la pente, de combattre la dépendance et de se forger une nouvelle existence.

Adapter le bouquin autobiographique de Hervé Chabalier, voilà qui n'était pas la moindre des gageures, le moindre des défis, surtout pour un néophyte...

Et pourtant, un peu à l'image de son personnage et de celui qui l'a inspiré, le producteur Philippe Godeau, pour son premier long métrage en tant que réalisateur, a décidé de se lancer avec crânerie dans cette entreprise un peu folle (pour un débutant, s'entend) et - si on était vraiment méchant on serait tenté d'écrire "évidemment" - s'y casse les dents.

Et bien, encore.

Bon...

Alors oui, bien sûr, on comprend ce qui a pu l'intéresser dans le sujet et son traitement (sobre, sans mauvais jeu de mot), on sent bien l'investissement de la part de l'équipe comme de celle des acteurs.
La sincérité.
L'engagement, presque.

Mais justement...

Paralysés devant ce sujet de société trop évident, tarte à la crème de générations de plats de nouilles télévisuels à la Jean-Luc Delarue, corseté par l'importance du sujet, la volonté de bien faire, le politiquement correct et, pour tout dire, sérieusement handicapés par le manque de bouteille (décidémment) du néo-réalisateur, tout ce beau monde s'enlise, s'encrouille et finit par accoucher d'une sorte de téléfilm fleurant bon la naphtaline et remplissant à la lettre un cahier des charges des bons sentiments pour le moins envahissant...

Parce que tous les clichés y passent, platement filmés avec une sorte d'application morne.
Du déni à la remise en question, du malaise déclencheur à la rédemption finale, de l'amourette entre le héros amorti et une jeunette forcément rebelle et auto-destructrice à l'épouse évidemment résignée et martyre, sans oublier le conflit avec le fils qui n'arrive pas à comprendre.

Ca a beau être inspiré d'une autobiographie (donc censé être vrai, laissons au moins aux auteurs le bénéfice du doute) ça fait quand même beaucoup, non ?

Si.

Et comme, une fois encore la réalisation ne suit pas, que ça manque de rythme, que ça abuse de ficelles narratives épaisses comme des câbles Belgacom (les incessants flashbacks élliptiques) ça finit même par en devenir lourd.

Pire, ce qui est vraiment dramatique avec un sujet pareil: ça n'arrive jamais, ou si peu, à émouvoir (une seule fois, en fait, lors de la mort du personnage interprêté par Michel Vuillermoz).

Et pourtant, Dieu sait que ce n'est pas faute d'essayer, oh non !

L'interprétation principale, malheureusement, suit.
François Cluzet est très bien, de manière générale, mais il devrait apprendre à pleurer de manière un petit peu plus convaincante (et comme ça pleurniche pas mal...) et Mélanie Thierry est exaspérante dans son petit numéro toujours sur le fil de l'hystérie (c'est le personnage qui veut ça, notez, mais bon...).

Restent les seconds rôles, vraiment excellents, eux.
Aux premiers rangs desquels Michel Vuillermoz, excellentissime comme à sa très bonne habitude et dont l'interprétation suffirait presque - je dis bien "presque" ! - à ce que l'on conseille d'aller voir le film.
Idem pour d'autres, d'ailleurs, tels Anne Consigny, Marilyne Canto ou l'étonnant Bernard Campan, dans un rôle à la limite du caméo.

A eux tous (auxquels il faut rajouter Lionnel Astier, celui de Kaamelott) ils arriveraient quasiment à sauver ce petit film tristounet, limite neurasthénique, de l'abîme d'ennui dans lequel il nous plonge.

Malgré son indéniable honnêteté.

Ah la la... C'est bien malheureux, tout ça, allez.



Cote: *

dimanche 1 novembre 2009


L'auberge espagnole.

"Hôtel Woodstock" (Taking Woodstock) de Ang Lee (USA); avec Demetri Martin, Imelda Staunton, Emile Hirsch, Kelli Garner, Liev Schreiber, Mamie Gummer...

1969. Elliot est décorateur et habite Greenwich Village. Traversant une mauvaise passe, il est contraint de retourner chez ses parents qui gèrent un motel dans le nord de l'état de New York. Mais l'entreprise familiale périclite elle aussi. Devenu président de la chambre de commerce locale, Elliot apprend que la ville voisine vient de refuser qu'un festival hippie soit organisé sur son territoire. Tentant le tout pour le tout, Elliot contacte les promoteurs du spectacle...

La question que l'on peut légitimement se poser à propos de Ang Lee, après tout, c'est "est-il schizophrène?".

Parce que, franchement, à ce point d'éclectisme ça commence à friser la maladie mentale, non ?

Bien sûr, on peut, en cherchant bien, trouvers des lignes conductrices à son "oeuvre" (si tant est, encore, que c'en soit une): l'homosexualité, la recherche des origines, celle de la figure paternelle, le déracinement...
Oui, bon...
Mais quoi ?

D'un film de sabre à une adaptation de comics, d'un western à Jane Austen, qui est-il? (d'où vient-il? Formidable robot des temps nouveaux. Mouarf ! Désolé, j'ai pas pu m'en empêcher).
Et surtout: que cherche-t-il à faire?
A cheval sur deux pays, deux continents et donc sur autant de cultures, de cinématographies et - par delà - de types de narrations, Ang Lee surprend toujours.
Et malheureusement sans pour autant toujours convaincre.

D'où cette impression de flottement qui, depuis toujours, surplombe toute sa filmographie.

Le résultat, c'est une impression générale de dilettantisme.
Une manière de se dire que Ang Lee, inspiré par son sujet et transcendé par ce qu'il peut en faire réalisera de bonnes choses ("Raisons et Sentiments", "Tigre et Dragon", "Brokeback Mountain", "Lust, Caution",...).
Et que, parallèlement, traitant trop le matériau de base en touriste parce que trop fasciné par l'exercice de style, il est capable de totalement laisser échapper l'enjeu, quitte à passer complètement à côté de la floche.

C'est malheureusement le cas ici, avec ce petit film gentillet, presque mignon, qui pourtant sans avoir l'air d'y toucher à comme thème principal une certaine perte de l'innocence.

A travers l'histoire de ce jeune juif trop sérieux et trop sage, étouffé par une mère castratrice et laissé pour compte par un père démissionnaire, qui se dévergonde brusquement en prenant une part décisive dans l'organisation d'un festival historique - symbole de toute une époque et de tout un mouvement - il aurait pu pour une fois toucher à quelque chose de presque universel.
Et, encore une fois, il n'y parvient pas.

Dommage...

D'autant que la forme qu'épouse sa narration, visitant Woodstock par les coulisses sans jamais l'aborder frontalement ni céder à la tentation vériste du rockumentaire (on ne voit vraiment la scène qu'une seule fois, quand tout est fini) est plus qu'intéressante, réellement intrigante.

Mais à force de vouloir courir trop de lièvres à la fois, multipliant les personnages et les points de vue sans jamais en adopter aucun de manière suivie et un tant soit peu sérieuse, en essayant de passer par tous les chemins obligés de ce genre d'exercice, quitte à sombrer dans les stéréotypes et la tarte à la crème (libération sexuelle, drogue, homosexualité, conflits familiaux, rejet de l'autorité...), Ang Lee finit par se fourvoyer totalement et par accoucher d'un film mou et confus, qui part tellement dans tous les sens sans rien creuser qu'il en devient volatil, inintéressant et malheureusement totalement oubliable.

Reste la réalisation, très fluide et maîtrisée, le montage, inventif et efficace et - de manière hélas trop irrégulière, la multiplication des personnages empêchant singulièrement la plupart d'entre eux d'exister - l'interprétation.
A ce titre, il est d'ailleurs bon de signaler la performance hallucinante et hallucinée d'Imelda Staunton, absolument sidérante dans le rôle de la mère avare, râleuse et survoltée.

Hélas, une fois de plus et pour reprendre la sempiternelle formule, la somme de toutes ce choses ne donne pas un film, ou si peu.

Car si il y a vraiment "un peu de tout" dans "Hôtel Woodstock", c'est en doses tellement infinitésimales et surtout mal équilibrées que le brouet jamais ne prend.

Alors qu'au final il reste quand même singulièrement sur l'estomac.


Cote: *