Le petit de Jeunet était bon !*
"
Micmacs à Tire-Larigot" de Jean-Pierre Jeunet (F);
avec Dany Boon, Julie Ferrier, André Dussollier, Yolande Moreau, Jean-Pierre Marielle, Marie-Julie Baup...
Alors qu'une mine explosant dans le désert marocain l'a rendu orphelin, une balle perdue, des années plus tard, est venue se loger dans son cerveau, lui faisant perdre boulot et logement, le rendant S.D.F. et menaçant de le faire mourir à tout instant. Bazil a de quoi avoir une dent contre les armes et ceux qui les fabriquent. Recueilli par une bande d'excentriques chiffonniers-ferrailleurs et tombé par hasard sur les responsables de ses malheurs - deux marchands d'armes aussi voisins que concurrents - il décide de se venger...
"Petit" film, donc, si l'on veut, que cette dernière livraison du maniaque et parcimonieux
Jean-Pierre Jeunet.
Mais, rassurons-nous d'emblée, même si ce nouvel effort sonne un petit peu plus creux, léger et volatil que ses deux solides prédécesseurs, (laissons "
Alien - La Résurrection", trop atypique, en dehors de tout ça) le plaisir que l'on prend à le regarder n'en reste pas moins - plus ou moins - intact...
Un plaisir de gamin, bien sûr, parce que c'est bien là ce dont il s'agit.
Jeunet , malgré son côté appliqué et perfectionniste, n'en reste pas moins un grand enfant.
Et ses films sont finalement à son image: de gigantesques magasins de jouets dans lesquels il fait bon flâner et s'émerveiller, ouvrant des yeux stupéfaits devant tant de trouvailles, de détails ludiques, tour à tout drôles ou émouvants.
Le problème, évidemment, c'est que le système - car il faut bien parler de "système" Jeunet - a ses limites.
Et qu'il commence singulièrement à les montrer ici.
Parce que, passé une séquence pré-générique interminable et qui laisse augurer du pire, tout se met un peu trop facilement et logiquement en place.
On retrouve ses marques, certes.
Un peu trop et de manière par trop évidente.
Et c'est à la fois là où le bât blesse... et ce qui fait... Peut-être pas l'intérêt du film... Mais ce qui en définit le potentiel, la somme de plaisir que l'on en tire.
Car plaisir il y a, fort heureusement.
Et pas qu'un peu !
La technique Jeunet, bien rôdée, fonctionne au quart de tour et avance implacablement, telle une machine de guerre.
Une machine aux rouages très - trop ? - bien huilés.
Une machine qui marche comme d'habitude grâce à des gimmicks.
Ou plutôt
UN gimmick. Un peu gadget, mais efficace.
Après la narration en voix off, les "
j'aime/j'aime pas" ou la présentation stéréotypée des personnages (dans les précédents opus); place ici aux petites constructions mécaniques faites de bric et de broc (d'où l'importance de la communauté de chiffonniers-récupérateurs autour de laquelle tourne l'intrigue).
C'est simple comme bonjour et en même temps sidérant de roublardise: dans une logique de ligne claire, à partir du moment où Bazil décide de se venger de ceux qu'il tient pour responsable de l'échec de sa vie et où le reste de l'équipe accepte de l'aider, "Micmacs..." n'est plus qu'une succession de petites saynettes aimablement redondantes au cours desquelles la bande de pieds nickelés met au point autant de "stratagèmes" (cfr. "
Amélie Poulain"), aidés en cela par leur habileté de bricolos (de petites constructions dans l'esprit du jeu "
Attrape-Souris", en gros).
Et tout s'enchaîne; une chose en entraînant une autre jusqu'au climax final, rigolo à défaut d'être vraiment surprenant.
Mais le pire, c'est que ça marche !
C'est simple, ça va droit au but, c'est ludique, amusant, émouvant, surprenant...
Bref, ça vous cueille avec une facilité déconcertante !
Reste, évidemment, que, pour le reliquat de la chose, c'est un peu trop sans surprises.
L'emballage, sublime (c'est aussi pour ça qu'on va voir un Jeunet, après tout), déroule un sépia de bon aloi, une direction artistique rétro-futuriste sans accroc et un défilé de tronches idoines, tels qu'on les voit depuis "Delicatessen".
Le scénario, en dehors de ces trouvailles "techniques", tient sur une feuille de papier à cigarettes.
Le discours de fond, avec son sempiternel côté "c'était mieux avant", est un peu lénifiant, voire gentiment réac. Les citations (y comprit celles de Jeunet envers son propre cinéma) trop entendues...
Et les dialogues roulent, oui, mais un peu trop, comme toujours à l'affut du bon mot, avec leur petit air de citer Audiard sans y toucher...
Mais enfin, hein, après tout, même si on espère de plus en plus que Jeunet aie enfin le courage de sortir pour voir le monde (c'est déjà un petit peu plus le cas ici que dans ses précédents films), on trouve ici ce que l'on est venu chercher, non ?
En tout cas, le contenu est en tout point identique à ce qu'il y avait écrit sur la boîte.
Et comme, ce serait idiot de ne pas en parler, l'interprétation - des habitués Pinon,
Dussollier, Moreau aux petits nouveaux (Dany Boon, bien sûr, mais surtout
Julie Ferrier et
Marie-Julie Baup) - vient de manière générale relever la qualité de l'ensemble, il n'y a, au final, aucune raison de bouder son plaisir.
Si ce n'est à espérer qu'à l'avenir Jean-Pierre Jeunet fasse preuve d'un peu plus de témérité.
Et ose enfin se frotter à de nouveaux univers.
Et au Grand Vilain Monde !
Cote: ***
(*Copyright: Mobu one/2009)