jeudi 29 novembre 2007



"Londres, cité de putains et de pédés!"*

"Les Promesses de l'Ombre" (Eastern Promises) de David Cronenberg (CAN); avec Viggo Mortensen, Naomi Watts, Vincent Cassel, Armin Müller-Stahl, Sinéad Cusack, Jerzy Skolimowski...

Londres. Après qu'une jeune femme russe soit morte en couche dans son service, Anna, sage-femme opiniâtre, tente de remonter sa piste afin de retrouver la famille du bébé auquel elle a donné naissance.
Le journal intime de la jeune fille la conduit sur la piste de Semyon, paisible propriétaire du restaurant Trans-Siberian.
Sans qu'elle ne se doute que celui-ci est en fait un des chefs locaux de la redoutable Mafia russe....

C'est étonnant de voir à quel point l'oeuvre de Cronenberg s'épure de film en film, jusqu'a devenir accessible, presque linéaire. Mais sans pour autant perdre de sa force ni de sa pertinence...

Poursuivant le travail entâmé avec le précédent "History of Violence" dont il est une sorte de double encore plus sombre, "Les Promesses de l'Ombre" se présente comme une véritable et impitoyable tragédie - russe, grecque ou shaekesparienne, au choix - dont la violence implacable est d'autant plus glaçante que la réalisation se veut, en contrepoint, résolument non-spectaculaire.

A une exception près, peut-être: cette fameuse et invraisemblable scène de baston à poil dans un sauna, chorégraphiée comme une sorte de combat de gladiateurs gays et qui constitue bien sûr le point culminant du film.

En dehors de cela, Cronenberg va à l'essentiel et offre une oeuvre cohérente et limpide, dans laquelle la violence découle logiquement des relations entre des hommes dont les codes, admirablement décortiqués par le cinéaste, les poussent à sombrer dans une sorte de schizophrénie permanente.

Ballets des corps tatoués, valse des trahisons, imbroglio de filiations douteuses... Cet opéra lyrique et froid brasse toutes les obessions de Cronenberg: du fétichisme qu'il entretient envers la chair, les maladies et les mutations à sa passion pour les milieux clos ou la sexualité trouble, tout en les mettant au service d'une partition d'exception, dominée par une direction d'acteurs à proprement parler époustouflante.

Au milieu de ce tumulte d'autant plus soufflant qu'il est toujours maintenu légèrement en dessous de la surface, le canadien fait en effet se téléscoper des personnages dignes du meilleur de la littérature slave.
Le trouble Nicolai (Mortensen, impressionnant), la déterminée Anna (Naomi Watts, très "à sa place"), le dégénéré Kirill (Vincent Cassel, grotesque mais attachant) ou le suave mais très inquiétant Semyon (Armin Müller-Stahl, carrément titanesque) sont autant de pièces dans cette partie d'échecs étoudissante et vénéneuse.

Des pièces qui sont véritablement le coeur et la mécanique du film.

Sur la fin, le polar barbare et curieusement érotisé cède doucement la place à un véritable thriller, de facture beaucoup plus classique, avec des retournements de situations étonnants qui débouchent vers ce qui semble être à première vue une happy-end complètement en porte-à-faux avec le reste du film.

Mais bizarrement on accepte sans broncher ce brusque changement de ton et on se laisse prendre au jeu de ce coda étrange parce que trop commun.
Car l'on se rend bien compte de toute l'ambiguïté que Cronenberg à réussi à insuffler à cette fin trop banale.
Et que l'on comprend que rien, finalement, n'est exactement ce qu'il semble être.
Que rien n'est fini.
Que tout n'a pas été dit.
Que rien n'est simple.
Et que sous ses dehors de série B peut-être vaguement auteurisante, "Les Promesses de l'Ombre" cache sans doute dans ses replis moites et obscurs l'un des meilleurs films de son auteur.

Et surtout un grand film tout court.


Côte: ****


(* ce titre n' a pas grand'chose à voir avec la critique elle-même, c'est juste une citation du film que je voulais absolument placer).

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Meme si on regrette un peu la période flesh and blood du réal.Il faut avouer que son nouveau tournant thriller est du trés grand art.