lundi 26 novembre 2007



Conversation secrète...

"L'Homme sans Age" (Youth without Youth); de Francis Ford Coppola (USA) avec Tim Roth, Alexandra Maria Lara, Bruno Ganz, Alexandra Pirici, Marcel Iures, Matt Damon...

Roumanie, 1938. Dominic Mattei, vieux professeur de linguistique en fin de vie est soudainement frappé par la foudre. Miraculeusement rajeuni, ses facultés mentales visiblement décuplées, il s'attèle enfin au parachèvement de ce qu'il considère comme l'oeuvre de sa vie: une recherche sur les origines du langage.

Bon, allez, n'y allons pas par quatre chemins: il est évident que ce qui est intéressant avec "L'Homme sans Age" ce n'est pas tant le film en lui-même que le retour de Coppola parmi les vivants après prèsque dix ans d'absence.

Faut-il pour autant négliger l'oeuvre elle-même et se désintéresser d'un film que le cinéaste lui-même qualifie d' "oeuvre de jeunesse réalisée à 68 ans"?
Non pas.

Car l'objet lui-même, si tordu et curieux soit-il, est particulièrement intriguant de par sa forme, son sujet et son côté à la fois libéré et maladroit.
Par son ambition et son orgueil, aussi.
Car orgueilleux le film l'est, qui essaye de brasser ultra-large des sujets aussi divers que la langue, la mémoire, la culture, les races et l'Amour avec un très grand "A".
Et c'est probablement là l'un de ses plus intéressants points communs avec son auteur, dont le côté mégalomane à failli le perdre plus d'une fois.
Un orgueil d'autant plus étonnant que Coppola crie sur tout les toits en être débarassé, lui qui, du temps d' "Apocalypse Now", ne supportait pas d'être remis en question et gérait ses équipes comme l'on dirige une armée.

Parce que oui, sur le fond, "L'Homme sans Age" est un film qui se prend au sérieux.
Et d'autant plus qu'il s'agit en fait d'un autoportrait dans lequel Coppola retrouve la plupart de ses obsessions.
La métaphore est on ne peut plus évidente: l'homme sans âge c'est lui, tout le monde l'aura compris. Ce n'était d'ailleurs peut-être pas nécéssaire de forcer ainsi le trait...

Le film est tout en excès, quitte à frôler le grotesque mais il reste étonnamment froid et cérébral aussi.
Tant et si bien que l'on se perd corps et biens dans ce tourbillon de langages qui se complexifie d'épisodes en épisodes jusqu'a finalement nous laisser totalement sur le carreau.
Idem pour l'histoire (ou "les histoires") d'amour, d'ailleurs, tellement désincarnée qu'on finit presque par s'en désintéresser.
Et pourtant Dieu sait que l'on comprend la passion qui lie le personnage de Tim Roth à la magnifique et bouleversante Alexandra Maria Lara.

Mais bien sûr, ce sont également ces excès, ces maladresses et ces expérimentations qui font paradoxalement la force et l'intérêt du film.

Ca et la forme, bien entendu.
Car de ce côté-là aussi, Coppola fait son grand retour et prouve à quel point c'est un artiste avec lequel il faut encore compter.
Multipliant les techniques (traditionnel et numérique), les styles (la splendide et étonnante partie "allemande" du film, hommage appuyé à l'expressionnisme) et les points de vues, "L'Homme sans Age" séduit certainement plus par la luxuriance de sa forme que par la cohérence de son propos.

Mais en fin de compte ce qui est le plus important, ce n'est pas tant le film lui-même - qui s'écoute penser et qui s'égare au fur et à mesure qu'il se déroule dans des univers et des propos de plus en plus fumeux - que ce qu'il annonce.
Soit le retour aux affaires d'un des plus grands cinéastes du XXème siècle après trop d'années passées à exécuter des commandes dont il n'était pas digne. Et sa volonté affirmée - et presque touchante - d'aller au bout de ce en quoi il croit.

Et rien que pour ça il mérite d'exister.


Côte: **

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