mercredi 17 octobre 2007




L'enfance cachée...

"Un Secret" de Claude Miller (F); avec Cécile de France, Patrick Bruel, Ludivine Sagnier, Mathieu Amalric, Julie Depardieu, Yves Verhoeven...

L'exploration d'un lourd secret de famille à travers l'histoire de François, enfant chétif et solitaire qui s'invente un frère et imagine le passé de ses parents.
Jusqu'à ce qu'une amie de la famille lui révèle toute la vérité sur ceux-ci.
Une vérité qui trouve sa source dans l'une des périodes les plus sombres de l'Histoire.

Claude Miller est un cinéaste sympathique mais franchement inégal.
Capable de chefs-d'oeuvre tels que "Garde à Vue", qui valût à Serrault son deuxième César ou d'oeuvres atypiques comme "La Classe de Neige", curieux mélange de film initatique, de psychanalyse et d'horreur, on l'avait laissé en petite forme avec sa tentative d'adaptation moderne et poussive de "La Mouette" de Tchekhov ("La Petite Lili").

C'est donc avec d'autant plus de plaisir qu'on se frotte à ce "Secret" brillant et gorgé d'émotions.

Le parti pris, culloté, du réalisateur est de nous présenter la petite histoire comme prenant le pas sur la Grande.
La guerre n'est ici finalement qu'une sorte de bruit de fond, de grondement de tonnerre lointain. Jamais rien ne nous sera montré directement, c'est même à peine si l'on va entrevoir un soldat allemand.
Les conséquences du drame n'en sauront que plus monstrueuses, les décisions prises par les protagonistes plus terribles, les révélations plus implacables.

On pourra reprocher à Miller de pécher par excès de classicisme, par manque d'audace...
Ou, au contraire, louer la solide sobriété de sa mise en scène...
C'est vrai qu'on l'a connu plus inspiré d'un point de vue strictement formel.
Le film, construit sur des allers-retours entre différentes époques gigognes se perd un peu dans sa propre narration.
Et puis, c'est certain, l'alternance couleur/noir et blanc n'est pas ce que l'on a trouvé de plus original pour évoquer le passage des ans.
C'est vrai encore que la période contemporaine, avec ses acteur grimés, n'est pas la plus réussie, malgré la présence du toujours excellent Mathieu Amalric.
Et que l'on peut aussi reprocher à l'auteur la lourdeur de certaines métaphores, comme celle du chien (on n'en dira pas plus) ainsi que l'inutile sursignifiance de son épilogue.

On peut se laisser aller à dire tout celà, c'est vrai.

Mais on est aussi obligé de reconnaitre la force du souffle romanesque qui traverse le film.
Ainsi que celle des questions qu'il pose, tant sur la mémoire, personnelle ou collective, que sur l'importance de la famille.
Sur l'identité, aussi, et sur la remise en question de celle-ci, mise à mal par la culture, la religion, les conventions, les choix que la vie nous pousse à faire.

On est du coup soufflé par la force des silences et des non dits et d'autant plus bouleversé par les décisions que certains personnages doivent prendre.
Le monde semble tellement paisible, pour paraphraser Deville, que quand le malheur frappe - et il frappe plus d'une fois - on se retrouve, comme les personnages, totalement paralysé par son absurdité et sa violence.
A ce titre, dans la seconde partie du film, certaines scènes dont on ne dira rien de peur de trop en dévoiler sont véritablement magnifiques. A la fois de folie, de sensualité et de passion contenue.

Evidemment, Miller est ici fortement aidé dans sa tâche par un casting glamourissime et des acteurs qui balayent tout sur leur passage.
Cécile de France, d'abord, qui porte le film sur ses frêles mais ravissantes épaules.
A la fois victime et bourreau malgré elle, elle n'a jamais été aussi belle, sensible et rayonnante (eh ben! voilà que je m'énerve tout seul maintenant!).
Bruel, plus étonnamment, ensuite, qui nous offre une prestation très sobre, presque à contre-emploi, même s'il ne peux pas s'empêcher de nous faire une fois ou l'autre le coup des yeux de cocker.
Et les seconds rôles, enfin, tous parfaits, de Yves Verhoeven génial en beau frère rigolo qui essaie de désamorcer par l'humour des situations potentiellement plombées par la sinistrose à la décidément formidable Julie Depardieu.
Sans oublier Ludivine Sagnier, bien sûr, dans un rôle pivot et particulièrement ingrât.

A l'arrivée, un film ambitieux et exigeant, à la fois classique et audacieux.
Une fresque populaire tout autant qu'un drame intimiste, dont la force émotionnelle, denrée finalement assez rare dans le cinéma français contemporain, finit par tout emporter.

Beau et sensible, quoi.

Et ça, ça fait aussi du bien, de temps en temps...

Côte: ***

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