lundi 22 octobre 2007



Du vent dans les branches de sassafras...

"L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford" (The Assassination of Jesse James by the coward Robert Ford) d'Andrew Dominik (USA); avec Brad Pitt, Casey Affleck, Sam Rockwell, Mary-Louise Parker, Sam Shepard, Zooey Deschanels...

Les derniers jours du "brigand bien-aimé" jusqu'à son assassinat par le jeune Robert Ford, membre de son propre gang.

Oui, parce qu'évidemment avec un titre pareil c'est un peu difficile de ne pas dire d'emblée comment ça se termine.

Enfin...

Dans le même ordre d'idées - et pour nous débarasser une bonne fois pour toute d'une autre tarte à la crème stylistique - versons ici une larme sur la cohorte de critiques (de Libé à l'inénarrable Nicolas Crousse on avouera que le spectre est large) qui ont eu le courage et l'originalité d'ouvrir leurs papiers sur les premières lignes du "Bonnie and Clyde" de Gainsbourg (que je ne vous ferais pas l'affront de retranscrire ici, merci, on a déjà donné).
Bravo les gars, vous ne manquez pas de personnalité, c'est sûr!

Mais trève de taquinerie primesautière et de lieux communs fâtigués, posons nous la seule et vraie bonne question: mais, Bon Dieu, par quel bout doit-on prendre le western-mammouth d'Andrew Dominik?

Car s'il y a bien une qualité que l'on ne peut enlever à ce film, c'est bien celle d'être en accord avec son titre-fleuve: c'est un vrai monolithe!
Un colosse, un monstre...
Une montagne!

Pas tant par sa longueur (quoi que... 2h40 c'est quand même pas mal, même s'il faut admettre que l'on a vu plus gigantesque en la matière) que par sa forme et son contenu...

S'il y a un premier choc (le film en ménage plusieurs), c'est au niveau visuel qu'il se conçoit...
Une véritable épopée crépusculaire, magnifiée par une photo à couper le souffle!
Des cadres au cordeau, des décors sublimes, une reconstitution d'époque minutieuse, une volonté de "vérisme" étonnante (d'un point de vue strictement visuel on peut dire qu'on est loin, très loin de John Ford ou de Lucky Luke. Arf!), un travail de titan au niveau de la direction artistique, le tout au service d'un sens de la mise en scène pour le moins étonnant de la part d'un réalisateur dont c'est seulement le deuxième film (le premier, le toujours inédit "Chopper", étant qui plus est beaucoup plus tapageur au niveau formel).
Bien entendu, certains tics pourront passer pour du maniérisme (on se serait bien passé des redondants mouvements de nuages à la Coppola, par exemple) mais l'ensemble reste quand même terriblement cohérent et donne au film un souffle et un lyrisme véritablement unique.

De ce point de vue, la nature, traitée comme un personnage à part entière, est un élément important de la réussite du film.
Même si la façon dont elle est filmée donne lieu à des plans quasi miraculeux plastiquement parlant, son utilisation en contrepoint de la folie humaine qui l'habite est avant tout primordiale dans la façon dont elle fait avancer l'histoire.
Il est évidemment difficile de ne pas faire ici référence à Malick, tant ce "...Jesse James..." qui ferait passer "Jeremiah Johnson" pour un remake de "Mad Max" semble renvoyer à sa "Ligne Rouge" dans sa manière de transcender un genre par le biais d'une observation quasi naturaliste du décor environnant.

Et la seconde surprise est bien entendu narrative.
Lent, majestueux, complexe, sinueux, le film déroule calmement ses différentes couches de narration, se permettant au passage ce qui semble d'abord être d'inutiles digressions pour mieux, finalement, toujours se retrouver, toujours retomber sur ses pattes.
Et ce, en plus, sans jamais nous perdre en cours de route.
L'histoire semble de prime abord alambiquée et décousue mais la manière dont elle est racontée la rend paradoxalement extrèmement fluide.
Même si, finalement, l'action est peu présente et si Dominik prend tout son temps pour installer son intrigue et développer ses personnages, on n'en perd pas une miette et ces 160 minutes semblent passer en un clin d'oeil.
Tant est si bien qu'on est presque frustré lorsque l'on arrive au bout de cette étrange mais palpitante tragédie shakespearienne et bucolique.

Pour le reste, on peut dire que Brad Pitt trouve sans doute ici le rôle de sa vie et campe un Jesse James ambigu, tour à tour paranoïaque et charmeur, pouvant se perdre dans d'effrayants éclats de folie, parlant de lui à la troisième personne...
Un bandit à la fois père - et mari - attentionné mais aussi tueur implacable, éliminant froidement ceux qui menacent de le trahir.
Un homme dont le plus étonnant et révélateur trait de personnalité était sans doute de pouvoir aussi facilement se cacher en plein jour, se fondre dans la masse, côtoyer quotidiennement ceux-là même qui le poursuivaient et rêvaient de le supprimer...

A ses côtés, Casey Affleck et Sam Rockwell composent des frères Ford extraordinaires!
Le premier jouant formidablement de son visage lunaire, de son allure juvénile et de son regard fuyant pour faire transparaitre tout le dualisme du "lâche" Robert, à la fois admirateur éperdu et traitre implacable.
Le second jouant un Charley à la limite de la débilité mais toujours prêt à aller jusqu'au bout de lui-même.
Jusqu'au bout de ce maëlstrom de violence et de schizophrénie.
Jusqu'au fond du gouffre où l'entrainent Jesse James et son futur assassin.

La relation entre les trois hommes formant bien entendu le coeur à la fois palpitant et froid de cette sombre pépite.

Et comme je ne veux pas être en reste et en même temps me montrer fidèle à la légende dans laquelle un seul d'entre eux est finalement parvenu à entrer, je citerais un autre texte "classique", tel qu'il est interpreté ici par un Nick Cave très en verve (et co-auteur de la très belle B.O. du film): "Now Jesse had a wife Lived a lady all her life And children they were brave But history does recordThat Bob and Charlie Ford Have laid poor Jesse in his grave".

Comme quoi, moi aussi je connais de belles chansons...


Côte:****

3 commentaires:

Anonyme a dit…

tcheu ca donne envie d'aller le voir !

Anonyme a dit…

Pas mieux. Brad Pitt est d�cidemment une putain d'acteur!

Cartman a dit…

Eh bien je vous conseille vivement de vous précipiterr pour aller le voir. En ce qui me concerne , c'est le meilleur film de l'année pour le moment (et j'en ai vu à peu près 60 en salle).