De belles dames indignes...
"Chronique d'un Scandale" (Notes on a Scandal); de Richard Eyre (UK). Avec Judi Dench, Cate Blanchett, Bill Nighy, Michael Maloney, Philip Davis...
Barbara Covett est une enseignante proche de la retraite.
Acariatre et revêche, crainte par ses élèves et peu prisée de ses collègues elle n'a pour meubler sa solitude que son travail et son vieux chat.
Lorsqu'arrive au collège Sheba Hart, jeune et belle professeur d'art d'origine bourgeoise, la vie de Barbara semble basculer: elle s'est enfin trouvé ce qui ressemble pour elle à l'amie idéale.
Las, la liaison de Sheba avec l'un de ses jeunes élèves va rapidement mettre en péril la relation entre les deux femmes...
Wé mais wé mais non, hein!
Lorsque j'avais publié mon Top 2006 sur l'autre blog, j'avais souligné la pauvreté cinématographique de l'année écoulée tout en prophétisant un grand cru pour celle-ci.
Je ne croyais pas si bien dire...
En particulier ces derniers temps ou les excellents films semblent se bousculer au portillon ("La Môme", "Inland Empire", "Le Dernier Roi d'Ecosse", "Lettres d'Iwo Jima") et maintenant cette "Chronique..."!
C'est bien simple, depuis le début de l'année, sur les onze films que j'ai vu en salle seul un (l'innommable "Truands" qui ne vaut même pas le papier avec lequel on se torche après l'avoir chié) est vraiment à balancer à la poubelle et deux autres à peine sont à considérer comme "dispensables".
Du coup ce blog ne ressemble plus à un blog de "critique cinématographique" (bien que ça n'aie jamais été réellement sa prétention) mais à une sorte de Monde des Ciné-Bisounours ou tout est beau, tout est joli...
Mais bon, on va pas dire du mal pour le plaisir d'équilibrer, hein...
Donc, "Chronique d'un Scandale"...
Dire que j'ai failli ne pas aller voir ce film! Mal m'en aurait pris!
Car sous ses faux-airs de comédie cynique so british à l'ambigu dramatique, le film de Richard Eyre (metteur en scène de théatre et de télé dont peu d'oeuvres cinématographiques sont parvenues jusqu'à nous) vous attrape sans en avoir l'air pour ne plus vous lâcher jusqu'à son - malheureusment trop abrupt - dénouement.
Jouant magnifiquement sur les non-dits et les inhibitions inhérents à la société britannique, il se révèle en fait un drame sombre et bouleversant - bien que traversé par les traits d'un humour salutaire - brassant des thèmes allant de la solitude au harcèlement en passant par l'adultère et la lutte des classes.
Rien de moins!
Filmé de manière un brin académique bien que réussissant à éviter le piège du théatre filmé (le script est très littéraire), "Chronique..." outre son intrigue proprement dite qui aborde quand même de manière extrèmement frontale un problème à la limite du tabou (puisqu'à la limite de la pédophilie), vaut bien entendu essentiellement pour deux choses...
Ses dialogues, d'abord (en ce surtout la voix-off de Barbara qui retranscrit toute l'histoire dans son journal intime. D'ou le titre. Surtout l'original.)
Des dialogues qui, comme dans tout bon film britannique qui se respecte, en disent plus long et surout de manière éminemment plus subtile que les images elles-mêmes.
L'interprétation ensuite...
Car là aussi, il faut se dire qu'on est en présence de comédiens britanniques (à l'exception de Blanchett qui est australienne mais tellement formidable qu'il lui sera beaucoup pardonné) donc en quelque sorte d'espèces de Rolls Royce de la comédie!
Et effectivement, ils sont tous formidables, du premier au dernier.
Cate Blanchett d'abord, qui balance un numéro invraisemblable!
De la naïveté bêtasse de la bobo flattée d'être draguée par un éphèbe à peine pubère (mais qui en fait la manipule assez cyniquement) jusqu'à l'hystérie de la furie vengeresse en passant par l'hébétude de la victime décontenancée, la finesse et la classe avec lesquelles elle fait évoluer son personnage ont de quoi laisser pantois.
Bill Nighy ensuite, très sobre et pourtant terriblement émouvant dans le rôle du mari vieillissant qui voit soudain le monde s'effondrer autour de lui et fait de son mieux pour rester digne au milieu de la tempête.
Et Judi Dench , enfin, qui emporte le morceau avec sa composition de vieille dame foide et solitaire qui s'éveille à la vie au contact d'une plus jeune et qui, une fois qu'elle s'estime trahie, se venge de la manière la plus affreuse possible, quitte à révéler sur elle-même des choses peu reluisantes et bien plus troubles que l'on ne l'imagine...
Lorsqu'on la voit s'acharner à détruire la vie d'une femme alors qu'elle vient de pleurer toutes les larmes de son corps sur la mort de son chat on ne peut que rester pétrifié, sans voix, partagé que l'on est entre un véritable effroi et une empathie sans borne pour cette "pauvre vieille" que la solitude à amenée au bord de la folie.
Tant de subtilité rassemblée au service d'un film d'apparence si classique donne à réfléchir quant à la vitalité d'un certain cinéma britannique, qui n'est jamais si bon que quand il colle au quotidien de gens ordinaires, même si ce quotidien est bousculé par des événements à la fois si simples et si complexes. Et surtout si dramatiques...
Le seul - petit - bémol que l'on pourra apporter est le côté un peu court du film qui fait que, comme écrit plus haut, sa conclusion arrive de manière un peu abrupte et nous laisse quelque peu sur notre faim.
Mais franchement, c'est peu de choses face à tant d'excellence!
Côte: ***