lundi 5 mars 2012

Canasson.

"Cheval de Guerre" (War Horse) de Steven Spielberg (USA); avec Jeremy Irvine, Emily Watson, Peter Mullan, David Thewlis, Tom Hiddleston, Niels Arestrup...

En pleine Première Guerre Mondiale, le jeune Albert se lie d'amitié avec Joey, un cheval acheté par son père et qu'il va dresser lui-même. Hélas, l'animal est réquisitionné au nom de l' "effort de guerre" pour servir dans les tranchées. Mentant sur son âge pour se faire enrôler, Albert va partir sur le front français à la recherche de son camarade tandis que celui-ci, passant de la cavalerie britannique à l'armée allemande en transitant par un fermier français et sa petite fille, va vivre plusieurs vies et en changer quelques autres.

Pooiin pooiin, poin poin poin poin poin poin pooiin pooiin...

Awel santé !

Pour le coup ce n'est même pas la peine de se perdre en d'inutiles circonvolutions: c'est râté et bien râté, hein, Steven !

Et de "qui aime bien châtie bien" en "ça ne vous est jamais arrivé de louper une tarte Tatin", rien n'y fait... On ne peut que constater l'étendue du désastre: malgré sa plastique irréprochable, "Cheval de Guerre" est un gros loukoum sursaturé de sucre et de graisse qui dégouline à l'écran. Un monument de mièvrerie cul-cul, gnangnan...
Une sorte d'upgrade d'un épisode de "Prince Noir" (vous vous souvenez, "Black Beauty" ? Pooiin pooiin)

Une enfilade de chromos à la noix, dans une Grande Guerre de carte postale (la partie française atteignant, comme toujours dans les films américains, des sommets de n'importe quoi), qui ne raconte rien ou alors pas grand chose, se contentant d'alterner les situations potentiellement guimauves, provoquant mécaniquement des émotions à cinq francs, six sous.
Une sorte de grand livre d'images sans âme qui ne s'adresse en fin de compte à personne.

Car enfin, le récent "Hugo Cabret" de Scorsese prouve s'il le fallait qu'il y a bien moyen de captiver le "tout public" et d'adapter la littérature "jeunesse" sans pour autant tomber dans la caricature Disney larmoyante et soporifique.
Et surtout sans prendre les gens pour des imbéciles.

Bien entendu, on se rend bien compte - faudrait d'ailleurs être aveugle ou sourd vu qu'il le braille pour le moment partout à longueurs d'interview - qu'après le tout-à-la-technologie de son tout récent "Tintin", dont la post-production a qui plus est duré des lunes - Spielberg ait eu envie de revenir à un cinéma classique, fordien (oui, à la limite, ça je veux bien l'admettre. Mais du John Ford gâteux et cacochyme, alors), avec de vrais acteurs, de vrais décors, de vraies caméras... Et de vrais chevaux.

Bien sûr, on sait qu'il y a toujours eu chez Spielberg un syndrôme de Peter Pan qui fait que l'homme est sans cesse tiraillé entre films "adultes" et enfantins. Entre grand cinéma populaire et préoccupations plus personnelles. Entre passion pour l'Histoire d'une part et le Merveilleux de l'autre.

Evidemment, on sent que, l'âge et le métier aidant, le cinéaste a de plus en plus la tentation d'un cinéma pûrement plastique et visuel.
Et qu'en ce sens, "Cheval de Guerre" est - heureusement, encore bien - probablement son film le plus accompli.

Mais bon, eh, oh ! Ca va aller quand même !

Tout ça et même le reste ne justifie pas ce brol visuellement virtuose mais dénué de vie, long comme un jour sans pain, désuet et vaguement gonflé d'une morale humaniste et d'un optimisme de pacotille.

Heureusement que le milieu du film se déroule sur le front, d'ailleurs.
Encore une fois techniquement à couper le souffle et visuellement splendide - car Spielberg reste bien le premier quand il s'agit de filmer des champs de bataille - ce "ventre dur", serait-on pour une fois tenté de dire, sauve presque le film de l'abîme d'ennui sans fond vers lequel il conduisait le spectateur médusé.

La scène du no man's land (réminiscente de "Une Question de Vie ou de Mort" de Powell et Pressburger) résonnant finalement comme une métaphore de l'état de la carrière du réal: coincé plus que jamais le cul entre deux chaises entre les deux extrèmes schizophréniques qui constituent sa personnalité artistique.

Une situation inconfortable pour tout le monde dont il serait peut-être avisé de se dépétrer une bonne fois pour toute.

En faisant les bons choix et en acceptant peut-être de grandir un peu.

Oh... Juste un tout petit peu, hein. Pas la peine d'en faire trop non plus.


Cote: *

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