jeudi 4 mars 2010


Paradis pour tous !

"Lovely Bones" (The Lovely Bones) de Peter Jackson (NZ); avec Saoirse Ronan, Mark Wahlberg, Rachel Weisz, Stanley Tucci, Susan Sarandon, Michael Imperioli...

Elle avait quatorze ans, quand, en 1974, Suzie Salmon s'est fait assassiner... Depuis, au Paradis ou dans une réalité parallèle, elle suit le travail de deuil de sa famille. Tout en essayant de les aider à trouver son meurtrier. Qui est forcément plus proche qu'on ne le croit...

Pour son retour aux "petits films", après tant d'années passées à cajoler du blockbuster, on peut dire que Peter Jackson aura pris son temps.

Curieux, d'ailleurs, au vu du résultat, même si les CGI qui occupent la moitié de la chose ont dû demander pas mal de boulot, et donc de temps, en post-production.

Mais bon, allez, par rapport à des monstres comme "King Kong" ou la trilogie "LOTR"...

Gageons donc que le bon Peter soit un perfectionniste. Ou qu'il aime prendre son temps. Ou les deux.

Enfin bref, là n'est pas l'important.

L'important est plutôt qu'il nous revienne enfin avec un film à dimension humaine (même si ça reste relatif, oui, comme d'hab').

Un double film, même, pourrait-on dire.
Clairement séparé en deux parties distinctes. Tellement distinctes qu'elles finissent par en paraitre indépendantes. Et par donner l'impression - curieuse, il est vrai - que l'on est en train de visionner deux films à la fois.

Et cette étrange césure, cette quasi-dichotomie, qui rend "Lovely Bones" à la fois bancal et attachant, fait certes beaucoup pour répercuter à la fois la force et la faiblesse de l'oeuvre.

En fait, pour être clair (ou pas du tout, finalement, hein...), l'une de ces deux parties est une réussite mais pas tout à fait, tandis que l'autre est un beau foirage... Mais pas tout à fait non plus.

L'un se nourrit de l'autre, les faiblesses d'une partie exaltant les points forts de la seconde et ainsi de suite...

Un grand film malade ?

Même pas.

Que nenni !

Juste un truc qui aurait dû logiquement déboucher sur une demi-réussite mais qui arrive à transcender ses défauts pour se hisser plus haut.
Vraiment plus haut.

En gros, tout la partie "réelle" (la vie quotidienne de la famille Salmon, le meurtre, l'enquête, la tentative de deuil) est incroyablement maîtrisée, suffocante de tension et de suspense et tellement chargée en émotion vraie que ça en devient parfois difficilement supportable.
Elle est, qui plus est, tenue de bout en bout par un Peter Jackson qui se révèle enfin véritable cinéaste et pas seulement apprenti-sorcier, manipulateur de FXs de génie.

Certaines scènes (le champ, la "visite" de la soeur chez le voisin, la scène finale ou celle de la décharge) sont quasiment (oui, "quasiment". Du calme, quand même !) anthologiques !
On y trouve surtout un sens du découpage, de la lumière (automnale et magnifique) et du détail dont on croyait le néo-zélandais, si pas dépourvu, du moins singulièrement économe...

Mais...

Car il y a un mais !

Le pendant de cette réussite se trouve dans certaines scènes par trop lacrymales (le retour de la mère), dont le mélo, disons... appuyé... plombe l'ambiance.

Parallèlement, la partie "Au-Delà" se construit sur des bases presque contraires...

Elle est, dans l'ensemble, d'une mièvrerie et d'un kitsch consommés qui font grincer des dents.
Elle finirait même par donner mal à la tête, tant ses excès de guimauve et son imagerie gnangnante - évoquant tour à tour le fond d'écran de PC lycéens ou une pub pour eau minérale sur fond de Wim Mertens en descente de Tranxène - peuvent faire friser la crise d'hypoglycémie.

On peut à la limite penser par moment à du mauvais Terry Gilliam ("Tideland", par là...), voire à du Tarsem Singh de kermesse boraine. Oui.

Le truc, c'est que ça évoque le plus souvent Pierre et Gilles revus et corrigés par Jaco Van Dormael. Ce qui est plutôt douloureux, on l'avouera.

Mais - et c'est sans doute aussi l'intérêt de ce film qui évolue curieusement en creux et se construit sur ses paradoxes et ses contradictions, il y a aussi ici pas mal de brols à sauver.

Dès que les choses s'enveniment un tant soit peu, le ton se durcit et l'univers devient plus dark, citant ça et là Tim Burton (voire "Alice...", tenez, tenez...) ou même "Silent Hill" et son univers tout en déliquescence.

Comparable finalement en bien des points avec "Créatures Célestes" (même base de faits divers, même univers parallèle, même point d'encrage dans l'enfance ou l'adolescence, même reconstitution d'époque, etc.); "Lovely Bones"; avec son sous-texte sur le deuil et l'acceptation de la douleur et de la perte, au sens large (si pas sur le passage à l'âge adulte, d'ailleurs) est sans doute - peut-être - un film important pour son auteur.
Doublé d'une sorte de retour aux sources qui pourrait s'avérer crucial dans son parcours en tant que réalisateur.

Il offre en outre l'occasion de briller à une belle brochette de comédiens.

De Saoirse Ronan, qui confirme, à Mark Wahlberg, qui étonne presque, en passant par Rose McIver (la soeur), qui épate carrément...

Le ponpon étant bien entendu détenu par l'incroyable métamorphose de Stanley Tucci dans le rôle de "John Doe", "the killer next door".

Sa présence est le petit plus qui achève de faire de "Lovely Bones", oeuvre déjà étonnante tant par la somme de ses qualités que par celle de ses défauts, un film hors du commun.

Inégal, oui.

Mais passionnant.

Et, quelque part, très troublant...


Cote: ****


5 commentaires:

Unknown a dit…

Je trouve que la référence aux papillons était choutte et adéquate voire fun et décalée.

Cartman a dit…

Merci. Je vais retourner écouter Pure Fm.

Unknown a dit…

Un morceau de Gainsbourg ?

Cartman a dit…

Certement !

Cartman a dit…

Par contre, à la relecture, je trouve que c'est vraiment ce que j'ai écrit de pire depuis la critique de Benjamin Button.

Et je m'en excuse...