mercredi 3 mars 2010


Bonnes nouvelles des étoiles...

"Gainsbourg (Vie Héroïque)" de Joan Sfar (F); avec Eric Elmosnino, Lucy Gordon, Laetitia Casta, Mylène Jampanoï, Doug Jones, Anna Mouglalis...

Du jeune Lucien Ginsburg, évoluant dans le Paris occupé des années 40, jusqu'à Gainsbarre, le pilier de bar, caricature de lui-même et figure de la vie noctambule, le parcours de Serge Gainsbourg, chanteur, poête, auteur, Casanova malgré lui...

Etonnant défi que celui que s'est lancé Joan Sfar, auteur de BD renommé ("Le Chat du Rabbin", "Donjon", "Pascin"...).

Non seulement passer d'un mouvement aussi souple qu'imprévu des petits Mickey à la Grande Toile, mais qui plus est effectuer le baptême du feu en s'attaquant de front à une figure mythique de la culture populaire française en la personne de l'imprévisible, de l'incongru Serge Gainsbourg !

Défi relevé, néanmoins, avec d'autant plus de classe, de maestria et de bagoût - voire de culot - que le néo-réalisateur a voulu viser haut en ne tournant pas seulement un énième biopic figé, de type "classique", comme ceux qui ont récemment encombré nos écrans, de "Coluche" à "Sagan" en passant par une palanquée de "Chanel" tous plus à côté de la plaque les uns que les autres, mais bien en aspirant à donner une sorte d'interprétation libre, voire free style, de la vie de l'artiste...

D'où, évidemment, le curieux "un conte de Joan Sfar" qui ouvre la chose...

Ah ! Il aura fait parler de lui et couler beaucoup d'encre, ce fameux "conte"...
Tant et si bien que son néophyte auteur fût, oh combien !, attendu au tournant.
Et que certains devaient même espérer en secret qu'il se viande. Et méchamment, même !

Eh bien, il faut bien l'avouer, ces gens-là, quels qu'ils soient, en seront sérieusement pour leurs frais et vont devoir ravaler leur superbe.
Et pas qu'un peu, Caporal Neveu !

Car le plus beau dans l'histoire, c'est que le jeune Sfar, du haut de son inexpérience, à mené à bien sa gageure - et de fort belle manière, tenez !

Réussissant même l'improbable: arriver à coller son univers propre - très personnel, il faut bien le dire - sur celui, surdimensionné s'il en est, du Gainsbourg-titre, jusqu'à en faire à la longue quelque chose de globalement cohérent.

"A la longue", "finalement"... Oui.

Car avant d'en arriver à cette conclusion, il faudra en passer par quelques circonvolutions, accepter quelques partis pris, voire avaler quelques couleuvres.

Oscillant sans cesse entre réalisme historique ("réalisme", comme dans les chansons de Fréhel, par exemple, interprétée le temps d'une scène hilarante par la toujours cocasse Yolande Moreau) et onirisme échevelé, voire fantastique de bon aloi, "Gainsbourg..." est avant tout, du moins dans un premier temps, assez bien* déconcertant.

Mais la perpléxité amusée dans laquelle il nous laisse plongés tout du long de son premier tiers est confortable et fort agréable, ma foi.
Et, après un temps d'acclimatation bien légitime, nous entraîne bien vite vers des sommets de poésie insoupçonnés, où se croisent tour à tour burlesque et émotion.

En ce sens, la première partie, consacrée à l'enfance, est probablement la plus fantaisiste de toutes, bien que s'attardant forcément sur des épisodes douloureux de la vie de S.G. (l'Etoile Jaune, l'internat...) et posant également de pertinentes questions sur la formation de son identité propre (juif/français; peintre/chanteur; homme à femmes, déjà ?...)

La seconde, de la formation au star système, jusqu'à sa relation avec Birkin (magnifique Lucy Gordon, à qui le film est évidemment dédié) est bien sur la plus riche en éléments mythiques, voire mythologiques (B.B./Casta en tête) et donc en morceaux de bravoure cinématographiques (même si le film est de-ci de-là parsemé d'erreurs "de débutant" somme toute bien excusables).

L'engin doit d'ailleurs en partie - et paradoxalement - son étonnante homogénéité au fait que Sfar reconstitue d'une part minutieusement certains événements avérés (tout l'épisode d' "Aux Armes, et caetera..."...) tout en exagérant, fantasmant, voire inventant de toutes pièces quelques autres morceaux, et non des moindres (la rencontre avec Vian, les Frères Jacques...).

De ce côté, l'intervention de La Gueule, cette curieuse marionnette, double imaginaire du chanteur, éminence grise lui soufflant toutes les mauvaises choses à faire, lesquelles s'avéreront presque toutes être ses meilleurs choix de carrière, n'est pas la moindre des audaces ni des extravagances !

Pas étonnant que ce soit du coup la troisième partie, celle sur Gainsbarre, la plus terre à terre et dans laquelle, surtout, Gainsbourg semble courir après lui-même et se rattrapper jusqu'à sombrer dans l'auto-caricature, qui soit la moins réussie, la moins maîtrisée du film.

D'un point du vue formel, cette "Vie Héroïque" suit le même cheminement, alternant les techniques, incluant du dessin, voire de l'animation, multipliant les flash backs et les digressions, soufflant le chaud et le froid jusque dans le choix des interprêtes, allant du mimétisme presque parfait (Laetitia Casta, encore) aux totales antipodes du modèle (Philippe Katerine, quand même fort loin de Boris Vian, du moins physiquement).

Au sommet de cette impressionante pyramide de talents, trône bien évidemment le Roi Elmosnino !

Acteur de théatre, peu connu du grand public, le garçon n'interprête pas Gainsbourg... Il s'en empare et l'incarne jusqu'au vertige, s'appropriant absolument tout, de la gestuelle au phrasé, dans un troublant jeu de miroirs finalement bien à l'image du film dans son ensemble.

Labyrinthique. Parfois bien branque. Souvent foutraque.

Toujours génial.

Comme Gainsbourg ?

Oui.

Comme Joan Sfar, aussi.



Cote: ****


(*ASSEZ BIEN ! Oui !)


2 commentaires:

LE DIABLE a dit…

A quand maintenant une reprise de Gainsbourg a la Sport Doen.

Fred Sempels a dit…

Jamais. Je ne me permetTErais pas.