vendredi 20 mars 2009


Le Maire de Castro Street.

"Harvey Milk" (Milk) de Gus Van Sant (USA); avec Sean Penn, Josh Brolin; Emile Hirsch, James Franco, Diego Luna, Alison Pill...

Les dernières années de la vie d'Harvey Milk, premier américain ouvertement gay a avoir été élu à un poste officiel, de son installation dans le quartier de Castro Street, à San Francisco, jusqu'à son assassinat par l'un de ses collègues superviseurs...

Tout d'abord, je me dois de présenter mes plus plates excuses à Sean Penn et à sa famille (en ce compris feu Le Gros Penn) pour avoir douté, bien que très légèrement, de la légimité de son récent second Oscar du Meilleur Acteur, attristé que j'étais - et je le suis toujours un peu quand même, reconnaissons-le - de voir la statuette passer sous le nez de mon favori Mickey "The Wrestler" Rourke.

Parce que, pour le coup, je suis bien obligé d'avouer que tous les commentateurs avaient raison et que le prix n'est pas usurpé.
Loin de là!

Dans le rôle d'Harvey Milk, Sean Penn va plus loin, beaucoup plus loin que la simple incarnation.

Plus loin encore que la performance.

Plus loin. Beaucoup plus loin.

Tellement loin qu'on se demande comment il a pu en revenir, si tant est qu'il en soit revenu, d'ailleurs.

C'est bien simple, il n'y aura probablement jamais assez de superlatifs pour qualifier cette métamorphose.
Rarement, jamais - peut-être!, un acteur n'aura à ce point disparu, ne ce sera à ce point fondu dans son personnage.
Après coup, il a du suivre une psychanalyse ou faire venir un exorciste, c'est pas possible autrement.

Pourtant, d'une part ce ne sont pas les performances du genre qui manquent ces derniers temps (suffit de relire ce que je disais récemment à propos du Rourke, justement) et, d'autre part, c'est pas comme si le Penn ne nous avait pas habitué à ce genre de coups d'éclat, à la longue...

Mais à ce point-là, c'est bien simple, ça donne purement et simplement le vertige.

Pour autant, il serait injuste, voire inconvenant, de réduire "Harvey Milk" à une simple performance d'acteur, aussi impressionnante soit-elle (faudrait déjà y associer les seconds rôles et particulièrement Josh Brolin, très bien lui aussi - et c'est un euphémisme - dans son rôle de politicard réac coincé, pétri dans une espèce de carapace de rage et de frustations contenues).

Pour son retour au cinéma mainstream - encore que dans son chef cela soit tout relatif - Gus Van Sant, que l'on savait avec ses récents, hermétiques et très contemplatifs "Last Days" et "Paranoid Park" avoir atteint une espèce de point limite dans sa tentative de renouvellement cinématographique, livre ici un biopic d'envergure, presque une saga, dans lequel se mèlent intimement poésie et réalisme, rigueur et audace.

Formellement très maitrisé (une photo magnifique, une bande-son très adéquate - on y croise même Bowie - une reconstitution d'époque rigoureuse; la non plus, ce ne sont pas les qualificatifs flatteurs qui manquent) le film se double - se triple même, devrait-on dire! - d'une réflexion passionnante sur la tolérance et d'une mise au point historique... comment dire... saisissante!

Un regard juste et digne sur des années qui ont changé du tout au tout le visage d'une communauté.

Un point de vue d'autant plus frappant qu'il ne verse jamais ni dans le militantisme pur et dur, ni dans la gnangnanterie, ni dans le didactisme froid.
Et que le réalisateur et son scénariste arrivent à le transcender, donnant au film une dimension presque universelle, le sujet n'étant plus au final la lutte de la communauté gay mais plutôt la lutte tout court.
La résistance au quotidien, ce pour quoi il faut continuer de se battre.

Et quelque part, il devient la métaphore de la carrière d'un cinéaste exigeant et audacieux, qui n' a jamais renoncé, jamais hésité à se remettre en question, à explorer de nouvelles pistes, à tenter de nouvelles choses. Même si ces tentatives n'ont pas toujours été couronnées de succès, bien entendu.

Pour tout ça - et pour beaucoup d'autres choses encore - "Harvey Milk" est un film important.

Pour ce qu'il dit, pour les retranchements dans lesquels il semble avoir poussé son interprête principal...

Et pour son réalisateur, qu'il pousse à ouvrir une nouvelle porte, à qui il montre du doigt un nouveau chemin.

Et, oui, c'est peu de dire que l'on attend avec impatience de savoir où cela va le mener.

Où cela va nous mener, sans doute.
Aussi...


Cote: ***

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est pas sympas de nous dévoilé la fin en nous disant qu'il y meurt.

Cartman a dit…

Mouarf! C'est vrai, où avais-je la tête?