mercredi 18 mars 2009



Go ahead, make my day...

"Gran Torino" de Clint Eastwood (USA); avec Clint Eastwood, Bee Vang, Ahney Her, Christopher Carley, John Caroll Lynch, Brian Howe...

Walt Kowalski est un vétéran de la Guerre de Corée. Aigri, vieillissant, replié sur lui-même, il est encore plus solitaire et reclus depuis la mort de son épouse, refusant même la compagnie de sa propre famille. Son ancien quartier est désormais majoritairement habité par des immigrés asiatiques qu'il méprise. Sous la pression d'un gang local, son jeune voisin Thao tente de lui voler sa voiture, une Ford Gran Torino de collection à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux. L'opération ayant échoué, Thao doit faire face aux représailles des voyoux et ne doit son salut qu'à l'intervention de Walt. Lequel devient rapidement le héros du quartier... A son corps défendant...

Sacré Clint! Sacré vieux lui!

Profitons-en bien, quand même, parce qu'il ne sera pas éternel et qu'il frise allégrement les 79 printemps.

Mais force est quand même de reconnaitre qu'il a pris de la bouteille et que son grand âge lui va plus que bien.

Malgré une production de stakhanoviste avec laquelle seul son cadet Woody Allen peut rivaliser, il enchaine ces dernières années les films de classe internationale avec une régularité de métronome qui ne peut que forcer l'admiration.

Ainsi, après les déjà impressionnants "Mystic River", "Million Dollar Baby" et autres "Changeling", voila qu'il nous gratifie d'une espèce de film-somme, une sorte de compilation, de résumé de carrière.
Une mise en abyme vertigineuse dans laquelle il cite ses personnages fétiches, l'inspecteur Harry en tête, tout en tordant le coup à pas mal de clichés circulant sur sa personne. Et sur son cinéma.

Comme un film de vieux sage, lucide mais pas vraiment apaisé.

Un film-somme, oui, qui ramène Clint au plus près de ce qu'il a été, de ce qu'il est encore peut-être, tout en le purgeant de sa légende grâce à de bonnes doses d'auto-dérision, d'humour salutaire et d'émotion d'autant plus efficaces qu'elles sont servie par sa grande carcasse dure et burinée, dont il se sert presque comme d'un outil.

Parce qu'Eastwood sait émouvoir, bien sûr, et pas qu'un peu, d'ailleurs.
Souvenez-vous de la scène sous la pluie à le fin de "Sur la Route de Madison"...

La révélation, ici, c'est qu'en plus il sait aussi faire rire.

Ce qui donne droit à un film aux multiples facettes, solide et profond, d'une maîtrise confondante (surtout quand on sait que le précédent date d'il y a seulement quelques mois et que le suivant est déjà en cours de tournage).

Un film roublard, aussi, à travers lequel son auteur à vraisemblablement voulu réconcilier tous ses admirateurs: ceux qui aiment ses westerns et ses polars comme ceux qui préfèrent ses mélodrames.
Et par lequel il semble conclure en beauté sa carrière d'acteur au travers de ce personnage de vieux xénophobe casse-couille qui résume bien tous les pistoleros amateurs de justice expéditive qu'il a pu incarner jusqu'ici. Tout en les faisant en quelque sorte imploser...

Mais contrairement à ces grands frères, secs mais quelque part exhubérants, "Gran Torino" est avant tout un film pudique et presque délicat qui, derrière ses coups de gueule et ses pétarades, cache surtout une humanité bouleversante.
Un film d'une liberté de ton - tantôt cocasse, tantôt tragique - et d'une maitrise formelle (cadres au cordeau, mise en scène ultra précise, photo magnifique) sidérantes, surtout venant d'un vieux monsieur - j'allais preque écrire "d'un vieux singe" - qui semblait quand même ne plus rien avoir à prouver.

Un film de rédemption, aussi, encore un.

Qui avance implacablement vers un final des plus étonnants, qui restera sans doute comme un moment "classique" au milieu de la filmographie pourtant fournie du cinéaste.

En deux mots comme en cent: un film magistral, probablement l'un des plus grands du Clint Eastwood acteur ET du Clint Eastwood réalisateur.

Un film qui fait espérer que son auteur vive au moins centenaire. Et filme jusqu'au bout.

Et que sur le temps qui lui reste, il nous en fasse encore au moins une dizaine, des comme ça.

Ou même plus.


Cote: ****

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