mercredi 25 mars 2009


Who watches...

"Watchmen" de Zack Snyder (USA); avec Billy Crudup, Malin Akerman, Patrick Wilson, Carla Gugino, Jackie Earle Haley, Jeffrey Dean Morgan...

Etats-Unis, 1985. Lorsque l'un de ses anciens collègues est assassiné, Rorschach, justicier masqué n'ayant jamais renoncé à sa mission, mène l'enquête. Et découvre un gigantesque complot visant à éliminer un à un tous les super-héros, allant même jusqu'à menacer la paix mondiale. Déterminé à enrayer la machine, il recontacte ses anciens camarades voués à une retraite forcée et découvre avec perplexité les liens étroits que semble entretenir la conjuration avec le passé de ceux-ci. Et également le sien.

Attention: film-culte!

Pas en devenir, non, non. Film-culte, point barre.

Et pourtant, on sait à quel point ce n'était pas gagné, avec cette BD mythique, réputée inadaptable, due au talent illuminé d'Alan Moore, déjà auteur des tout aussi monumentaux "From Hell", "V pour Vendetta" ou "La Ligue des Gentlemen Extraordinaires", portés à l'écran avec des fortunes diverse.
Le garçon est réputé pour ne pas avoir tout à fait ses frites dans le même cornet, d'ailleurs, et son travail est à l'avenant.
En particulier ici, dans ce "roman graphique" colossal où se croisent ucronie, mythologie et politique-fiction...

Vingt ans qu'Hollywood essaie d'adapter le bazar à l'écran!

Vingt ans et quasiment autant de talents attachés aux divers projets.
Terry Gilliam fût un temps envisagé (et on peut d'ailleurs se demander ce qu'il en aurait fait, avec toute la démesure dont on le sait capable).
Paul Greengrass, Darren Aronofsky et bien d'autres s'y sont cassés les dents.

Il fallait donc bien tout le talent visionnaire de Zack Snyder, déjà auteur de l'adaptation pour le moins culottée d'une autre brique du genre, le "300" de Frank Miller, et probablement l'une des plus belles révélations - en tout cas d'un point de vue stylistique - de ces dernières années (avec Christopher Nolan, entre autres...) pour réussir ce que l'on peut allègrement qualifier de tour de force.

Car c'en est un, et pas un petit! Pas un léger. Et il n'est pas anodin, surtout, en ce qu'il propose carrémment - comme le précédent film de son auteur, d'ailleurs - une autre façon d'aborder le cinéma.
Ni plus, ni moins.

Arriver à condenser toute la folie, la grandiloquence, la complexité, la... y a pas de mots... du matériau d'origine en un seul film (de presque trois heures, il est vrai, mais quand même), rien que ça, ça vaut déjà les félicitations du jury.

Pousser le vice, si j'ose dire, jusqu'à le rendre digeste, même fluide, et, par delà, passionnant, ça, ça appelle carrément la pluie de médailles et de superlatifs.

Et emballer le tout dans ce qui est sans doute, du point de vue du style et de la technique, l'un des plus beaux films de genre que l'on ait vu depuis longtemps, là, c'est plus la floche, c'est tout le manège qui vient avec!

Certes, certes, bien sûr... Le film n'est pas sans défaut.
Difficile, par exemple, de faire passer à l'écran un personnage aussi "bédéesque" que le Docteur Manhattan.
Qui entraîne ce "Watchmen" pourtant globalement fort sombre et violent vers des eaux légèrement kitch, on ne peut pas dire le contraire. Toutes les scènes sur Mars, à ce titre, ont un peu du mal à passer, c'est vrai.
Et puis aussi, défaut commun à trop de films de super-héros, la fin est un peu sacrifiée, bien que tirée en longueur, avec son dénouement inutilement embrouillé et son "combat final" (ce n'en est pas vraiment un) par trop boursouflé.

Mais ce ne sont qu'infîmes chipotages qui ne viennent même pas rayer la surface de l'objet, par ailleurs d'une excellence quasiment complète, unanime.

La direction artistique, d'abord, soufflante.
La réalisation ensuite, virtuose, on ne le dira jamais assez.
Le scénario, fluide et passionnant.
Les personnages enfin, admirablement écrits et interprétés par des acteurs peu connus mais particulièrement inspirés et bien choisis (mention spéciale à Jackie Earle Haley, magistral dans le rôle de Rorschach).
Sans oublier la B.O. à la fois inspirée et décalée où se croisent Leonard Cohen et Nena, Bob Dylan et Simon & Garfunkel (si!).

A l'arrivée - et à l'image du livre qui l'a inspiré - "Watchmen" est un monument en plus d'être un grand,un très grand moment de pur cinoche.

Un film unique et multiple à la fois, tour à tour drôle, émouvant, terrifiant... Et toujours captivant!
Un film qui se permet de mêler les styles sans jamais s'écarter de son sujet.
Du vrai cinéma populaire ET intelligent, fidèle à l'oeuvre visionnaire dont il est issu.

Culte, je vous dis, culte!

Tout simplement...


Cote: ****

vendredi 20 mars 2009


Le Maire de Castro Street.

"Harvey Milk" (Milk) de Gus Van Sant (USA); avec Sean Penn, Josh Brolin; Emile Hirsch, James Franco, Diego Luna, Alison Pill...

Les dernières années de la vie d'Harvey Milk, premier américain ouvertement gay a avoir été élu à un poste officiel, de son installation dans le quartier de Castro Street, à San Francisco, jusqu'à son assassinat par l'un de ses collègues superviseurs...

Tout d'abord, je me dois de présenter mes plus plates excuses à Sean Penn et à sa famille (en ce compris feu Le Gros Penn) pour avoir douté, bien que très légèrement, de la légimité de son récent second Oscar du Meilleur Acteur, attristé que j'étais - et je le suis toujours un peu quand même, reconnaissons-le - de voir la statuette passer sous le nez de mon favori Mickey "The Wrestler" Rourke.

Parce que, pour le coup, je suis bien obligé d'avouer que tous les commentateurs avaient raison et que le prix n'est pas usurpé.
Loin de là!

Dans le rôle d'Harvey Milk, Sean Penn va plus loin, beaucoup plus loin que la simple incarnation.

Plus loin encore que la performance.

Plus loin. Beaucoup plus loin.

Tellement loin qu'on se demande comment il a pu en revenir, si tant est qu'il en soit revenu, d'ailleurs.

C'est bien simple, il n'y aura probablement jamais assez de superlatifs pour qualifier cette métamorphose.
Rarement, jamais - peut-être!, un acteur n'aura à ce point disparu, ne ce sera à ce point fondu dans son personnage.
Après coup, il a du suivre une psychanalyse ou faire venir un exorciste, c'est pas possible autrement.

Pourtant, d'une part ce ne sont pas les performances du genre qui manquent ces derniers temps (suffit de relire ce que je disais récemment à propos du Rourke, justement) et, d'autre part, c'est pas comme si le Penn ne nous avait pas habitué à ce genre de coups d'éclat, à la longue...

Mais à ce point-là, c'est bien simple, ça donne purement et simplement le vertige.

Pour autant, il serait injuste, voire inconvenant, de réduire "Harvey Milk" à une simple performance d'acteur, aussi impressionnante soit-elle (faudrait déjà y associer les seconds rôles et particulièrement Josh Brolin, très bien lui aussi - et c'est un euphémisme - dans son rôle de politicard réac coincé, pétri dans une espèce de carapace de rage et de frustations contenues).

Pour son retour au cinéma mainstream - encore que dans son chef cela soit tout relatif - Gus Van Sant, que l'on savait avec ses récents, hermétiques et très contemplatifs "Last Days" et "Paranoid Park" avoir atteint une espèce de point limite dans sa tentative de renouvellement cinématographique, livre ici un biopic d'envergure, presque une saga, dans lequel se mèlent intimement poésie et réalisme, rigueur et audace.

Formellement très maitrisé (une photo magnifique, une bande-son très adéquate - on y croise même Bowie - une reconstitution d'époque rigoureuse; la non plus, ce ne sont pas les qualificatifs flatteurs qui manquent) le film se double - se triple même, devrait-on dire! - d'une réflexion passionnante sur la tolérance et d'une mise au point historique... comment dire... saisissante!

Un regard juste et digne sur des années qui ont changé du tout au tout le visage d'une communauté.

Un point de vue d'autant plus frappant qu'il ne verse jamais ni dans le militantisme pur et dur, ni dans la gnangnanterie, ni dans le didactisme froid.
Et que le réalisateur et son scénariste arrivent à le transcender, donnant au film une dimension presque universelle, le sujet n'étant plus au final la lutte de la communauté gay mais plutôt la lutte tout court.
La résistance au quotidien, ce pour quoi il faut continuer de se battre.

Et quelque part, il devient la métaphore de la carrière d'un cinéaste exigeant et audacieux, qui n' a jamais renoncé, jamais hésité à se remettre en question, à explorer de nouvelles pistes, à tenter de nouvelles choses. Même si ces tentatives n'ont pas toujours été couronnées de succès, bien entendu.

Pour tout ça - et pour beaucoup d'autres choses encore - "Harvey Milk" est un film important.

Pour ce qu'il dit, pour les retranchements dans lesquels il semble avoir poussé son interprête principal...

Et pour son réalisateur, qu'il pousse à ouvrir une nouvelle porte, à qui il montre du doigt un nouveau chemin.

Et, oui, c'est peu de dire que l'on attend avec impatience de savoir où cela va le mener.

Où cela va nous mener, sans doute.
Aussi...


Cote: ***

jeudi 19 mars 2009



En attendant le Bifff...

Ca y est!

Ca commence à sentir l'écurie!

Le programme est (enfin) là, sur un tout nouveau, tout beau site web et surtout; plus qu'une vingtaine de fois dormir (arf!) et on y est.

La seconde salle semble avoir disparu, il y a donc moins de films et ceux qui sont séléctionnés pour la compétition du "7ème Parallèle" ont - forcément - été rapatriés dans la grande salle.

Quant au programme en lui-même, eh bien, malgré l'absence de "Star Trek" (ah! ah!) il est assez alléchant: "Nightmare Detective 2" de Tsukamoto, le remake de "La Dernière Maison sur la Gauche", celui de "Deux Soeurs", Tsui Hark, les frères Pang (ou du moins un des deux), un film de vikings (!), la plupart des films de Gérardmer (ce qui ne veut pas dire grand'chose, je vous l'accorde) et même un Uwe Böll (re-ah ah!).

Mouais... Tout ça est bien beau sur le papier, reste à voir ce que ça va donner "en vrai". Ce ne serait pas la première fois que, enthousiasmés par le programme, on se retrouverait déçus une fois que la bise sera venue (hein?)...

Reste plus qu'à vérifier sur pièces, à partir du 09 avril à Tour & Taxis...

Allez, ouais, vivement bientôt, tiens!

mercredi 18 mars 2009



Go ahead, make my day...

"Gran Torino" de Clint Eastwood (USA); avec Clint Eastwood, Bee Vang, Ahney Her, Christopher Carley, John Caroll Lynch, Brian Howe...

Walt Kowalski est un vétéran de la Guerre de Corée. Aigri, vieillissant, replié sur lui-même, il est encore plus solitaire et reclus depuis la mort de son épouse, refusant même la compagnie de sa propre famille. Son ancien quartier est désormais majoritairement habité par des immigrés asiatiques qu'il méprise. Sous la pression d'un gang local, son jeune voisin Thao tente de lui voler sa voiture, une Ford Gran Torino de collection à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux. L'opération ayant échoué, Thao doit faire face aux représailles des voyoux et ne doit son salut qu'à l'intervention de Walt. Lequel devient rapidement le héros du quartier... A son corps défendant...

Sacré Clint! Sacré vieux lui!

Profitons-en bien, quand même, parce qu'il ne sera pas éternel et qu'il frise allégrement les 79 printemps.

Mais force est quand même de reconnaitre qu'il a pris de la bouteille et que son grand âge lui va plus que bien.

Malgré une production de stakhanoviste avec laquelle seul son cadet Woody Allen peut rivaliser, il enchaine ces dernières années les films de classe internationale avec une régularité de métronome qui ne peut que forcer l'admiration.

Ainsi, après les déjà impressionnants "Mystic River", "Million Dollar Baby" et autres "Changeling", voila qu'il nous gratifie d'une espèce de film-somme, une sorte de compilation, de résumé de carrière.
Une mise en abyme vertigineuse dans laquelle il cite ses personnages fétiches, l'inspecteur Harry en tête, tout en tordant le coup à pas mal de clichés circulant sur sa personne. Et sur son cinéma.

Comme un film de vieux sage, lucide mais pas vraiment apaisé.

Un film-somme, oui, qui ramène Clint au plus près de ce qu'il a été, de ce qu'il est encore peut-être, tout en le purgeant de sa légende grâce à de bonnes doses d'auto-dérision, d'humour salutaire et d'émotion d'autant plus efficaces qu'elles sont servie par sa grande carcasse dure et burinée, dont il se sert presque comme d'un outil.

Parce qu'Eastwood sait émouvoir, bien sûr, et pas qu'un peu, d'ailleurs.
Souvenez-vous de la scène sous la pluie à le fin de "Sur la Route de Madison"...

La révélation, ici, c'est qu'en plus il sait aussi faire rire.

Ce qui donne droit à un film aux multiples facettes, solide et profond, d'une maîtrise confondante (surtout quand on sait que le précédent date d'il y a seulement quelques mois et que le suivant est déjà en cours de tournage).

Un film roublard, aussi, à travers lequel son auteur à vraisemblablement voulu réconcilier tous ses admirateurs: ceux qui aiment ses westerns et ses polars comme ceux qui préfèrent ses mélodrames.
Et par lequel il semble conclure en beauté sa carrière d'acteur au travers de ce personnage de vieux xénophobe casse-couille qui résume bien tous les pistoleros amateurs de justice expéditive qu'il a pu incarner jusqu'ici. Tout en les faisant en quelque sorte imploser...

Mais contrairement à ces grands frères, secs mais quelque part exhubérants, "Gran Torino" est avant tout un film pudique et presque délicat qui, derrière ses coups de gueule et ses pétarades, cache surtout une humanité bouleversante.
Un film d'une liberté de ton - tantôt cocasse, tantôt tragique - et d'une maitrise formelle (cadres au cordeau, mise en scène ultra précise, photo magnifique) sidérantes, surtout venant d'un vieux monsieur - j'allais preque écrire "d'un vieux singe" - qui semblait quand même ne plus rien avoir à prouver.

Un film de rédemption, aussi, encore un.

Qui avance implacablement vers un final des plus étonnants, qui restera sans doute comme un moment "classique" au milieu de la filmographie pourtant fournie du cinéaste.

En deux mots comme en cent: un film magistral, probablement l'un des plus grands du Clint Eastwood acteur ET du Clint Eastwood réalisateur.

Un film qui fait espérer que son auteur vive au moins centenaire. Et filme jusqu'au bout.

Et que sur le temps qui lui reste, il nous en fasse encore au moins une dizaine, des comme ça.

Ou même plus.


Cote: ****

lundi 16 mars 2009



King of the Jungle!

"Che - L'Argentin" (Che - The Argentine) de Steven Soderbergh (USA); avec Benicio Del Toro, Catalina Sandino Moreno, Demian Bichir, Julia Ormond, Rodrigo Santoro, Sam Robards...

1955. Dans un modeste appartement mexicain, Raoul Castro présent Ernesto Guevara, jeune médecin argentin idéaliste, à son frère, Fidel. Ce dernier confie au jeune homme une opération de guerilla afin de renverser Batista, le dictateur cubain. L'opération tourne au massacre: seuls douze hommes, dont Guevara et Castro, en réchappent. Réfugiés dans la Sierra Maestra, ceux que l'on surnomme déjà les "barbudos" déclarent la guerre totale au régime de Batista.

Comment est-ce Dieu possible (si je puis me permettre, vu qu'avec un sujet pareil il vaut peut-être mieux laisser Dieu ou le Grand Hamster Velu en dehors de tout cela)?
Comment a-t-on pu tirer un film aussi chiant d'un sujet pareil (indépendamment du fait qu'il y a un deuxième volet que l'on a pas encore vu - et pour cause - qui va peut-être sauver l'ensemble du naufrage mais j'y crois pas fort)?

Ca frise le surréalisme, surtout au vu des talents embarqués dans l'affaire et de leur investissement quand même, on va dire, "particulier" (Del Toro, producteur du film semblait tenir dur comme fer au projet).

Bon, il est vrai qu'au fil des films, on se met de plus en plus à douter des véritables capacités de Soderbergh, entre génie et fumiste, cultivant la valse hésitation entre genres, formes et techniques, l'érigeant même d'une certaine façon en méthode, courant d'un chef-d'oeuvre ("Traffic") a un film expérimentalo-potache ("Full Frontal"), de films de genres léchés et classiques (la série des "Ocean") en exercices de styles cabotins ("The Good German"), de séquelles inutiles (les "Ocean", encore) en fresque historico-politiques démesurées (le présent dyptique) avec une espèce de rage schizophrène qui, à la longue, devient franchement suspecte.

Le pire, le plus évident et le plus simple à constater étant que, malgré tout les espoirs jadis placés en lui, on peut se demander de manière assez légitime si finalement, à l'exception notable de l'intrigant "Bubble", le gaillard à encore vraiment réalisé quelque chose qui tenait la route depuis le premier "Ocean", justement (et encore celui-ci ne cassait-il déjà pas trois pattes à un canard).

La réponse se situe entre "non" et "beuh", en tout cas en ce qui me concerne. Et ce n'est certainement pas cet affreux pensum qui va me faire changer d'avis.

Car enfin, il y avait certainement des choses à dire, sur un sujet pareil!
C'était l'occasion de rendre justice à une "icône des temps modernes" réduite au fil du temps à une image sur un t-shirt!
D'en apprendre sur ce personnage hors norme que tout le monde connait mais dont personne ne sait finalement rien, ou si peu.
Ce type sur lequel "chacun de nous connait une chose importante" (pour paraphraser Benicio Del Toro dans une récente interview) sans jamais arriver à l'appréhender dans son ensemble.

Eh bien non.
Raté, foutu.
Le film ne nous apprend rien.

Pourquoi?
Parce que soit il survole son sujet, ressassant des clichés, soit, au contraire, il se perd tellement dans les méandres d'un scénario lourdingue et - surtout - de dialogues filandreusement cryptiques que l'on n'y entrave plus que pouic.
Ou que, pire encore, on se désintéresse complètement de la question.

L'autre problème de taille de "Che..." étant qu'il se trouve bizarrement dénué de point de vue.
A tel point qu'on se demande parfois où ça veut en venir.
Jamais de parti pris, jamais de commentaires... Soderbergh se contente d'aligner les faits historiques les uns derrière les autres, de manière chronologique, en les entrecoupant - pas pour le meilleur effet non plus, d'ailleurs - d'extraits d'une interview tardive (et barbante).

A se demander franchement quel était l'intérêt d'aborder un sujet pareil si c'était pour en tirer ça.

Quelque chose de si terne, de si creux, de si didactique...

Quelque chose de si ennuyeux, au final...

Est-ce par orgueil que, malgré le mauvais accueil cannois, Soderbergh n'a pas voulu tailler dans son film (autrement qu'en le coupant en deux, les pauvres festivaliers ayant dû se farcir l'intégrale de 4h15, en plus), nous présentant aujourd'hui ce monolithe inutilement tiré en longueur, rebondissant de ventre mou en ventre mou?

Mystère et boules de bites mais, en attendant, le résultat est là.
Et il n'est franchement pas emballant, croyez-moi...

Bien sûr, il nous reste l'interprétation de Benicio Del Toro.
Tellement parfait et impliqué qu'on se demande bien, après coup, qui d'autre aurait pu tenir le rôle.
Bien sûr, il y a quelques beaux passages dans la jungle. Quelques sursauts au niveau de la réalisation.
Bien entendu, le film se réveille un peu à la toute fin, lorsque on aborde la bataille de Santa Clara, soit quelque chose de moins invraisemblablement verbeux et d'un peu plus purement "cinégénique", tant qu'à faire...

Mais sur 2h07, ça fait quand même peu de choses auxquelles se raccrocher, il faut bien l'avouer.

Alors bon, voila, il ne nous reste plus qu'à espérer que la deuxième partie sera un petit plus emballante, un petit peu moins soporifique, un peu plus rageuse, engagée, que sais-je?...

Mais quelque chose me dit que c'est pas gagné.

Oooooh non. C'est pas gagné!

Cote: *

mercredi 11 mars 2009



Comme un air de retour...

"The Wrestler" de Darren Aronofsky (USA); avec Mickey Rourke, Marisa Tomei, Evan Rachel Wood, Mark Margolis, Judah Friedlander, Todd Barry...

Star du catch dans les années '80, Randy "The Ram" Robinson n'est aujourd'hui plus que l'ombre de lui-même. Vieillissant, vivant dans une caravane miteuse, travaillant à temps partiel dans un supermarché, il ne combat plus que dans les maisons de quartier, les écoles ou les tournois minables. Terrassé par une crise cardiaque, il est contraint par son médecin d'abandonner le catch, un combat de plus pouvant potentiellement lui être fatal. Voulant se ranger, il tente de renouer le contact avec sa fille et entâme une relation avec une strip-teaseuse quasiment aussi paumée que lui. Mais sa passion pour le catch, le goût du spectacle et l'appel du public le poussent à remonter une dernière fois sur le ring.

"The Wrestler" c'est un peu le film de toutes les surprises...

La première, évidemment, on nous l'a assez braillé, c'est celle du retour en fanfare, de la "résurrection" - pour paraphraser les critiques cinés du monde entier et au-delà - de Mickey Rourke, que l'on croyait perdu pour toujours, noyé dans les tréfonds de la série Z et des matches de boxe à cinq francs.
Enfin, "perdu", plus tout à fait...
N'ayons pas non plus la mémoire trop courte et n'oublions pas que ledit retour fût amorcé il y a maintenant une paire d'années ou un peu plus par son rôle de Marv (un boxeur, tiens, tiens...) dans le "Sin City" de Miller et Rodriguez.
Mais bon, il est vrai que pour le coup, le vrai come-back, qui durera ce qu'il durera mais baste, c'est ici qu'on le tient, avec ce véritable retour en tête d'affiche, métamorphosé, dans ce qui se pose quand même à première vue comme le rôle d'une vie.

Et quand on dit d'une vie...

Car force est quand même de reconnaitre, même si ça aussi ça a fort été rabaché ces derniers temps, que ce Randy "The Ram" Robinson cultive de singuliers points communs avec son interprête...

Ex-star très abimée cherchant la rédemption à travers un énième retour qu'il espère gagnant, Randy "The Ram" est Mickey Rourke et réciproquement.
Et l'acteur le sait et y crois, mettant tout son talent et sa fragilité (Ah! Voir pleurer Mickey Rourke - souvenez-vous de sa micro-scène dans "The Pledge" - ça reste une expérience vraiment très émouvante, croyez-moi) au service du personnage, ne reculant devant rien, offrant à la caméra son incroyable corps torturé, sculpté par les coups, les excès et la chirurgie esthétique avec une espèce d'abandon et de grâce ultime, presque christique.
En ce sens, sa performance (c'est vraiment le mot) est à rapprocher des grands classiques du genre (Robert De Niro dans "Raging Bull", ce style) et reste bien évidemment le grand atout et la principale "curiosité" du film.

La deuxième surprise vient du côté quasiment documentaire du film, ou devrait-on dire, "du reste du film" à savoir tout ce qui gravite autour de Mickey Rourke himself.
Le corrolaire de cette surprise étant le travail d'Aronofsky lui-même, qui s'écarte drastiquement de sa virtuosité tape-à-l'oeil et, avouons-le, plutôt pour le meilleur.

Et de ce côté-là, ce n'est rien de dire que le film est passionnant et surprenant, nous apprenant au passage pas mal de choses à propos d'un sport, parce que s'en est vraiment un, que l'on croyait peut-être connaitre et que l'on méprisait sans doute.
Un film qui en plus ne nous épargne rien, comme dans cette scène vraiment gore où The Ram combat contre une espèce de redneck sado-maso à grand coups d'agrafeuse ou de fil de fer barbelé.

La mise en scène d'Aronofsky adopte pour ce faire un style très dépouillé, suivant son anti-héros à la trace, lui collant au corps à grands renforts de caméra à l'épaule, révélant ainsi qu'il est - ou du moins semble être - un cinéaste à l'aise dans bien plus d'un registre, contrairement à ce qu'auraient pu faire penser ces précédents opus, bien plus tapageurs.

Modeste et nostalgique, le traitement dénué d'effets qu'il impose à son sujet fait également pas mal pour la réussite de son singulier "Rocky" à la sauce catch.

A ce concert de louanges il serait dommage et même impensable de ne pas associer les deux interprêtes féminines.
Mon éternel chouchou Marisa Tomei, excellentissime comme d'habitude dans le rôle de la strip-teaseuse paumée au grand coeur (et quelle ligne, mes amis, quelle ligne!) et la jeune Evan Rachel Wood, elle aussi parfaite dans celui de la fille larguée mais qui veut quand même y croire encore.

Mélodrame, film de catch, fable redneck, hymne à la rédemption, biopic détourné, "The Wrestler" est tout cela à la fois.

Et aussi au-delà de tout ça.

On peut le dire, par la grâce de son interprête principal, "The Wrestler" se situe presqu'au-delà du cinéma.


Cote: ****

vendredi 6 mars 2009



Le fabuleux destin de Benjamin B.

"L'Etrange Histoire de Benjamin Button" de David Fincher (USA); avec Brad Pitt, Cate Blanchett, Jason Flemyng, Julia Ormond, Jared Harris, Tilda Swinton...

Les tribulations - à la Nouvelle Orléans et ailleurs, de 1918 à nos jours - de Benjamin Button. Qui naquit à l'âge de 80 ans et vécu sa vie à rebours...

A première vue, on pourrait prendre "Benjamin Button" pour un grand film classique et romanesque, un mélodrame fantastique rose-bonbon et larmoyant doublé d'un feel-good movie un peu démago, forçant tant qu'il peut sur les violons...

Ou comme un simple tour de force technologique, gorgé d'effets numériques vraiment saisissants et réalisant en même temps une sorte d'idéal de film "à l'ancienne".

Et c'est vrai que c'est un peu tout ça à la fois.

C'en est même curieux (c'est d'ailleurs dit dans le titre. Hum. Pouf pouf...): car voila bien sans doute à la fois le film le plus hollywoodien et le plus personnel de son auteur.
Le plus classique et le plus novateur.
Le plus universel et, sans doute, le plus intime, aussi...

Et le miracle c'est que la formule s'étend également au public, qui sera sans doute touché par cette histoire dans laquelle tout un chacun, confrontés que nous sommes par la force des choses aux aléas de la vie, à la peur de vieillir et au mystère de la mort, trouvera sans doute une résonnance plus ou moins intime.

C'est ce qui fait sans doute tout le sel de ce film qui cache sous des dehors clinquants et tout public une âme beaucoup plus sombre qu'il n'y parait à première vue.
Car finalement, quoi de plus terrifiant que cette histoire de vie à l'envers?
Voir sa vie s'échapper, être plus sage enfant que vieillard, être en permanence confronté à la mort, vivre quelque part au milieu d'elle... Quand on y pense, c'en est presque paralysant. Non?

Alors heureusment, le film attendrit ce propos, l'adoucit en lui opposant une structure romanesque tonique et stimulante avec tout ce que cela suppose de grandes amours contrariées, de pyrotechnie, d'exotisme...

Pour cela, Fincher frappe très fort avec 2h35 d'un cinéma bigger than life, gorgé de grand spectacle, d'aventures picaresques et de personnages hauts en couleurs.

Sa réalisation, virtuose bien que plus effacée qu'auparavant, assagie tout en gardant sa patte, sers l'histoire avec une efficacité impressionnante.
Le tout est subtilement (quoi que... pas toujours...) rehaussé par des effets spéciaux numériques pour une fois totalement au service de l'histoire et non de l'esbrouffe.
Et l'ensemble nous donne un film à la fois majestueux et baroque, fastueux et suffisament vaste pour faire coexister la grande et la petite histoire, les anecdotes cocasses et les drames poignants, l'histoire d'amour elle aussi quasiment métaphysique et l'Histoire elle-même, celle avec un grand "H".

Bien sûr, il est facile de dire que le film fait penser à "Forrest Gump".
Même personnage hors norme, même façon de traverser l'Histoire, même type de narration. Mais on est assez loin ici d'un discours du style "heureux les imbéciles".
Benjamin Button est un homme qui souffre plus que tout autre et que son destin force à se surpasser, même si pour cela il doit parfois prendre des décisions qui déchirent des coeurs.

D'ailleurs, si des comparaisons sont à faire (et encore, ça concerne plutôt le début du film) c'est assez étonnamment du côté d' "Amélie Poulain" qu'il faudrait les chercher.
Avec un goût partagé pour les flashbacks, les voix-off et les digressions poétiques, par exemple. Et aussi une certaine approche visuelle, colorée et lumineuse.

Bien entendu, il serait faux de prétendre qu'on tient là le film parfait.
Son principal défaut étant à chercher dans sa longueur: il accuse en effet une petite baisse de régime malencontreuse, vers le milieu.
Mais cela n'est rien à côté de son potentiel à émouvoir (difficile de rester de marbre devant le crescendo émotionnel de la dernière demi-heure) et aussi à surprendre.

Rehaussé bien évidemment par la justesse de ses deux principaux interprètes (surtout Brad Pitt, il faut bien le dire), "L'Etrange Histoire de Benjamin Button" prépare visiblement une étonnante deuxième partie de carrière à son réalisateur.

Et se paye surtout le luxe de se poser - déjà - en futur classique. De ceux dont on reparlera sans doute encore longtemps.


Cote: ****

lundi 2 mars 2009


La faute à Séraphine!

On l'aura constaté, je n'ai pas beaucoup de temps à consacrer au blog pour le moment.
Les critiques de "Benjamin Button", "The Wrestler" et autres "Ché" devront donc attendre encore un peu.
Enfin, pas trop longtemps quand même histoire de ne pas les poster après leur sortie en DVD mais bon, voila.
On fait ce qu'on peut, on est pas des boeufs, hein.
En plus, vu les sorties qui se pointent à l'horizon (et j'ai toujours pas vu "Gran Torino" ou "Harvey Milk"...) ça devrait pas aller en s'améliorant.
Ké misère!

En attendant jetons donc un coup d'oeil furtif sur la cérémonie des Césars qui, on s'en doute, m'a nettement moins réussi que celle des Oscars avec un malheureux 4 et demi sur onze (le demi point venant de l'outsider Marc-André Grondin, lauréat du César du Meilleur Espoir Masculin).

La faute en incombe à "Séraphine", le film de Martin Provost que personne n'attendait et qui s'est payé le luxe de rafler ni plus ni moins que 7 statuettes, didju!
Dont celles de Meilleur Film et de Meilleure Actrice (la seconde pour Yolande Moreau dans cette catégorie).

Alors, oui, donc à part ça, cocorico puisque outre la brave Yolande une autre belge a été distinguée en la personne de Deborah François (Meilleur Espoir Féminin pour "Le Premier Jour du Reste de ta Vie").

Rayon acteurs, heureusement pas de surprises avec les attendus Cassel et Roussillon.

Sinon, que dire?
Que je suis bien content pour Philippe Claudel (Meilleure Première Oeuvre) et surpris par le manque de retour accordé à "Entre les Murs" (un seul César, celui de l'adaptation)...
Pour le reste, vous avez déjà tout vu tout lu sur cette fort terne cérémonie (Antoine de Caunes était limite pathétique) donc on va pas en remettre trois couches et si vous y tenez, vous pouvez toujours aller pour consulter le palmarès complet.

Et à l'année prochaine.