lundi 9 février 2009



Une classe royale...

"The Duchess" de Saul Dibb (UK); avec Keira Knightley, Ralph Fiennes, Charlotte Rampling, Dominic Cooper, Hayley Atwell, Simon McBurney...

Angleterre, fin du XVIIIème. Giorgiana devient la nouvelle Duchesse du Devonshire. Le Duc, richissime et très influent autant qu'acariâtre et autoritaire, la délaisse d'autant plus vite qu'elle semble incapable de lui donner un héritier mâle. Bien vite - et alors que sa beauté et son charisme naturels en font une femme véritablement adulée par ses contemporains, aussi bien à la Cour que parmi la population - sa vie conjugale tourne au désastre. D'autant qu'elle se voit obligée de partager un étrange "ménage à trois" avec sa meilleure amie, Bess, devenue la maîtresse de son mari...

Oui, je sais, bien sûr, bien entendu...

On peut ici tout de suite hurler au loup...
S'indigner d'emblée de l'évidence, voire de la redondance, sur l'air de "encore un film anglais en costume!"...

Un de plus, oui.

Et avec Keira Knightley qui plus est! Misère!
Keira Knigthley qui, de "Reviens-moi" en "Pirates des Caraïbes" semble bien partie pour détrôner sa consoeur et compatriote Kate Winslet (jadis surnommée "Corset Kate", quand même) dans la catégorie "actrice de mélodrame historique en froufrou".

On pourrait dire - et craindre! - tout ça, oui.

Et une fois de plus - oui, oui: "une fois de plus" - ce serait dommage!
Bien dommage!

Ce serait même malheureux de passer à côté de ce que l'on pouvait prendre d'entrée de jeu pour un "petit film" un peu académique, estampillé "qualité anglaise", BBC ou Channel 4, et qui s'avère finalement être une très, très bonne surprise...

Pas poussiéreuse pour un sou, plutôt vive, fort bien torchée ma foi (n'oublions pas non plus qu'il s'agit d'un premier long), plutôt intelligente (si, je vous assure) et bien aidée, qui plus est, par une interprétation forcément impeccable, puisque tout ce qu'il y a de british (voyons!).

Ce qui nous fais quand même pas mal de parenthèses mais on n'en est plus à ça près.

Ici, malgré l'opulence froide de la mise en scène, on se retrouve assez vite devant un film à la fois plein de râge, d'envie de vivre et - aussi - de désespoir.

Un récit où, derrière le glacis des apparences, se cache une véritable cruauté.

Car ce qu'impose le Duc (impressionant Ralph Fiennes, il faut bien le dire) à sa Duchesse tout au long de l'histoire est quand même assez sévère, avouons-le.
D'autant que cette litanie d'horreurs et d'humiliations va crescendo.

Mais, même si l'histoire peut y faire penser par endroit, on est loin de "Tess d'Uberville".

Grâce en soit rendue avant tout à l'interprétation de Keira Knightley qui compose une héroïne émouvante et vulnérable, certes, mais aussi paradoxalement forte et surtout extrèmement moderne.

Car la modernité est ici le maître-mot, dans ce portrait d'une suffragette avant l'heure, engagée dans la vie publique de par son soutien au parti libéral, et surtout d'une femme en avance sur son temps de par son sens de la communication - on pourrait presque dire du marketing - et sa volonté de maîtriser sa destinée contre vents et marées.
Une Lady Di (dont la duchesse en question aurait été l'ancêtre, allez savoir...) XVIIème, en quelque sorte...

L'intelligence et la finesse du scénario est ici de souligner - avec un vrai sens du récit - à quel point la grandeur et la puissance britannique pouvaient se payer au prix fort.
Et comment elle pouvaient broyer les individualités.

A travers ce portrait émouvant - bien qu'un peu trop souvent cerné par les violons - d'une femme malheureusement sacrifiée mais dont la dignité, l'abnégation et la vitalité finissent par laisser filtrer un peu d'humanité dans les boues sombres de l'Histoire, Saul Dibb réussit donc un premier film plus étonnant qu'il ne pouvait y paraître de prime abord.

Et permet à Keira Knightley de rajouter une perle de plus au collier de sa pourtant déjà impressionnante filmographie.


Cote: ***

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