dimanche 1 février 2009


L'heure de vérité?

"Frost/Nixon" de Ron Howard (USA); avec Frank Langella, Michael Sheen, Rebecca Hall, Kevin Bacon, Sam Rockwell, Oliver Platt...

En 1977, trois ans après sa démission, le Président Nixon accepte l'offre de David Frost, animateur de talk-show britannique: réaliser une interview-vérité étalée sur quatre soirées. L'émission va pulvériser les records d'audience, révolutionner le concept d'interview télévisée et pousser l'ex-homme d'Etat dans ses derniers retranchements...

Eh bien, contrairement au très décevant "Slumdog Millionaire", voici bien un film qui ne partait pas gagnant dans mon esprit et qui pourtant s'avère au final une véritable bonne surprise.

Parce qu'en effet, sur le papier, ce "Frost/Nixon" n'avait rien de bien excitant, faut bien l'avouer...

Adapté d'une pièce de théatre (due à la plume de l'excellent Peter Morgan, auteur de "The Queen", il est vrai, mais quand même...), relatant une interview télé d'un ex-président des Etats-Unis menée par un animateur dont personne n'a jamais entendu parler sous nos latitudes et par dessus le marché emballé par l'un des pires faiseurs planplan qu'Hollywood ait enfanté.

On pouvait s'attendre au pire!

A un sinistre pensum, lourdingue et indigeste, où durant deux longues heures deux acteurs se seraient donnés la réplique à grand coups de références politiques désuètes, dans un décor poussiéreux.
Le tout servi par une mise en scène à la papy...

Et, surprise, ô combien! Rien de tout cela...

Car Ron Howard, sans doute transcendé par son sujet et la qualité du matériau de base (ce qui est justement la marque des vrais bons faiseurs) réussi la gageure de faire de tout cela quelque chose de fluide et de passionnant sans jamais sombrer dans le didactisme condescendant typique de bien des productions américaines du genre.

Pas un instant on est largué, pas un instant on ne se demande de quoi on parle...
Au contraire, bien au contraire, on reste à tout moment captivé par l'importance des enjeux!

Bien entendu, on peut légitimement se demander ce qu'aurait donné pareille histoire entre les mains d'un Oliver Stone période "Né un 4 Juillet" ou "JFK", par exemple (parce que le Oliver Stone actuel, celui de "World Trade Center" ou de "W." semble bel et bien perdu pour la science)...

Mais en l'espèce, force est d'avouer que cela fonctionne fort bien.

Grâce en soit rendue à un scénario qui n'oublie jamais que, derrière les enjeux politiques et médiatiques, se cachent avant tout des hommes, avec leurs faiblesses et leurs contradictions.
Parce que c'est évidemment ça qui passionne, qui tient en haleine. Plus que la pourtant très habile construction en forme de "thriller" qui fait se demander qui, de Frost ou de Nixon, va bien pouvoir sortir vainqueur de l'affaire.

Le côté hâbleur d'un Frost rapidement dépassé par les événements, qui se rend compte qu'il a affaire à un trop gros morceau, qui perd pied mais qui tente à tout pris de renverser la vapeur pour prouver à tout le monde et avant tout à lui-même qu'il vaut mieux que ce que l'on pense.

La maitrise sidérante, le charisme incroyable, la mauvaise foi crasse et le manque total de scrupule d'un Nixon finaud, roublard mais finalement fragile, dont l'impressionnante armure finira par se fissurer, révélant un colosse aux pieds d'argile, miné par ses échecs et finalement beaucoup plus largué que l'on ne le croit.

A ce titre, le duel d'acteurs fait évidemment beaucoup pour la réussite de l'entreprise.
Et autant dire tout de suite que l'on n'est pas déçus ici.
On n'est pas volés!
Entre un Michael Sheen impressionnant d'élégance désinvolte derrière laquelle il arrive à faire poindre la volonté d'acier et le désir de réussite de son personnage et un Frank Langella à la fois pétrifiant d'intensité et désarmant de vulnérabilité, avouons qu'il y a de quoi faire...

Et comme en plus, Ron Howard à le bon goût - voire l'élégance - de faire passer tout ça à travers le filtre d'une réalisation sobre et étonnante de fluidité (eh oui, il faut bien le dire), "Frost/Nixon" arrive au total à s'affranchir presque tout à fait de ses pourtant nombreux handicaps de départ.

Et comme ce n'était pas gagné d'avance... Je crois qu'on peut dire bravo!


Cote: ***

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