dimanche 22 janvier 2012
Postiches.
"J. Edgar" de Clint Eastwood (USA); avec Leonardo DiCaprio, Naomi Watts, Armie Hammer, Judi Dench, Josh Lucas, Lea Thompson...
La vie et la carrière de J. Edgar Hoover, l'homme qui créa le FBI et le dirigea sous huit présidents, pendant presque 50 ans.
La mode est aux biopics, c'est un fait certain. Mais il y en a qui, pour des raisons diverses, attirent plus que d'autres. Par la personnalité même de leur sujet, celle de leur réalisateur ou celle de leur interprête principal.
Trois qualités qui semblent d'emblée rassemblées ici.
Quoi de plus passionnant, en effet, que de s'intéresser à la vie, aux oeuvres et aux pompes d'un personnage aussi complexe que J. Edgar Hoover, passé maître dans l'art de la manipulation, du mensonge et de la dissimulation, mise en boîte par l'un des réalisateurs à la fois les plus "classiques" (au sens noble du terme) et révérés du moment - mais dont le discours fût jadis considéré comme plutôt ambigu - et interprêté par un acteur qui n'en finit pas de mûrir et de se complexifier au fil des rôles ?
Rien, semble-t-il...
Et d'entrée de jeu on peut dire que l'on est confronté ici à un film franc du collier, qui réalise exactement ce qui est marqué sur sa boîte. Du bon spectacle solide et carré, intelligent mais divertissant, touffu mais didactique, qui a le bon goût de ne pas vous perdre en route.
D'ailleurs, dès le titre, tout est clair.
"J. Edgar".
Ca aurait pu s'appeller "Hoover" (ça a failli, d'ailleurs) mais non.
"J. Edgar".
Dès le départ, les intentions d'Eastwood sont claires: il va nous montrer l'individu derrière l'Homme d'Etat et de pouvoir.
Et le moins que l'on puisse dire c'est que l'animal est fascinant.
Homosexuel refoulé, effrayé par les femmes, d'une pudeur extrème (ce qui semble être en soi une métaphore de toute l'oeuvre d'Eastwood), castré par une mère bigote et envahissante, complexé par sa taille et un problème d'élocution, J. Edgar Hoover a dépassé tout celà et a réussi à se transformer en l'un des hommes les plus puissants, craints et détestés de l'histoire des Etats-Unis.
En se batissant un empire sur mesure, exploitant ses dons et ses défauts personnels pour les transformer en des trésors de manipulation, de cloisonnage et somme toute de folie, Hoover se métamorphose en une sorte de parabole du système américain - et du système mondial - d'hier et d'aujourd'hui.
Et là où le scénario de Dustin Lance Black ("Harvey Milk") devient carrément génial, c'est que, pour montrer comment Hoover s'accomplit en professionnalisant et en rendant crédible le jeune FBI, il s'appuie sur une affaire dans laquelle rien n'est sûr: le kidnapping du Bébé Lindbergh !
Ce qui est encore considéré comme le Crime du Siècle pour les américains, transforme le Bureau en la machine implacable qu'il est devenu, alors que la culpabilité même de son pincipal protagoniste, Bruno Hauptmann, est encore aujourd'hui sujette à forte caution.
Et ainsi la boucle est-elle bouclée, la parabole se referme-t-elle sur elle-même.
Mieux encore: Black transforme la fin du film en une sorte de thriller à tiroirs dont les retournements de situation remettent totalement en perspective tout ce qui a été vu précédemment.
Un monde de mensonges et de miroirs tout simplement brillantissime.
Alors, oui, on peut aussi reprocher au Vieux Clint de tirer un peu beaucoup très fort sur la corde du romantisme en insistant sur la prétendue "romance" entre J. Edgar et son assistant de toujours, Clyde Tolson (incarné par un Armie Hammer tout simplement génial).
Comme on peut aussi reprocher au film un côté un petit peu... monumental.
Ou au scénario de virer parfois un peu trop à l'hagiographie (c'est sûr qu'on n'est pas dans le "Underworld USA" de Ellroy, dont Hoover est également l'un des principaux personnages).
On peut tiquer aussi sur ces maquillages un peu too much ainsi que sûr l'interprétation très Oscar-friendly de DiCaprio.
On peut faire tout celà, oui.
Mais force est également de constater - et de reconnaître - que "J. Edgar" signe un retour en forme pour un cinéaste précieux et certainement pas éternel, à qui l'on en aurait voulu de quitter la scène sur la fausse note que fût "Au-Delà".
Et rien que pour ça...
Cote: ***
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