lundi 30 janvier 2012

Hunger.

"Shame" de Steve McQueen (UK); avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale, Nicole Beharie, Lucy Walters, Amy Hargreaves...

Brandon a la trentaine. Il est new-yorkais, solitaire, désabusé... Il travaille beaucoup. Il est aussi sexaholic. Comme d'autres sont alcooliques ou toxicomanes. Et tout lui est bon pour assouvir son addiction: pornographie, coups d'un soir, relations tarifées. Tout ce qui peut lui éviter un quelconque engagement. L'irruption dans sa vie de sa jeune soeur, Sissy, tout aussi déboussolée, résonne pour lui comme un coup de tonnerre dans une vie de dissimulations. Laquelle va peu à peu se fissurer.

On peut le crier tout de suite et sur tous les toits, "Shame" s'impose d'entrée de jeu comme une des premières vraies grandes réussites de ce début 2012.
Et comme la confirmation de deux talents déjà précédemment associés (cfr. "Hunger"): le réalisateur britannique Steve McQueen (si, c'est son vrai nom !) et le protéiforme - et décidément omniprésent - comédien germano-irlandais Michael Fassbender (dont la non-nomination au récents Oscar est un réel scandale. Procès ! Pétition ! ).

Car, à l'instar d'un "There Will Be Blood" (pour citer un exemple récent), "Shame" est l'un de ces films qui stupéfient d'emblée, qui convainc dès les premières minutes le spectateur qu'il est face à un chef-d'oeuvre en devenir.

Au détour d'une séquence d'ouverture absolument stupéfiante de maestria tant technique que narrative (et avec un usage de la musique pour une fois extrèmement adéquat), McQueen, ce plasticien et vidéaste dont ce n'est jamais que le deuxième film, bon Dieu !, réussit en effet à créer un objet filmique d'une intensité bouleversante, ce que s'appliqueront à démontrer les 95 minutes suivantes jusqu'à l'aboutissement explosif de la "dernière nuit" qui renvoie à la case départ avec une incandescente évidence.

Entièrement construit autour de deux choses - la performance d'acteur viscérale, animale et presque inquiétante du semble-t-il surdoué Michael Fassbender, habité par son personnage, rongé par une sorte de dépendance froide à la sexualité, d'une part.
Et la représentation tout aussi glaciale bien que magistrale d'un point de vue visuel (quel sens du cadrage, du découpage et de la photo, minga !) de son univers (avec New York, filmé comme jamais), d'autre part.

A un point tel que l'histoire et sa représentation, le personnage et le décor, se fondent, malgré la distance maintenue par le réalisateur, pour ne former plus qu'un.

Et c'est la force de ce "Shame" qui évoque irrésistiblement "Le Démon" d'Hubert Selby Jr. mais aussi des expériences filmiques antagonistes et radicales telles que le récent "Drive" ou encore "Irréversible": avoir réussi à canaliser ce torrent de larmes, de sang et de sperme, toute cette violence autant physique que verbale, tout en maintenant cette distance clinique et cotonneuse qui, au bout du compte, condamne Brandon (comme les autres protagonistes du film, d'ailleurs) à une certaine forme de perpétuité.

Une sorte de "No Exit", comme dirait Bret Easton Ellis...

Un grand drame humain dans lequel l'addiction au sexe n'est jamais qu'une expression comme tant d'autres de notre ultra-moderne solitude.

Vertigineux.


Cote: ****

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