lundi 13 juin 2011

Parle à ma main !

"Le Complexe du Castor" (The Beaver) de Jodie Foster (USA); avec Mel Gibson, Jodie Foster, Anton Yelchin, Jennifer Lawrence, Riley Thomas Stewart, Cherry Jones...

La vie de Walter est en train de partir en sucette. Déprimé, mutique, vivant au ralenti, il perd le contact avec sa famille et, peu à peu, le goût pour toutes choses. Sa femme se réfugie dans le travail, son fils aîné vit dans la hantise d'un jour lui ressembler, le plus jeune se transforme en "enfant invisible" et l'affaire familiale (une usine de jouets) périclite. Arrivée à un point de non retour, son épouse finit par le mettre à la porte. Après une tentative de suicide, il se réveille un beau matin avec à la main une marionnette de castor trouvée la veille dans une poubelle. Laquelle marionnette va lui servir à exprimer toutes les choses qu'il n'ose pas dire à son entourage. Jusqu'à le transformer en une sorte de nouveau Walter, plus sûr de lui, plus positif, plus heureux... Un nouveau Walter qui reprend peu à peu le contrôle de sa vie. Mais qui ne peut désormais plus exister qu'à travers ce castor...

C'est un film étrange, ce "Complexe du Castor".
Insolite déjà sur le papier, encore plus à l'écran.

Bizarre dans sa déviance autant que dans son apparente normalité.

Car sur la forme, le film est sobre et joue la carte classique de la comédie dramatique, attachante et peut-être un peu trop facilement tire-larmes, comme les américains savent en usiner par centaines, plaçant au centre de son intrigue la sacro-sainte cellule familiale, pour le moins dysfonctionnelle ce coup-ci - et ce à tous les étages: du père barjo au fils neurasthénique...

Avec son habituelle rédemption finale, aussi.
Et ce n'est pas spoiler la chose que de le dire. Même si, ici, cette résolution arrivera par des ressorts inattendus et plus brutaux que l'on ne pourrait croire.

Passé le temps d'adaptation nécéssaire à accepter le fait de voir Gibson parler par le biais de cette marionnette qui s'exprime de surcroît avec la voix de Michael Caine ou peu s'en faut (latence qui nous place en quelque sorte dans la même position que sa famille), on s'enfonce confortablement dans le cuir de ce film gentiment déjanté.
Et l'on suit avec plaisir et émotion le cheminement de cet homme qui cherche par tous les moyens - même les plus désespérés - à remonter à la surface.

Et c'est là que ce "Complexe..." prend toute sa signification et toute sa saveur.

Car l'intérêt se situe bien évidemment dans le parallèle que le film effectue entre son histoire et celle, intime, du comédien, que ses multiples frasques on finit par éloigner à la fois du métier et des spectateurs.

En celà, "Le Complexe du Castor" se pose presque en thérapie-live. Celle d'un acteur en totale rupture, dont la vie privée est offerte (à cause de lui) en pâture au public.
Avec la réalisatrice dans le rôle de son épouse. Dans le film.
Et donc en quelque sorte dans celui de sa psy une fois qu'elle se trouve derrière la caméra...

Comme mise en abyme, c'en est presque vertigineux.

Et heureusement car, en dehors de l'assez jolie et délicate sous-intrigue concernant le fils aîné et sa petite amie en devenir (Anton Yelchin et Jennifer Lawrence, tous deux très bien), le film, un peu trop lénifiant et arrondissant un peu trop les angles, a parfois - à l'instar de son personnage principal - tendance un peu à s'assoupir.

Mais hourra ! Mel Gibson lui-même est là qui veille au grain.

Car la grande attraction, ici, c'est lui et bien lui.
Qui en dehors de la mise à nu prouve à tous ceux qui l'avaient oublié - après tant d'années passées à filmer des kilts, le Christ et des indiens c'est un peu normal - à quel point il peut être un acteur prodigieux !

Intense et émouvant mais aussi à l'aise dans la comédie - car il y en a - il sauve sur le fil ce petit film insolite qui semble parfois trop frileux devant ses propres audaces mais qui a le mérite quand même de ne pas s'intéresser tant au malade lui-même qu'à la perception que nous pouvons avoir de lui.
Et s'interroge donc plus subtilement qu'on ne pourrait le croire de prime abord sur la notion de normalité.

Un film inégal et bancal mais qui réalise quand même une sorte de micro-prouesse par la grâce de son interprête principal et de son vécu... particulier...

Rien que ça, ça vaut quand même qu'on s'y arrête, non ?


Cote: **

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