La voix des morts. "Biutiful" de Alejandro Gonzalez Iñarritu (MEX); avec Javier Bardem, Maricel Alvarez, Eduard Fernandez, Diaryatou Diaff, Cheik N'Diaye, Taisheng Cheng...
Dans les quartiers interlopes de Barcelone, Uxbal est un homme en chute libre. Magouillant dans le milieu du trafic d'êtres humains, du travail au noir et des marchands de sommeil, il tente tant bien que mal d'élever ses enfants, avec la présence intermittente de leur mère, volage et borderline. Sensible aux esprits, il "communique" avec les morts et en tire une partie de ses revenus. Mais, après qu'on lui ait diagnostiqué un cancer, c'est à sa propre fin qu'il va être confronté...
Il faut bien le dire: "Biutiful" n'est pas le genre de film à aller voir un jour de déprime ou de légère fatigue.
Apre, râpeux et triste, le film que l'on a sans cesse comparé à du "Ken Loach latino" lors de son passage au dernier Festival de Cannes (dont Javier Bardem est reparti avec un très justifié Prix d'Interprétation Masculine) est tout sauf léger, tout sauf aimable et tout sauf drôle.
Car comparaison n'est pas raison et même le plus désespéré des films de Loach (on peut citer "Ladybird", "Naked", "My Name is Joe" ou même cette admirable baffe dans la gueule qu'est "Kes") est empreint d'un humour salutaire qui aide le spectateur à voir la lumière du jour.
Rien de tout celà dans cette fable humaniste mais désespérante qu'est "Biutiful", le premier film réalisé par Iñarritu sans l'aide de son compère Guillermo Arriaga et son premier aussi à s'éloigner de son style de film choral et kaléïdoscopique. Suivant pas à pas Uxbal (Javier Bardem, à la fois fragile et monolithique, traîne sa carcasse pétrie de tristesse et de fatigue existentielle dans à peu près 100% des scènes du film), "Biutiful" est une oeuvre sombre, étouffante, parfois difficilement soutenable (la scène où l'on retrouve les clandestins chinois asphyxiés par des bonbonnes de gaz défectueuses), dans laquelle aucune fenêtre ne s'ouvre jamais, où l'on n'aperçoit jamais le moindre coin de ciel, où l'on a parfois l'impression de manquer d'air. Jusqu'à sa toute fin, du moins...
Le principal défaut du film, outre cette tendance à la neurasténie permanente, se situe d'ailleurs dans le fait que, quelque part, il se prend peut-être un peu trop au sérieux.
Qu'il s'écoute un peu trop penser, qu'il se regarde un peu trop filmer, sur l'air du "regardez comme je suis sensible et intelligent et comme je pose les bonnes questions".
Le problème, c'est qu'il a raison, le film.
Il pose les bonnes questions.
Et y apporte les bonnes réponses.
Et du coup on lui pardonne beaucoup.
Car Iñarritu fait ici preuve d'un art consommé de la métaphore et de la trenscendance. Transformant son film en une parabole qui traite à la fois de la paternité et de la quête du père, du remord et de la transmission, de la maladie, de la mort et de de la rédemption - la figure d'Uxbal étant réellement "christique".
Et il le fait de la plus magnifique des manières.
Car si le film est lourd, épais, glauque et malsain - lourd de sens, aussi - c'est également une oeuvre d'une poésie qui confine au sublime.
Par la grâce d'une mise en scène dont la finesse tranche avec la lourdeur du propos, illuminé par une photo sublime, transporté par la fièvre et l'emportement de ses personnages et de sa réalisation et littéralement bouleversé par une scène finale extraordinaire, ce mélo mâtiné de fantastique et dressant un constat social faisant somme toute froid dans le dos arrive à faire briller in extremis une lueur d'espérance.
Et nous ouvre les yeux sur un monde pas forcément beau mais d'une fragilité rare.
Cote: ***
4 commentaires:
Toujours le même problème de mise en page. Mais visiblement c'est un bug général. Wait and see...
t'as tout casser
Y a un problème de balise html mais
j'ai beau modifier, ça fonctionne pas...
Bon, c'est pas encore tout à fait ça mais c'est déjà mieux.
Enregistrer un commentaire