Les fantômes de l'Opéra.
"Black Swan" de Darren Aronofsky (USA); avec Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel, Barbara Hershey, Winona Ryder, Benjamin Millepied...
New York City Ballet. L'ambitieuse mais timide et peu sûre d'elle Nina rêve de prendre la succession de Beth McIntyre, star déchue, dans la nouvelle production du "Lac des Cygnes" que prépare le ténébreux et énigmatique Thomas Leroy. Elle trouve une rivale inattendue en la personne de la nouvelle recrue, Lily. Mais sans doute aussi en elle-même...
La surprise est de taille lorsque l'on se trouve confronté à "Black Swan" !
Tout nous laissait en effet entendre que l'on aurait affaire à une sorte de mélodrame sur fond de rivalité dans le monde de la danse.
Et l'on se retrouve en fait face à un film d'horreur.
Ou du moins face à un thriller fantastique au moyeu psychologique, pour ne pas dire psychanalytique.
Et ce n'est pas le moindre atout de ce film que de surprendre presque à chaque instant.
Ce serait même son fond de commerce. Et donc sa force.
Car "Black Swan" est un grand film sur la schizophrénie, la frustration sexuelle, l'acceptation de soi et la quête de la perfection. Un film dont le fond est magnifié par la forme. Un thriller psychologique au final beaucoup plus noir que blanc, bien plus noir que ce qu'on l'on pourrait attendre de prime abord.
Et qui joue sur les rebondissements avec subtilité au gré d'un scénario éminemment retors.
Un scénario qui se paye le luxe de laisser croire au spectateur qu'il est plus malin que lui, tout en le manipulant d'un bout à l'autre.
Car elles sont nombreuses, les scènes au détour desquelles l'on se dit "c'est trop évident, il va se passer ça" pour finalement se retrouver cul par dessus tête.
Parfois parce que, évidemment, ce n'est pas du tout ce qui était prévu qui survient.
Parfois - et c'est forcément encore plus fort ! - parce que le truc téléphoné arrive bel et bien... mais pas du tout de la manière où l'on s'y attendait !
"Happiness is the road", disait l'autre... Et voilà qui se vérifie merveilleusement ici, dans une fable tragique et - donc - schizophrène, dont la force tant thématique que formelle laissent sans voix, émotionnellement à bout de souffle.
Car d'un point de vue plastique aussi, ça se pose un peu là.
Avec ce gros grain et cette caméra portée virevoletante (on reconnaît bien la patte du Aronofsky réalisateur, qui renvoie à ses précédents opus, "The Wrestler" compris, dont le message en forme de quête de rédemption n'est finalement pas si loin de celui délivré ici), cet usage forcené du plan "de dos" cher à nos frères Dardenne nationaux (dont Aronofsky, bizarrement, se réclame) ou cet art consommé du non-dit et du faux semblant (toutes les scènes dans le métro ou l'on se demande ce que l'on voit vraiment).
C'est virtuose, oui, car rarement une mise en scène et une mise en image auront à ce point été en adéquation avec le propos d'un film.
L'autre atout du film, évidemment, c'est sa cinéphilie jamais vaine et son sens de la citation, parfois appuyé, certes, mais toujours adéquat.
On pense à Polanski ("Le Locataire" ou "Rosemary'Baby", pour leur ambiance paranoïaque), Brian De Palma (la relation mère-fille de "Carrie" ou, bien entendu, "Phantom of Paradise", pour le côté "Fantôme de l'Opéra" déjanté).
Et puis, surtout - surtout ! - on pense à "Suspiria" de Dario Argento. Tant pour le thème et le décor (une école de danse dans "Suspiria" aussi) que pour la charge sexuelle contenue par le film et son esthétique générale, parfois à la limite d'un kitsch heureusement maîtrisé.
Quant à l'interprétation, nous ne devrons en retenir qu'une chose - et ce malgré l'excellence uniforme du casting (Kunis, Cassel, Hershey et surtout une étonnante Winona Ryder qui fait beaucoup en très peu de scène): c'est que c'est là probablement le rôle de la vie de Natalie Portman.
Celui qui changera tout pour elle, comme est venu le confirmer son récent et plus que mérité Oscar (à tout point de vue, d'ailleurs, puisque c'est sur le tournage qu'elle a rencontré le père de son futur enfant, l'acteur/chorégraphe très pertinemment nommé Benjamin Millepied).
Omniprésente, habitée, de manière permanente à la limite de la rupture, elle offre plus qu'une interprétation; carrément une performance !
De celles qui resteront gravées dans les mémoires et probablement aussi dans l'Histoire du 7ème Art.
C'est d'ailleurs grâce à elle, à l'issue d'une scène finale à vous arracher les yeux de la tête et les larmes du corps, que ce "Black Swan" peut-être parfois un peu too much, peut-être parfois un peu boursouflé, arrive in extremis* à acquérir ses quatre étoiles et son statut de première vraie grande baffe de ce début d'année.
Alors qu'est-ce qu'on dit ?
On dit bravo !
Cote: ****
(*Ou peut-être pas tant que ça, après tout...)
4 commentaires:
C'est quand qu'elle va une fois se fouttre a poil la Nath...
Elle se touche vigoureusement, dans celui-ci, quand même...
Oui mais pas nue
Je viens de relire le truc et, comme d'hab', plus j'aime un film, plus la critique est nulle.
Et heureusement réciproquement.
Enregistrer un commentaire