Où es-tu Sofia ?
"Somewhere" de Sofia Coppola (USA); avec Stephen Dorff, Elle Fanning, Chris Pontius, Michelle Monaghan, Benicio Del Toro, Aurélien Wiik...
Johnny Marco, star hollywoodienne au comportement erratique et à la réputation sulfureuse vit au Château Marmont, hôtel mythique des hauteurs d'Hollywood, où il mène une vie de débauche et d'insouciance qui semble particulièrement creuse. Jusqu'au jour où il reçoit une visite inattendue: celle de sa fille de 11 ans, Cleo.
Curieux, vraiment. Etrange, même.
Voilà un film qui, sur le papier - et sur l'écran - avait tout pour me déplaire: vacuité, univers artificiel, superficialité de personnages évoluant dans un monde de strass et de paillettes totalement déconnecté du réel...
Bref, tout ce microcosme écoeurant de "pauvre petite fille riche" que Sofia Coppola ressasse à l'envi depuis l'originel "Vie sans Zoé", sketch de Papa Francis pour le collégial (et fort inégal) "New York Stories" dont elle écrivit le scénario déjà truffé de couloirs et de chambres d'hôtels singulièrement vides il y a 22 ans déjà (elle en avait 17).
Un univers et des thèmes que l'ont retrouvait déjà dans ses trois précédents efforts pourtant unanimement appréciés en ces lieux.
Mais poussé ici à une sorte de paroxysme qui avait tout pour nous donner de l'urticaire.
Et pourtant, non.
Certes, l'agacement pointe ça et là le bout de son vilain nez mais ce n'est que fugace et passager, l'ensemble du film dégageant plutôt un agréable et entêtant parfum mélancolique, une sorte d'impression de sépia, malgré sa - magnifique - photo plutôt froide et de néon vêtue.
Une mélancolie chic et branchée mais une mélancolie quand même.
Une langueur.
Alors, oui, on pourrait trouver des excuses au scénario creux de La Coppola (qui est le principal écueil de l'affaire): une critique de la vie hollywoodienne avec tout ce qu'elle peut avoir d'artificiel, justement. Une mise en exergue des félures des personnages principaux, à travers leur course effrénée au plaisir.
A mon sens il n'en n'est rien.
Ou plutôt si, mais sous forme d'une espèce de vernis distancié qui n'est là que pour se donner bonne conscience.
Au final et quoi qu'il en soit, Sofia Coppola évolue dans une bulle dorée et ne parle qu'à elle-même.
Et du coup l'intérêt de son film est à chercher ailleurs.
Dans sa forme, évidemment, qui en fait l'oeuvre la plus minimaliste de son auteur.
Son côté contemplatif, engourdi et hypnotique, n'hésitant pas à étendre la moindre scène jusqu'à la quasi rupture, jusqu'à une sorte de point de non retour cinématographique (cfr. la scène d'ouverture qui renvoie au "Brown Bunny" de Vincent Gallo, sorte de mètre-étalon du genre) qui finit par provoquer une véritable fascination.
Dans ses personnages: Johnny Marco touchant sous ses dehors de grand enfant perdu et sa fille Cleo enthousiasmante et même désarmante de spontanéité.
Et cela évidemment grâce à deux interprêtes formidables: Stephen Dorff qui arrive à rendre attachant quelqu'un qu'il serait si facile de détester et surtout Elle Fanning, magnifique et gracieuse, qui électrise à ce point le film qu'il cesse presque d'exister quand elle n'est pas à l'écran.
Et enfin dans son humour quasiment omniprésent, qui rend formidable certaines scènes comme celle du maquillage ou de la remise de prix italienne (qui dévoile dans toute son horreur la télé-poubelle à la Berlusconi).
Donc, oui, le film séduit avant tout pour ses qualités formelles, c'est sûr.
Sans pour autant répondre à la moindre question.
Sans pour autant faire preuve d'une grande originalité dans son inspiration.
Mais en ayant le regard suffisament éguisé et le sourire suffisament malicieux pour surprendre et emballer.
Et quand on en ressort - avec quand même en arrière pensée ce côté "tout ça pour ça" - on se prend à espérer qu'après cet espèce de climax dans son oeuvre que représente "Somewhere", Sofia Coppola ose enfin sortir de sa bulle pour s'adresser à d'autres.
Directement à nous, tiens. Pourquoi pas ?
Cote: ***
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