lundi 12 octobre 2009



La vie et tout le reste...

"Whatever Works" de Woody Allen (USA); avec Larry David, Evan Rachel Wood, Henry Cavill, Patricia Clarkson, Ed Begley Jr., Michael McKean...

Brillant physicien, Boris Yellnikoff semble avoir tout râté dans sa vie: son mariage, le Prix Nobel et même son suicide. Génie incompris et méconnu, il s'est réfugié dans la misanthropie et la solitude. Jusqu'au jour ou Melody, une ravissante idiote en fugue, se retrouve transie de froid devant sa porte. Boris lui accorde l'asile pour quelques nuits. Et, peu à peu, la jeune femme s'installe...

Ce sacré vieux briscard de Woody Allen !

V'la-t-y pas qu'alors qu'on le pensait définitivement installé dans le train-train, voire le ronron, de charmantes petites "dramedys" brillantes mais volatiles, à l'agréable et rassurant parfum désuet, il arrive encore à nous surprendre et à nous prouver qu'il a encore quand même plus d'un tour dans son sac.

Evidemment, la réussite de cette livraison-ci repose quasiment sur une seule chose: le fait qu'elle ait en fait été écrite aux alentours de 1977 (sa période faste et glorieuse, celle d' "Annie Hall" et de ses Oscars) et ait, depuis, attendu son heure, patiemment, assoupie qu'elle était au fin fond d'un tiroir.

Car, en effet, "Whatever Works" fût écrite à l'intention du comédien Zero Mostel, avec lequel Allen venait de tourner "Le Prête-Nom" (de Martin Ritt, une des rares incursions de Woody dans l'univers d'autres réalisateurs). La mort de Mostel avait forcément compromis la gestation du film et avait renvoyé sa mise en chantier aux calendes grecques.

Bien...

Mais qu'est-ce qui a bien pu décider Woody Allen a ressortir ce projet du placard, plus de trente ans plus tard ?
L'auteur lui-même veut que ce soit la découverte du comédien Larry David en qui il a enfin trouvé l'interprête idéal. Le hic c'est que Allen connaissait déjà David de longue date puisqu'il avait déjà tourné pour lui dans "Radio Days" et dans son sketch de "New York Stories".
Et qui plus est, lorsque l'on entendit pour la première fois parler du projet, c'était bien Allen lui-même qui était prévue pour incarner Boris.

Alors quoi: paresses, slaptitude, manque d'inspiration ?
Un peu de tout ça à la fois ?

Probable mon capitaine...

Mais bon, allezz, n'allons pas pour autant bouder notre plaisir, même si la réussite de cet opus aux origines lointaines jette une légère ombre sur les récents efforts de notre new yorkais favori.

Car, revenons enfin à ce que nous disions en préambule, "Whatever Works" est une vraie réussite.
Le meilleur Woody depuis au moins "Harry dans tous ses états", peut-être même "Tout le Monde di I Love You", voire (si !) "Meurtre Mystérieux à Manhattan".

Et mine de rien, ça remonte...

Et pourquoi ça, alors ?

Tout d'abord parce que le personnage central de Yellnikoff, misanthrope sublime, cynique, râleur, merveilleusement imbu de sa personne, se pose d'emblée comme l'un de plus beau personnage du panthéon allenien.
Bien aidé en cela par un interprête qui lui aussi s'impose comme l'un des meilleurs clônes de l'auteur depuis bien longtemps (condition sine qua non à la réussite d'un film de Woody).
Larry David, co-créateur de la série "Seinfeld" et sujet principal autant qu'interprète de "Larry et son nombril" ("Curb your Enthusiasm" en V.O.) s'empare du double fictif de son réalisateur et lui insuffle ce qu'il faut de drôlerie et d'émotion, poussant le vice jusqu'à prendre à son compte les bégaiements et hésitations de son modèle.

Et comme en plus il lui ressemble presque physiquement...

Pour le reste, lui et les autres interprêtes de cette farce tragi-comique (tous parfaits à l'exemple de la décidément étonnante Evan Rachel Wood et du couple Clarkson/Begley Jr. dans le rôle de ses parents) n'ont qu'a se laisser porter par la vigueur retrouvée de la réalisation, pousser par la mécanique scénaristique soigneusement rôdée et à l'efficacité implacable, propulser par la rigueur incisive de dialogues drôlatiques, truffés de métaphores et d'aphorisme cinglants comme Allen n'en n'avait plus écrits depuis au moins quinze ans.

Certes, on pourra aussi reprocher au cinéaste de recycler à l'envi certains des gimmicks les plus usés de sa période "Annie Hall" (le fait que Boris s'adresse régulièrement au spectateur comme le faisait Alvy Singer, par exemple). Mais ces tics sont tout d'abord d'une efficacité confondante et finissent surtout par faire le pont entre le Woody Allen d'hier et celui d'aujourd'hui.
Pour le plus grand plaisir de ses afficionados.

Alors, faisons comme le dit Woody dans ce film potache et réjouissant: sachons reconnaitre le bonheur et le saisir quand il pointe le bout de son nez !

Or, quoi de plus euphorisant qu'un film réussi par un jeune homme de 73 ans qui semble avoir retrouvé la forme alors que l'on pensait qu'il nous avait tout dit ?


Cote: ***



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