Down in the bayou.
"Dans la Brume Electrique" (In the Electric Mist) de Bertrand Tavernier (USA); avec Tommy Lee Jones, Mary Steenburgen, John Goodman, Kelly McDonald, Peter Sarsgaard, Ned Beatty...
New Iberia, Louisiane. Dave Robicheaux est sur les traces d'un tueur s'attaquant à de très jeunes filles. Durant son enquête, il fait la rencontre d'Elrod Sykes, star hollywoodienne venu tourner un film sur la Guerre de Sécession partiellement financé par une figure de la pègre locale: Julius "Baby Feet" Balboni. Le comédien confie à Dave que, pendant le tournage, il a fait la découverte d'un corps enchaîné, depuis longtemps décomposé... Pour le détective, cette trouvaille va réveiller les démons du passé...
Alors donc, voila!
Après tout ce temps, après toutes ces années, Bertrand Tavernier est enfin parvenu à réaliser son vieux rêve: tourner son premier vrai film américain.
Et, pour le coup, oui, un vrai de vrai.
Un de ceux qui sentent bon le gumbo et le Jack Daniel's.
Un qui se regarde avec dans l'oreille un vieil air de blues ou de folk cajun.
Un film du Sud profond doublé d'un vrai polar, avec tout ce que cela peut sous-entendre comme ambiance poisseuse et moite, menaces sourdes et fantômes d'un passé (ségrégationiste, raciste, violent) en fin de compte pas si lointain.
D'où, malheureusement, un premier problème.
Car, en effet, si tout cela est très bien ficelé, bien emballé et bien servi par une réalisation solide et sans chichis qui fait penser tour à tour à Clint Eastwood ou Robert Altman (excusez du peu), il y plane aussi comme un entêtant fumet de déjà-vu...
Impression bien vite renforcée par la prestation (impeccable, il est vrai) d'un Tommy Lee Jones qui, de "Trois Enterrements" à "No Country for Old Men" en passant par "Dans la Vallée d'Elah" (dont le côté "enquête initiatique" fait fort penser à cette "Brume", d'ailleurs, qui pourrait en quelque sorte en être la séquelle biscornue) multiplie ces derniers temps les rôles jumeaux et les prestations identiques.
Comme Bill Murray et son enchaînement "La Vie Aquatique", "Lost in Translation", "Broken Flowers".
C'est très bien, formidable même, mais on aimerait bien le voir changer d'élément, évoluer vers d'autres choses, changer d'univers.
Et le fait d'avoir l'impression de voir évoluer sans cesse le même personnage de film en film déforce singulièrement cette dernière livraison...
La faute à Tavernier, peut-être, qui aurait du avoir plus d'imagination au moment de boucler son casting.
Mais bon voilà, le "mal" est fait, on en est là...
Le deuxième écueil sur lequel bute ce film qu'on continue pourtant jusqu'au bout à vouloir aimer, c'est le côté à la fois embrouillé et artificiel de son scénario.
Certes, ça doit être plus simple pour ceux qui ont lu le roman de James Lee Burke dont est tiré l'affaire... Mais bon, ça n'excuse rien, que du contraire.
L'histoire - la double histoire même - est embrouillée, peu claire...
Les motivations du coupable ne sont jamais bien établies et les atermoiements du héros, alcoolique repenti trimbalant une sorte de complexe mal résolu lié à son passé, peinent à nous parvenir avec toute la lisibilité voulue.
Du coup, Tavernier à recours à des ficelles qui sont autant de pierres d'achoppement et d'entraves à la fluidité de son film.
Voix-off ultra-envahissante, apparition de confédérés fantômatiques (très cinégéniques mais au discours à la limite du compréhensible, faut bien l'avouer), conversations avec des personnages secondaires aussi multiples que variés qui ralentissent paradoxalement le cours de l'intrigue, etc.
Bref, autant le dire toute suite, cette "Brume Electrique", qui réussit quand même la gageure de mêler d'une certaine manière l'univers de Georges Simenon à celui de Jim Thompson*, vaut plus par son ambiance et son climat, très réussis, que pour sa résolution finale, un brin vaporeuse...
Ce qui explique sans doute les problèmes rencontrés par Tavernier et son film aux States, où il est sorti - uniquement en DVD - dans une version plus courte, se concentrant beaucoup plus sur l'intrigue.
Mouais...
C'est peut-être un peu dommage mais force est de reconnaitre qu'ici on est bien obligé de se poser cette curieuse question...
"Et si pour une fois c'étaient les américains qui avaient raison?"
Cote: **
(* deux écrivains précédemment adaptés par Bertrand Tavernier, y a pas de hasard)
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