Mafia Blues.
"Gomorra" de Matteo Garrone (I); avec Toni Servillo, Maria Nazionale, Salvatore Abruzzese, Gianfelice Imparato, Carmine Paternoster, Salvatore Cantalupo...
Naples et la Campanie. Une ville et une région dominées par la Mafia. Quelques jours de la vie des habitants de l'endroit, sur fond de violence, corruption et trafics en tous genres...
Roublard, "Gomorra"?
Non.
Plus intelligent que malin, ce film-fleuve qui se situe à la frontière ténue du documentaire...
Pourtant, l'espace de quelques instants, de la séquence d'ouverture, il nous aura quand même floués en nous donnant de manière furtive l'impression que l'on se dirigeait ailleurs.
En terrain plus connu. Celui du film de mafia "classique", comme on en a déjà vu des centaines, surtout aux USA. Des films glamours et spectaculaires, dans le style du "Parrain", par exemple.
Une exécution "chorégraphié", dans un salon de bronzage.
Une violence graphique sur fond de variétoche italienne et boum, le générique qui déboule!
Et nous voilà trompés sur la marchandise: on s'enfonce dans son fauteuil en s'apprétant à se laisser cueillir par un film de gangsters ultra-violent et ultra-codifié, du genre à faire monter en flèche notre adrénaline.
Or, il n'en est rien.
Car si "Gomorra" réserve son lot de règlements de compte, de fusillades et de retournements de situations, il s'agit plutôt d'un film anti-spectaculaire.
Jouant la carte du réalisme documentaire, faisant s'entrecroiser plusieurs histoires dans un montage labyrinthique et une narration en forme de puzzle, saisissant au vol les problèmes du moment (la crise des ordures, le travail au noir...) pour mieux les restituer dans toute leur horreur crue, Garrone signe en fait ici un grand film politique, courageux tant sur la forme (totalement maitrisée) que sur le fond.
Du coup, bien entendu, on peut se retrouver désarçonné par le rythme languide qu'affecte le film, par la complexité des intrigues qui, intimement, s'entremèlent, par l'opacité de certaines des situations mises en place (que fait exactement Don Ciro, le caissier, par exemple?) et par les partis pris du réalisateur.
Mais malgré tout, le côté nerveux de sa mise en scène et de son montage, la qualité de l'écriture qui permet au film de ne pas nous perdre en cours de route et l'homogénéité impressionnante de la distribution, fait que "Gomorra", même s'il emprunte de temps en temps des ficelles aux films de genre, s'élève sobrement vers l'épure et se transforme mine de rien en "petit" chef-d'oeuvre qui marquera sans doute sensiblement les esprits.
Et ce pour un bon bout de temps.
Jamais sans doute le mécanisme implacable du crime organisé, qui broie les êtres et gangrène tous les niveaux du pays n'aura été démonté avec autant de force et de clarté - sans pour autant virer au didactisme austère.
Pas de discours sursignifiant, pas ou peu de tentatives d'explication, une absence salutaire de jugement font que le film de Garrone, plus qu'aucun autre peut-être, donne à voir l'horreur quotidienne d'une manière à la fois passionnante et brutale, laissant à chacun, au bout du compte, le soin de se faire sa propre opinion, si besoin en était encore.
Et en tout cas une chose est sûre: cet espèce de négatif du "Parrain", contrairement à certains de ses cousins hollywoodiens, s'il devait être visionné par la "jeune" génération devrait lui donner envie une bonne fois pour toute de se détourner d'icones telles que Tony Montana.
Ce qui est plutôt une bonne nouvelle.
Mais ne rêvons pas.
Cote: ***
samedi 11 octobre 2008
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