jeudi 23 octobre 2008



Au Coeur des Ténèbres.

"Vinyan" de Fabrice du Welz (B); avec Emmanuelle Béart, Rufus Sewell, Julie Dreyfus, Josse de Pauw, Petch Osathanugrah, Ampon Pankratok...

Incapables d'accepter la disparition de leur fils lors du tsunami de 2005 Jeanne et Paul sont restés vivre en Thaïlande dans l'espoir de le retrouver un jour. Lors d'une soirée, ils visionnent un documentaire tourné dans la jungle birmane. Jeanne croit y reconnaitre Joshua et convinct son mari de partir à sa recherche.

Fabrice Du Welz, quelque part, c'est un peu le Amen Ra du cinéma belge.
Le gars qui, au milieu du ronron et du formatage, a un véritable univers, une vista.
Et qui s'y tient.

A mille lieues des Dardenne comme des Mariage, Lanners et autres Liberski, Du Welz trace sa route particulière, singulière même, avec un jusqu'au boutisme qui fait plaisir à voir.

Cinéphile forcené, grand amateur de films de genre, tenant d'un cinéma qui parle au tripes et qui donne à voir, il construit ses films comme autant de gigantesques expériences sensorielles auxquelles il faut se laisser aller sous peine de se retrouver rejeté sur la berge au bout de vingt minutes.

Alors oui, comme tous les stylistes de son genre, Du Welz cite et régurgite.
Mais il le fait à bon escient!

C'est particulièrement vrai ici, dans un film qui démarre comme du Gaspar Noé (le générique et la scène dans les bars, au début) pour finir en un gigantesque foutoir à la Apocalypse Now.
Et au cours duquel, entre temps, on aura croisé Fitzcarraldo et les fantômes de Ruggero Deodato.

Mais tout cela n'est pas galvaudé et se trouve, au contraire, mis au service d'un sens de l'atmosphère extraordinaire.
Une quête initiatique d'une intensité rare, d'une maitrise formelle hallucinante (la photo de Benoit Debie et le travail sur le son, en particulier) qui verse dans un fantastique baroque, surréaliste, agressif et - en fin de compte - complètement tripal.
Le tout traversé par l'interprétation hors norme d'une Emmanuelle Béart visiblement complètement investie dans l'aventure, pour une fois débarassée de ses tics d'actrice et qui achève de nous entrainer dans ce tourbillon vertigineux, cathartique et pourtant toujours sur le fil de l'hystérie.

Bien sûr, tout cela se mérite un peu et force est de reconnaitre que le film est un peu lent à se mettre en place.
Mais dès que les pièces s'emboitent vraiment (à partir de l'arrivée au village des pêcheurs birmans en fait), le film se met en marche et avance de manière implacable à travers cette jungle moite jusqu'à son dénouement, aussi magnifique que troublant.

Un long et lent glissement vers la folie, du réel vers l'onirique sur lequel le spectateur à de moins en moins d'emprise.

Bien sûr, le film n'est pas parfait. son symbolisme est parfois un peu lourdaud.
Mais même si il faut reconnaitre qu'il manque encore de finesse et de maitrise, ce poème de la régression prouve à quel point, après "Calvaire", Fabrice Du Welz est certainement un cinéaste à suivre.


Cote: ***

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