jeudi 31 mai 2007


Pendant ce temps-là, sur la Croisette...

Avant de passer au (très beau) film de Schnabel, justement primé, revenons un instant, furtivement, sur le palmarès de ce 60ème Festival de Cannes...

Première constatation, à l'exception de Gus Van Sant dont le "Paranoid Park" est reparti avec le Prix du 60ème Anniversaire, récompense purement honorifique s'il en est, tous les ténors, les grands noms, les abonnés du Festival sont repartis bredouilles: de Kusturica aux frères Coen en passant par Tarantino ou Wong Kar-Wai, pas le moindre petit prix à se mettre sous la dent!

Au contraire, le jury de Stephen Frears semble avoir voulu récompenser un cinéma fort jeune, puisque tous les films primés, même au niveau des Prix d'Interprétation, sont tout au plus des deuxièmes ou troisièmes oeuvres.

C'est donc un cinéma de l'émergence qui a été salué à travers ce palmarès, puisqu'en dehors de deux co-productions françaises ("Le Scaphandre et le Papillon" et "Persepolis" qui concourait néanmoins pour l'Iran) les films primés sont issus de pays dont la cinématographie commence seulement depuis quelques années à faire - ou refaire - parler d'elle: Palme d'Or, donc, au roumain "4 Mois, 3 Semaines et 2 Jours", Prix d'Interprétation Masculine au russe Konstantin Lavronenko ("Le Banissement"), féminine à la coréenne Jeon Do-Yeon ("Secret Sunshine"), Prix Spécial du Jury (ex-aequo avec "Persepolis") à "Lumière Silencieuse" du mexicain Carlos Reygadas, Prix du Scénario au réalisateur allemand d'origine turque Fatih Akin pour "De l'Autre Côté", etc.

Pour le reste, on a pu lire ou entendre ça et là que ce palmarès radical mais cohérent récompensait un cinéma engagé et politique... Disont plutôt qu'il encense un cinéma de l'humain à travers des films traitant le plus souvent de la mort, de la maladie ou de la difficulté de vivre dans une société hostile: le parylitique du "Scaphandre..." (Prix de la Réalisation), la jeune femme voulant se faire avorter dans "4 mois...", le vieillard et sa garde-malade dans "La Forêt de Mogari" (Grand Prix du Jury) ou encore la veuve borderline de "Secret Sunshine" sont visiblement tous là pour en témoigner.

Enfin, à l'heure du bilan, la séléction du jury cannois est là pour répondre à une question que l'on se pose annuellement: à quoi sert le Festival?
Si l'on en juge par le résultat, face à la quasi-hégémonie des blockbusters à l'américaine*, il sert au moins de refuge et de vitrine à un "certain" cinéma d'auteur dont personne n'entendrait peut-être parler autrement.

Et rien que pour ça, il mérite de continuer à exister.

De préférence longtemps...





(*Lesquels peuvent avoir leur charme et leurs qualités bien entendu. Ne nous faisons pas plus talibans que le Pape)

lundi 21 mai 2007




Chiens de faïence.

"Alpha Dog" de Nick Cassavetes (USA); avec Justin Timberlake, Sharon Stone, Bruce Willis, Dominique Swain, Harry Dean Stanton, Amanda Seyfried, Emile Hirsch...

Dans une banlieue friquée de L.A., Johnny et ses amis, membres d'une jeunesse dorée et dépourvue de repères, se livrent à de menus trafics. Pour s'assurrer que Jake lui remboursera bien l'argent qu'il lui doit, Johnny enlève le petit frère de ce dernier, Zach...
Chaperonné par Frankie, Zach va alors passer trois jours en compagnie de la petite bande, trois jours au cours desquels, loin d'être traité en otage, il va découvrir une vie nocturne faite de virées, d'alcool, de drogues et de filles.
Jusqu'à ce que les choses tournent mal.

Maudit orgueil mal placé qui m'a fait jurer de chroniquer tous les films que je vais voir en salle!
Parce qu'autant dire tout de suite que dans le cas de celui-ci, par exemple, la motivation n'est pas vraiment au rendez-vous.
Et c'est un euphémisme!

Que dire en effet sur un film qui véhicule sur toute sa longueur une telle impression de déja-vu?

Pas grand'chose si ce n'est qu'on a pu lire ça et là que c'était du Larry Clark soft alors que ce n'est rien de plus que du Larry Clark pour les Nuls.
Et encore...

Que l'on savait depuis longtemps que Cassavetes fils n'atteindrait jamais la cheville de Cassavetes père mais qu'on se demande sérieusement ce qui a bien pu lui donner l'envie de passer de ses petits mélos habituels ("Décroche les Etoiles", "N'oublie Jamais"...) à cette tentative de film noir, mâtiné de teen movie et de drame social?

Et surtout, ce qui a bien pu lui faire croire qu'il allait parvenir à réussir son coup?

Parce qu'ici tout est raté.

Réalisation sobre et coup de poing?
Mise en scène confuse et baclée, oui! Avec entre autres la plus mauvaise utilisation du split-screen que l'on ai vu depuis longtemps sur un écran de cinéma!

Narration efficace?
Molesse de ton et lenteurs en tout genre, plutôt! Tellement de circonvolutions et de baisses de rythme que lorsque la fin - plutôt réussie, elle - arrive, on a finit par se désintéresser complètement de l'affaire.

Direction d'acteurs maitrisée?
Allez, allez...
Certes Justin Timberlake est plutôt crédible en branleur de service (ah! ah!) mais pour le reste, jugez plutôt: entre Emile Hirsch trop jeune et frêle pour le rôle, Bruce Willis et son hilarante moumoute et Ben Foster ou Dominique Swain tellement hystériques qu'on a envie de les baffer à chaque apparition, c'est plus un film c'est le Muppet Show! Et encore: celui de Cauet!
Même cette vieille slache d'Harry Dean Stanton, que j'aime généralement d'amour, arrive à être horripilant dans son numéro de redneck alcoolique et édenté... C'est dire!
En fin de compte, à part Timberlake, seul Anton Yelchin, dans le rôle du petit frère kidnappé, réussit vraiment à tirer son épingle du jeu.* C'est un peu maigre...

Finesse de l'observation?
Manque de point de vue, peut-être.
Ce qui ne veut pas forcément dire "neutralité".
Cassavetes n'est pas Larry Clark mais force est de constater qu'il n'est pas Gus Van Sant non plus. Le problème majeur est surtout que ces crétins pleins de fric qui jouent aux durs comme à la Playstation n'arrivent jamais à nous toucher ni même à nous intéresser. Du coup, il peut bien leur arriver n'importe quoi, on s'en fout!
Et c'est bien là tout le problème du film!
Et ce n'est pas le tout petit discours tout mou, tout convenu sur la démission parentale qui y changera quoi que ce soit!

Quant à la B.O. R'n'B bling-bling, mieux vaut ne même pas en parler.

Moralité: désolé pour l'héritage paternel et le complexe d'Oedipe mais mon petit Cassavetes, il vaut mieux pour toi que tu continues à tourner tes biesses bluettes pour bobos quadras et que tu arrêtes une bonne fois pour toute de te rêver en "vrai" réalisateur.

En plus, pour moi, ça fera des vacances!

Na!

Côte: *


(*à noter quand même vers la fin du film un grand numéro de cabotinage pathétique de la part de Sharon Stone qui à eu pour l'occasion le courage de se laisser grimer en Christine Boutin des banlieues gangstas. Rien que pour ça, ça vaut la peine de voir le film)


dimanche 6 mai 2007




Rentre chez toi, Tante May a fait des crèpes!

"Spider-Man 3" de Sam Raimi (USA); avec Tobey Maguire, Kirsten Dunst, Topher Grace, Bryce Dallas Howard, Thomas Haden Church, Theresa Russell, James Franco...

Alors que Peter Parker semble filer le parfait amour avec Mary-Jane tout en parvenant enfin à maitriser ses super-pouvoirs, un organisme extra-terrestre prend possession de son costume, lequel, semblant dôté d'une vie propre, commence à influer sur sa personnalité.

Sam Raimi est une jeannette!

Alors qu'il a entre les mains un personnage de comics magnifique, un budget collossal et deux des meilleurs "super-vilains" de la série, il réussit encore à transformer ce qui aurait dû être le "Ben-Hur" des films de super-héros en une bluette pour jeune fille en fleur.

Ah la la!
Et encore une demi-réussite, tiens!
Ou un demi-ratage, ça dépend comment on voit les choses...

Et pourtant, moi, les films de super-héros, c'est peu dire que je kiffe!
Et à part "Hulk", son slip en plasticine et ses caniches mutants, pas mal des récents efforts en la matière étaient plutôt glop-glops, je l'avoue (les deux premiers "X-Men" et les deux premiers Spidey en tout cas. Sans parler du Hellboy, dans un autre genre.
Bon , le Daredevil et le Superman étaient pas tops et les Quatre Fantastiques je me sens moins concerné mais allez... Dans l'ensemble il y avait assez de matière pour fournir quelques bonnes heures de plaisir coupable, tenez!).

Et ici ça coince.
Pas toujours mais quand même... ça coince...
D'abord - et c'est d'ailleurs un reproche que je fais à la plupart des films du genre - c'est trop long!
Deux heures trente-six pour une histoire de type en pyjama qui se bat contre d'autres fanas du Palais du Cotillon en faisant des acrobaties au dessus de la Grosse Pomme, c'est quand même un peu pousser, vous ne trouvez pas?

Ensuite, outre les inévitables scènes de romance cul-cul-la-praline ci-dessus citées, ça a un peu trop tendance aussi à partir dans tous les sens.

Tout d'abord avec une bonne louche de drame bien lacrymal déservi par le pauvre Tobey Maguire qui est peut-être parfait en boy-next-door mais qui a par contre encore beaucoup à apprendre quand il s'agit de pleurer à l'écran.
Y a rien à faire mais sa bobine de premier de la classe qu'on à déja envie de baffer comme ça qui se déforme quand M.J. lui donne son C4, c'est vraiment plus que ne peut en supporter n'importe quel fan de film de baffes normalement constitué!

Ensuite avec une grosse plâtrée d'humour potache qui dégénère au quasi-burlesque, parfois pour le meilleur (le toujours très bon Bruce Campbell qui se la joue Basil Fawlty dans une scène de restaurant autrement pénible au possible) et souvent pour le pire (Peter Parker frimant en rue! Mais qu'est-ce que c'est que ce cirque?).

Le comble est atteint avec une scène de comédie musicale au cours de laquelle Parker utilise ses super-pouvoirs pour se la péter devant Mary-Jane et la nouvelle venue Gwen Stacy (Bryce Dallas Howard, parfaite dans un contre-emploi de blonde pas si pétasse que ça).
Tellement portenawak qu'on a du mal à y croire!

Et puis c'est long et c'est complexe, avec plein d'intrigues et de personnages secondaires.
Alors, de temps en temps, Raimi et ses scénaristes semblent perdre le fil de l'histoire...
Il y a des ellipses malvenues, des raccourcis maladroits qui débouchent sur des invraisemblances.
Des personnages qui se comportent de manière absurde et illogique.
Bref, ça part un peu en couille...

Mais bien sûr, "Spider-Man 3" ce n'est pas que ça!
Et évidemment (heureusement diront certains) il y a des choses à sauver!
Et plus d'une, je vous assure!

D'abord, quand ça pète, ça pète, ça c'est sûr!
Du point de vue des scènes d'actions et des effets spéciaux, on peut dire qu'on est servi. Et largement, encore!
Il y a suffisament de scènes de bravoure que pour tenir en haleine pendant toutes ces foutues 156 minutes: la première baston avec le Nouveau Bouffon (James Franco, plus inspiré que son camarade Maguire), le clash dans le métro avec le Sandman, j'en passe et des meilleures!

Ensuite, le film se paie le luxe de s'offrir deux très, très beaux méchants!

Flint Marko, alias Sandman, d'abord, interprété avec ce qu'il faut de solidité par Thomas Haden Church.
Sans doute LE plus beau salopard de la série. Esthétiquement parlant, bien sûr!
Un personnage tout en vagues et grains de sables, très bien exploité, et qui donne lieu à quelques unes des plus belles scène en CGI du film.

Venom, a.k.a. Edward Brock Jr., ensuite, incarné par un Topher Grace cabotinant avec un plaisir heureusement pas mal communicatif.
Un baddie là aussi très léché du point de vue plastique mais malheureusement sous-exploité par un scénario qui ne le fait intervenir qu'à la toute fin.

(Toute) fin qui, hélas, trois fois hélas, se perd dans des prouesses pyrotechniques qui n'ont guère de peine à faire plus que frôler le ridicule...
Comme si Sam Raimi, souffrant du syndrôme du "Retour du Roi" avait à tout crin voulu clore sa trilogie en beauté quitte à en faire trop, beaucoup trop!

Dommage pour une série qui jusque là avait plutôt dépassé ses consoeurs en qualité...

Mais voilà, Sammy, l'excès nuit en tout!

Allez, m'en vais relire mes "Strange", moi.

Côte: **




L'Humanité?

"Flandres" de Bruno Dumont (F); avec Adélaïde Leroux, Samuel Boidrin...

De nos jours, dans les Flandres, André Demester, jeune agriculteur, part pour la guerre dans un pays lointain.
Restée au pays, Barbe, la fille dont il est amoureux, lentement dépérit.

Aride, rêche, rugueux, austère...

Le cinéma de Bruno Dumont n'est certes pas un cinéma de la légereté ou de la joie de vivre...
On n'a jamais prétendu le contraire mais ce quatrième film, qui se présente comme une synthèse de ses oeuvres précédentes, le confirme.
Et de manière on ne peut plus sèche!

En équilibre instable mais constant entre l'abstraction de la partie "française" - dont les dialogues réduits à l'extrème renforcent la froideur - et le côté "sensationnel" des scènes de guerre, le film, radical mais d'une splendide simplicité, laisse le spectateur sans voix.
Néanmoins la moindre de ses qualités n'est certainement pas de ne jamais perdre son public en cours de route et ce malgré le jusqu'au-boutisme de la réalisation, du scénario et de l'interprétation.

Dumont nous montre à travers cette histoire violente et grave, horrible même, de par son sujet et une partie de son traitement, des blocs d'humanité comme on en voit peu et qui nous touchent singulièrement par leur innocence et par la manière dont celle-ci est parfois mise à l'épreuve.

La mise en scène, comme toujours sublime, oscillant entre Cinémascope (les Flandres) et 16mm ("l'étranger"), grisaille et soleil brûlant, s'étale en de majestueux plans-séquences presque hypnotiques pour mieux nous permettre de traverser cette "expérience", courte mais difficile, belle mais éprouvante.

Les acteurs non-professionnels crèvent quant à eux une nouvelle fois l'écran, en particulier la jeune Adélaïde Leroux dont la photogénie constitue presque une anomalie dans l'univers du cinéaste.

Tripal et rageur, désabusé, presque cynique, sans concession dans son approche très personnelle de la mise en images (pas d'effets, pas de musique, des mouvements de caméra réduits au strict minimum), Bruno Dumont nous offre une nouvelle fois une vision très sombre de l'Homme et de la société.
Jusqu'à ce qu'arrive une dernière partie une nouvelle fois très sobre mais cette fois - aussi - très chargée en émotion.

Une dernière partie dans laquelle éclate enfin l'humanité des personnages et dans laquelle se révèle l'un des propos du film: l'homme, seul, est un animal.

Pessimiste?
Oui.
Cohérent?
Aussi...

Côte: ***

mercredi 2 mai 2007




Silence en coulisses!

"Le Candidat" de Niels Arestrup (F); avec Yvan Attal, Stefania Rocca, Niels Arestrup, Sophie Broustal, Maurice Bénichou, Clotilde de Bayser, Guillaume Gallienne...

A quelques jours du second tour des élections présidentielles, Michel Dedieu se voit contraint de remplacer au pied levé le candidat de son parti que la maladie a forcé à se retirer.
Très impolpulaire auprès du public et des médias il n'a que peu de temps pour améliorer son image et renforcer ses arguments.
Il décide donc d'organiser un week-end de travail dans sa propriété.

Mou, mou, mou, mou, mou!
Voilà un petit film tout mou, tout terne et tout coincé du cucul...
On ne peut visiblement même pas accuser son auteur, le pourtant généralement appréciable Niels Arestrup, d'avoir voulu jouer de l'air du temps: il semblerait que ce "Candidat" soit un projet qui lui tenait à coeur depuis de nombreuses années et que seul son récent César du Meilleur Second Rôle (pour "De Battre mon Coeur s'est Arrêté") lui a permis de mener à bien.
Le fait qu'il sorte en plein milieu des véritables présidentielles françaises serait donc une pure coïncidence.

Mouais... On demande à voir.

Mais dans la mesure ou cela ne change rien ni à ses qualités ni à son succès public, après tout, on s'en moque!

Platement filmé et interprété de manière poussiéreuse par un bataillon d'acteur estampillés "Comédie Française" (ceci explique peut-être cela), "Le Candidat" ne parvient quasiment jamais à dépasser le stade d'une espèce de téléfilm de luxe grisâtre et mollasson.
La lourdeur banale de son scénario, déclinant une énième version du brave gars manipulé et qui finit par se rebéller, achève de plomber définitivement l'entreprise.

On savait les français peu à l'aise avec les films de genre (et le film politique en est un) mais cette incessante procession de clichetons à deux balles et cette vision ultra naïve de la "real politic" sont en quelque chose la démonstration ultime de leur inanité en la matière. Une sorte de preuve par neuf.
Quand on pense à ce que les amérikis auraient pu sortir d'un sujet pareil, à l'époque de la so-called "exception culturelle" c'est vraiment tendre le bâton pour se faire battre.

Alors qu'y a-t-il à sauver dans ce petit film fadasse au suspense digne d'un épisode de "Père et Maire" sous Tranxène?
Eh bien à part une ou deux scènes effectivement instructives sur les coulisses de la campagne présidentielle au cours desquelles ses conseillers coachent véritablement le candidat comme un sportif de haut niveau, malheureusement pas grand'chose...
Yvan Attal, très bien en espèce de clône de François Hollande.
Et puis surtout ces vieux briscards de Niels Arestrup et Maurice Bénichou, impeccables comme toujours, l'un en requin tirant les ficelles dans l'ombre, l'autre en gourou idéaliste et sacrifié.

Le reste est volatil et s'oublie aussitôt la dernière bobine déroulée...

Côte: *