mardi 13 mars 2007



Tumultes...

"Lady Chatterley"; de Pascale Ferran (F). Avec Marina Hands, Jean-Louis Coulloc'h, Hippolyte Girardot, Hélène Fillières, Bernard Verley...

Dans l'Angleterre de l'entre-deux Guerres, Lady Constance Chatterley s'ennuie dans son château isolé. Mal mariée à Sir Clifford, revenu du conflit infirme et impuissant, elle trompe la monotonie en se promenant dans les bois qui entourent la propriété.
C'est ainsi qu'elle fait la connaissance d'Oliver Parkin, le garde-chasse...

Et tout le monde connait la suite...

Un peu trop, d'ailleurs, ce qui a tendance, généralement, à enfermer les adaptations du roman de D.H. Lawrence dans le carcan de l'érotisme chic, voire du porno soft - la version avec Sylvia Kristel n'ayant rien fait pour arranger l'affaire, bien entendu...

Et pourtant, "Lady Chatterley" c'est tellement plus que ça...

Il faut savoir que Lawrence fût en son temps la cible des critiques et même de la censure.
Bien entendu à cause des scènes sexuelles explicites et de l'usage d'un langage considéré comme grossier, mais aussi parce que les relations entre une femme de la bourgeoisie et un homme issu de la classe ouvrière étaient on ne peut plus mal perçues par la société bien pensante de l'époque.

Pascale Ferran semble bien l'avoir compris et son film, très subtil bien qu'un peu trop cérébral, traduit de manière assez fidèle cet important sous-texte.

Tout en s'attachant bien entendu avant tout au tumulte des corps...

Les opinions de Lawrence sur la sexualité, la place de la femme dans la société, la virilité même (Parkin n'avoue-t-il pas ressentir en lui une part importante de féminité, laquelle a probablement participé à sa mise à l'écart de la société?) ainsi que ses points de vue sur la démocratie, l'industralisation, etc. sont là et bien là, derrière l'apparente simplicité de cette histoire d'amour naïve, presque enfantine...

Le naturalisme de la mise en scène, métaphore de l'éveil sensoriel des deux amants (qui, à part Terrence Malick, a déja filmé la nature comme ça?), l'importance des non-dits et des ellipses, la propension à prendre son temps dans le dévellopement des séquences et l'usage parcimonieux mais intelligent des dialogues renforcent cette impression de se trouver devant un tout concret et réfléchi.

Si on n'avait pas peur de l'emphase on pourrait même parler d' "oeuvre"! Ah ah!

Un "tout" fébrile et émouvant bien que quelque peu déforcé par le côté maniaque et parfois légèrement redondant du scénario, surtout au vu de la durée de l'engin (2h38, c'est quand même pas rien). La lenteur de la mise en place n'étant pas là pour arranger les choses, malheureusement.

Mais si "Lady Chatterley" finit par remporter l'adhésion c'est avant tout grâce à son interprète principale.

Gracile et fiévreuse face au massif Jean-Louis Coulloc'h (assez impressionant lui aussi, surtout lorsque l'on sait que c'est son premier "vrai rôle" au cinéma) Marina Hands porte littéralement le film, s'offrant - dans tous les sens du terme - avec une générosité et une énergie magnifique.

Par le biais de son interprétation littéralement à fleur de peau* elle transforme son personnage - le transcende presque - et le fait passer du statut d'aristocrate figée par les conventions à celui de femme moderne.

Rien que pour elle on en oublie les longueurs et on savoure le plaisir de se retrouver devant une oeuvre** exigeante et ambitieuse, certes, mais d'une maturité et d'une cohérence qui tranche avec la moyenne habituelle de la production cinématographique, surtout hexagonale.

Alors c'est lent, oui. C'est long, peut-être. Ca se mérite, sans doute...

Mais à la manière dont ça trotte en tête - et longtemps encore après la vision - le moins que l'on puisse dire c'est qu'on en est récompensé!

Et largement!


Côte: ***



(*Oui, bon...)
(**Ca y est, je l'ai dit!)

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