mardi 1 juin 2010


Born to be free !

"Mammuth" de Gustave Kervern et Benoît Delépine (F); avec Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Isabelle Adjani, Miss Ming, Benoît Poelvoorde, Anna Mouglalis...

Serge Pilardosse, la soixantaine, équarisseur serain, atteint l'âge de la retraite. Malheureusement, pour toucher celle-ci, il lui manque des points; certains de ses anciens employeurs ne l'ayant pas déclaré ou ne lui ayant pas fourni les papiers ad-hoc. Sous l'impulsion de sa femme, Catherine, il enfourche sa moto - une Mammut - et part à la recherche de ses fiches de paie disparues. Bientôt, alors que Serge est rattrapé par son passé, sa quête administrative se transforme en road-movie identitaire et initiatique...

Nos camarades grolandais Kervern et Delépine continuent donc avec ce quatrième opus à creuser opiniâtrement leur singulier sillon dans le paysage cinématographique français, y apportant pour le coup un vent de fraîcheur non négligeable, tant il est vrai que, pour imparfaits qu'ils soient, leurs films ne ressemblent à aucun autre...

Et c'est bien là la principale qualité et le principal intérêt que l'on peut trouver à leur travail: son originalité, son côté unique et farouchement hors des sentiers battus et rebattus d'un certain cinéma.

Mais cette singularité à tout crin finit aussi paradoxalement par déforcer le propos et par leur jouer des tours presques pendables...

Car, à force de vouloir à tout prix la carte du poétique et/ou déjanté, de l'anarchie chaotique et/ou du volatil éthéré, les deux compères, comme dans leur précédent effort - plus, beaucoup plus même que dans leur précédent effort ! - "Louise-Michel", quand même autrement tenu, finissent par accoucher d'une oeuvre qu ressemble plus à une succession de saynettes, voire de sketches (qui doivent sans doute encore beaucoup à Groland, d'ailleurs), forcément inégaux, qu'à un véritable film.

Oh, bien sûr, il y a une belle idée de départ, mais elle se délite progressivement dans un scénario malheureusement trop flou qui se construit de scène à climax en scène à climax.
Trop pour que l'on puisse dire qu'il tient entièrement la route, en tout cas.
Du coup, à partir d'un moment, le film se perd et se dilue dans une sorte d'athmosphère virant au "tout poétique" qui lui fait accuser un gros coup de blues et vrai coup de mou vers le milieu.

Reste alors le squelette, la structure primale, construite sur une accumulation de scènes dont certaines, malheureusement, tombent un peu à plat.

D'autres, bien entendu, sauvent la mise: certaines très drôles (l'entretien d'embauche avec Bouli, la scène du parlophone, le pot d'adieu, le dialogue avec Siné, le restaurant...), d'autres carrément anthologiques (la déjà célèbre scène de la branlette...), qui auront tôt fait de faire accéder "Mammuth" au statut de petit film-culte.

Le casting - impressionnant - est globalement impeccable avec, à son sommet, aussi monstrueux qu'impérial, un Depardieu magnifique, qu'on aura rarement vu aussi inspiré - tour à tour drôle et émouvant - qu'ici, surtout ces derniers temps...

A ses côtés, Yolande Moreau et Isabelle Adjani (dans un rôle épisodique mais primordial) sont tout aussi magistrales.

Les autres, de Nahon à Annegarn (et à l'exception notable de Poelvoorde et Mouglalis, au rôle quand même plus étoffé) se contentent de passer, à la limite du caméo.

La réalisation de Kervern et Delépine, moins freestyle que par le passé mais toujours caractérisée par ce "gros grain" qui lui sied si bien, finit de donner à cet atypique road-movie un cachet hors du commun, à la fois doux et rêche, rugueux et vaporeux.
Un cachet qui leur va bien.

Inégal et attachant, un bel OVNI qui à au moins le mérite de proposer quelque chose de neuf.

De neuf et de différent...

Oui, mais, voilà... Pour combien de temps encore?

Longtemps, j'espère ?

Ben oui, quand même, je crois qu'on espère tous.


Cote: ***

4 commentaires:

Nounet a dit…

"Casting impressionnant"... la Miss Ming, chais pas d'où elle sort, mais il faut être solide mentalement pour ne pas avoir irrésistiblement envie de se crever les yeux et les tympans après deux scènes.

Cartman a dit…

Elle est autiste, la pauvre...

Ce qui ne change rien à l'affaire, on est bien d'accord.

Fait exprès de ne pas revenir sur son "interprétation" pour ne pas m'en prendre sur les doigrs de la part des fans de Van Dormael qui rodent ici mais j'avoue que "j'ai eu dur", comme disait Stéphane Steeman...

Et quand je parle de "ventre mou au milieu du film", c'est un peu en gros à partir de son apparition, oui.

A noter que j'ai dit vaguement du bien d'Adjani, aussi. On ne sait jamais.

D'ici à ce que des fanatiques des papillons viennent mettre des cervelas avec une balle dedans dans ma boîte aux lettres, il n'y a qu'un pas...

Méfiance dans l'ambulance... Prudence...

Diplomatie...

Nounet a dit…

Bon, maintenant au moins je sais d'où elle sort.

Voilà, voilà.

Cartman a dit…

Et "doigts", donc...