Trois rabbins et une bar mitzvah.
"A Serious Man" d'Ethan et Joel Coen (USA); avec Michael Stuhlbarg, Richard Kind, Fred Melamed, Sari Lennick, Adam Arkin, Amy Landecker...
1967. Larry Gopnick est prof de physique dans une petite université du Midwest. Sa femme le trompe, veut le quitter pour un ami commun (le très sur de lui Sy Ableman) et exige qu'il déménage. Son fils, qui doit bientôt faire sa bar mitzvah, a des problèmes à l'école hébraïque et est persécuté par un camarade. Sa fille ne pense qu'à sortir et pique dans son portefeuille dans l'espoir de se faire refaire le nez. Des lettres anonymes empèchent sa titularisation. Un étudiant coréen essaye de le soudoyer. Et surtout, son frère inepte, perturbé et socialement inadapté squatte son salon sans sembler vouloir en bouger. Est-ce que trois rabbins consécutifs arriveront à résoudre ses problèmes et à donner un sens à sa vie ? Rien n'est mois sûr...
L'Etat de Grâce permanent !
Sérieux.
Quelle forme ils tiennent, ces derniers temps, les Coen !
Sans doute dopés par le succès mondial, public, critique et somme toute mérité de "No Country for Old Men" et sa moisson d'Oscar, revigorés de s'être, après cette lourde machinerie, ressourcés en renouant avec la comédie légère par le biais de "Burn After Reading", les voila qui enchaînent avec une apparente désinvolture et une facilité déconcertante avec un nouvel OVNI filmique et une nouvelle franche réussite en la "personne", si je puis dire, de ce "Serious Man" de toute haute facture.
Un truc à placer tout simplement dans le quatuor de tête de leur filmographie, aux côtés de de "Fargo", "No Country..." ou "The Big Lebowski" (allez, quintet, n'oublions pas "Barton Fink", quand même...)
Un brol d'une classe et d'une intelligence folle !
Un apparent "petit film", qui semble de prime abord ne rien raconter ou en tout cas pas grand chose , mais qui révèle bien vite des trésors cachés d'écriture, de discernement et de roublardise.
D'une finesse d'esprit et de mise en place qui laisse pantois et dont une palanquée d'autres feraient bien de tirer des leçons.
L'engin - à la mécanique à la fois diabolique et finement règlée - est basé sur deux principes aussi simples qu'efficaces (et implacablement tenus). Et avance avec une rigueur et un jusqu'au boutisme qui arriveraient presque à vous foutre la trouille.
D'abord, l'irréversible et douloureusement drôlatique descente aux Enfers de notre héros.
Qui, de Charybde en Scylla et de camion en bourriche, verse dans des abîmes de plus en plus insondables avec une logique pyramidale et terrifiante.
Laquelle, par son caractère tant kafkaïen que tragique (dans le sens grec du terme), fait autant rire - quoique douloureusement - qu'elle fait froid dans le dos.
D'autant que ses ravages se répandent paradoxalement dans l'entourage de Larry - sa femme, ses enfants, tou le monde sauf le frère par qui le scandale arrive - avec d'étonnants et jubilatoires effets de ricochets.
Ensuite, par un scénario et une mise en scène basés à la fois sur une technique de cuts-up elliptiques et sur une série de répétitions et de bégaiements tant narratifs que visuels qui enfoncent cruellement - mais oh combien efficacement ! - le clou de la malédiction et du bad karma.
Et finissent par faire quasiment prendre corps à la cauchemardesque impression d'étouffement qui gagne au cours du film non seulement les protagonistes mais carrément les spectateurs eux-mêmes.
Le tout - et ce n'est pas le moindre tour de force de "A Serious Man" - passant par une succession de situations et de dialogues tous plus hilarants les uns que les uns et empreints d'un vigoureux humour (juif, bien entendu).
Le sous-texte, où s'entrechoquent culture et religion, destin et hasard, responsabilité, perte de repères et passage à l'âge adulte, achève d'emporter le morceau avec un brio et une légèreté qui devraient donner vite fait des complexes et des frissons jaloux à certains récents adeptes du surlignage pachydermique (suivez mon regard ou "voir plus bas").
D'un côté pûrement formel, les frangins font preuve ici d'une maîtrise et d'une virtuosité - discrète, mais n'est-ce pas la plus belle ? - confondantes.
Rarement sans doute, jamais peut-être, un film des frères Coen n'a fait preuve d'autant de souple et admirable maestria technique.
Ce qui, on l'admettra, n'est vraiment pas peu dire.
Avec une sobriété mais aussi un sens du cadre et du montage qui sentent bon l'acharnement, la rigueur et la maturité - voir, à ce sujet, l'hilarante et magnifique scène du toit - Ethan et Joel Coen signent probablement ici leur film le plus aboutit et formellement signifiant.
Pour le reste, on l'a assez dit, après quelques années passées à tutoyer les vedettes (de Tom Hanks à George Clooney en passant par Brad Pitt, John Malkovich ou Tommy Lee Jones), la fratrie se paye ici le luxe d'un film sans stars, qui se nourrit de leur notoriété - évidemment ! - mais tente également la gageure de fonctionner, et c'est rare dans le cinéma américain, sur ses qualités intrisèques, sans se reposer uniquement sur son générique.
Pour autant, l'interprétation ne doit pas être mise de côté, que du contraire, évidemment. Son apparent anonymat permettant de mieux se concentrer sur sa globale excellence.
Au premier rang de laquelle* nous trouvons une véritable révélation, n'ayons pas peur des mots (d'ailleurs, est-ce notre genre ?) en la personne de l'excellent, drôlissime et tourmenté Michael Stuhlbarg.
Ses partenaires, de Richard "Spin City" Kind à Fred Melamed (un habitué des films de Woody Allen. Tiens, tiens...) sont eux aussi on ne peut plus la hauteur, achevant de donner à l'ensemble une cohérence et une aura de maîtrise générale qui, ne serait-ce la générosité du bazar, pourrait verser sur le film le vernis incidieux d'une froideur sournoise.
Il n'en est évidemment rien, "A Serious Man" se dégustant que du contraire comme une pâtisserie à la fois suave et douce-amère.
En attendant la prochaine livraison de la Maison Coen: un remake de "Cent Dollars pour un Shériff" avec des stars (Jeff Bridges, Matt Damon, Josh Brolin...)...
"A Serious Man" d'Ethan et Joel Coen (USA); avec Michael Stuhlbarg, Richard Kind, Fred Melamed, Sari Lennick, Adam Arkin, Amy Landecker...
1967. Larry Gopnick est prof de physique dans une petite université du Midwest. Sa femme le trompe, veut le quitter pour un ami commun (le très sur de lui Sy Ableman) et exige qu'il déménage. Son fils, qui doit bientôt faire sa bar mitzvah, a des problèmes à l'école hébraïque et est persécuté par un camarade. Sa fille ne pense qu'à sortir et pique dans son portefeuille dans l'espoir de se faire refaire le nez. Des lettres anonymes empèchent sa titularisation. Un étudiant coréen essaye de le soudoyer. Et surtout, son frère inepte, perturbé et socialement inadapté squatte son salon sans sembler vouloir en bouger. Est-ce que trois rabbins consécutifs arriveront à résoudre ses problèmes et à donner un sens à sa vie ? Rien n'est mois sûr...
L'Etat de Grâce permanent !
Sérieux.
Quelle forme ils tiennent, ces derniers temps, les Coen !
Sans doute dopés par le succès mondial, public, critique et somme toute mérité de "No Country for Old Men" et sa moisson d'Oscar, revigorés de s'être, après cette lourde machinerie, ressourcés en renouant avec la comédie légère par le biais de "Burn After Reading", les voila qui enchaînent avec une apparente désinvolture et une facilité déconcertante avec un nouvel OVNI filmique et une nouvelle franche réussite en la "personne", si je puis dire, de ce "Serious Man" de toute haute facture.
Un truc à placer tout simplement dans le quatuor de tête de leur filmographie, aux côtés de de "Fargo", "No Country..." ou "The Big Lebowski" (allez, quintet, n'oublions pas "Barton Fink", quand même...)
Un brol d'une classe et d'une intelligence folle !
Un apparent "petit film", qui semble de prime abord ne rien raconter ou en tout cas pas grand chose , mais qui révèle bien vite des trésors cachés d'écriture, de discernement et de roublardise.
D'une finesse d'esprit et de mise en place qui laisse pantois et dont une palanquée d'autres feraient bien de tirer des leçons.
L'engin - à la mécanique à la fois diabolique et finement règlée - est basé sur deux principes aussi simples qu'efficaces (et implacablement tenus). Et avance avec une rigueur et un jusqu'au boutisme qui arriveraient presque à vous foutre la trouille.
D'abord, l'irréversible et douloureusement drôlatique descente aux Enfers de notre héros.
Qui, de Charybde en Scylla et de camion en bourriche, verse dans des abîmes de plus en plus insondables avec une logique pyramidale et terrifiante.
Laquelle, par son caractère tant kafkaïen que tragique (dans le sens grec du terme), fait autant rire - quoique douloureusement - qu'elle fait froid dans le dos.
D'autant que ses ravages se répandent paradoxalement dans l'entourage de Larry - sa femme, ses enfants, tou le monde sauf le frère par qui le scandale arrive - avec d'étonnants et jubilatoires effets de ricochets.
Ensuite, par un scénario et une mise en scène basés à la fois sur une technique de cuts-up elliptiques et sur une série de répétitions et de bégaiements tant narratifs que visuels qui enfoncent cruellement - mais oh combien efficacement ! - le clou de la malédiction et du bad karma.
Et finissent par faire quasiment prendre corps à la cauchemardesque impression d'étouffement qui gagne au cours du film non seulement les protagonistes mais carrément les spectateurs eux-mêmes.
Le tout - et ce n'est pas le moindre tour de force de "A Serious Man" - passant par une succession de situations et de dialogues tous plus hilarants les uns que les uns et empreints d'un vigoureux humour (juif, bien entendu).
Le sous-texte, où s'entrechoquent culture et religion, destin et hasard, responsabilité, perte de repères et passage à l'âge adulte, achève d'emporter le morceau avec un brio et une légèreté qui devraient donner vite fait des complexes et des frissons jaloux à certains récents adeptes du surlignage pachydermique (suivez mon regard ou "voir plus bas").
D'un côté pûrement formel, les frangins font preuve ici d'une maîtrise et d'une virtuosité - discrète, mais n'est-ce pas la plus belle ? - confondantes.
Rarement sans doute, jamais peut-être, un film des frères Coen n'a fait preuve d'autant de souple et admirable maestria technique.
Ce qui, on l'admettra, n'est vraiment pas peu dire.
Avec une sobriété mais aussi un sens du cadre et du montage qui sentent bon l'acharnement, la rigueur et la maturité - voir, à ce sujet, l'hilarante et magnifique scène du toit - Ethan et Joel Coen signent probablement ici leur film le plus aboutit et formellement signifiant.
Pour le reste, on l'a assez dit, après quelques années passées à tutoyer les vedettes (de Tom Hanks à George Clooney en passant par Brad Pitt, John Malkovich ou Tommy Lee Jones), la fratrie se paye ici le luxe d'un film sans stars, qui se nourrit de leur notoriété - évidemment ! - mais tente également la gageure de fonctionner, et c'est rare dans le cinéma américain, sur ses qualités intrisèques, sans se reposer uniquement sur son générique.
Pour autant, l'interprétation ne doit pas être mise de côté, que du contraire, évidemment. Son apparent anonymat permettant de mieux se concentrer sur sa globale excellence.
Au premier rang de laquelle* nous trouvons une véritable révélation, n'ayons pas peur des mots (d'ailleurs, est-ce notre genre ?) en la personne de l'excellent, drôlissime et tourmenté Michael Stuhlbarg.
Ses partenaires, de Richard "Spin City" Kind à Fred Melamed (un habitué des films de Woody Allen. Tiens, tiens...) sont eux aussi on ne peut plus la hauteur, achevant de donner à l'ensemble une cohérence et une aura de maîtrise générale qui, ne serait-ce la générosité du bazar, pourrait verser sur le film le vernis incidieux d'une froideur sournoise.
Il n'en est évidemment rien, "A Serious Man" se dégustant que du contraire comme une pâtisserie à la fois suave et douce-amère.
En attendant la prochaine livraison de la Maison Coen: un remake de "Cent Dollars pour un Shériff" avec des stars (Jeff Bridges, Matt Damon, Josh Brolin...)...
Ces gens-là sont décidément pleins de ressources.
Et jamais là où on les attends.
Cote: ****
Et jamais là où on les attends.
Cote: ****
(* L'interprétation? L'excellence? Allez savoir, j'ai perdu le fil)
7 commentaires:
J'ai redit du mal du Van Dormael. Je vais encore me faire engueuler.
Enfin, c'est subliminal. Faut cliquer sur un lien.
Je ne crois pas que le fan-club cérébrolésé du Lelouch belge soit capable de voir jusque là.
Et même s'il en est capable, je lui chie sur la tête.
Après tout.
Je parle tout seul, c'est merveilleux.
En effet !
José M.
On dit pas "certement" ?
Ca dépend fort du contexte
José
Je suis moins convaincue que toi. (au sujet du film)
En sortant de la salle, j'avais justement le sentiment d'avoir vu un film, certes bien torché, mais pas vraiment original.
Mais j'attends avec impatience le retour du trio Bridges-Cohen.
Rakaï (mais c'est qui cette sofie ?)
Tu fais bien de signer, ordure !
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